
doit résoudre le problème économique à la place de l'individu. Ceci implique l'obligation pour la 
communauté  ou  pour  ses  représentants  de  déterminer  l'importance  relative  des  différents 
besoins. 
 
Les créateurs de plans nous promettent une soi-disant liberté économique pour nous débarrasser 
précisément  de  la  nécessité  de  résoudre  nos  problèmes  économiques,  en  disant  que  les 
alternatives  souvent  pénibles  qu'ils  comportent  seraient  tranchées  par  d'autres  à  notre  place. 
Comme  dans la  vie  moderne  nous  sommes dépendants  à  chaque  instant,  à chaque  pas,  de la 
production  des  autres  hommes,  le  planisme  économique  implique  la  réglementation  presque 
totale de toute notre vie. Il en existe à peine un aspect, qu'il s'agisse de nos besoins élémentaires 
ou de nos relations de  famille,  de  l'amitié ou  du  caractère de notre travail,  de  l'emploi de nos 
loisirs, qui ne soit soumis au « contrôle conscient » des artisans du plan. 
 
La  mainmise  des  dirigeants  du  plan  sur  notre  vie  privée  serait  tout  aussi  complète  si  elle  ne 
s'exerçait  pas  par  un  contrôle  direct  sur  la  consommation.  La  société  planifiée  recourra 
probablement, à des degrés variés, au rationnement ou aux procédés analogues. L'influence du 
planisme  sur  notre  vie  privée  demeurerait  pourtant  la  même,  ou  serait  à  peine  atténuée,  si  le 
consommateur conservait une liberté formelle de dépenser ses revenus à sa guise. L'autorité dans 
une  société  planifiée  conserverait  le  contrôle  de  la  consommation  par  le  contrôle  de  la 
production. 
 
Sous un régime de concurrence libre nous jouissons d'une liberté de choix nous permettant, si 
une personne se montre incapable de satisfaire nos désirs, de nous adresser à une autre. Mais si 
nous  devons  nous  adresser  au  détenteur  d'un  monopole,  nous  sommes  à  sa  merci.  Et,  bien 
entendu, l'autorité qui dirige tout le système économique constitue le monopole le plus puissant 
qu'on  puisse  imaginer.  Cette  autorité n'exploitera pas,  probablement, son pouvoir  de  la  même 
façon que ferait un trust privé. Elle ne cherchera pas à obtenir le maximum de gain financier, 
mais disposera du pouvoir souverain de décider ce que nous recevrons et à quelles conditions 
nous le recevrons. L'autorité centrale déterminera non seulement le genre et la quantité des biens 
à  distribuer,  mais  réglementera  leur  répartition  selon  des  régions  et  des  groupements  de 
populations, se réservant, au besoin, la possibilité d'une discrimination entre différentes catégories 
de gens. Elle pourrait réglementer de la même façon la jouissance des services publics, du droit de 
déplacement, etc. Il suffit de penser aux arguments des partisans du planisme pour ne conserver 
aucun doute sur la façon dont s'exercera ce pouvoir : uniquement pour les fins approuvées par 
l'autorité et pour empêcher la réalisation de celles qu'elle désapprouve. 
 
Le contrôle de la production et des prix confère un pouvoir presque illimité. Dans un régime de 
concurrence, les prix dépendent des quantités de biens dont nous privons les autres membres de 
la  société en  nous  rendant  acquéreur  de  quelque  chose. Ce  prix  n'est pas  fixé  par la  décision 
délibérée de qui que ce soit. Si la réalisation de nos projets par une voie nous paraît entraîner trop 
de frais, nous sommes libres de la remplacer par une autre. Les obstacles que nous rencontrons 
sur notre chemin, ne sont pas dressés par la mauvaise volonté de quelqu'un qui désapprouve nos 
fins. Il se trouve simplement que les moyens dont nous voulons nous servir sont recherchés par 
d'autres également. Tandis que dans l'économie dirigée, où l'autorité surveille les fins poursuivies, 
elle  use  infailliblement  de  son  pouvoir  pour  favoriser  les  unes  et  empêcher  la  réalisation  des 
autres. Ce n'est pas notre goût, mais celui de quelqu'un d'autre qui y décidera de nos préférences 
et déterminera ce que nous pouvons acquérir ou non. Comme l'autorité aura un pouvoir suffisant 
pour  imposer  ses  vues  et  contrecarrer  efficacement  tout  effort  contraire,  elle  parviendra  à 
contrôler la consommation aussi complètement que si elle prescrivait la façon de dépenser nos 
revenus.