Séquence 5 : Les orientations stratégiques : concept et mise en oeuvre INTRODUCTION Section I Définition Pour constituer le portefeuille d’activité de leur entreprise, les dirigeants sont amenés à faire des choix entre plusieurs orientations qu’il conviendrait de définir dans cette première section avant d’examiner les problèmes de mise en œuvre dans une seconde section. § I La stratégie de spécialisation A) Notion La spécialisation est l’option qui consiste à maintenir l’entreprise dans un seul domaine d’activité et à y exploiter des compétences bien maîtrisées, sans chercher à y ajouter de nouvelles. Cela peut se traduire de plusieurs façons dans la mesure où une activité se définit à la fois en termes de clientèles visées, de fonctions ou services rendus par le produit et aussi en termes de technologies mises en œuvre. Il peut s’agir de propose un produit standard à différents types de clients, ou bien de répondre aux besoins d’une catégorie de clients en se concentrant ainsi sur un segment précis de la demande (exemple : électronique grand public ou produit pharmaceutique homéopathique ; ou encore d’exploiter la maîtrise d’une technologie particulière, exemple : les radars dans l’industrie de l’armement). La spécialisation souple (concept avancé par KOENIG dans son ouvrage intitulé Management Stratégique, Nathan, 1990) désigne « les manœuvres destinées à satisfaire des demandes anciennes qui évoluent ou des demandes nouvelles et cela en préservant l’essentiel d’un métier existant tout en l’enrichissant ». La stratégie de « groupes technologiques » correspond au choix consistant à développer un ensemble d’activités liées par une base technologique commune ; choix qui correspond donc à une forme de stratégie spécialisation. Pour les PME, la spécialisation peut constituer une stratégie de protection contre la concurrence des grandes entreprises dans la mesure où elle consiste à occuper des parcelles de marché très peu attrayantes pour les grosses entreprises, et cela notamment grâce à une bonne connaissance des attentes des clients et à une capacité de service inégalable en raison de la proximité géographique. La spécialisation ne signifie pas petite taille ; une entreprise ayant des ambitions de croissance peut conduire son développement à travers des stratégiques d’expansion de volume sans sortir du choix initial de la spécialisation. Ceci peut se faire par multiplication des sites géographiques d’implantation. Il existe en effet des exemples nombreux d’entreprises qui sont restées spécialisées à un seul DAS avec une ligne de produits + ou – profonde (Peugeot et Renault qui ne font que des voitures). a) Avantages et inconvénients de la spécialisation L’explication économique traditionnelle selon laquelle la spécialisation est la voie privilégiée d’obtention d’une position favorable de coût et de marché repose sur l’idée que cette option permet à l’entreprise d’acquérir une taille critique ; la production à plus grande échelle luis assure l’obtention de courir la formule du fait de la dépendance de l’entreprise par rapport à un seul DAS et une clientèle peu diversifiée. La thèse défendue par les partisans de la spécialisation renvoie à la logique de la droite d’expérience qu’il faut descendre de manière à s’engager dans un processus de réduction des coûts et de gains de parts de marché. Cette thèse doit être relativisée car elle ne vaut que pour les produits standardisés pour lesquels les clients ne sont pas disposés à payer un prix plus élevé. Dans ce cas, la spécialisation fondée sur de grandes parts de marché (stratégie de volume) peut se justifier. Mais cette théorie est critiquable pour les produits de luxe, pour les produits pour lesquels la conquête et la fidélisation du client reposent sur la fourniture d’avantages spécifiques autres que le seul critère de prix. Pour ces produits, l’augmentation des quantités offertes risquent d’entraîner des effets négatifs lorsqu’elle est perçue comme une banalisation du caractère distinctif de ces produits ; exemple : la haute couture. b) Sructure organisationnelle La structure fonctionnelle constitue le mode d’organisation généralement retenue par les entreprises qui poursuivent une stratégie de spécialisation. Il s’agit d’une forme d’organisation de l’entreprise basée sur le découpage et le regroupement des tâches suivant leur nature : fonctions administratives, fonctions techniques, fonction commerciale, fonction de soutien logistique etc. Remarque : l’accroissement de la taille de l’entreprise et du volume de ses activités entraînent des goulets dus à des problèmes de circulation de l’information et de centralisation du pouvoir de décision (rigidité organisationnelle, surcharge