Chapitre 5: Opérateurs dans les espaces de Hilbert. Notions

Chapitre 5: Opérateurs dans les espaces de
Hilbert. Notions d’opérateur adjoint
18 mars 2008
1 Généralités sur les opérateurs
1.1 Définitions
Soient Het H0deux espaces de Hilbert sur C.
Définition 1.1 : Toute application linéaire continue T:HH0s’appelle un
opérateur. L’espace vectoriel L(H, H0)des applications linéaires continues de
Hdans H0est l’espace des opérateurs de Hdans H0.
Notations : 1) Pour alléger les écritures, l’image d’un vecteur xHpar
l’opérateur T∈ L(H, H0)sera généralement notée T x mais la notation tradi-
tionnelle T(x)sera parfois utilisée également.
2) La norme de Test le nombre
(1) |||T||| = sup
||x||H1
||T x||H0;
c’est la norme usuelle assujettie aux normes de Het H0.
3) On notera KerT le noyau de l’opérateur Ti.e. KerT ={xH;T x = 0}.
4) ImT désignera le sous-espace de H0image de Hpar T. On le notera aussi
T(H).
Remarque :KerT (resp. ImT ) est un sous-espace vectoriel de H(resp. de
H0). On notera que KerT est toujours un sous-espace fermé de Hmais ImT
n’est pas forcément fermé1dans H0(des exemples seront vus en TD).
1.2 Composé de plusieurs opérateurs
Soient H,H0et H00 des espaces de Hilbert et T1∈ L(H, H0)et T2∈ L(H0, H00)
des opérateurs. Considèrons l’opérateur composé T2T1∈ L(H, H00).
Proposition 1.2 : On a |||T2T1||| ≤ |||T2|||.|||T1|||.
Notes du cours sur les espaces de Hilbert de M. L. Gallardo, Licence 3-ième année,
Université de Tours, année 2007-2008. Les démonstrations sont données dans le cours oral.
1ceci ne peut arriver que si dimH 0= +car si dimH 0<+tous ses sous-espaces sont
fermés.
1
Remarque : Dans le résultat précédent les normes d’opérateur sont toujours
celles définies en (1) c’est-à-dire les normes assujetties aux normes des espaces
de Hilbert concernés par les opérateurs.
Application : Soit U∈ L(H, H)un opérateur de l’espace de Hilbert Hdans
lui même. On définit les puissances de l’opérateur Ucomme étant les opéra-
teurs de Hdans Hdéfinis de la manière suivante :
U0=I(l’opérateur identité), U1=U,U2=UU, . . . , Un=UUn1=
Un1U(n1).
Corollaire 1.3 :nN,|||Un||| ≤ |||U|||n.
Corollaire 1.4 : La série P+
n=0
1
n!Unconverge dans L(H, H). Sa somme est
un opérateur de Hdans Happelé exponentielle de l’opérateur Uet noté eUou
exp U. Sa norme vérifie :
(2) ||| exp U||| ≤ exp (|||U|||).
1.3 Inverse d’un opérateur
Soient Het H0des espaces de Hilbert et A∈ L(H, H0)un opérateur.
Définition 1.5 : On dit que Aest inversible s’il existe B∈ L(H0, H)tel que
(3) AB=IH0,et BA=IH,
IH(resp. IH0) est l’opérateur identité de H(resp. de H0). Un tel opérateur
B(lorsqu’il existe) est unique. On l’appelle opérateur inverse de Aou plus
simplement inverse de Aet on le note B:= A1.
Cas particulier où H=H0: Soit T∈ L(H, H). Dans le cas Hest de
dimension finie, on sait que l’inversibilité de Ta plusieurs aspects équivalents.
Plus précisément, rappelons l’important résultat suivant2:
Théorème 1.6 : Si dim H < +, les propriétés suivantes sont équivalentes :
1) Test inversible.
2) Test injectif.
3) Test surjectif.
4) Tadmet un inverse à droite (i.e. il existe U∈ L(H, H)tel que TU=IH).
