Le syndrome fibromyalgique : stratégies thérapeutiques

Le syndrome fibromyalgique : stratégies thérapeutiques
Introduction
Décrit au début du XXème siècle, le syndrome fibromyalgique est une pathologie douloureuse
persistante idiopathique à prédominance féminine. On ne rencontre pas qu’une seule forme de
fibromyalgie comme il n’existe pas qu’un seul traitement. Quand la fibromyalgie est associée à une
autre pathologie, on parle de fibromyalgie concomitante. Ce n’est que lorsque le tableau douloureux
est isolé, sans lien avec une pathologie quelconque, le bilan complémentaire étant normal, que l’on
retient le diagnostic de syndrome fibromyalgique. Cependant, une fois ce dernier diagnostic posé,
diagnostic d’élimination, le praticien peut avoir affaire à des sous-groupes selon la présentation du
patient, sa personnalité, la description clinique. Autant de formes cliniques obligeant le soignant à
adapter les traitements au soigné, en donnant priorité au traitement non pharmacologique comme
le recommande l’Eular (1).
Bref rappel physiopathologique indispensable pour comprendre les traitements proposés
Nous avons dit que le syndrome fibromyalgique peut accompagner certaines affections, le plus
souvent d’ordre rhumatismale On parle alors de forme concomitante, plutôt que de fibromyalgie
secondaire. Ainsi la fibromyalgie peut-elle survenir de façon concomitante avec le syndrome de
Gougerot-Sjögren, jusqu’à 22% des cas pour Ostuni et al. (2), la polyarthrite rhumatoïde, la
spondylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, le lupus mais aussi l’hypothyroïdie. Plus
rarement la fibromyalgie s’associe à des affections comme l’hépatite virale, le parvovirus, herpès, le
SIDA. Le traitement repose autant que faire se peut sur celui de l’affection d’origine (3). Il existe
aussi des formes iatrogènes déclenchées par la prise d’anti-aromatases, traitements du cancer du
sein, ou d’hypocholestérolémiants, plus rarement analogue de la LH-RH (4). L’interruption de ces
traitements permet le plus souvent la disparition de la symptomatologie.
Le syndrome fibromyalgique isolé se présente de façon variable selon certaines formes cliniques,
elles-mêmes fonction de l’existence de comorbidités associées passées ou présentes. Comorbidités
mentales comme par exemple l’anxiété ou la dépression, allant jusqu’à la notion de
« catastrophisme », terme issu du langage anglo-saxon désignant chez un même patient toutes les
conséquences néfastes de la douleur à l’origine d’un trouble du comportement qui consiste en une
exagération de sa réaction à la douleur avec rumination, sensation d’impuissance, déni, rejet du
milieu médical. Cette qualification, indépendante de la dépression, liée à l’aspect émotionnel de la
douleur, justifie quasi systématiquement une prise en charge pluridisciplinaire (5). Autres
comorbidités rencontrées, association ou antécédent de cystite interstitielle, de céphalées de
tension et autre syndrome du colon irritable ou encore douleurs pelviennes regroupés par
Diatchenko sous le terme de syndromes douloureux idiopathiques parce que relevant des mêmes
dysfonctionnements du système nerveux central (6). Ces aspects soulignent la nécessité d’envisager
plusieurs stratégies thérapeutiques, à associer souvent dans le même temps, meilleur moyen de
répondre au défi lancé par cette pathologie complexe répondant à un concept bio-psycho-social.
Concept que l’on peut résumer comme un dysfonctionnement des centres corticaux de la douleur
avec diminution de l’activité des voies inhibitrices de la douleur, possible conséquence d’un stress
chronique au retentissement endocrinien, neurophysiologique, objectivé par des modifications en
imagerie (7).
Le syndrome fibromyalgique est donc multi-factoriel, ce qui explique la nécessité d’une prise en
charge globale souvent multidisciplinaire reposant sur un traitement à la fois non pharmacologique
et pharmacologique, priorité étant donnée à la prise en charge non pharmacologique selon les
recommandations citées plus haut, d’autant que les traitements médicamenteux sont limités par
leurs effets antalgiques et leurs inconvénients.
