Vies
consacrées, 79 (2007-3), 215-229
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Ancien Testament et Judaïsme
Riche d’une bonne vingtaine d’ouvrages, cette chronique annuelle
d’Ancien Testament comporte quatre sections : I) études d’un thème bi-
blique; II) études d’un livre ou d’une péricope ; III) livres concernant l’his-
toire d’Israël ; IV) ouvrages relatifs au judaïsme et aux relations judéo-
chrétiennes.
I
Pour la huitième année consécutive (voir VC 78, p. 202-203), les Fa-
cultés jésuites Notre-Dame de la Paix (Namur, Belgique) publient les
Actes d’un cycle de conférences consacrées à la confrontation entre la
Bible et une discipline qui ordonne le savoir et l’action. Après la littéra-
ture, l’histoire, le droit, l’économie, etc., c’était, en 2006, au tour de la
théologie d’être convoquée1. Un premier volet, composé de deux confé-
rences, traite de la présence de « la théologie dans la Bible ». Certes, la
rationalité du récit biblique n’est pas d’abord d’ordre argumentatif ou
conceptuel, mais cette rationalité existe bel et bien comme le montre
l’expode J.-P. Sonnet (Institut d’études théologiques de Bruxelles,
«Du personnage de Dieu comme être de parole », p. 15-36) pour l’An-
cien Testament, et, pour le Nouveau, celui de Y.-M. Blanchard (Institut
catholique de Paris, « Quand saint Jean raconte Dieu », p. 37-55). Si Jésus
est bien ce lieu ultime où s’accomplit et se condense l’histoire de l’in-
terlocution entre l’homme et Dieu, il nous faut sans aucun doute toutes
les intrigues du récit biblique pour découvrir cet entrelacement de la
parole de Dieu et de celle de l’homme. Le second volet du livre explore
«la Bible en théologie », avec trois contributions dans les domaines de
la théologie dogmatique (C. Theobald, Centre Sèvres de Paris, « De la
Bible en théologie », p. 57-79), de la théologie patristique (J.-M. Auwers,
Université catholique de Louvain, « Théologie et exégèse chez les Pères
de l’Eglise », p. 81-102) et de la théologie spirituelle (F. Marty, Centre
Sèvres de Paris, « Les évangiles et les Exercices spirituels de saint Ignace»,
p. 103-121). Comme le dit la préfacière : « Les Pères de l’Eglise comme
1. F. MIES (éd.), Bible et théologie. L’intelligence de la foi, coll. « Connaître et croire » 13/
« Le livre et le rouleau » 26, Namur/Bruxelles, Presses universitaires de Namur/Les-
sius, 2006, 14,5× 20,5 cm, 139 p., 18,00 .
les retraitants des Exercices, chacun à leur manière, franchissent la clô-
ture linguistique du texte biblique pour aller jusqu’à la “chose” même :
ils connaissent comme par intuition la portée ontologique des mots. Ne
rappelleraient-ils pas les exégètes à leur vocation théologique, celle
d’une exégèse intégrale? » (p. 13). Et si l’on peut regretter, avec C. Theo-
bald, le fait que la Constitution Dei Verbum n’a pas suffisamment pensé
le statut culturel de la Bible, on peut aussi s’accorder avec lui pour dire
que la sécularisation du texte biblique et la démocratisation de son
accès sont tout de même une opportunité pour n’importe quel lecteur
con temporain de parcourir l’itinéraire qui va d’un texte inspirant à la
découverte de la Parole de Dieu.
