Introduction
Le traitement à long terme avec des agents antiépilep-
tiques est une réalité incontournable pour la majorité
des patients atteints d’épilepsie. Un seul antiépilep-
tique suffit habituellement pour maîtriser efficace-
ment les manifestations cliniques de l’épilepsie.
Malheureusement, une certaine proportion des
patients aura besoin de recevoir un régime composé de
multiples antiépileptiques. En plus, la polythérapie
peut être nécessaire pour traiter une maladie concomi-
tante1. Les interactions pharmacocinétiques entre les
antiépileptiques représentent un problème clinique.
La plupart des interactions pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques impliquent la modification du
métabolisme du médicament. La propension des
antiépileptiques à causer des interactions dépend de
leurs caractéristiques métaboliques et de leur action
sur les systèmes enzymatiques2. La variabilité de la
maîtrise de l’épilepsie a deux sources. D’une part, des
patients qui ont une épilepsie en apparence identique
peuvent réagir différemment à une même concentra-
tion plasmatique. D’autre part, les nombreuses
différences inter et intra patients amènent une grande
variabilité de la réponse aux antiépileptiques. Des fac-
teurs tels que la génétique, l’environnement, le régime
alimentaire, l’état de santé, la médication concomi-
tante, le sexe et l’âge exercent des effets cliniquement
significatifs sur la pharmacocinétique3. Les variabilités
pharmacocinétiques rendent difficiles l’obtention et le
maintien des concentrations sériques cibles et elles
peuvent affecter la maîtrise des convulsions ou exposer
le patient à des effets indésirables2,3. La mesure sélec-
tive des concentrations sériques des antiépileptiques,
associée à une bonne connaissance de la pharma-
cocinétique et des interactions des antiépileptiques,
permettent au clinicien de débuter et de maintenir
plus efficacement le traitement3. Cette revue portera
sur les antiépileptiques de première génération (la
phénytoïne, la carbamazépine, l’éthosuximide, le
phénobarbital, la primidone et l’acide valproïque)
ainsi que sur les nouveaux agents (la gabapentine, la
lamotrigine, le topiramate, le vigabatrin, la tiagabine,
la fosphénytoïne, l’oxcarbazépine, le lévétiracetam, la
prégabaline et le zonisamide). La plupart de ces
médicaments sont accessibles ailleurs dans le monde.
Le vigabatrin n’est pas approuvé aux États-Unis. Le
zonisamide est offert depuis 10 ans en Europe, au
Japon ainsi qu’aux États-Unis et l’oxcarbazépine est
offerte depuis plusieurs années en Europe et récem-
ment au Canada4.
Principes des interactions médicamenteuses
Dans plusieurs circonstances, les interactions médica-
menteuses sont compliquées et problématiques. Par
exemple, les interactions impliquant les métabolites
actifs de deux molécules administrées en concomi-
tance ne sont pas toujours évidentes si la concentra-
tion sérique des métabolites n’est pas cliniquement
mesurable. Il n’est pas courant de surveiller les concen-
trations plasmatiques du métabolite. Aussi, l’ignorance
de l’interaction ou l’impossibilité d’effectuer la surveil-
lance de la concentration sanguine du métabolite peu-
vent conduire à des interventions inadéquates. On
observe ce type d’interaction problématique entre
autres avec la carbamazépine-époxyde, le métabolite
pharmacologiquement actif de la carbamazépine1. On
Québec Pharmacie vol. 52, no4, avril 2005 241
Texte rédigé par
Josée Delisle,
B. Pharm., M. Sc.,
Hôpital de l’Enfant-
Jésus.
Texte original soumis
le 15 novembre 2004.
Texte final remis
le 25 janvier 2005.
