Les chroniques le laissent penser, mais les pilotes ont peut-être délibérément étiré I'arc
de leur route pour trouver une nouvelle escale avant le Cap de BONNE ESPÉ RANCE. Divers
indices et en particulier le traité de TORDESILLAS (1494) qui repousse la ligne de partage
entre domaine espagnol et domaine portugais de 100 à 370 lieues à l'ouest des îles du Cap
Vert tendent à prouver que le BRÉSIL était déjà connu des navigateurs portugais. La
découverte de CABRAL serait plutôt une prise de possession.
CABRAL ne reste que dix jours à PORTO SEGURO, mais il entre en contact avec un
nouveau monde, celui des Indiens. La relâche des navires sur la côte brésilienne fut une
escale enchanteresse parmi des hommes et des femmes qui sortaient des bois peuplés de
perroquets, sans autre costume que les peintures qui couvraient leur peau, et que les Portugais
faisaient danser au son des cornemuses. Les hommes du XVIème siècle y porteront un grand
intérêt : ainsi les Français qui tenteront une colonisation sans lendemain au milieu du siècle
prendront connaissance des mœurs, de l'organisation sociale, de la culture de ces Indiens. Un
voyageur français. THEVET livre dans ses ouvrages : Les singularités de la France antarctique
(1557) et la Cosmographie universelle (1575), une foule d'informations à caractère
ethnographique qui donneront naissance au mythe du bon sauvage. l’Histoire d’un voyage faict
en la terre de Brésil( 1578) de Jean de Léry, militant calviniste par vocation et ethnologue par
accident, livre un saisissant tableau d’une société amérindienne qu’il a côtoyée neuf mois
durant, dans une œuvre d’une étonnante modernité.
Dans leur périple autour de l'Afrique les Portugais cherchent à atteindre l'Inde,
pays d'épices dont CALICUT au centre de la côte de MALABAR est le marché principal. Les
négociants arabes se sont assurés depuis des siècles le monopole de ce commerce qui, par
l'Océan Indien, la Mer Rouge ou le Golfe Persique, se dirige vers la Méditerranée. L'objectif des
Portugais est d'évincer leurs concurrents arabes en les prenant à revers. Pour y parvenir, ils
cherchent des alliés, en particulier auprès des chrétiens de I'INDE (communautés anciennes
dont les Portugais s'exagèrent I'importance).
Lors de son premier voyage, VASCO de GAMA a rencontré des difficultés avec le roi de
CALICUT et les marchands arabes de la ville. Aussi, dès qu'il est en vue du port, CABRAL
commence-t-il par faire une démonstration d'artillerie... avant de faire au Samorin les présents
d'usage (tissus précieux, orfèvrerie), il lui remet aussi une lettre rédigée en arabe adressée par
dom Manuel à un roi que l’on croyait chrétien. Il obtient l'autorisation d'établir une factorerie
mais les rapports des Portugais avec le roi se détériorent, sans doute à la suite des intrigues
des commerçants arabes. En fait, la volonté portugaise d'interdire aux Arabes le commerce des
épices ne peut qu'amener l'épreuve de force. L’incident évoqué dans la narration anonyme a
été provoqué par une initiative imprudente de Cabral qui s’est emparé d’un vaisseau d’épices,
provoquant en retour la brutale réaction des habitants de Calicut ; en représailles au massacre
des quarante portugais de la factorerie, le port est mis par les Portugais à fogo e sangue puis
l’armada, rangée le long du rivage, bombarde la ville un jour durant, Ce dramatique épisode
sera prétexte à rancœurs pendant plusieurs décennies, ce dont témoigne peut-être le poème
en arabe de 1570. Les hostilités sont ouvertes à Calicut lorsque Cabral quitte la terre indienne
en 1501 après avoir fondé un comptoir à Cochin. Et ce, d’autant plus que l’usage de l’artillerie
réveille le souvenir des jonques chinoises, armées en guerre qui avaient menacé Calicut une
soixantaine d’années auparavant.
Après CABRAL cette politique se poursuit et prend une forme systématique avec
ALBUQUERQUE (1509-1515) qui, par la conquête militaire et la création de comptoirs
fortifiés (ORMUZ, GOA, MALACCA etc.), construit I'empire portugais de l'Océan Indien.
L’expédition de Cabral est fondée sur l’expérience de Vasco de Gama, elle est armée
par le roi et ceux qu’il a associés à l’exploitation de la route du cap de Bonne Espérance :
négociants, nobles. Autour de l’Inde retrouvée, les continents se mettent en place, dom Vasco a
relié des mondes dont on ne connaissait que des fragments : celui du sultan du Caire, celui
de Marco Polo, celui du Prêtre Jean. A l’automne de 1502, un agent du duc d’Este parvient à se
procurer à Lisbonne une carte de navigation. Ce précieux document conservé à Modène,