2 DEUXIEME PARTIE : ANALYSE SECTORIELLE ET LOCALISEE Dans cette partie, l’analyse détaillera les 140 activités qui ont été retenues pour l’approfondissement de l’étude. Le parti pris a été de les regrouper par secteur d’activité de façon à constituer des ensembles et sous-ensembles présentant a priori une homogénéité favorable à l’analyse. Ainsi, ils n’obéissent pas toujours aux regroupements habituels des nomenclatures d’activité. Par exemple, on a constitué un ensemble des services rendus à l’agriculture qui regroupe des activités relevant de l’artisanat, du commerce de gros et des services aux entreprises ; ou bien des services de santé, des services liés à l’automobile, etc. En outre, ces regroupements ont été organisés de façon à pouvoir appuyer l’analyse sur des éléments d’explication issus de la littérature que nous avons pu exploiter. Ainsi de l’artisanat, du commerce de détail, des services de santé. Les regroupements d’activité étudiés sont les suivants : - Artisanat alimentaire Artisanat du Bâtiment Artisanat de fabrication Artisanat de services et de réparation Services de Santé Activités liées à l’automobile Tabacs et débits de boisson Autres services aux particuliers Commerce de détail Commerce de gros Commerces et services à l’agriculture Services aux entreprises La base systématique des analyses est constituée par la démographie départementalisée des entreprises. On a vu que c’est l’indicateur qui marque le plus fortement la variation de densité des TPE. Sa modulation par la taille des entreprises (indicateur de la valeur ajoutée) est exploitée lorsqu’elle est apparue la plus significative, par exemple pour l’artisanat du bâtiment et le commerce de détail. La représentation cartographique des densités s’appuie sur la mise en exergue des déciles supérieurs des départements présentant les plus fortes densités, souvent aussi du décile inférieur, de façon à arrêter l’analyse sur les faits les plus saillants. Elle est précédée de la présentation d’un certain nombre d’indicateurs concernant la démographie des entreprises constituant l’ensemble étudié : les stocks, les flux et leur évolution ; la densité calculée par écart inter-décile à la médiane, et son évolution. Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 42 2.1 Chapitre 1 : Artisanat L’artisanat est, le seul secteur des TPE qui ait fait l’objet d’une étude antérieure sur sa répartition géographique nationale. L’étude de Paul Bachelard20, réalisée essentiellement à partir des données du répertoire des métiers de 1980 et du recensement de la population de 1975 offre un point de comparaison précieux à partir d’une période où l’artisanat présente encore des traits accusés de son ancrage dans des modes de production et des modes de vie fortement ancrés dans la ruralité. Nous utiliserons donc ponctuellement ses observations, tout en réservant ses hypothèses les plus globales pour la troisième partie de l’étude. 20 « L’artisanat dans l’espace rural », P. Bachelard, Masson, 1982. Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 43 2.1.1 Artisanat alimentaire Artisanat Alimentaire Commerce de détail de poissons, Cuisson de produits de boulangerie Pâtisserie Charcuterie Commerce de détail de viandes Boulangerie et boulangerie-pâtisserie APEN 522E 158B 158D 151F 522C 158C Nb TPE 2002 2 554 4 787 5 007 7 876 17 388 31 967 % croissance 1994-2002 -29,3% 294,6% -29,3% -40,6% -19,6% -6,0% Cumul création Cumul reprise 1994-2001 1994-2001 1 069 5 216 747 1 338 3 207 2 845 953 1 543 1 926 2 126 6 954 16 695 Moyenne Densité TPE 2002 Ecart interdécile à la médiane 3,3 2,6 1,4 1,2 0,9 0,7 1,7 Le % de croissance concerne l’évolution du nombre de TPE entre 1994 et 2002 L’artisanat alimentaire regroupe des activités dont la densité sur le territoire obéit à des logiques distinctes. Malgré leur diminution, l’observation de Paul Bachelard reste largement vraie : « le boucher forme avec le boulanger le noyau de base des services quotidiens », ces activités présentant les plus faibles écarts de densité. Les charcutiers et poissonniers sont traditionnellement inscrits dans une géographie plus étroite, les uns dans un axe qui va de la Normandie au nord du Massif Central, les autres sur les côtés à proximité de la ressource. Les terminaux de cuisson sont une activité nouvelle née dans le contexte particulier des espaces les plus touristiques et très faiblement présents sur le reste du territoire. Sur