Révision :
Richard Desbiens,
MD, FRCPC,
professeur adjoint
et directeur du
programme de
neurologie, Université
Laval, membre du
service de neurologie,
CHAUQ;
et Stéphanie Caron,
B. Pharm. M. Sc.
les pages BLEUES
Épilepsie : pharmacocinétique et
interactions (2epartie)
Les interactions médicamenteuses entre les antiépileptiques sont fréquentes. Ces interactions
sont de deux types : pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. Les interactions pharma-
cocinétiques sont les plus fréquentes, mais il n’en demeure pas moins qu’il est indispensable
de connaître les interactions pharmacodynamiques. Les interactions pharmacocinétiques les
plus importantes sont celles qui impliquent les isoenzymes du cytochrome P450. Parmi les
antiépileptiques traditionnels, la carbamazépine, la phénytoïne, le phénobarbital et la primi-
done induisent le métabolisme de plusieurs antiépileptiques. À l’inverse, les nouveaux agents
antiépileptiques, tels que la gabapentine, la lamotrigine, le lévétiracetam, la prégabaline, la
tiagabine, le topiramate, le vigabatrin et le zonisamide n’ont pas d’effet inducteur sur les autres
antiépileptiques. Dans cette deuxième partie, nous discuterons brièvement des principes de
base des interactions ainsi que de la pharmacocinétique des antiépileptiques. Nous mettrons
également en lumière plusieurs interactions significatives entre les différents anti-
épileptiques. La compréhension des principes fondamentaux qui contribuent aux interactions
médicamenteuses peut aider le clinicien à anticiper une réponse thérapeutique et aidera au
mieux-être du patient épileptique.
peut diviser les interactions en deux groupes. Les
interactions pharmacocinétiques sont associées à un
changement de la concentration sanguine de chaque
médicament ou de leur(s) métabolite(s) ou des
deux1,5,6. Les interactions pharmacodynamiques se
produisent au niveau du site d’action du médicament
et font varier l’efficacité ou la toxicité d’autres médica-
ments sans affecter leur concentration plasma-
tique1,3,6,7.
Interactions pharmacocinétiques
Les interactions pharmacocinétiques peuvent survenir
à n’importe quelle étape de la disposition du médica-
ment, c’est-à-dire durant l’absorption, la distribution,
le métabolisme ou l’excrétion. Elles sont associées à
des changements de la concentration sanguine du
médicament dans le compartiment périphérique et
central1,3,8,9. Les interactions pharmacocinétiques les
plus significatives médicalement sont les interactions
métaboliques. Les meilleurs exemples en sont l’inhibi-
tion et l’induction du système hépatique d’enzymes du
cytochrome P450. L’induction implique la synthèse de
nouvelles enzymes et exige la synthèse de protéines.
Avec ce type d’interaction, plusieurs jours peuvent
s’écouler avant que l’induction soit complète et que
l’on observe un métabolisme accru du médicament,
des concentrations plasmatiques réduites et un effet
pharmacologique atténué (si aucun métabolite actif
n’est présent). Le processus s’inverse au moment où
l’inducteur est retiré avec une augmentation des
concentrations plasmatiques du médicament et, par
conséquent, un potentiel accru d’effets indésirables et
même toxiques. L’inhibition, elle, résulte d’une com-
pétition des antiépileptiques pour les mêmes enzymes
métaboliques au niveau du foie. La concentration
plasmatique de l’antiépileptique affecté est augmentée
et une réduction de la dose peut être nécessaire afin
d’éviter des effets toxiques. Un nouvel état d’équilibre
est atteint entre quatre à six demi-vies après l’introduc-
tion de l’inhibiteur. La potentialisation pharma-
cologique apparaît rapidement si l’antiépileptique a
une demi-vie courte et lentement s’il a une demi-vie
longue. On observera une potentialisation minimale
après 4 jours pour la carbamazépine, 12 jours pour
l’éthosuximide, 14 jours pour la phénytoïne, 20 jours
pour le phénobarbital, 5 jours pour la lamotrigine et
3 jours pour l’acide valproïque10. Lorsque l’inhibiteur
est retiré, la concentration plasmatique de l’antiépilep-
tique affecté diminue et on peut augmenter la dose. La
comparaison des nouveaux antiépileptiques avec les
agents traditionnels montre un contraste évident : les
interactions pharmacocinétiques basées sur l’induc-
tion de la biotransformation hépatique sont com-
munes avec les anciens antiépileptiques (la carba-
mazépine, le phénobarbital, la phénytoïne), mais elles
ont été largement évitées par la mise au point des nou-
veaux antiépileptiques9. Il est important de compren-
dre ces processus afin d’utiliser les antiépileptiques de
manière optimale et d’évaluer les facteurs qui influen-
cent leurs concentrations plasmatiques11.
