Pour une économie genevoise durable: créer une zone industrielle

Pour une économie
genevoise durable:
créer une zone
industrielle à Colovrex
Aussi incroyable que cela
puisse paraître, Genève
n'a plus de place pour
accueillir une grande entreprise
ni les emplois qu'elle pourrait
apporter. Le canton réduit même
la surface de ses zones industrielles au profit d'importantes reconversions
urbaines. La perspective de devenir une cité exclusivement financière et
tertiaire, entourée d'une campagne préservée, est-elle bien prudente dans
la crise que nous traversons ? Pour parer au plus pressé, une opportunité
existe, repérée par l'architecte Charles Pictet : à Colovrex, au bout de la
piste de l'aéroport, 100 hectares de prés paissent des bisons se prête-
raient parfaitement à la création d'une zone industrielle.
Genève n'a plus de
place pour accueillir
une grande entreprise
Le canton de Genève ne peut pas reporter sa croissance économique sur ses voisins comme
il le fait pour le logement en provoquant une vague d'urbanisation sans précédent sur des
périphéries mal préparées et en alimentant les embouteillages sur toutes les pénétrantes
de l'agglomération franco-valdo-genevoise. Côté Suisse, la Côte vaudoise profite de la saturation
du territoire genevois pour collectionner les plus beaux fleurons industriels: mais sa capacité
d'accueil est en voie d'épuisement. Côté France, les conditions-cadres réglementaires, sociales et
fiscales sont trop inégales pour attirer les firmes cherchant une implantation à Genève malgré les
efforts engagés pour promouvoir l'emploi dans la région, par une politique de pôles de développement
économique d'agglomération ou par la bi-localisation d'entreprises souhaitant avoir un pied en
Suisse et un autre en Europe.
Reste le canton de Genève, dont la capacité d'accueil industriel est proche de zéro. Les responsa-
bles de la promotion économique reçoivent beaucoup de demandes d'implantation, notamment
de grandes entreprises et de centres technologiques porteurs de nombreux emplois. Mais à leur
grand désespoir, ils n'ont à offrir aucun terrain de 1 à 3 ha susceptible de répondre à ces demandes.
Le Conseil d'Etat le constatait en mai 2007 [rapport RD 685 du 3 mai 2007]: «Les disponibilités
existantes et les densifications envisagées peuvent permettre de répondre à la demande des PME
déjà implantées dans le canton. En revanche, ces disponibilités sont insuffisantes pour l'accueil
de grands projets, dans la mesure où les potentiels identifiés ne sont que rarement adéquats pour
la promotion exogène, que ce soit pour des raisons foncières, d'attractivité ou d'accessibilité».
L'offre ne s'est certainement pas améliorée depuis.
Une périphérie française peu attractive pour les activités, un district de Nyon approchant la satu-
ration : si le canton de Genève ne renouvelle pas sa capacité d'accueil industriel sur son territoire
propre, cela signifie qu'il renonce à développer un profil industriel pourtant excellent, notamment
en haute technologie et sciences de la vie, pour renforcer la spécialisation de l'agglomération
transfrontalière dans les activités financières et tertiaires. Est-ce bien prudent ?
Place à l'industrie à Genève
Une zone industrielle
à Colovrex
Une zone industrielle
à Colovrex
1
Rappelez-vous: entre 1991 et 1998, l'exposition du canton à
la crise mondiale lui avait fait perdre près de 20'000 emplois
– dont une bonne part dans le secteur bancaire et commer-
cial. Quels que soient les impacts de la crise qui s'est déclen-
chée fin 2008, une chose est sûre : le meilleur moyen de
traverser une telle tempête n'est pas la spécialisation,
mais la diversité. C'est le secret de la vitalité des très
grandes villes: en abritant une palette très étendue d'ac-
tivités économiques de tous ordres, elles sont capables de
s'adapter, tant bien que mal, à toutes les conjonctures au
contraire des monocultures économiques, puissantes lors-
que leur spécialité prospère, détruites lorsqu'elle décline.
Comment résister à la crise?
