génétique dossier Bien gérer le remplacement Sélectionner la relève : un moyen pour améliorer la rentabilité Voici quelques trucs pour bien sélectionner vos sujets d’élevage et établir une stratégie de remplacement économique maximisant la productivité et les gains génétiques de votre troupeau. Dans une entreprise laitière, il y a une multitude de secteurs où il est possible de faire des gains. À ce titre, la sélection des sujets de remplacement est souvent mise de côté. Il s’agit pour- tant d’un secteur où il serait possible d’économiser des milliers de dollars. Selon les statistiques de Valacta, la proportion des sujets d’élevage dans les entreprises suggère que les pro- Par Guillaume Ménard, agronome, conseiller à l’expertise en génétique, CIAQ ducteurs n’effectuent aucune sélection ou très peu. En 2010 et 2011, le ratio taures/vaches oscille autour de 0,82 à 0,85. Pourtant, lorsqu’on fait le calcul pour un troupeau type, le ratio taures/ vaches optimal devrait se situer autour de 0,65, avec un taux de remplacement de 28 %, des taures qui vêlent à 26 mois et en incluant une marge de sécurité, c’est-à-dire un supplément de sujets pour faire face aux imprévus, de 5 %. Il existe donc un potentiel de gains d’efficacité avec un nombre de sujets de remplacement optimal. Mais comment y arriver? Un outil incontournable : les indices génétiques des femelles de votre troupeau Pour établir les objectifs d’élevage, il faut d’abord bien connaître son troupeau, notamment les informations génotypiques (les indices génétiques) et phénotypiques (les performances réalisées) des sujets. Le processus commence par l’évaluation des forces et des faiblesses. L’indice global de sélection le plus utilisé au Canada est l’indice de profit à vie (IPV), qui tient compte des critères d’importance économique au Canada selon une pondération déterminée. Une étude du Réseau laitier canadien, réalisée en 2006, démontre qu’une différence de 100 points d’IPV entre deux sujets équivaut à 50 $ de profit additionnel par vache par année. Pour vous aider à évaluer le potentiel génétique de votre troupeau, il est possible d’utiliser l’in- 18 septembre 2011 Le producteur de lait québécois ventaire génétique, disponible auprès de Valacta ou le fichier des tendances génétiques du troupeau, accessible par l’entremise de votre représentant du CIAQ. Établir des objectifs d’élevage et des critères de sélection sera utile à la fois pour la sélection des génisses qui seront élevées et pour effectuer des choix de taureaux quant à l’insémination. Ces objectifs détermineront le profil de vaches recherché : élevage équilibré, production élevée, conformation élevée, santé et fertilité, etc. Ainsi, lorsqu’on aura décidé du type de vaches, on pourra identifier les critères de sélection propres à l’entreprise et, si on le désire, déterminer une pondération différente de l’IPV. Le classement des femelles, une première étape vers la sélection Après avoir établi les critères de sélection, il est maintenant temps de choisir. La meilleure méthode proposée est de grouper les sujets par catégorie de potentiel génétique, c’est-à-dire de classer les femelles du troupeau pour faire de meilleurs choix : choix des sujets à élever et choix d’investissement en semence de taureaux. En d’autres mots, faire la catégorisation de chacune des femelles permettra de bien situer l’animal dans votre troupeau selon son potentiel génétique, d’identifier les mères de la prochaine génération et d’aider à la sélection immédiate dans l’inventaire actuel des taures. L’évaluation des vaches du troupeau est la première étape de la sélection afin de les grouper selon leur potentiel génétique. Le meilleur moment pour la sélection est sans doute celui de la saillie de l’animal pour optimiser l’investissement en semence. Le premier classement se fait à partir de l’indice génétique (IPV) ou selon l’indice que vous avez établi. Le troupeau est divisé en trois groupes : groupe 1 (supérieur), groupe 2 (intermédiaire) et groupe 3 (inférieur). Après le classement selon les indices, différents critères peuvent influencer la catégorie de l’animal, comme la classification, l’appréciation générale phénotypique et l’évaluation de la famille. L’important est d’identifier les sujets du groupe 3 dont on n’élèvera pas la progéniture et qui seront en gestation seulement pour Bien choisir ses sujets La sélection génétique peut s’avérer un aspect important à considérer en matière de gains d’efficacité dans votre troupeau. Un élevage rationnel, c’est-à-dire en investissant dans un nombre optimal de sujets de remplacement sélectionnés rigoureusement avec les outils appropriés, apportera des gains génétiques favorisant la rentabilité de votre entreprise, par des performances supérieures des vaches et par une réduction des frais d’élevage. produire du lait. Cette portion peut compter de 15 % à 30 % des vaches en lactation. On peut alors avoir recours à une semence à bon prix, car les veaux seront vendus à un jeune âge. Divisez ensuite le reste du troupeau selon la stratégie d’utilisation des taureaux que vous aurez adoptée, par exemple, dans le groupe 2 (intermédiaire), soit 25 % à 30 % des vaches qui seront inséminées par des jeunes taureaux et des taureaux à haut profil génomique et dans le groupe 1 (supérieur), soit 40 % à 50 % des vaches qui seront inséminées par des taureaux éprouvés d’élite ou à haut profil génomique. Cette