Tout juste un an avant sa mort (avril 2001), Paul Beauchamp publiait
son dernier ouvrage (Cinquante portraits bibliques, avec des dessins de
P. Grassignoux ; voir VC 72, 2000, p. 351). De cette galerie de portraits
émergeait la figure de cinq femmes seulement (Rahab, Ruth, Eve, Es-
ther, Judith). Dans la même veine et dans un aussi beau livre que celui
de l’exégète jésuite, André Wénin et Camille Focant, tous deux profes-
seurs d’exégèse à l’Universicatholique de Louvain, réparent cette «in-
justice » et complètent la collection avec vingt-deux portraits de femmes
de la Bible (d’Eve à Marie : 16 femmes pour l’Ancien Testament, 6 pour
le Nouveau)2. Le livre est illustré par les encres de Marte Sonnet, artiste
belge. Dans sa postface, Sylvie Germain, philosophe et femme de lettres
trouve les mots justes pour nous convaincre de l’intérêt qu’il y a à fré-
quenter assidûment ces femmes : même si c’est parfois de manière bien
surprenante — voir Tamar et Rahab, parmi beaucoup d’autres —, elles
se trouvent souvent du côté de la transmission de la vie.
Alors que, depuis plusieurs années, les études allemandes et surtout
anglo-saxonnes sur l’homosexualité dans la Bible abondent, peu de
choses existaient jusque-là en français sur ce sujet sensible. Deux ou-
vrages sont venus récemment combler ce vide. Tout d’abord, celui de
T. Römer et L. Bonjour (L’homosexualité dans le Proche-Orient ancien et
la Bible, Genève, 2005) et maintenant celui de I. Himbaza, A. Schenker
et J.-B. Edart que je recense ici3. Les auteurs se sont répartis la tâche de
la manière suivante : à Himbaza, les récits de l’Ancien Testament (Gn
19, Jg 19, 1S 18 ; 20 ; 2S 1), à Schenker, les lois (Lv 18 et 20), à Edart, les
textes du Nouveau Testament (1Co 6, 9-10 ; 1Tim 1, 10 ; Rm 1, 18-32 ; Lc
7, 1-10 ; le « disciple bien-aimé »). Comme son titre l’indique, l’ouvrage
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2. A. WÉNIN, C. FOCANT, Vives, femmes de la Bible, coll. « Le livre et le rouleau » 29,
Bruxelles, Lessius, 2007, 16 × 18 cm, 152 p., 18,00 .
3. I. HIMBAZA, A. SCHENKER, J.-B. EDART, Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible,
coll. « Lire la Bible » 147, Paris, Cerf, 2007, 13,5 × 21,5 cm, 141 p., 15,00 . Pour être com-
plet, il faudrait encore citer la traduction française d’un ouvrage anglais : D. HELMI-
NIAK, Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité, Paris, 2005.
veut être une « clarification » ; il ne se présente donc pas comme un traité
d’éthique complet sur l’homosexualité. Les conclusions exégétiques,
prudentes et fermes à la fois, sont à la mesure de cette option métho-
dologique. La Bible reconnaît l’existence de comportements homo-
sexuels ; il y aurait, toutefois, anachronisme à interpréter les textes à la
seule lumière de la conception moderne de l’homosexualité (comme
attirance marquée ou exclusive pour une personne de même sexe). Les
récits de la Genèse ont pour premier objet la question de l’hospitalité
et, notamment, l’hospitalité vis-à-vis de l’étranger ; cela n’empêche
en accord avec tous les autres textes bibliques qui s’y rapportent expli-
citement qu’ils formulent un jugement moral négatif à l’encontre des
actes homosexuels. L’histoire de David et Jonathan ne doit pas être lue
en contexte sexuel et érotique, mais politique (pour un avis sensible-
ment différent, voir T. Römer et L. Bonjour). De même, les lois du Lévi-
tique, comme toutes les lois de l’Ancien Testament, ne sont pas à com-
prendre dans une perspective moderne et individualiste, mais du point
de vue de la cohésion sociale et communautaire. Quant au Nouveau
Testament, le silence du texte évangélique n’autorise certainement pas
à supposer une complaisance de Jésus vis-à-vis de l’homosexualité et
les propos radicaux de Paul sont à resituer dans le cadre de son argu-
mentation théologique. Ceci étant posé, reste la question difficile de
l’actualisation. Les auteurs fournissent, en conclusion, au moins deux
principes pour y aider. D’une part, Paul lui-même actualise déjà un en-
seignement antécédent et cherche à donner à celui-ci une portée clai-
rement universalisante en s’appuyant sur une théologie de la création.