densités des TPEde l'artisanat alimentaire en 2002 Artisanat alimentaire Surdensités : Boulangeries et terminaux de cuisson Charcuteries Poissonneries Boucheries Départements classés dans le décile des plus fortes densités. Données INSEE Sirene – DCASPL A1 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 44 Il est intéressant d’observer les dynamiques d’évolution de ces densités qui sont révélatrices du jeu entre démographie des entreprises et territoires. Evolution du nombre de TPE entre 1994 et 2002 Boulangerie Pâtisserie Boucherie Charcuterie Poissonnerie Terminaux Dans le 1er décile - 43 - 21 - 76 - 63 - 7 + 20 Dans le dernier décile - 8 - 24 - 11 - 37 - 26 + 223 La boulangerie, la boucherie et la charcuterie connaissent des baisses de densité nettement plus importantes dans les départements de plus forte densité du 1er décile. La baisse est équivalente en pâtisserie. A l’inverse, les poissonneries se maintiennent mieux dans leurs zones côtières de prédilection. Les terminaux de cuisson augmentent peu en densité dans les départements qui les ont vu naître, mais leur taux de croissance est élevé là où ils n’étaient que peu présents. On peut en tirer quelques hypothèses généralisables : une tendance à l’homogénéisation des densités pour des activités au départ très dispersées sur le territoire dont la baisse affecte prioritairement les zones de plus forte densité ; une meilleure résistance des activités « à places fortes » ; une tendance à l’essaimage de nouvelles activités en fort développement à partir de leur territoire de naissance. La tendance dominante de ces mouvements contradictoires confirme l’analyse du premier chapitre sur la résorption des différentiels de densité. Chiffre d’affaires moyen des Boulangeries en 1967 Chiffre d'affaires des boulangeries et pâtisseries par établissement (en milliers de F) en 1967 210 et plus 190-210 160-190 130-160 moyenne 126 L’effet d’homogénéisation est confirmé par l’étude réalisée sur la base du recensement de la distribution de 1967 par Michel Coquery*. Elle montrait que, au nord d’une ligne allant de la HauteNormandie au Jura, les chiffres d’affaires de la boulangerie étaient sensiblement plus élevés que dans le sud et ceci de manière très homogène. On ne retrouve plus cette opposition en 2002. Les valeurs les plus importantes n’apparaissent qu’à l’état de traces dans l’Est et à Paris, mais se distribuent aussi bien dans le Massif Central qu’en Bretagne ou dans les Alpes. Les politiques professionnelles et meunières ont déployé des modèles de plus en plus nationaux qui tendent à calibrer les boulangeries à la manière de la franchise. Source : Michel Coquery * « Mutations et structure du commerce de détail en France, étude géographique », Michel Coquery, 1978 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 45 La monographie sur la boulangerie/pâtisserie/terminaux de cuisson21 permet d’approfondir l’analyse. Elle invite notamment à quelques hypothèses pour mieux comprendre comment joue le processus territorialisé de concurrence/complémentarité entre les terminaux de cuisson et les activités de l’artisanat alimentaire traditionnel. La surdensité des terminaux de cuisson dans les départements de la façade méditerranéenne est nette. Elle va jusqu’à 3,21 entre terminaux de cuisson pour 10.000 habitants dans les Pyrénées Orientales. Dans l’ensemble des départements du LanguedocRoussillon, on compte en 2002 en moyenne un terminal de cuisson pour deux boulangeries. Les départements de la Bretagne maritime se distinguent aussi. A l’inverse, les plus faibles densités s’observent en Alsace, dans des départements ruraux du Centre et du Nord (les Ardennes ont la plus faible densité avec 0,10) et à Paris. L’écart de densité s’accroît avec des taux multipliés par 3 ou 4 dans certains départements de Languedoc-Roussillon. Mais il faut noter aussi l’émergence de départements où les terminaux étaient presque absents en 1994 comme la Corrèze, l’Eure, l’Allier, le Jura où leur taux est multiplié par 10. La géographie de la boulangerie artisanale présente de son côté des traits fortement enracinés dans un passé qui sait se renouveler. Sa place forte est certes le Massif Central où l’on se rapproche souvent d’une boulangerie pour 1.000 habitants. Dans ces départements ruraux, elle s’est souvent diversifiée dans le multiservices, ce qui fait qu’un département comme la Lozère, le plus dense en