REVUE MÉDICALE SUISSE
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3 février 2016
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Consultation pluridisciplinaire
«Souffrance au travail»
une expérience romande
Les problèmes de santé mentale au travail constituent un défi à la
fois clinique professionnel économique et de santé publique Les
coûts totaux qu’ils génèrent en Suisse équivalent à % du pro
duit intérieur brut PIB suisse et ils aboutissent très souvent à
un licenciement La grande majorité des personnes sont soignées
par un médecin de premier recours L’Institut de Santé au Travail
propose une consultation spécialisée dans les questions de souf
france au travail offrant aux soignants de première ligne un avis ou
un soutien pluridisciplinaire dans une perspective collaborative
des soins Son action adaptée aux besoins de chaque situation
va d’un avis à une orientation vers des spécialistes pouvant étoffer
durablement le réseau suivi psychiatrique programme de sou
tien à l’emploi avis juridique ou social
Multidisciplinary consultation « Suffering at work » :
an experience in western Switzerland
Mental health problems at work constitute a challenge in the clinical
field, as well in the professional, the economic and the public health
perspective. The total costs they generate in Switzerland are equiva-
lent to 3.2 % of the Swiss gross domestic product and they very often
lead to dismissal. The vast majority of people are treated by their
primary care physician. The Institute for Work and Health features
a specialized consultation on the topic of suffering at work, offering
the primary care physicians a pluridisciplinary advice or support, in
a collaborative care prospect. Its action, adapted to each situation’s
needs, goes from an advice to a referral to specialists that can
strengthen the network on a long-term basis (mental health follow-
up, supported employment program, legal or social advice).
SOUFFRANCE AU TRAVAIL SON IMPACT
Depuis des décennies, la santé mentale au travail préoccupe
les professionnels de santé. Elle est devenue un sujet d’intérêt
général, du fait de ses conséquences sociales et économiques.
Le rapport de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le
développement économique) à ce sujet souligne le poids que
constituent les problèmes de santé mentale et prédit qu’ils
devraient devenir un défi prioritaire pour le marché du travail.
Il rappelle aussi que la prévalence à vie des troubles mentaux,
estimée à 25%, reste stable mais qu’ils sont perçus comme
plus invalidants face aux exigences du marché du travail.1 Le
volet suisse de ce rapport2 estime les coûts totaux générés par
les problèmes de santé mentale à 3,2% du produit intérieur
brut (PIB) suisse (dans la fourchette inférieure des coûts dans
l’ensemble des pays de l’OCDE), avec 53% de coûts indirects
(dépenses sociales associées à la perte d’emploi, perte de per-
formance au travail). Il souligne certains points forts, tels que
le système de protection sociale modulable et le système de
santé mentale accessible, mais aussi le poids des dépenses de
l’aide sociale et de l’assurance invalidité, imputables aux trou-
bles mentaux (40% des nouvelles demandes AI concernent des
troubles mentaux). Parmi les recommandations figurent le ren-
forcement des mesures sur le lieu de travail (gestion des ris-
ques psychosociaux, suivi des arrêts maladie et du retour au
travail), l’intégration de l’aspect professionnel dans les prises
en charge médico-psychiatriques et une vision communautaire
des soins pour assurer une prise en charge adaptée et rentable.
L’OFAS (Office fédéral des assurances sociales) a publié un rap-
port spécifiant comment les personnes atteintes de trouble
mental se présentent sur leur place de travail;
3 il y est souligné
la détection tardive des problèmes psychiques et la chronicité
des «situations problématiques», qui aboutissent dans 90%
des cas à un licenciement.
Du côté des travailleurs, l’étude effectuée par le SECO (Secré-
tariat d’Etat à l’économie) en 2010 a révélé que 86,8% des
salariés se disaient stressés; parmi eux, 12% présentaient des
problèmes de santé se répercutant sur leur travail et nécessi-
tant une prise en charge médicale.4 Les dernières statistiques
de santé dans la population suisse ont démontré une associa-
tion entre un stress chronique rapporté et des symptômes dé-
pressifs.5
RÉPONSES DU SYSTÈME DE SOIN
Les soignants (médecins de premier recours, psychiatres, mé-
decins du travail) soulignent l’importance du travail pluridis-
ciplinaire, dans le système de soins et avec les employeurs.6,7
Drs CHRISTINE BESSEab DENISE GROLIMUND BERSETc REGINA STUDERc STÉPHANE QUARROZc
SOPHIEMARIA PRAZCHRISTINAZd GAÉTAN RIVIERe CATHERINE BARLETGHALEBc Prs BRIGITTA DANUSERc et CHARLES BONSACKa
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 276-9
a Service de psychiatrie communautaire, Unité de réhabilitation, CHUV, site de
Cery, 1008 Prilly, bDouglas Institute of mental health, Division of social and
transcultural psychiatry, McGill University, Pavillon Perry, 6875 Boulevard Lasalle,
Montréal QC H4H1R3, Canada, cInstitut universitaire romand de santé au travail,
Route de la Corniche 2, 1066 Epalinges-Lausanne, dMédecine du travail, Route
de Pra de Plan 3, 1618 Châtel-Saint-Denis, eCentre pédiatrique pluridisciplinaire
du Chablais valaisan, Rue du Pont 5, 1870 Monthey
charles.bonsack@chuv.ch
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