Absorption et disponibilité
Les interactions médicamenteuses avec les antiépilep-
tiques se produisent rarement pendant l’absorption,
toutefois on sait que les antiacides non systémiques
réduisent l’absorption de plusieurs d’entre eux (p. ex. :
la phénytoïne, le phénobarbital, la carbamazépine et la
gabapentine) en diminuant l’acidité de l’estomac et
aussi par la formation de complexes insolubles1,9. Le
sucralfate et les gavages administrés via le tube naso-
gastrique peuvent affecter l’absorption de la phény-
toïne, entraînant une diminution des concentrations
sériques. On propose aussi l’hypothèse de la liaison
aux parois du tube de gavage8,11,12. La dissolution et
l’absorption sont influencées par la formule médica-
menteuse utilisée, la grosseur du grain, la sorte
d’excipient, la voie d’administration, la nourriture, la
relation temporelle entre les repas et la prise de
l’antiépileptique ainsi que les troubles du tractus
digestif5. Il est préférable de surveiller les niveaux
sériques avant et après chaque changement de for-
mule5,13. La biodisponibilité biologique de la plupart
des antiépileptiques est linéaire. L’exception est la
gabapentine, pour laquelle l’absorption, chez beau-
coup de patients, diminue progressivement avec des
doses dépassant 600 mg trois fois par jour. C’est
probablement en raison d’une capacité saturable de
l’intestin (système de transport d’acides aminés)14.
Distribution
Ce que l’on doit considérer principalement dans la
distribution d’un médicament est le degré de liaison
aux protéines, qui affecte la pénétration au cerveau
aussi bien que les interactions avec d’autres médica-
ments8,14. En termes quantitatifs, ces interactions sont
peu significatives pour les médicaments liés à 70 % ou
moins aux protéines plasmatiques, mais elles peuvent
être importantes pour ceux qui sont liés à 90 % ou
plus. La phénytoïne, l’acide valproïque et la tiagabine
font partie de cette catégorie1,8,14. Une petite réduction
de la proportion liée produit une grande augmenta-
tion transitoire de la concentration libre9. Comme la
fraction libre du médicament augmente, la clairance
systémique totale augmente et il se produit une
diminution de la concentration totale du médica-
ment1. Les implications du déplacement au niveau des
protéines sont souvent mal comprises. En effet, c’est
uniquement la fraction libre du médicament qui est en
équilibre avec les sites du récepteur et qui croise la bar-
rière hématoméningée pour exercer l’action pharma-
cologique désirée8,14. En présence d’interactions reliées
aux liaisons protéiques, les effets thérapeutiques et
toxiques peuvent apparaître avec des concentrations
plasmatiques faibles du médicament. Il devient alors
242 Québec Pharmacie vol. 52, no4, avril 2005
les pages BLEUES
Les interactions
pharmacociné-
tiques les plus
significatives
médicalement
sont les
interactions
métaboliques.
intéressant de surveiller la concentration sérique du
médicament libre8. Le plus souvent, les concentrations
sériques mesurées correspondent à celles du médica-
ment total. Cette mesure fournit des informations
fallacieuses sur l’activité biologique du médicament
pour lequel le rapport entre la fraction libre et la frac-
tion liée a été changé14.
Élimination
Les médicaments qui sont éliminés par voie rénale sous
forme inchangée sont plus susceptibles d’être affectés
lors du processus d’excrétion, particulièrement lorsque
l’élimination implique des mécanismes de transport
actif ou lorsque l’état ionisé de la médication est haute-
ment sensible au changement de pH. Les agents qui
causent une alcalinisation de l’urine augmentent
l’élimination du phénobarbital en réduisant la réab-
sorption de l’acide au niveau tubulaire rénal. Cela peut
expliquer la gravité de certains cas d’intoxication aux
barbituriques. Il n’y a pas d’autre exemple d’interac-
tions majeures dues à des changements au niveau de
l’excrétion rénale des antiépileptiques1,8.