boulangeries, en perd très peu entre 1994 et 2002. En même temps, on constate un maillage fort de l’ensemble du territoire : à part la Région parisienne, certains départements de l’Est et les grandes villes, on descend peu au dessous d’une boulangerie pour 2.000 habitants. L’autre trait à relever est le relatif déplacement des fortes densités d’emplois salariés au bénéfice des régions frontalières de l’Est, d’Alsace-Moselle jusqu’aux Savoies. On retrouve là l’influence du modèle germanique et suisse d’un artisanat fortement structuré proche de la PME. L’analyse de la valeur ajoutée va naturellement dans le même sens, et fait apparaître en plus Paris comme l’un des départements où la boulangerie présente la plus forte valeur ajoutée par habitant (de même la boucherie). Le très fort développement des terminaux de cuisson sur la façade méditerranéenne est évidemment lié à l’activité touristique. Cependant, il est intéressant de noter qu’un département très touristique comme la Vendée conserve un taux modeste de terminaux de cuisson (0,85). Il faut sans doute rechercher une part d’explication dans une identité de métier plus forte dans sa boulangerie artisanale, connue pour ses innovations commerciales et industrielles22. En PACA et Languedoc-Roussillon, les taux de syndicalisation sont bas ; la résistance au développement des terminaux de cuisson plus faible. C’est un trait assez commun à l’ensemble des métiers artisanaux et qui peut donc expliquer plus généralement à la fois l’instabilité du tissu des TPE (beaucoup de créations/disparitions) et l’ouverture de cet espace aux nouvelles activités (cf. informatique). 21 CF Deuxième rapport intermédiaire Voir à ce sujet l’ouvrage de S. Kaplan « le retour du bon pain », Perrin 2002, et ses développements sur « la révolution du pain blanc ourdie dans les fournils de Vendée ». 22 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 46 2.1.2 Artisanat du bâtiment Artisanat Bâtiment Travaux de charpente Réalisation de couvertures par éléments Fabrication de charpentes et de menuiseries Construction de maisons individuelles Plâtrerie Travaux de maçonnerie générale Travaux de finition n.c.a. Construction de bâtiments divers Terrassements divers, démolition Menuiserie bois et matières plastiques Revêtement des sols et des murs Installation d'équipements thermiques et de clim. Installation d'eau et de gaz Travaux d'installation électrique Peinture Menuiserie métallique ; serrurerie APEN 452L 452J 203Z 452A 454A 452V 454M 452B 451A 454C 454F 453F 453E 453A 454J 454D Nb TPE 2002 4 691 10 709 1 897 12 671 11 520 61 919 6 619 3 766 11 086 30 210 13 107 11 316 26 661 33 969 40 762 11 266 % croissance 1994-2002 77,0% 18,5% 8,3% 233,4% 2,8% -6,4% -14,6% 3,3% -21,7% -1,3% 9,2% 13,0% -3,2% 9,0% 4,8% -1,8% Cumul création Cumul reprise 1994-2001 1994-2001 2 606 5 491 1 254 16 412 6 626 41 519 4 876 3 335 4 418 12 942 7 816 5 751 11 223 19 643 23 690 5 637 646 1 115 293 748 861 5 195 343 281 1 047 2 836 868 1 059 2 443 2 793 2 409 1 392 Moyenne Densité TPE 2002 Ecart interdécile à la médiane 3,6 2,6 2,5 2,2 1,9 1,8 1,6 1,6 1,2 1,2 1,0 1,0 0,9 0,8 0,8 0,7 1,6 Le % de croissance concerne l’évolution du nombre de TPE entre 1994 et 2002 L’artisanat du bâtiment est un marqueur puissant de la géographie des TPE du fait de son poids dans la démographie de l’artisanat (40 %) et des TPE en général (13,7 %). La statistique de densité relative des activités qui le composent montre que les écarts sont généralement limités, hors quelques activités, et que l’artisanat du bâtiment a donc un effet global d’homogénéisation des densités. La carte suivant présente, pour 16 activités retenues dans l’étude, quels sont les départements qui présentent les plus fréquentes occurrences dans le décile supérieur (surdensité), et dans le décile inférieur (sous-densité). Sur densités et sous densités des TPE du bâtiment en 2002 Artisanat du bâtiment Surdensités : 8 - 10 occurences 2 - 4 occurences Sous-densités : 8 - 10 occurences 5 - 7 occurences 2 - 4 occurences Données INSEE Sirene – DCASPL A1 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 47 L’opposition entre le Nord et les grandes agglomérations, moins denses, et le Sud avait été notée par P. Bachelard il y a trente ans dans ces termes : « Dans la moitié nord de la France et dans les grandes métropoles telles que Lyon et Marseille, les grandes entreprises et leurs filiales se sont développées