Traitements non pharmacologiques :
Les premières consultations :
Le bon déroulement des premières consultations d’une patiente souffrant d’un syndrome
fibromyalgique est essentiel pour obtenir une prise en charge thérapeutique optimale. Ecouter,
rassurer, poser un diagnostic mais aussi apporter quelques clarifications physiopathologiques ont
déjà leurs propres effets thérapeutiques. L’écoute et les premiers échanges avec la patiente créent
une relation de confiance. Cette empathie va permettre une meilleure compréhension de la douleur
et de ses retentissements et, avoir un effet thérapeutique incontournable (8). Rassurer la patiente
consiste à lui rappeler, notamment grâce à un examen clinique complet, que l’appareil locomoteur
n’est pas en soi pathologique. Il s’agit d’un argument essentiel permettant d’encourager l’individu
souffrant à entreprendre des activités physiques régulières, donc reprendre confiance en lui,
véritable objectif thérapeutique. Les explications d’ordre physiopathologique proposées se
résumeront au fait que ses troubles sont très probablement la conséquence d’un dysfonctionnement
des centres de la douleur au niveau du cerveau comme en témoignent les études en imagerie, avec
anomalies de la réponse au stress, du contrôle inhibiteur de la douleur où les troubles du sommeil
jouent également leur rôle. La conséquence de ces perturbations entraine une baisse du seuil
douloureux et explique que, quel que soit le type d’activité, la patiente puisse avoir une douleur
spontanée sans toujours de facteurs déclenchant (9,10). Cette clarification évite aussi de coller aux
patientes certaines étiquettes comme celle de psycho-somatique. Terme considéré par celles-ci
comme insultant car sous-entendant que leurs douleurs ne relèvent que de l’imagination (11). Nous
parlons bien de patientes et non de patients puisque le syndrome fibromyalgique est une quasi-
exclusivité féminine en raison d’un seuil de la douleur plus bas chez les femmes que chez les hommes
(12). Les hormones œstrogènes semblent bien jouer un rôle de nocicepteurs contrairement à la
testostérone, d’autant qu’il existe une sécrétion hormonale d’estrogènes par les neurones. Mais une
telle explication ne peut être que schématique puisque certains sous-groupes d’estrogènes ont une
action antinociceptive. Nous en reparlerons plus loin.
Une douleur chronique, peu importe son origine, a inévitablement un retentissement à la fois
physique, psychologique, comportemental, familial, conjugal donc relationnel (13). La
reconnaissance avec le patient de ces retentissements se fera le plus souvent au fur et à mesure des
consultations. Il n’est pas indispensable de rechercher coute que coute un facteur déclenchant
comme les sévices, les traumatismes sexuels et autres chocs psychologiques survenus dans l’enfance
dont on sait la plus grande fréquence chez la patiente fibromyalgique d’après une certaine littérature
(14). Il n’apparaît pas évident que cette quête, du moins systématique, parfois blessante, apporte des
solutions aux problèmes douloureux dont se plaint la patiente au moment où elle consulte. Nous
sommes ici dans un contexte de douleur chronique bénigne, il n’y a donc pas d’urgence à se
précipiter à la fois sur les causes et conséquences. De même, on évitera de présenter tous les
traitements possibles, sous peine de se mettre en situation d’échec, la patiente attendant encore et
toujours, consciemment ou non, le traitement suivant.
Evaluer la douleur et ses retentissements montre également à la patiente l’attention qu’on lui porte
et pas seulement à sa douleur. Pour certains, cette façon d’envisager les consultations pourrait
relever de l’effet placebo. Mais pourquoi sen priver puisqu’ il est désormais démontré que l’effet
placebo est une véritable thérapeutique antalgique comme en témoignent les travaux les plus
récents(15). On pourra encore s’aider lors des premières consultations par un journal de bord rédigé
par la patiente. Il s’agit de lui demander d’écrire jour après jour, ses sensations, émotions, physiques
et psychiques, les images que lui inspire sa situation, l’évolution de ses troubles selon son activité. Lui
faire ajouter une liste d’activité de loisirs, ses goûts et les couleurs préférées orientera le thérapeute
vers une distraction, des séances de relaxation plus adaptées. Ce travail peut évidemment se faire en
collaboration avec une équipe pluridisciplinaire, un réseau de prise en charge de la douleur, lesquels
permettront au praticien référent pour la patiente de rester en contact avec cette dernière. Equipes
qui proposent donc différents traitements, se complétant, que l’on adaptera à chaque patiente et
que nous exposons à présent.