D’autre part, il y a tout intérêt à resituer le corpus très limité des textes
traitant de l’homosexualité dans l’ensemble de l’Ecriture et notamment
dans le cadre de l’enseignement du Christ sur l’amour humain. Avec
cela, tout n’est certes pas dit, mais concernant l’analyse exégétique, ce
qui est dit me paraît devoir être pris en compte.
En 2002, une des équipes de recherche du laboratoire de théologie et
de sciences religieuses (LTSR) de la Faculté de théologie d’Angers
(France) avait déjà organisé un colloque international sur « Etrangers et
exclus dans le monde biblique ». Poursuivant ses travaux, le même
groupe La Bible et ses lectures »), fondé par J. Riaud, offre aujourd’hui
le fruit de ses recherches 4. Dans un fort volume de 450 pages et de dix-
neuf contributions (1 sur le Proche-Orient ancien ; 4 pour l’Ancien Tes-
tament ; 4 pour le Nouveau ; 6 pour le monde extrabiblique, principale-
ment le judaïsme ; 4 pour la réception du thème dans la littérature ou
la musique), à peu près tout ce qu’il est bon de dire et souhaitable de
connaître sur le sujet se trouve réuni. La préface de J. Riaud (Université
Chronique d’Ecriture Sainte (A.T.)
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4. J. RIAUD (éd.), L’étranger dans la Bible et ses lectures, coll. « Lectio Divina » 213, Paris,
Cerf, 2007, 15,5 × 23 cm, 455 p., 32,00 .
catholique de l’Ouest), responsable de l’équipe, situe et résume parfai-
tement les différentes interventions. Chacune de celles-ci est munie
d’une bibliographie adaptée. Comme plusieurs monographies impor-
tantes sont parues ces dernières années sur le même thème (voir C. van
Houten, The Alien in Israelite Law, 1991 ; C. Bultmann, Der Fremde im
antiken Juda, 1992 ; J.E. Ramirez Kidd, Alterity and Identity in Israel,
1999), beaucoup de choses ont déjà été dites sur la partie biblique. Du
coup, les contributions les plus originales se trouvent sans doute dans
la dernière section intitulée Une postérité culturelle (A. Richard, « La fi-
gure de Gaspard, le roi noir, dans les Adorations des Mages au XVes., en
Flandre » ; M. Berder, « La figure de l’étranger dans le livret de Nabucco
de Verdi » ; A. Bouloumié, « Le mythe des Rois Mages dans Gaspard, Mel-
chior et Balthazar de M. Tournier » ; A.A. Dervaux, « Un amour sans fron-
tières ; pour une approche du Prologue de S. Weil »). Concernant la Bible
et ses lectures et eu égard à la prétention scientifique de ce type d’ou-
vrage, on peut seulement regretter qu’un index des citations bibliques
et un autre pour les noms propres ne clôturent pas le volume.
II
Fruits d’une thèse en théologie soutenue à l’Institut catholique de
Toulouse (France), les deux ouvrages de Sophie Ramond, religieuse de
l’assomption enseignant à Paris, portent sur 1S 24–26 5. Un double ob-
jectif meut la recherche : montrer, d’une part, grâce aux outils de la nar-
ratologie, que ce triptyque constitue une séquence narrative subdivi-
sée en trois épisodes et soigneusement construite ; analyser, d’autre
part, comment ces trois chapitres mettent en scène la catégorie biblique
du rîb (controverse entre deux parties sur des questions de droit). Bien
que trahissant parfois l’aspect formel de la thèse doctorale, la lecture
est attentive, précise, avec des reprises épistémologiques qui permet-
tent à la fois d’intégrer le chemin parcouru et de découvrir la portée
éthico-théologique d’un texte qui articule, en une seule intrigue, des-
sein divin et contingence des libertés humaines. Le chapitre traitant du
rîb, très dépendant des travaux de P. Bovati (Ristabilire la giustizia,
Rome, 1986), manifeste d’une autre manière l’unité de la séquence,
mais pourrait presque se lire indépendamment de l’analyse précédente.