Métabolisme
La voie d’élimination d’un agent antiépileptique
influence les interactions que ce dernier engendrera
avec d’autres médicaments et des modifications poso-
logiques pourront s’avérer nécessaires en présence de
dysfonction d’organe. En général, l’excrétion rénale
sans métabolisme hépatique est le mode d’élimina-
tion le plus souhaitable. Lorsque c’est le cas, les inter-
actions médicamenteuses sont minimisées et l’effet
des ajustements de dose sont plus prévisibles parce
qu’ils sont basés sur le taux de clairance rénale plutôt
que sur les propriétés hépatiques, qui sont difficile-
ment quantifiables. La plupart des antiépileptiques
sont métabolisés par le foie4. Le lévétiracetam, la
gabapentine et le vigabatrin constituent des excep-
tions, car ils sont excrétés presque exclusivement par
les reins14. Le topiramate et le zonisamide, quant à
eux, sont éliminés par les voies rénale et hépatique.
Dans certains cas, les métabolites peuvent avoir des
propriétés antiépileptiques ou même représenter le
composé antiépileptique primaire (p. ex., l’oxcar-
bazépine), compliquant ainsi l’interprétation de la
pharmacocinétique. Il y a également la possibilité
qu’un métabolite provoque une toxicité, laquelle sera
non attribuable au composé primaire. En outre, les
voies métaboliques hépatiques sont influencées quan-
titativement entre individus en raison de facteurs
génétiques, ce qui peut faire varier le seuil de toxicité
d’un médicament d’une personne à l’autre. Les varia-
tions de la liaison aux protéines ainsi que l’adminis-
tration concomitante d’inducteurs ou d’inhibiteurs
des enzymes hépatiques influent également sur le
métabolisme du médicament et sa concentration
plasmatique11.
Interactions pharmacodynamiques
Les interactions pharmacodynamiques peuvent pren-
dre place directement au site d’action du médicament
(effet synergique ou antagoniste au récepteur cible) ou
elles peuvent être indirectes en interférant avec d’autres
mécanismes physiologiques, ce qui crée une modifica-
tion de l’effet pharmacologique sans toutefois changer
les concentrations du médicament dans le plasma ou
dans le système nerveux central1,8. Une interaction
pharmacodynamique peut être utile lorsque l’efficacité
est additive et en l’absence de toxicité1. Par exemple,
chez plusieurs personnes, l’association de lamotrigine
et d’acide valproïque semble avoir une plus grande effi-
cacité thérapeutique que l’acide valproïque seul9. On a
rapporté une augmentation de l’efficacité clinique lors
de la coadministration de certaines associations d’anti-
épileptiques (tiagabine et vigabatrin, vigabatrin et
lamotrigine, lamotrigine et topiramate, acide valproïque
et lamotrigine, carbamazépine et acide valproïque,
carbamazépine et vigabatrin, lamotrigine et vigabatrin,
lamotrigine et topiramate ainsi que lamotrigine et
gabapentine)1,8. L’association d’antiépileptiques possédant
des mécanismes d’action différents semble être pharma-
codynamiquement plus avantageuse que l’association
d’agents ayant les mêmes mécanismes. Malheu-
reusement, notre compréhension des modes d’action
individuels des médicaments est insuffisante pour per-
mettre une telle approche dans le traitement de l’épi-
lepsie. Les interactions pharmacodynamiques indési-
rables des antiépileptiques sont également possibles.
Lorsqu’une polythérapie est utilisée, les effets neuro-
toxiques peuvent être additifs sans l’obtention d’un gain
appréciable au niveau de la maîtrise de l’épilepsie (la car-
bamazépine avec l’oxcarbazépine ou avec la lamotrigine).
Dans cette situation, l’avantage de réduire la dose est
clairement documenté8. Les interactions pharmaco-
dynamiques sont plus difficiles à identifier et à quanti-
fier que les interactions pharmacocinétiques1,11. On les
découvre souvent par défaut lorsque la possibilité d’une
interaction pharmacocinétique a été écartée1.