5) Tadmet un inverse à gauche (i.e. il existe V∈ L(H, H)tel que VT=IH).
Remarque et contre-exemple : Attention si dim H= +, les propriétés
équivalentes du théorème précédent ne sont plus vraies :
Soit H=`2, l’espace des suites de nombres complexes de carré sommable, muni
de sa norme ||x||2=P+
n=1 |x|21/2(x= (xn)n1). Considérons l’application
S:`2`2définie pour tout x= (xn)n1, par Sx =y= (yn)n1
(4) y1= 0 y2=x1, . . . , yn=xn+1, . . . (n1).
Autrement dit Sx est la suite qui commence par 0et qui ensuite est composée
des mêmes termes que la suite xmais décalés d’un rang. L’application Sest
linéaire de `2dans lui même et c’est une isométrie puisque ||Sx||2=||x||2.
2voir les cours de L1 et L2.
2
Donc S∈ L(`2, `2). On appelle Sl’opérateur de décalage3dans `2. On voit
alors facilement que :
1) Sest injective (car isométrique),
2) Sn’est pas surjective.
3) Sadmet un inverse à gauche T:x= (xn)n17→ T x = (xn+1)n1(c’est
l’opérateur qui «efface» la première coordonnée donc on a clairement TS=
I`2).
4) L’opérateur Tn’est pas inverse à droite de l’opérateur S.
Le seul résultat simple valable quelle que soit la dimension de Hest le suivant :
Théorème 1.7 : Si T∈ L(H, H)est tel que |||T||| <1, alors la série P+
n=0 Tn
est convergente dans L(H, H), l’opérateur ITest inversible et
(5) (IT)1=
+
X
n=0
Tn.
Remarque 1 : Le résultat précédent est vrai aussi si Hest remplacé par un
espace de Banach quelconque.
Remarque 2 : Il convient de savoir utiliser le résultat du théorème sous la
forme suivante : Si T∈ L(H, H)est tel que |||IT||| <1, alors Test inversible
et on a T1=P+
n=0(IT)n.
1.4 Adjoint d’un opérateur
Soient Het H0des espaces de Hilbert. On va généraliser la notion d’adjoint
d’une application linéaire de Cddans lui même, qu’on étudie généralement en
L2.
Théorème 1.8 : Soit T∈ L(H, H0). Alors il existe un unique opérateur T
L(H0, H)tel que
(6) xH, yH0, < T x, y >H0=< x, T y >H.
L’opérateur Ts’appelle l’adjoint de T.
Définition 1.9 : Si T∈ L(H, H)est tel que T=T, on dit que l’opérateur
Test autoadjoint (ou hermitien).
Théorème 1.10 (Propriétés de l’adjoint) :
1) Pour tout A∈ L(H, H0), on a
(7) (A)=Aet |||A||| =|||A|||.
2) Si A∈ L(H, H0)et B∈ L(H0, H), alors
(8) (BA)=AB.
4) Pour tout A1, A2∈ L(H, H0)et tout λ, µ C, on a
(9) (λA1+µA2)=¯
λA
1+ ¯µA
2.
3ou «shift» en anglais.
3
1.4.1 Exemples d’opérateurs adjoint
Exemple 1 : Soit H=L2([a, b]) (a < b) l’espace des classes de fonctions x:
[a, b]Cde carré sommable avec le produit scalaire < x, y >=Rb
ax(t)y(t)dt
et soit f: [a, b]Cune fonction continue fixée. L’application Tqui à la
fonction xHfait correspondre la fonction T x définie sur [a, b]par
(T x)(t) = f(t)x(t)
est un opérateur T∈ L(H, H)appelé opérateur de multiplication par f. L’opé-
rateur T∈ L(H, H)est alors l’opérateur de multiplication par la fonction ¯
f.
Exemple 2 : Soit k: [c, d]×[a, b]C(c<d,a < b) une fonction continue
de deux variables réelles. On considère l’application K:L2([a, b]) L2([c, d])
telle que pour tout xL2([a, b]),Kx est la fonction définie par
(10) t[c, d],(Kx)(t) = Zb
a
k(t, s)x(s)ds.