du sommet qui s’occupe à régler des problèmes tactiques, frustration de l’encadrement, etc.) § II. La stratégie de diversification a) définition La stratégie de diversification correspond à la stratégie de l’entreprise qui se lance dans des activités tendant à réaliser des produits nouveaux et/ou à servir de nouveaux marchés. C’est la voie de développement qui a été retenue par la majorité des grandes entreprises des pays industrialisés. Cette tendance générale à la diversification est ponctuée de phénomènes de flux et de reflux (mouvement de balancier). La crise économique née au milieu des années 70 n’a pas tardé à inciter de nombreuses Directions Générales à opérer un « recentrage stratégique » en abandonnant des lignes de diversification excessivement hétérogènes, pour se concentrer sur un périmètre plus restreint c’est-à-dire sur un nombre limité d’activités de base. Mais on assiste ces dernières années à des manœuvres de redéploiement et de croissance externe (fusions, absorptions, conduisant à de nouvelles diversifications). b) les formes de diversifications Il existe plusieurs typologies car de nombreux auteurs ont tenté de dresser l’inventaire des formes des stratégies de diversification. Nous retenons ici la grille d’Ansoff déjà évoquée dans le précédent chapitre (ouvrage intitulé Stratégie du développement de l’entreprise, Editions, 1988). Schéma 1 - formes de diversification 1) la stratégie de diversification du produit Elle est réalisable de 2 façons : - Par la création et le lancement d’un nouveau produit ; exemple : Salomon spécialise la chaussure de ski, étend ses gammes vers les club de golf - Par l’amélioration ou la modification des caractéristiques d’un produit existant ; exemple : changement de taille du produit comme le passage de la production du pc portable. Cette stratégie comporte des avantages dans la mesure où la gamme des produits s’élargit. Certaines économies peuvent être réalisées en utilisant les installations et les structures de soutien existantes. De ma même manière, certaines pièces dont la fabrication est déjà maîtrisée (standardisée) peuvent être utilisées. Sur le plan commercial aussi, le nouveau produit peut bénéficier des avantages déjà acquis sur le réseau de distribution existant. L’inconvénient que la formulation risque d’entraîner est la « cannibalisation », c’est-à-dire la concurrence entre l’ancien et le nouveau produit, du fait des problèmes de répartition des ressources, d’arbitrage et de coordination qui surgissent dans les situations difficiles. 2) la stratégie de diversification du marché Cette forme concerne les produits actuels mais qui vont être commercialisées sur de nouveaux marchés. Elle peut prendre plusieurs formes : - Une expansion régionale, nationale ou internationale (ex : les bijoux Chanel ouvrent des magasins aux USA) ; - une utilisation d’un nouveau canal de distribution (ex : Electrolux diffusé en porte à porte puis ouverture de magasins de détail). - Une exploitation d’un nouveau segment de clients (ex : Camif spécialiste de la vente par correspondance grand public, crée Camif Entreprises.) La formule comporte des avantages. D’abord, l’entreprise échappe aux aléas inhérents à l’exploitation d’un seul portefeuille clients trop étroit ; ensuite, la production se développe ce qui permet de descendre la courbe d’expérience (c’est-à-dire de diminuer les coûts). Cependant, de nouvelles charges liées à la conquête de nouveaux marchés apparaissent ; elles sont très élevées quand elles concernent des marchés qui nécessitent d’engager des frais à l’exportation élevés. De plus, les responsables commerciaux sont confrontés à beaucoup d’incertitude avant de faire l’acquisition d’une « bonne » connaissance de ces marchés. L’incertitude demeure dans tous les cas pour ce qui concerne les marchés instables caractérisés en particulier par des fluctuations de l’offre et de la demande à la suite de turbulences politiques, sociales, et diverses crises. 3) la stratégie de diversification totale Signifie développement simultané de produits nouveaux et de marchés nouveaux ; exemple : Kodak qui produit et vend dans le monde entier aussi bien des photocopieurs que des appareils photos. L’avantage de la formule est de permettre, lorsque le portefeuille d’activité est relativement « équilibré », de compenser globalement des pertes subies par les gains obtenus et cela, en « ne mettant pas tous ses œufs dans le même panier ». L’inconvénient est que la gestion se trouve très complexe et les gains de synergie pas toujours aussi importants que l’on peut espérer. § III. La stratégie d’intégration verticale a) Définition Cette orientation consiste à prendre place