Relation entre les niveaux sanguins
On doit effectuer un dosage chaque fois qu’il y a modi-
fication de la posologie, présence de crises non
maîtrisées, de crises récurrentes, de signes cliniques
d’intoxication, d’un problème d’adhérence au traite-
ment, d’un changement de dose ou de médica-
ments11,15,16. L’intérêt de cette surveillance est quadruple :
ajustement posologique, compréhension des interac-
tions, limitation des effets indésirables et vérification
de l’adhérence au traitement15,17. Il existe par contre des
limites à ce dosage. En effet, les paramètres pharma-
cocinétiques qui sont déterminés au niveau du sang ne
reflètent pas la réalité de ce qui se passe dans le compar-
timent central (système nerveux central). De plus, seule
la molécule mère est dosée, alors que les métabolites
peuvent être actifs ou toxiques. La relation entre la con-
Épilepsie : pharmacocinétique et interactions (2epartie)
Québec Pharmacie vol. 52, no4, avril 2005 243
De tous les
antiépileptiques,
la phénytoïne
est l’agent qui
entraîne
le plus
d’interactions
médica-
menteuses.
244 Québec Pharmacie vol. 52, no4, avril 2005
les pages BLEUES
centration plasmatique et l’activité biologique est sou-
vent complexe. Le dosage de la forme libre du médica-
ment est a priori plus explicite15. La surveillance des
concentrations plasmatiques est un outil établi dans
l’optimisation de la dose des antiépileptiques tradi-
tionnels, particulièrement la phénytoïne. En ce qui
concerne les nouveaux antiépileptiques, la relation
entre la concentration plasmatique et la réponse clini-
que n’est pas aussi bien établie et il n’y a pas d’indica-
tion claire à effectuer le suivi des niveaux plasma-
tiques17. Chez les patients épileptiques, la réponse au
traitement et l’absence d’effets indésirables significatifs
sont des paramètres plus importants que la concentra-
tion plasmatique pour déterminer la dose optimale du
médicament. En effet, la marge thérapeutique peut
varier grandement d’une personne à l’autre. Les con-
centrations thérapeutiques des antiépileptiques seront
davantage déterminées selon l’expérience clinique
plutôt que sur la base des données théoriques11.
Pharmacocinétique des antiépileptiques
La carbamazépine, l’acide valproïque et la phénytoïne
ont une pharmacocinétique non linéaire1. À l’inverse,
la plupart des nouveaux antiépileptiques tels que la
lamotrigine, le lévétiracetam, l’oxcarbazépine, la
tiagabine et le topiramate ont des propriétés pharma-
cocinétiques linéaires, à l’exception du zonisamide qui
s’associe à une saturation cinétique, à tout le moins
chez quelques patients (voir figure 1)1,3,6,17-19. De tous les
nouveaux antiépileptiques, seule la gabapentine mon-
tre une pharmacocinétique non linéaire, en rapport
avec une absorption intestinale dépendante d’un sys-
tème de transport actif, ce qui résulte en une absorp-
tion saturable et en une biodisponibilité orale réduite,
à mesure que la dose augmente17. Plusieurs agents de
deuxième génération (p. ex., le vigabatrin, le lévétira-
cetam et la gabapentine) ne sont pas métabolisés et/ou
sont éliminés par voie rénale, résultant en des pro-
priétés pharmacocinétiques moins variables et en un
potentiel moindre d’interactions médicamenteuses.
De plus, plusieurs agents de la seconde génération
(p. ex., la lamotrigine, le lévétiracetam, la gabapentine
et le vigabatrin) n’induisent ou n’inhibent pas les
enzymes hépatiques impliquées dans le métabolisme
médicamenteux1. Le tableau I présente un sommaire
des principales caractéristiques pharmacocinétiques
des antiépileptiques1,3,7,11,12,14-17,19-21.
Antiépileptiques traditionnels
Acide valproïque (DepakeneMD) / Divalproex de
sodium (EpivalMD)
L’acide valproïque est métabolisé par le foie. On a
identifié au moins une dizaine de ses métabolites.
Plusieurs d’entre eux ont une faible activité anticon-
vulsivante et certains peuvent être responsables des
effets indésirables, particulièrement le 4-ene-acide
valproïque au niveau du foie (hépatotoxicité). La for-
mation de ce métabolite est augmentée lorsque
l’acide valproïque est administré avec un inducteur
enzymatique22. La cinétique de l’acide valproïque est
non linéaire puisque les sites de liaison sont
saturables : une augmentation de la dose entraîne
une augmentation de la fraction libre ainsi que de la
concentration plasmatique totale1,3,6,11,22. La surveil-
lance des concentrations plasmatiques libres est
préférable en présence de concentration élevée
puisque sa clairance augmente lors de cette situation.