Kest un opérateur de L2([a, b]) dans L2([c, d]) qu’on appelle opérateur inté-
gral de noyau k(t, s). On abrège souvent en disant que Kest un opérateur à
noyau (égal à k).
L’opérateur adjoint Kest aussi un opérateur à noyau. C’est l’opérateur in-
tégral de L2([c, d]) dans L2([a, b]) dont le noyau est la fonction (s, t)7→ k(s, t)
de [a, b]×[c, d]dans C(attention les intervalles sont maintenant dans l’ordre
inverse !) i.e. pour tout yL2([c, d]),KyL2([a, b]) est la fonction définie
par
(11) s[a, b],(Ky)(s) = Zd
c
k(s, t)y(t)dt.
Dans le cas particulier où [a, b]=[c, d], l’opérateur K:L2([a, b]) L2([a, b])
est autoadjoint si le noyau ksatisfait la condition de symétrie hermitienne
(12) (s, t)[a, b]2, k(s, t) = k(t, s).
1.4.2 Vecteurs propres et valeurs propres d’un opérateur autoad-
joint
Les opérateurs autoadjoints ont des propriétés particulièrement impor-
tantes que nous allons maintenant examiner. Soit Hun espace de Hilbert
et T∈ L(H, H)un opérateur.
Théorème 1.11 (Norme d’un opérateur autoadjoint) : Si Test autoadjoint
(i.e. T=T), alors
(13) |||T||| = sup
||x||=1
|< T x, x > |
Définition 1.12 (Rappel) : On dit qu’un nombre λCest une valeur propre
de Ts’il existe un vecteur xH,x6= 0, tel que T x =λx. Un tel vecteur x
est alors appelé vecteur propre associé à la valeur propre λ.
4
Remarque : Soit λune valeur propre de T. Alors l’ensemble Vλde tous4les
vecteurs xHtels que T x =λx est un sous-espace fermé (exercice) de H.
On l’appelle le sous-espace propre associé à la valeur propre λ.
Théorème 1.13 Si Test autoadjoint, les valeurs propres de Tsont réelles et
les vecteurs propres correspondant à des valeurs propres distinctes sont deux à
deux orthogonaux5.
Dans le cas de la dimension finie, on déduit le résultat bien connu suivant
Corollaire 1.14 : Si dim H < +et si T∈ L(H, H)est autoadjoint, alors
Test diagonalisable
Pour la démonstration on a besoin du lemme suivant que nous signalons car
il est très utile en général :
Lemme 1.15 : Soit T∈ L(H, H)un opérateur et soit Vun sous-espace vec-
toriel fermé de Hinvariant par T(i.e. xV, T x V). Alors le sous-espace
Vest invariant par l’adjoint T.
1.4.3 Matrice d’un opérateur dans une base hilbertienne
Soit Hun espace de Hilbert séparable et (en)nNune base hilbertienne de
H. Soit Tun opérateur de Hdans lui même. Pour tout j1, on peut écrire
(14) T ej=
+
X
i=1
< T ej, ei> ei.
Nous allons voir que les coefficients aij :=< T ej, ei>((i, j)N×N)
déterminent entièrement l’opérateur T:
Pour tout xH, posons xj=< x, ej>. on a alors x=P+
j=1 xjejet
(15) T x =
+
X
j=1
xjT ej,
car l’opérateur Test continu. D’autre part, la décomposition de T x sur la base
hilbertienne (en)donne
(16) T x =
+
X
i=1
< T x, ei> ei.
Mais d’après (15) et grâce à la continuité du produit scalaire, on a
(17) < T x, ei>=
+
X
j=1
xj< T ej, ei>=
+
X
j=1
xjaij.
D’après (16), on a donc
(18) T x =
+
X
i=1 +
X
j=1
aijxj!ei.
4incluant le vecteur 0(qui n’est pas un vecteur propre par définition).
5Autrement dit les sous-espaces propres Vλ1et Vλ2correspondant à des valeurs propres
λ16=λ2, sont orthogonaux.
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