verticalement soit vers l’amont, soit vers l’aval du DAS actuel. L’intégration en amont conduit l’entreprise à absorber l’activité de ses fournisseurs ; exemple : Renault décide de fabriquer des phares. L’intégration aval revient à absorber des activités exercées par ses clients ou ses distributeurs (ex : Dormeuil, d’abord fabricant de lainages haut de gamme, décide d’ouvrir des boutiques). Schéma 2 - les deux formes d’intégration verticale verticale b) les implications organisationnelles L’intégration verticale pose des problèmes spécifiques d’organisation. La logique économique qu’elle induit plaide dans une certaine mesure pour une centralisation du système décisionnel. En effet, les impératifs industriels de maîtrise d’un ensemble d’activités interdépendantes de façon à exploiter des effets d’échelle, à réduire des coûts de transaction et bénéficier d’un fort pouvoir de marché nécessite que l’entreprise puisse disposer d’une organisation à même de permettre une cohérence d’ensemble des décisions. Le danger ici serait d’être constamment confronté à des phénomènes de sous – optimisation ; c’est-à-dire des décisions optimales pour une unité donnée mais pas nécessairement au regard des critères qui prennent en considération l’entreprise dans sa globalité. L’entreprise verticalement intégrée constitue un « système coopératif » par opposition au « système concurrentiel » qui correspond à des entreprises exerçant des activités sans lien entre elles et dans lesquelles ce type de risque de dérive ne se pose pas dans les mêmes termes. L’une des questions qui pourrait se poser aux dirigeants est de savoir dans quelles conditions l’entreprise peut garder un avantage concurrentiel tout en optant pour l’intégration verticale. c) les avantages de l’intégration verticale Cette orientation a pour effet d’augmenter le pouvoir de marché de l’entreprise qui l’adopte. . L’intégration vers l’amont permet d’échapper à la domination potentielle des fournisseurs dont les produits ne possèdent pas de substituts . L’intégration vers l’aval procure, elle, des garanties sur les débouchés et sur l’accès aux circuits de distribution ; elle constitue une protection contre le pouvoir de négociation des clients. Elle assure une capacité à mieux différencier le produit grâce au contrôle d’un nombre important d’étapes du processus de production et de distribution. Enfin, l’intégration aval assure un meilleur accès aux informations pertinentes concernant le marché (goût des consommateurs, données statistiques…) susceptibles de générer un avantage concurrentiel décisif. Sur le plan technique, l’intégration verticale permet à l’entreprise d’assurer une rationalisation des opérations de production, de maîtrise des technologies et un contrôle plus serré de la qualité des produits. Sur le plan financier, elle assure à l’entreprise la réalisation des marges bénéficiaires qui revenaient auparavant à ses fournisseurs ou à ses clients ; ce qui permet de réduire les coûts et partant, d’être plus compétitive. Enfin, elle économise les coûts de transaction qui sont des frais de conclusion et de surveillance des contrats entre partenaires. d) les principaux inconvénients de l’intégration verticale Ces inconvénients concernent d’abord les effets induits par le mode de structuration des activités (structure fonctionnelle tel exposé précédemment). De plus, si l’intégration permet de faire de bonnes affaires en période de croissance, elle entraîne aussi l’accroissement des coûts fixes. Ceci risque d’augmenter la fragilité de l’entreprise car toute récession d’activité devient plus difficile à supporter et ce, d’autant plus que c’est souvent toute la filière qui peut être touchée ; d’où le risque d’addition des pertes sur toute la chaîne. Enfin, en s’intégrant, l’entreprise peut être amenée à exercer des métiers nouveaux qui l’ éloignent des métiers qu’elle maîtrisait auparavant. § IV. Les modes de croissance de l’entreprise On distingue traditionnellement 2 modes de connaissance : la croissance interne et la croissance externe. Le développement récent de plusieurs formes de relation de coopération, d’alliance et de partenariats justifie amplement d’ajouter une 3ème catégorie : « la croissance contractuelle » (formule de Montmorillon dans La croissance contractuelle, Revue française de gestion, Janvierfévrier, 1989). A) La croissance interne Elle consiste à développer l’entreprise de façon autonome, par création de nouvelles unités de production et/ou de commercialisation. La croissance interne est le seul mode de développement possible lorsqu’il s’agit de produit nouveau. Les incitations à innover et à se développer de façon interne peuvent avoir des origines externes (attrait du marché, besoins de la société, connaissances scientifiques appliquées aux technologies etc.) ; mais aussi internes (volonté de bâtir une position solide sur le marché, existence des moyens et des infrastructures de production, désir du DG et des cadres de s’ouvrir de nouveaux horizons (le plus souvent pour satisfaire des ambitions de cadres qui ont besoin de grandir…). La croissance interne est une politique de développement sujette à de nombreuses difficultés tenant à la lenteur du processus conduisant à leur réalisation. Le rachat d’actifs existants demande bien évidemment moins de temps que leur création par l’entreprise. Les premières difficultés concernent les problèmes d’acquisition et de mise en place des installations et des outils de production. Les secondes se rapportent à la formation des personnels et à l’acquisition des compétences et expériences nécessaires. De plus, un période d’adaptation de quelques mois est indispensable pour constituer les équipes de travail adéquates…l’action collective est sujette à des tensions et à des conflits. Tout cela nécessitera d’assurer la gestion de l’apprentissage organisationnel pour faire fonctionner le système avec cohérence et efficacité. Des observations empiriques ont montré que ce processus est marqué le plus souvent par « des crises organisationnelles » que nous pouvons schématiser comme suit : Tableau n° 1 - Schéma des crises organisationnelles Croissance de la taille de l’entreprise Age de l’entreprise Cette lenteur du processus de développement interne et des crises organisationnelles constituent un handicap face à la concurrence dans un contexte de mondialisation nécessitant rapidité des réponses attendues et précocité des conquêtes de position. La réussite de la croissance interne dépend de la capacité des dirigeants et des cadres à diagnostiquer ces problèmes à temps pour leur apporter les solutions adéquates. B) La croissance externe La croissance externe implique une relation entre deux ou plusieurs entreprises et entraîne un transfert d’actifs existant vers l’une d’entre elles. Sur le plan juridique, on peut distinguer plusieurs modalités de croissances externes : a) la fusion C’est l’opération par laquelle deux entreprises (A, B,..) réunissant leurs actifs pour créer une entreprise nouvelle C. Situation qui peut être représentée de la manière suivante : Schéma 3 - la fusion Après fusion, A et B disparaissent et C naît en tant qu’entité juridique, en tant que personne morale différente de A et de B. b) l'absorption Elle consiste pour l’entreprise absorbante (A) en l’acquisition du patrimoine d’une entreprise absorbée (B) qui du coup disparaît ; B est dissoute. Pour A, cette opération se traduit par une augmentation de capital par apports en nature et la création correspondante de titres servant à rémunérer les anciens détenteurs de droits sociaux de l’entreprise absorbée. Nous aurons une configuration comme suit : Schéma 4 - L'absorption c) la fusion – scission Elle consiste en la dissolution d’une entreprise (A) et en la répartition de ses éléments d’actifs entre deux ou plusieurs autres entreprises préexistantes ( B et C) qui procèdent ainsi à une augmentation de capital. Nous aurons le schéma suivant Schéma 5 - La fusion-scission d) l’apport partiel Il n’y a de dissolution d’entreprise mais une simple cession d’une partie de ses actifs à une autre entreprise qui procède ainsi à une augmentation correspondante de capital. Schéma 6 - L'apport partiel Les opérations de fusions/acquisitions sont des opérations de croissance externes qui s’expriment par vagues ; elles correspondent à des périodes de réorganisation ou restructuration des systèmes productifs. En France par exemple, une centaine d’entreprises en ont racheté d’autres en 1984 ; et quatre années plus tard, ce chiffre était dix fois plus important. Le même mouvement était observé en Grande – Bretagne et en Allemagne. Les justifications économiques des croissances externes souvent invoquées sont la quête de synergies susceptibles de naître du rapprochement d’unités existantes. Ces synergies escomptées peuvent correspondre à des économies de coût liés à des effets d’échelle ou à l’élimination de doubles emplois en matière d’affectation de ressources. Autres arguments : l’effet des fusions/ acquisitions en termes de pouvoir de marché de l’entreprise ; de pouvoir de négociation vis-à-vis de son environnement grâce à une taille plus grande. D’autres justificatifs peuvent pousser dans cette voie : l’ambition de puissance des dirigeants (explications psychologiques…). Auteur : Professeur M. Ramdane Mostefaoui Tuteur : Veuillez consulter l'annuaire de votre formation. Version : 01/11/2013