Les antiépileptiques qui sont fortement liés aux
protéines peuvent déplacer l’acide valproïque de ses
sites de liaison. L’acide valproïque inhibe fortement
le métabolisme de la lamotrigine et il inhibe légère-
ment celui de la tiagabine et du zonisamide14.
Cas no.1
A. D. est une femme âgée de 35 ans. Elle souffre d’épilepsie depuis peu. Elle
reçoit depuis six semaines de la carbamazépine CR à raison de 400 mg deux
fois par jour. Une semaine après l’initiation de cette dose, la concentration
sérique de la carbamazépine juste avant la première dose de la journée était
de 30 mcmol/L (17-34 mcmol/L). Aucune crise n’a eu lieu pendant les quatre
premières semaines de traitement et la patiente tolérait bien sa médication.
Cependant, depuis quelque temps, elle a recommencé à faire des crises, et ce,
à raison de une fois par semaine. Elle se présente à votre pharmacie. Elle est
très inquiète et ne comprend pas pourquoi elle fait des crises. Elle vous
demande votre avis. D’après son dossier, elle est fidèle au traitement, il n’y a
pas d’interaction médicamenteuse et elle ne consomme pas de médicaments
en vente libre, sauf de l’acétaminophène à l’occasion. Que lui conseillez-vous ?
Figure 1 : Pharmacocinétique des antiépileptiques3,6,18,19
Concentration sérique
A : Pharmacocinétique non linéaire (type Michaelis Menten) :
PHT, ZNS : Clairance diminue lorsque la dose augmente
B : Pharmacocinétique linéaire :
PB, VPA libre, ETS, LEV, OXC, PGB, PRM, VGB, TGB, TPM et ZNS : Clairance demeure
constante lorsque la dose augmente
C : Pharmacocinétique non linéaire :
CBZ, LTG, VPA total : Clairance augmente lorsque la dose augmente
GBP : Absorption diminue avec l’augmentation de la dose
Légende : PB : phénobarbital, PHT : phénytoïne, PRM : primidone,
ETS : éthosuximide, CBZ : carbamazépine, VPA : acide valproïque, OXC : oxcarbazépine, LTG :
lamotrigine, GBP : gabapentine, TPM : topiramate, TGB : tiagabine, LEV : lévétiracetam,
ZNS : zonisamide, VGB : vigabatrin et PGB : prégabaline.
Dose journalière
AB
C
Carbamazépine (TegretolMD)
Elle est métabolisée primairement par le cytochrome
P450 3A414,22,23. La voie métabolique majeure est
l’époxydation en carbamazépine 10, 11-époxyde et
l’hydrolyse en carbamazépine 10, 11-trans-dihydro-
diol3,11,14. L’époxyde pourrait être responsable d’une
partie de son efficacité et de sa toxicité11,12. La carba-
mazépine et son métabolite actif expliquent un certain
nombre d’interactions significatives en clinique, car
plusieurs antiépileptiques inhibent ou induisent le
cytochrome P450 3A4 et l’hydrolase époxyde3. La
concentration plasmatique de l’époxyde peut changer
sans faire varier la concentration plasmatique totale22.
La carbamazépine induit son propre métabolisme. On
observe donc une augmentation de sa clairance et une
diminution des niveaux sériques, la demi-vie sérique
diminuant de 50 % durant les premières semaines de
traitement14,24. Les phénomènes d’auto-induction
débutent trois à cinq jours après le début du traite-
ment et ils se stabilisent après 21 à 28 jours6,12,21. À ce
stade, il peut être nécessaire d’augmenter la dose afin
de maintenir une maîtrise adéquate des crises convul-
sives11. Puisque l’efficacité et les effets indésirables sont
dépendants de la concentration, les interactions
médicamenteuses avec la carbamazépine sont souvent
significatives22. Les concentrations plasmatiques de la
carbamazépine peuvent diminuer lors de l’administra-
tion concomitante de celle-ci avec d’autres antiépilep-
tiques inducteurs. L’effet de la carbamazépine sur la
clairance des autres antiépileptiques est variable11.