L’activité physique régulière :
Il s’agit d’un point fondamental de la prise en charge de la douleur dans la fibromyalgie. S’il n’y avait
qu’une notion à retenir lors de la première consultation, ce serait peut-être celle-ci : expliquer à la
patiente que l’activité physique régulière est un élément incontournable du traitement en lui
expliquant qu’il s’agit d’une véritable thérapeutique antalgique ayant effectivement une action
centrale, moyen incontournable pour reprendre confiance en soi et éviter sinon lutter contre la
kinésiophobie. Le choix des activités relève de ses goûts, de son expérience passée à ce sujet. Il
s’agira de les diversifier, de les fragmenter au moins dans les premiers temps, afin d’éviter
l’apparition ou l’aggravation de la douleur. Fontaine et coll. ont démontré qu’en commençant
progressivement la première semaine par 5 minutes et, en augmentant de 5 minutes de plus chaque
jour, au bout de 2 mois les patients avaient bénéficié d’une meilleure endurance, d’une diminution
de 35% de la perception de la douleur. Ce travail a l’intérêt de souligner que l’adhésion à l’activité
physique a été supérieure aux études précédentes lesquelles, imposaient un lourd programme
d’entrainement physique en réalité trop contraignant(16). A noter par ailleurs, la confirmation
récente, par une équipe brésilienne du bénéfice de la gymnastique Pilates dans la fibromyalgie (17),
par d’autres auteurs de celle apporté par le Tai Shi Shuan ou le Qi Qong (18).
La kinésithérapie
Le kinésithérapeute joue un rôle essentiel. En effet, grâce à ses connaissances et à sa faculté
d’adaptation, il pourra induire le reconditionnement à l’activité. Les études sur le bienfait des
massages ont l’inconvénient d’être ouvertes et de ne porter que sur de petites populations(19). Il est
cependant conseillé d’éviter les massages trop appuyés chez ces patients souffrant déjà d’allodynie
diffuse. Comme au cours de toute pathologie douloureuse chronique, aucune méthode ne semble
supérieure à une autre. Ainsi l’échec d’une méthode n’exclut aucunement la prescription d’une
autre. Par la suite, il est indispensable que le kinésithérapeute donne des instructions au patient pour
qu’il puisse poursuivre chez lui un programme d’exercices adaptés. Ajoutons que la balnéothérapie
est recommandée par l’Eular chez les patients fibromyalgiques (1).
Les cures thermales
Elles font parties désormais de la prise en charge thérapeutique de la fibromyalgie. Jouent un rôle
fondamental dans la prise en charge thermale l’unité de temps, de lieu et d’action ainsi que les
facteurs d’environnement et psycho-sociaux propres à la cure comme le repos physique et
psychique, l’éloignement du cadre de vie habituel, dynamique de groupe, la confrontation à
l’expérience d’autres malades, l’écoute, les contacts réguliers avec les thérapeutes, mais aussi
l’investissement personnel et financier du patient dans une intervention thérapeutique qu’il a
souvent sollicitée auprès de son médecin prescripteur et pour laquelle la majorité des coûts reste à
sa charge (20).
Plusieurs essais cliniques étudiant fibromyalgie et thermalisme ont été publiés. Un essai clinique
contrôlé de faible puissance montre une efficacité significative et durable (maintien des effets à six
mois) du traitement thermal sur la fonction, la douleur, le compte des points douloureux, la fatigue
des patients. Le bénéfice s’avérant supérieur au traitement habituel fait de médicaments et
d’activités physiques (21). Un autre essai randomisé de faible puissance confirme une amélioration
symptomatique de patients fibromyalgiques traités par balnéothérapie marine, exercices contrôlés
et éducation thérapeutique (22). Un troisième essai randomisé et contrôlé retrouve une efficacité du
traitement thermal par boues chez le patient fibromyalgique(23).Les travaux d’évaluation publiés
restent encore trop rares, cependant les recommandations de l’Eular soulignent bien l’intérêt de la
balnéothérapie, de leau chaude notamment (1). Une cure thermale peut non seulement soulager
mais aussi permettre un reconditionnement à l’activité et encourager la patiente à changer ses
habitudes une fois revenue dans son milieu. C’est pourquoi certains centres organisent désormais
des séances d’éducation thérapeutique adaptée aux fibromyalgiques (20).
L’éducation thérapeutique
L’éducation thérapeutique se définit comme la possibilité pour le patient d’acquérir et de conserver
des capacités et des compétences l’aidant à vivre de façon optimale avec sa maladie (définition de
l’OMS). Cette éducation se pratique à partir de bilans éducatifs partagés entre l’équipe soignante ou
un médecin et le patient, à propos de sa situation, de ses capacités, de ses désirs et de sa
motivation. Une fois le diagnostic éducatif posé, il participe à des ateliers portant sur différents sujets
comme la compréhension de sa maladie, comment vivre avec sa maladie, maîtriser la douleur et le
stress, bien dormir, bien utiliser les médicaments, pratiquer une activité physique adaptée, comment
atteindre les objectifs qu’ils se donnent comme justement maintenir une activité physique adaptée
améliorant sa qualité de vie. Le bon résultat d’une éducation thérapeutique dépend donc des
motivations du patient et de l’équipe qui l’organise (24).
