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une production exagérée d’androgènes.5Cette surproduc-
tion conduit les stéroïdes sexuels circulants à exercer un
rétrocontrôle anormal sur la sécrétion des gonadotrophi-
nes hypophysaires, pouvant expliquer l’altération du rap-
port entre l’hormone lutéinisante (LH) et l’hormone folli-
culo-stimulante (FSH) souvent rapportée. La seconde est
l’hypothèse «neuroendocrine». Celle-ci présuppose qu’une
sécrétion exagérée de LH stimule une production aug-
mentée d’androgènes par l’ovaire.6L’ovaire et l’unité hypo-
thalamus-hypophyse entrent alors dans un cercle vicieux
qui aggrave le phénomène. Certains travaux récents de
notre groupe indiquent que l’hyperinsulinémie pourrait par-
ticiper, par une action hypothalamique directe, à ce défaut
derégulation de la sécrétion des gonadotrophines,7etque
cet effet est probablement relevant chez l’humain.8Malgré
l’existence de ces différentes hypothèses, il faut reconnaî-
tre que le mécanisme physiopathologique précis à la base
du syndrome des ovaires polykystiques n’est toujours pas
élucidé en 2009, ce qui participe probablement à ces dif-
ficultés diagnostiques.
HYPERINSULINISME,HYPERANDROGÉNISME
ET SOPK
Hyperinsulinisme
Le récepteur à l’insuline, un membre de la famille des
récepteurs à activité tyrosine kinase, est activé par la liai-
son de son ligand. Cette activation stimule la phosphory-
lation de substrats intracellulaires qui initient la transduc-
tion du signal. Des études in vitroont permis de démon-
trer la présence d’une variante du récepteur à l’insuline
dont l’activité est diminuée chez certaines patientes pré-
sentant un SOPK. Cette variante semble spécifique du syn-
drome et n’est pas retrouvée dans d’autres formes d’insu-
lino-résistance telles que l’obésité ou le diabète de type 2.
Il convient toutefois de noter que ce défaut n’est pas re-
trouvé, de loin, chez toutes les patientes avec SOPK, et
qu’il ne permet pas d’expliquer à lui seul la résistance à
l’insuline dans ce syndrome.
Les patientes présentant un SOPK ont ainsi des taux
d’insuline basale et stimulée plus élevés que des contrô-
les appariés pour l’âge et le poids.9Ce tableau compatible
avec une résistance à l’insuline a été confirmé dans des
études de patientes aussi bien minces qu’obèses, et des
études par clamps hyperinsulinémiques et euglycémiques
ont montré que la résistance à l’insuline des patientes
présentant un SOPK est comparable à celle de patientes
avec un diabète de type 2.
Hyperinsulinisme et hyperandrogénisme:
une relation complexe
Les concentrations intra-ovariennes d’androgènes re-
présentent un élément important de la stéroïdogenèse,
car ils sont indispensables à la biosynthèse de l’estradiol,
obtenue par aromatisation de l’androstènedione. Leur ex-
cès peut toutefois interférer avec la maturation folliculaire.
Une corrélation positive a d’autre part été rapportée dans
le syndrome des ovaires polykystiques entre les taux cir-
culants d’insuline et les taux circulants d’androgènes, sug-
gérant une relation causale. Comme une baisse des taux
circulants d’insuline s’accompagne dans certaines études
d’une amélioration de l’hyperandrogénisme, ces observa-
tions corroborent l’hypothèse que l’insuline compte parmi
les facteurs impliqués dans la production ovarienne d’hor-
mones stéroïdiennes. Comme l’hyperandrogénisme sem-
ble participer à l’insulino-résistance, ces diverses interac-
tions ont le potentiel d’aboutir à un cercle vicieux dans
lequel l’hypersinulinisme induirait une production exagé-
rée d’androgènes, qui à leur tour participeraient à l’aggrava-
tion de la résistance à l’insuline. Au final, l’hyperinsulinisme,
l’hyperandrogénisme et l’anovulation chronique confèrent
ensemble un risque cardiovasculaire à long terme signifi-
cativement augmenté.
CORRÉLATION CLINIQUE
Ces mécanismes physiopathologiques expliquent qu’une
intolérance au glucose soit observée chez environ 30% des
patientes présentant un SOPK, un diabète étant retrouvé
chez 10% d’entre elles. Ces données dérivent d’observa-
tions obtenues à partir de patientes d’origine nord-améri-
caine, en majorité obèses, population au sein de laquelle
la prévalence globale du diabète de type 2 est d’environ
2% (femmes appariées pour l’âge). Il semble d’autre part
que la progression vers un diabète de type 2 soit plus
rapide chez les patientes avec SOPK que chez les contrô-
les.10Ces données concernant la prévalence de la résistan-
ce à l’insuline sont dépendantes de l’ethnie considérée,
puisque chez des femmes d’origine asiatique, l’intoléran-
ce au glucose n’est retrouvée que chez environ 20% des
patientes présentant un SOPK. Les données épidémiolo-
giques européennes à ce sujet sont malheureusement très
lacunaires. Globalement, le risque pour une patiente avec
un syndrome des ovaires polykystiques de développer un
diabète est environ sept fois plus élevé que celui de la
population contrôle.
Le risque de développer un diabète gestationnel est
aussi augmenté, de deux à trois fois par rapport à la popu-
lation féminine générale. A part ces troubles glycémiques,
d’autres facteurs de risque cardiovasculaire sont plus fré-
quemment pathologiques, comme une tension artérielle
élevée, des taux de cholestérol-HDL abaissés ou des tri-
glycérides augmentés. Pour toutes ces raisons, il n’est pas
étonnant que la prévalence du syndrome métabolique
puisse atteindrejusqu’à 50% chez ces patientes malgré leur
jeune âge.
PROPOSITIONS DE DÉPISTAGE
DES TROUBLES MÉTABOLIQUES
Malgré leur étroite association avec le SOPK, les trou-
bles du métabolisme glucidique ne font pas partie des cri-
tères diagnostiques du syndrome. Toutefois, au vu de leur
prévalence élevée, leur dépistage revêt une grande im-
portance dans la prise en charge de ces patientes. La plu-
partdes recommandations publiées ne proposent de pra-
tiquer un dépistage glycémique ou des paramètres du syn-
drome métabolique qu’en présence d’un autre facteur de
risque de diabète :surpoids, respectivement obésité (ris-
que clairement élevé), anamnèse familiale ou personnelle
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