à une telle échelle qu’elles ont réduit notablement le champ d’action de l’artisanat ». La carte de 2002 confirme aussi que « la bordure sud du Massif Central détient des records en nombre d’entreprises par rapport à une population dont les revenus sont relativement modestes…. multitude de petites entreprises dont la productivité est faible ». C’est effectivement dans les départements comme le Cantal, l’Ariège, la HauteCorse que l’on atteint des pourcentages d’entreprises du bâtiment au régime micro-fiscal les plus élevés, de l’ordre de 15 à 20 %. L’Est de la région PACA et la Corse sont aussi des zones de forte concentration d’artisans du bâtiment qui s’est renforcée depuis les observations réalisées par P. Bachelard. Les maçons y sont particulièrement nombreux. P. Bachelard expliquait la forte présence des maçons dans le sud de la France par une plus faible pénétration de la construction industrialisée. « Dans tout le midi, les traditions donnent une place plus grande au maçon dans l’aménagement intérieur de la maison ». La carte de la démographie des entreprises est nuancée par celle du poids économique mesuré par la valeur ajoutée. C’est dans le bâtiment que le facteur modifie le plus la répartition géographique des densités : les départements des Alpes du Nord et de la Vendée se détachent nettement. Apparaissent aussi la Bretagne et l’Est de la région parisienne. A l’inverse, dans le midi méditerranéen, des départements confirment par le poids économique leur faible démographie (Bouches-du-Rhône) ou mixent des activités fortes et faibles (par ex. menuiserie bois, plâtrerie, couverture) en Corse et Alpes Maritimes. Alpes du Nord, Grand Ouest, Est de la région parisienne sont donc caractérisés par des entreprises plus structurées, faiblement concurrencées par les grandes entreprises dans les deux premiers cas, et portées par le dynamisme de ces marchés d’habitat principal et secondaire. L’autre phénomène notable est le quasi-effacement du Massif Central des fortes densités, pour les raisons exposées précédemment. Valeur ajoutée des TPE du Bâtiment : sur-densités et sous-densités La valeur ajoutée des TPE du BTP Surdensités : 7à9 4à6 2 et 3 Sous-densités : 7 à 10 4à6 Données INSEE FICUS – DCASPL A1 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 48 La prise en compte de la population saisonnière atténue bien sûr les fortes polarisations sans les bousculer : au regard de la population moyenne, la Haute-Savoie et la Vendée sont les départements qui apparaissent le plus souvent dans les activités à forte valeur ajoutée. Les observations précédentes globalisent les 16 activités du bâtiment retenues qui tendent à s’inscrire de manière homogène sur le territoire. Cependant, deux activités présentent une géographie particulière marquée par des écarts de densité très élevés, la charpente et la couverture. Ces activités, qui sont souvent ailleurs associées à d’autres corps d’état, menuiserie dans le premier cas, plomberie dans le second, s’affirment dans certains territoires en fonction des traditions de construction. Le métier de charpentier est caractéristique des Alpes du Nord et du Sud-ouest ; le métier de couvreur s’impose en Normandie, en Bretagne et dans le Sud-ouest du Massif Central, régions de toits d’ardoise qui imposent une technicité confirmée. Sur-densités des couvreurs, des charpentiers et des menuisiers en 2002 Zones de surdensité des couvreurs et charpentiers Couvreurs Menuiserie bois et métal Surdensités : Charpentiers Menuiserie bois Menuiserie métallique Données INSEE Sirene – DCASPL A1 D’autres activités ont une géographie moins contrastée tout en présentant des spécificités régionales. Ainsi, la menuiserie bois continue de s’imposer dans le Massif Central et les Alpes du Nord, alors que la menuiserie métallique domine sur la façade méditerranéenne. Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 49 Les amorces d’analyse explicative avancées jusqu’ici mettent en avant des caractéristiques de la demande locale ou des rapports de concurrence différents entre TPE et grandes entreprises pour expliquer les différentiels de densité artisanale. Le secteur du bâtiment étant particulièrement sensible à l’évolution démographique, on pourrait penser que les sur-densités ne font qu’accompagner les déplacements de population. La vérification a été recherchée par les auteurs de l’Atlas de France23 par la mise en rapport du nombre d’artisans et du dynamisme démographique. Le constat est qu’ils ne sont que médiocrement liés. Sur-concentration et sous-concentration des artisans du BTP en 1990 en fonction du solde migratoire 1975-1990 Artisans du BTP en 1990 fonction du solde migratoire 1975-1990 surconcentration forte surconcentration faible sous-concentration forte sous-concentration faible Source : Atlas de France – Documentation Française La sur-concentration d’artisans sur les côtes et en région lyonnaise, au-delà d’une croissance démographique généralement forte, s’oppose à une sous-concentration en zones de démographie forte (région parisienne, Alsace) ou faible (Nord, Est) semblant indiquer que les régions de tradition artisanale ont tendance à se renforcer au-delà du seul mouvement démographique, et inversement. D’autres facteurs que le volume de la demande expliquent donc la croissance du nombre d’artisans. 23 « Atlas de France – services et commerce », Reclus, Documentation Française, 1999 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 50 2.1.3 L’artisanat de fabrication Artisanat Production Fabrication de vêtements de dessus pour femmes Bijouterie, joaillerie, orfèvrerie Mécanique générale Fabrication de meubles meublants Chaudronnerie-tuyauterie Fabrication d'appareils médicochirurgicaux Autres activités graphiques Industries connexes de l'ameublement Autre imprimerie (labeur) APEN 182E 362C 285D 361G 283C 331B 222J 361K 222C Nb TPE 2002 4 852 2 681 8 335 7 477 4 810 7 131 4 672 6 679 6 790 % croissance 1994-2002 11,4% 2,8% -6,9% -22,7% 4,0% 2,7% 22,7% 53,5% -18,3% Cumul création Cumul reprise 1994-2001 1994-2001 7 534 1 136 3 205 2 254 2 840 2 468 3 591 3 746 2 733 595 376 1 175 721 704 935 343 623 1 040 Moyenne Densité TPE 2002 Ecart interdécile à la médiane 3,0 2,0 1,6 1,5 1,2 1,1 1,1 0,8 0,8 1,4 Le % de croissance concerne l’évolution du nombre de TPE entre 1994 et 2002 L’artisanat de production délimite des zones spécifiques héritières d’une protoindustrialisation dont les effets se sont effacés dans d’autres régions. Dans ces zones se sont réalisées durablement les conditions de passage à l’industrie dont la transition suppose la création d’ateliers pour tirer les avantages de productivité des inventions mécaniques, des réserves de capital suffisantes, une expérience du négoce, une main-d’œuvre d’artisans qualifiés. De l’Auvergne et du Limousin à la Haute-Savoie, à l’Ain et au Jura, subsistent ainsi à la fin des années 70 un artisanat vivace de transformation du bois et des métaux, et même un artisanat du textile dans le Centre et le Sud Ouest. A cette époque, P. Bachelard constate que « cet artisanat traditionnel disparaît progressivement » et tente de discerner dans quelle mesure la sous-traitance serait à même de lui donner un second souffle. Son pronostic est pessimiste, car « la concurrence des entreprises plus importantes et la nécessité du renouvellement et de l’amortissement du matériel sont ressenties avec une acuité plus forte. L’évolution rapide des techniques laisse en fait bien peu de place pour l’artisan qui travaille pour l’industrie ». Trente ans plus tard, on observe qu’il reste des traces significatives de l’artisanat des métaux au Nord de Rhône-Alpes, en Franche Comté et dans la vallée de la Seine, et un artisanat de meuble typique du sud du Massif Central. Surtout, apparaissent des phénomènes nouveaux. L’artisanat de l’habillement, jadis dispersé sur le territoire avec les couturières et tailleurs, se concentre désormais à Paris et dans la région parisienne (à un moindre degré à Nice et Marseille) et se recentre sur la fabrication de vêtements de courte série non délocalisée. Il est investi massivement par des populations différentes, d’immigration récente organisée en filières professionnelles et communautaires. C’est une illustration de l’ethnic business qui caractérise de plus en plus les polarisations urbaines occidentales. Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 51 A l’inverse pourrait-on dire, on voit émerger un pôle régional de la fabrication de menuiseries et charpentes autour du massif forestier aquitain. La dissociation fabrication/pose, amorcée depuis la fin des années 60, a ainsi produit un phénomène de polarisation nouveau de la fabrication proche de la ressource forestière, de type filière bois régionale où l’artisanat trouve sa place. Sur-densités de certaines activités de l’artisanat de production en 2002 Artisanat de fabrication Vêtements féminins Charpentes menuiseries Mécaniques Chaudronneries Meubles Données INSEE Sirene – DCASPL A1 Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 52 2.1.5 Vue d’ensemble de l’évolution des densités artisanales L’étude de Paul Bachelard permet une mise en perspective globale de l’évolution des densités artisanales sur une période de plus de 20 ans ; ses observations calées sur le recensement de la population de 1975 et le Répertoire des métiers de 1980 montrent alors une forte amplitude de variations de densité départementale qui varie de plus du simple au double. « Globalement, la France du Sud correspond à une zone de densités supérieures à la moyenne. Le Lot détient le record avec 270 entreprises pour 10.000 habitants, un groupe d’une dizaine de départements présentant un ratio supérieur à 200 ». Des Alpes au Jura s’étend aussi une zone de forte densité séparée du Massif Central par un espace de plus faible densité couvrant la vallée de la Saône et du Rhône. L’axe Le Havre – Belfort sépare au Nord – Nord Est une zone de faible densité, particulièrement accusée en Lorraine, dans le Bassin parisien et le Nord Pas-de-Calais, la vallée de la Seine. Paul Bachelard distingue finalement trois espaces régionaux, le Nord et le Sud étant séparés par une zone intermédiaire couvrant les Pays de Loire, le sud du Bassin parisien, la Bourgogne et la vallée du Rhône. Densité des entreprises artisanales en 1980 et en 2002 Densité de l'artisanat en 2002 Nombre d'entreprises pour 10 000 hab Densité de l'artisanat en 1980 Nombre d'entreprises pour 10 000 hab +190 +190 171 - 190 171 - 190 151 - 170 151 - 170 131 - 150 131 - 150 130 et moins 130 et moins Source : DCASPL -Sirene Source : d'aprèsBachelard 1982) En 2002, la même carte de la densité des entreprises artisanales démontre à la fois des constantes et des déplacements des sur-densités et sous-densités. Entre temps, les grandeurs comparées et leur contenu ont évolué. La population a cru de 10 % pendant que le nombre d’artisans a aussi légèrement augmenté. La répartition des métiers s’est modifiée au bénéfice des services et, surtout, par mutation interne aux grands secteurs (exemple de la boulangerie/pâtisserie/terminaux de cuisson ; baisse du gros œuvre au bénéfice du second œuvre dans le bâtiment…). Même si tout a bougé, l’allure générale de la carte présente les mêmes polarisations dans le Massif Central et les Alpes. Par contre, s’est accentuée la forte densité artisanale de Corse et Alpes Maritimes. L’axe Le Havre – Belfort apparaît avec moins de netteté. Les densités moyennement élevées allant de Bretagne jusqu’au Centre se sont atténuées. La Vendée a quitté la catégorie des densités les plus élevées. Il semble que, dans ces régions, se confirme ainsi ce qui était observé dans le rapport démographie/valeur ajoutée des entreprises artisanales du bâtiment : des entreprises qui ont gagné en structuration dans un espace moins concurrencé par les grandes entreprises. Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 55 2.2 Chapitre 2 : Services aux particuliers et commerce de détail Les services aux particuliers et le commerce de détail sont caractérisés par l’homogénéité de leur marché constitué par les ménages. La notion de TPE est dominante dans la structure d’offre des services, alors qu’elle est minoritaire dans celle du commerce de détail. L’exposition sectorielle est introduite par les services de santé. D’une part, elle rassemble parmi les effectifs les plus nombreux de TPE, d’autre part, elle peut être analysée de manière plus approfondie que les autres groupes d’activités grâce à l’appareil mis en place par l’observatoire national des professions de santé. On a choisi de distinguer ensuite l’ensemble cohérent des activités liées à l’automobile, des tabacs et débits de boissons qui avaient fait l’objet d’une monographie antérieure. Parmi les autres services aux particuliers, la focalisation a été portée sur les activités liées au tourisme. La géographie du commerce de détail peut s’appuyer sur l’étude de Michel Coquery, déjà citée, pour une analyse en profondeur historique et sur les travaux du Comité « géographie » du Comité national géographique du CNRS, notamment pour apprécier l’évolution du petit commerce dans la modernisation de la distribution. Rapport Final – Etude sur la densité régionale des TPE–- DCASPL – GATE –ESiloe 2006 56