Subrahmanyam, professeur à l'université de Californie où il a fondé le Center for India and
South India. La plupart des historiens n'ont étudié que le versant occidental des « grandes
découvertes ». Il était temps de décloisonner ce qui, le plus souvent, n'était qu'une histoire
solennelle, nationaliste et très largement idéologique.
Démarche fort dangereuse. À preuve la réaction outrée qui accueillit la solution portugaise
de ce chef-d’œuvre qui déboulonnait un héros élevé par les Lusiades de Luis de Camôes au
rang de légende nationale. Il est évident qu'on ne part pas sans biscuits dans un pareil
voyage au long cours. S. Subrahmanyam, polyglotte, a dépouillé une masse considérable
d'archives, tant portugaises qu'asiatiques, pour donner du navigateur occidental qui, le
premier, touche les Indes, un portrait plausible. Au dire même des chroniqueurs, il est
hautain, cupide, cruel, paranoïaque et fort peu courageux. Mais il va de soi que ce qui nous
intéresse le plus, c'est l'arrière-plan économique, social, idéologique même, de cette épopée.
L'historien en quête de globalité montre à quel point le sous-continent indien était, et
depuis fort longtemps, ouvert aux Vénitiens, aux Arabes musulmans d'Égypte, du Maghreb
ou du Yémen, aussi bien qu'aux Ottomans, aux Chinois et aux Tamouls. Vont compter,
aussi, l'inusable légende du fameux prêtre Jean et la volonté inébranlable du roi Manuel 1,
toute vibrante de messianisme.
Vasco de Gama, lui, est venu avant tout pour s'enrichir. Il le fait sans complexe, avec une
brutalité qui pèsera lourd dans la suite de l'histoire Avec cette somme, où l'ironie ne
manque pas, nous entrons dans une autre vision de la recherche historique. C'est peu de
dire qu'elle est féconde. Elle nous procure, de surcroît, des plaisirs rares qu'il serait criminel
de se refuser.
Essai I Histoire, 492 pages).
L’Agathois, L’Hérault de l’économie et des affaires, et La Terre de chez
nous, 2 août 2012
Voyage, Vasco de Gama
Vasco de Gama accoste à Calicut (Kerala), le 21 mai 1498, avec trois caravelles. Le
navigateur a 29 ans et des rêves de conquête pleins la tête. Mais il doit déchanter. Loin
d'être une terre inconnue, l'Inde accueille déjà de nombreux commerçants étrangers et ses
premiers interlocuteurs sont deux Arabes de Tunis. Le Portugais venait y chercher des
alliés chrétiens pour lutter contre l'islam, sa déception est immense. Quant aux Indiens, ils
le prennent pour un musulman du Levant. Le quiproquo parfait ! Professeur à l'École des