Les thérapies cognitivo-comportementales, relaxation/biofeedback, hypnose, la pleine conscience,
La thérapie cognitivo-comportementale est une technique en continuité avec l’approche multi
disciplinaire de la douleur (25). Il s’agit d’associer éducation thérapeutique, information, approche
cognitive, réactivation physique, apprentissage de la relaxation et maitrise du stress. Les résultats
sont en faveur d’une amélioration de la qualité de vie, de la fonction et de la satisfaction du patient à
moyen terme (26). La principale difficulté est de faire changer les habitudes, d’introduire une
nouvelle façon de penser et d’agir. Ceci notamment chez ces patientes ergomanes qui ont trop
tendance à aller toujours au-delà de leur limite(27). La motivation est essentielle, les bons résultats
dépendent de l’attente des patients, des croyances du patient et du médecin (28). De manière
générale, l’amélioration se fait plus sur la qualité de vie que sur l’intensité de la douleur ou sur les
symptômes anxio-dépressifs. Organiser la vie malgré la douleur (Coping) est donc un élément clé de
la prise en charge thérapeutique. Certains auteurs préconisent pour faciliter cette tâche
l’organisation de groupe de parole (29).
Mothe et Coll. (30) ont récemment comparé l’effet de la relaxation à celui de l’hypnose dans le
traitement de la fibromyalgie. Les auteurs ont comparés 3 groupes thérapeutiques : relaxation type
Jacobson, hypnose avec suggestion de détente et hypnose avec suggestion d’analgésie. La conclusion
de cette étude confirme la similarité entre hypnose à visée détente et relaxation, sans pour autant
démontrer une supériorité de l’hypnose à visée analgésique sur la réduction de la douleur, ceci à
l’inverse d’autres travaux comme la présentation récente de Picard et coll. (31).
La relaxation permet aussi de traiter les troubles du sommeil, à condition que la patiente sache
répéter de façon quotidienne au moins dans un premier temps les exercices. Des séances d’auto-
hypnose peuvent également conseillés (32).
La pleine conscience est une méthode alliant des principes de méditation aux thérapies cognitivo-
comportementales (33). Rosenzweig et al. (34) ont étudié l’impact d’un programme de réduction du
stress basé sur la pleine conscience, l’objectif étant de permettre de moduler l’attention sur la
douleur. Ils ont pu constater que les patients fibromyalgiques avaient peu d’amélioration sur leur
détresse psychologique comparés aux patients souffrant de douleurs articulaires, ces derniers notant
aussi une diminution de leur douleur.
A partir d’une méta-analyse portant sur les effets des traitements psychologiques, Glombieski et al.
(35) notent la difficulté à évaluer ces méthodes en raison de l’absence trop importante de groupes
témoin. Cependant, ces auteurs recommandent l’association de techniques cognitivo-
comportementales individualisées à la relaxation/biofeedback et ceci au long court.
L’art thérapie, La musicothérapie
On pourra également s’aider de techniques actuellement en cours d’évaluation mais de mieux en
mieux connues comme l’art thérapie, la musicothérapie. L’affinité du cerveau pour la musique est à
l’origine de nombreux travaux à propos de la douleur chronique et notamment la fibromyalgie. Deux
centres, l’un au Canada, l’autre en France, travaillent particulièrement sur ce sujet. Nous retiendrons
la présentation récente par Prasanna et coll. (36) montrant un bénéfice à la fois sur les troubles de
l’humeur et sur le handicap fonctionnel et celle de Guétin et coll. (37) pour lesquels la
musicothérapie contribue à réduire de façon significative l’anxiété / dépression (p<0,001) et la
consommation d’anxiolytiques (p<0,01) .
L’acupuncture
Une méta-analyse récente a été effectuée par Langhorst et coll. (38) Sur 124 études, ils n’en
retiennent que 7 pour conclure qu’il existe un effet discrètement significatif sur la douleur mais pas
de façon prolongée. S’ajoute une inefficacité sur les troubles du sommeil, les capacités fonctionnelles
et la fatigue.
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