Le cahier de la collection « Connaître la Bible », quant à lui, aborde le
même récit du côté de la caractérisation des personnages. Si ce décou-
page didactique facilite l’illustration et la mise en œuvre de différents
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5. S. RAMOND, Leçon de non-violence pour David. Une analyse narrative et littéraire de
1 Samuel 24–26, coll. « Lire la Bible » 146, Paris, Cerf, 2007, 13,5 × 21,5 cm, 235 p.,
22,00 ; id., David, l’insensé et la femme sage. Une analyse de la caractérisation des
personnages en 1Samuel 24–26, coll. « Connaître la Bible » 43, Bruxelles, Lumen Vitæ,
2006, 15 × 21 cm, 80 p., 10,00 .
aspects de la méthode en même temps qu’il explicite de nombreux dé-
tails du texte, reconnaissons toutefois qu’il en occulte aussi un peu le
dynamisme poétique et qu’il ne permet pas toujours d’éviter les répé-
titions.
Dans la même collection « Connaître la Bible », Miriam Moscow, une
consœur de Sophie Ramond enseignante à Tournai (Belgique), présente
une lecture du livre de Ruth à la lumière de la fête juive de la Pentecôte6.
Le projet se justifie pleinement puisque, dans la liturgie juive, ce petit
livre, comme les quatre autres Megillot (rouleaux), est lu lors d’une fête;
ici, en l’occurrence, celle de Shavouoth. Il s’agit donc de vérifier, dans
une sorte de lecture « liturgique », si ce lien entre fête et livre est pure-
ment fortuit ou, au contraire, s’il est fondé sur des connexions réelles et
s’il apporte quelque intelligence supplémentaire de l’une et de l’autre.
Le travail se déroule en quatre étapes : après avoir proposé une traduc-
tion structurée du livre de Ruth, l’auteur présente brièvement la fête de
Shavouoth dans la tradition juive, puis elle s’attelle à une lecture cur-
sive du livre avant d’en examiner l’intertextualité. L’alliance, selon tout
le spectre de signification du terme, s’avère être la catégorie qui rend le
mieux compte des nombreuses coutumes de la fête et des divers aspects
du texte (le livre de Ruth comme récit de fiançailles : voir p. 67). Clef d’in-
terprétation du livre, elle est aussi invitation à « une fidélité active, sans
cesse renouvelée, à la Parole de Dieu, lue, méditée et assimilée jusqu’à
en devenir bonté » (p. 72).
On a déjà tant écrit et publié sur les Psaumes, et de manière si quali-
tativement diverse, que chaque « nouveau » commentaire suscite
d’abord une certaine appréhension, a fortiori si celui-ci fait plus de 1400
pages! Il faut toutefois saluer l’entreprise de J.-L. Vesco, dominicain et
ancien directeur de l’Ecole biblique et archéologique française de Jéru-
salem, pour son originalité et son actualité 7. Après s’être, en effet, long-
temps cantonnée à l’étude des psaumes individuels et à l’enracinement
liturgique, historique et sociologique de chacun d’eux, après avoir re-
découvert ensuite leur facture poétique ou littéraire, toujours dans cette
même perspective d’unités autonomes, la recherche depuis une petite
vingtaine d’années commence à s’intéresser au psautier en tant que
livre. Comme l’explique le préfacier (A. Schenker), l’auteur « choisit la
perspective du psautier qui enchâsse l’ensemble des psaumes dans
l’écrin d’un recueil. Entre le recueil et ses parties, le psautier et les
Chronique d’Ecriture Sainte (A.T.)
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6. M. MOSCOW, L’Alliance au quotidien. Une lecture du livre de Ruth à la lumière de la
fête juive de la Pentecôte, coll. « Connaître la Bible » 46, Bruxelles, Lumen Vitæ, 2007,
15 × 21 cm, 79 p., 10,00 .
7. J.-L. VESCO, Le psautier de David traduit et commenté, Vol. I et II, coll. « Lectio Di-
vina » 210 & 211, Paris, Cerf, 2006, 15 × 22,5 cm, 1418 p., 62,00 et 52,00 .
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