stratégie permettra de tirer un maximum de gains génétiques. En ce qui concerne les génisses, la sélection est plus difficile, car celles-ci n’ont pas encore réalisé de performances. Toutefois, la catégorisation demeure aussi importante et même davantage, car elles sont la future génération et présentent normalement le meilleur potentiel génétique du trou- peau. La recommandation demeure la même, il faut faire un classement selon l’IPV ou selon votre nouvel indice et réévaluer quelques sujets selon la catégorie de la mère, le père, la famille et l’apparence phénotypique. De cette manière, le potentiel de chaque génisse est bien identifié et de meilleures décisions sont prises en matière de gestion, par exemple, en ce qui a trait à la catégorie de taureaux utilisée. Également, le transfert d’embryons pourrait être envisagé et on pourrait même identifier des porteuses d’embryons. Le génotypage pour préciser le classement des femelles du troupeau Comme il n’y a pas beaucoup d’information disponible sur les jeunes sujets, la génomique pourrait intervenir dans votre sélection. Le principe est de faire tester certains sujets ou l’ensemble de ceux-ci pour définir ou reclasser les femelles à partir de leur nouvel IPV génomique. Stratégie d’utilisation de la semence chez les taures selon leur potentiel génétique MPG : moyenne de parents génomiques septembre 2011 Le producteur de lait québécois 19 génétique On peut regrouper en deux objectifs spécifiques les besoins des éleveurs en ce qui a trait à l’utilisation du génotypage des femelles. Le premier objectif consiste à préciser les évaluations des meilleurs sujets du troupeau (femelles d’élite préidentifiées). Cette précision permet d’intensifier la sélection des mères influentes de la prochaine génération, de reclasser ou de confirmer le potentiel des meilleures familles et de spécifier les indices des sujets à surovuler. Elle permet aussi de faire le bon choix parmi les sœurs propres issues d’une surovulation. Le deuxième objectif spécifique est la précision des décisions en matière de gestion économique de l’élevage : diminution du nombre de taures en inventaire ou meilleures décisions d’élevage. Il est toujours plus avantageux de prendre des décisions à partir de groupes plutôt qu’à partir de quelques individus. Un nombre plus grand de sujets testés permet d’améliorer l’analyse et d’augmenter l’impact éco- Cas réel On pourrait penser que le génotypage ne s’adresse qu’aux élevages d’élite. Voici l’exemple d’un troupeau réel pour lequel on a utilisé cette nouvelle technologie. L’objectif de l’exercice était de génotyper 41 génisses, âgées de 1 à 12 mois, dans le but d’en éliminer 12. Ayant investi 1 927 $ dans les tests, l’éleveur espérait, d’une part, récupérer son investissement par une meilleure sélection et, d’autre part, obtenir une meilleure précision de l’évaluation génétique, donc plus de précision dans les accouplements. Dans le tableau ci-contre, on constate qu’il y a sept génisses (en orange) qui devaient être éliminées selon l’IPV et que la décision demeure la même après utilisation de la génomique. Cinq génisses (en vert) devaient être éliminées selon l’IPV, mais la génomique (IPVG) a fait en sorte qu’elles soient épargnées. Le plus important à noter est que les cinq génisses (en bleu) qui ne se retrouvaient pas dans la liste d’élimination avant la génomique s’y retrouvent maintenant! C’est là que la génomique peut faire la plus grande différence dans le classement. Pour obtenir une sélection plus précise, il faut bien sûr faire une analyse de la conformation des génisses ainsi que de leur généalogie. Fait à noter, quand on compare l’apparence physique des génisses à leur indice de conformation selon la génomique, on s’aperçoit que les chiffres sont près de la réalité. Donc, si la génomique s’avère aussi précise, autant pour les critères visibles que pour ceux que l’on ne voit pas (cellules somatiques, kg de gras, kg de protéine, système mammaire), elle constitue sûrement un outil de sélection qui vaut l’investissement. 20 septembre 2011 Le producteur de lait québécois nomique des décisions. Le génotypage permettra également un choix de taureaux plus précis dans le programme d’accouplement ProGen et de meilleures décisions d’investissement de semence. Par exemple, le recours à une semence sexée pourrait être envisagé pour les meilleurs sujets, combiné à l’utilisation d’une forte proportion de taureaux éprouvés d’élite. Le graphique (p. 19) illustre une stratégie d’utilisation de la semence en fonction du potentiel génétique des taures. n NOS D’IDENTIFICATION DES GÉNISSES IPVG IPV Diff. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 1 907 1 802 1 761 1 639 1 584 1 405 1 255 1 198 1 195 1 182 1 152 1 123 1 112 1 102 1 063 1 017 999 996 964 921 920 876 875 872 846 813 773 719 712 697 655 598 496 493 492 305 158 125 123 -12 -98 1 665 1 625 1 454 718 1 568 1 236 1 007 1 183 1 023 673 652 878 263 1 207 836 650 1 153 783 1 095 930 818 734 999 1 197 962 667 795 548 767 694 305 711 446 770 942 187 597 893 419 86 209 242 177 307 921 16 169 248 15 172 509 500 245 849 -105 227 367 -154 213 -131 -9 102 142 -124 -325 -116 146 -22 171 -55 3 350 -113 50 -277 -450 118 -439 -768 -296 -98 -307 Rang IPVG Rang IPV 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 1 2 4 26 3 5 12 8 11 29 31 18 38 6 19 32 9 22 10 16 20 25 13 7 14 30 21 34 24 28 37 27 35 23 15 40 33 17 36 41 39