À titre d’exemple, la clairance de l’éthosuximide aug-
mente significativement après 10 jours de traitement par
la carbamazépine et sa demi-vie s’en trouve diminuée22,24.
Éthosuximide (ZarontinMD)
Cette molécule est intensivement métabolisée, mais
ses métabolites sont inactifs22. Elle a peu d’interactions
avec les autres antiépileptiques et celles-ci sont
généralement mineures puisque la liaison aux pro-
téines est négligeable11,18,25. Il y a augmentation de sa
clairance lors de l’administration concomitante avec
un antiépileptique inducteur11.
Phénobarbital et primidone (MysolineMD)
Le phénobarbital est métabolisé par le foie et son
métabolite est inactif3. La primidone est convertie
rapidement en phényléthylmalonamide (PEMA) et
plus lentement en phénobarbital6,24. L’action principale
provient du dérivé phénobarbital. L’effet clinique de la
primidone ou PEMA est inconnu et controversé. Le
phénobarbital est un inducteur puissant des enzymes
hépatiques. Il est affecté par les inducteurs enzyma-
tiques et peut, comme la carbamazépine, induire son
propre métabolisme. Le phénobarbital peut également
augmenter l’élimination des antiépileptiques métabo-
lisés par le cytochrome P450 et l’uridine diphosphate
glucuronosyltransférase (UGT)6. Son interaction avec
la phénytoïne produit des résultats variables, alors que
son élimination est réduite par l’acide valproïque6,11,22.
Les interactions de la primidone sont similaires à celles
décrites avec le phénobarbital22. Les niveaux plasma-
tiques de la primidone sont utiles pour surveiller son
efficacité6. Toutefois, plusieurs cliniciens préfèrent
mesurer la concentration plasmatique du phénobarbi-
tal durant le traitement par la primidone6,24.
Phénytoïne (DilantinMD)
De tous les antiépileptiques, la phénytoïne est l’agent
qui entraîne le plus d’interactions médicamenteuses.
Elle est un puissant inducteur du cytochrome P450 et
elle est fortement liée aux protéines plasmatiques, mais
facile à déplacer. Son élimination est de type
Michaelis-Menten (le métabolisme change de l’ordre
premier à l’ordre zéro) en raison du système enzyma-
tique saturable6. Lorsque le système enzymatique est
saturé, n’importe quel changement de la dose produit
un changement disproportionné des concentrations
sériques6,11. La phénytoïne altère les niveaux plasma-
tiques de plusieurs antiépileptiques. Elle diminue
entre autres les concentrations plasmatiques de la car-
bamazépine, de l’éthosuximide, de la primidone, de la
tiagabine et du phénobarbital. Les niveaux sanguins de
Épilepsie : pharmacocinétique et interactions (2epartie)
Québec Pharmacie vol. 52, no4, avril 2005 245
Tableau I : Principales caractéristiques pharmacocinétiques
des antiépileptiques1,3,7,11,12,14-17,19-21
Médicaments Liaison aux
protéines (%) Élimination T 1/2
(heures)
Métabolite
actif
Acide
valproïque
60-95 100 % hépatique 6-18 Oui
(plusieurs)
Carbamazépine 70-90 100 % hépatique 5-27 10,11-époxyde
Éthosuximide 080 % hépatique
20 % rénale
20-60 Non
Gabapentine 0100 % rénale 5-9 Non
Lamotrigine 55 100 % rénale 15-60 Non
Lévétiracetam <10 66 % rénale
(forme inchangée)
4-8 Non
Oxcarbazépine
MHD
67
35-40
Hépatique
70 % hépatique
5-15 MHD
Phénobarbital 45-60 75 % hépatique 40-144 Non
Phénytoïne >90 100 % hépatique 9-60 Non
Prégabaline 0Rénale 6,3 Non
Primidone <25 Hépatique et
rénale
4-18 Phénobarbital
PEMA
Tiagabine 96 100 % hépatique 4-13 Non
Topiramate 15-30 30-70 % rénale 13-20 Non
Vigabatrine 085 % rénale 4-8 Non
Zonisamide 40-60 50-70 %
hépatique
50-80 Non
1 / 12 100%
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