Les limites de la prothèse totale chez les patients après résection tumorale
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 2/2004 133
MARK et coll. 1985; BUSER et coll. 1997) et pour laquelle des cri-
tères précis de succès ont été définis (ALBREKTSSON et coll. 1986).
Pour le maxillaire inférieur complètement édenté, le clinicien
dispose dès lors de concepts thérapeutiques éprouvés, qui ont
permis d’obtenir des résultats satisfaisants et stables à long
terme (JEMT et coll. 1996; MERICSKE-STERN et coll. 1990). Par
contre, de prime abord, seules des réhabilitations conjointes du
maxillaire supérieur totalement édenté ont fait l’objet d’études
(ADELL et coll. 1981, 1990). Ce n’est que ces dernières années
que des études plus récentes ont été publiées, études qui ont
relaté des succès thérapeutiques par des solutions prothétiques
amovibles (BERGENDAL & ENQUIST 1998; JEMT et coll. 1992;
KIENER et coll. 2001; MERICSKE-STERN et coll. 2002; PALMQVIST et
coll. 1994; ZITZMANN & MARINELLO 1999). Ces études ont permis
de démontrer qu’il est possible d’assurer de bons résultats thé-
rapeutiques à long terme également à l’aide de réhabilitations
prothétiques amovibles ancrées sur des implants. Il faut toute-
fois noter que dans toutes les études publiées à ce jour, les ré-
sultats obtenus par de telles reconstructions dans le maxillaire
supérieur ont été légèrement moins favorables que ceux obte-
nus par des prothèses analogues dans le maxillaire inférieur.
Il convient malheureusement de constater que les résections tu-
morales entraînent dans tous les cas des problèmes qui rendent
difficile, voire impossible, l’application de concepts ayant fait
leurs preuves. En dépit de ce fait, il existe des études qui ont rap-
porté des succès thérapeutiques par des réhabilitations prothé-
tiques amovibles implanto-portées chez des patients ayant subi
des résections tumorales (JACOBSON et coll. 1988; MERICSKE-
STERN et coll. 1994, 1999). La grande majorité des exérèses tu-
morales concernaient des néoplasies malignes, lésions qui sont
relativement fréquentes dans la cavité buccale (KRUTCHKOFF et
coll. 1998). A noter que même la radiothérapie ne constitue pas
de contre-indication à la pose d’implants, ni pour WAGNER et
coll. (1988), ni pour GRANSTROM et coll. (1993). Par contre,
GRANSTROM et coll. (1992) ont rapporté des taux d’échec plus
importants après des radiothérapies. A ce propos, le bénéfice
potentiel, au niveau des tissus irradiés, de l’application d’oxy-
gène hyperbare continue à faire l’objet d’importantes contro-
verses dans la littérature (FRANZEN et coll. 1995; GRANSTROM et
coll. 1993, 2000).
La présente documentation d’un cas clinique illustre la réhabi-
litation prothétique d’un patient qui se trouvait durant une pé-
riode prolongée dans l’incapacité de porter des prothèses suite
à l’ablation d’une tumeur bénigne.
Il s’agit d’un cas qui a été réalisé dans le cadre de l’obtention du
titre de spécialiste en médecine dentaire reconstructrice.
Anamnèse
Principal souhait
Le patient souhaitait pouvoir porter à nouveau des prothèses.
Anamnèse générale
Le patient, cordonnier à la retraite, vit de manière autonome
grâce au soutien quotidien de sa sœur. Sa participation régulière
à des réunions de malentendants jouaient un rôle central dans
sa vie.
Le budget du patient pour le traitement prothétique était limité
à environ 5000 francs suisses.
Anamnèse systémique
Le patient est sourd de naissance. Bien qu’il ne soit pas muet,
ses capacités de communication sont néanmoins fort limitées.
Excepté ce handicap, le patient se sent en bonne santé générale
et ne prend aucun médicament.
En 1997, il a subi une opération en raison d’une thrombose vei-
neuse d’une jambe. En 1999, la Service de chirurgie oro-maxil-
lo-faciale a procédé à l’exérèse d’une tumeur sans dégénéres-
cence maligne, localisée dans le maxillaire supérieur. Les exa-
mens préalables n’ont relevé aucune restriction relative à l’opé-
rabilité du patient.
Anamnèse bucco-dentaire
Le patient avait été adressé par son médecin-dentiste traitant à
un spécialiste en chirurgie orale, en raison d’une tumeur pro-
gressive située dans la région droite du maxillaire supérieur.
Après consultation, ce dernier avait adressé le patient au service
compétent de l’Hôpital de l’Ile. Depuis la résection de la tumeur
en 1999, le patient n’était plus du tout en mesure de porter ses
prothèses; ces dernières avaient par ailleurs été mal adaptées
déjà avant l’intervention chirurgicale. Après plus d’une année
d’inconfort et de souffrances, le patient voulait absolument por-
ter à nouveau des prothèses. Pour ce motif, le chirurgien maxil-
lo-facial traitant a adressé le patient à la Clinique de prothèse
dentaire et de médecine dentaire reconstructrive de Berne.
La caisse maladie du patient acceptait de prendre en charge les
frais de la réhabilitation du maxillaire supérieur uniquement,car
elle réfutait toute relation entre les réhabilitations des maxil-
laires inférieur et supérieur.
Examens et status
Status extra-oral
Les figures 1 et 2 montrent un visage allongé, de forme ovale et
asymétrique, ainsi qu’un profil convexe. En dépit de la perte de
la dimension verticale d’occlusion, en raison de l’absence de
prothèses, le visage ne paraît pas particulièrement affaissé.
En raison de la surdité et du handicap du langage, la communi-
cation avec le patient était extrêmement difficile.
Status intra-oral
Situation générale: A l’examen initial, les maxillaires supérieur et
inférieur étaient tous deux complètement édentés (fig. 3 et 4).
La perte de substance consécutive à la résection de la tumeur
dans la partie droite du maxillaire supérieur est facile à identi-
fier. Par conséquent, le maxillaire supérieur présente une asy-
métrie, du fait que la crête alvéolaire du côté droit est pour ain-
si dire absente.
Muqueuse: A noter la présence de brides cicatricielles dans la ré-
gion réséquée lors de l’opération (côté droit et partie antérieure).
En outre, l’insertion de la muqueuse dans la partie antérieure de la
bouche est située à un niveau très élevé de la crête alvéolaire.
Restaurations: Le patient est complètement incapable d’insérer
les anciennes prothèses. Lors de l’examen initial, il n’avait de ce
fait apporté que la prothèse supérieure. Celle-ci était d’ailleurs
complètement insuffisante.
Aspects prothétiques: A l’exception de la région mutilée par la ré-
section tumorale, les autres zones des crêtes alvéolaires sont
bien conservées.La crête alvéolaire de la mandibule présente un
profil très élevé mais extrêmement étroit, dont certaines régions
forment des arrêtes plutôt vives.
Examens radiologiques
L’OPG et le CT-scan du bilan effectués avant l’opération en
1999 (fig. 5 et 6) mettent en évidence le volume et l’étendue de
la tumeur localisée du côté droit du maxillaire supérieur.