Lorsqu'on n'a pas la taille d'une très grande ville, il y a deux
moyens de résister aux crises. Le premier est l'innovation:
sur ce plan, Genève dispose d'atouts de premier ordre, forte
de centres de recherche mondialement connus comme le
CERN ou le cluster BioAlps, qui lui assurent une excellente
position dans l'économie de la connaissance. Le second est
le dynamisme : or, sur ce plan, Genève est à la peine. En
2006, des experts du BAK (institut indépendant de recher-
che économique et de consultation, Bâle) affirmaient: «Les
instituts de recherche (...) soutiennent parfaitement la com-
paraison internationale, mais ils ne parviennent pas à trans-
former en produits commercialisables les résultats de leurs
travaux» [Blöchliger et Maurier, 2006: 91]. L'agglomération
franco-valdo-genevoise brille par ses élites intellec-
tuelles, mais manque d'entrepreneurs.
1958 : création de Praille-Acacias
Dès les années 30, nos prédécesseurs avaient vu venir le
problème. L'essor de la Genève internationale, du secteur
financier et des services faisait monter les prix des terrains et
de l'immobilier et tendait à chasser les activités productives
du canton – particulièrement les jeunes créateurs d'entrepri-
ses qui, comme dans la Silicon Valley, font leurs premiers pas
«dans un garage».
A la fin des années 50, après plusieurs années d'investis-
sements fonciers et d'équipements, l'Etat de Genève a
trouvé la solution en créant Praille-Acacias, la premiè-
re zone industrielle du canton: une centaine d'hectares
de terrains soumis à un contrôle des prix, seul moyen d'as-
surer les locaux abordables pour des activités industrielles
et artisanales. L'été dernier, une interview de Louis Ducor,
le premier directeur de la Fondation des terrains industriels
(alors FIPA), rappelait qu'en 1958, le Grand Conseil avait voté
à l'unanimité la clause d'utilité publique ouvrant la voie à l'ex-
propriation, ce qui permit à l'Etat de compléter les achats de
terrains nécessaires [Ducor, 2008].
Pourquoi maintenir
des industries à Genève?
Colovrex
© Plan reproduit avec l'autorisation du Service
de la mensuration officielle du 5 février 2009
Lac
Léman
Le site de Colovrex offrirait un territoire stratégique utile
au maintien des industries à Genève.
2
A
Carte
Extrait du projet
d'agglomération
franco-valdo-genevois:
la création d'une boucle
ferroviaire entre Cornavin et
Cointrin, prévue à l'horizon
2030, multiplierait les
connexions d'agglomération
et soulagerait la capacité
de la gare de Cornavin.
Colovrex: une belle
opportunité pour un
problème urgent
Ces dernières années, l'Etat s'est montré
beaucoup moins actif en matière d'action
foncière, les créations de nouvelles zones
artisanales et industrielles compensant à
peine les suppressions. Mais surtout, les
terrains affectés à l'industrie vont être réduits
de près d'un tiers par une série de déclas-
sements de zones industrielles proches du
centre-ville, visant à les transformer en quar-
tiers urbains – le plus important est le projet
Praille-Acacias-Vernets (PAV), qui supprime
16% des zones industrielles du canton.
Déjà aiguë, la pénurie de terrains pour l'in-
dustrie va encore s'aggraver: Genève va
manquer de place non seulement pour
accueillir de nouvelles entreprises, mais
aussi pour reloger les entreprises présen-
tes aujourd'hui dans les zones industrielles
que l'on est en train de déclasser.
Dans ce contexte, l'idée lancée par Charles
Pictet, architecte FAS-SIA, apparaît comme
une aubaine à concrétiser au plus vite [Pic-
tet, 2008, 2009]. Au nord de l'aéroport,
entre la piste et l'autoroute, près de
100 hectares sont disponibles c'est
que paissent les bisons de Colovrex.
L'accessibilité est exceptionnelle: le site
est servi par l'aéroport, par l'autoroute et
pourrait l'être aussi par le rail, en prolon-
geant le terminus de CFF-Aéroport ou en
adaptant la boucle Cornavin-ONU-Cointrin
préconisée par le projet d'agglomération
franco-valdo-genevois (carte A). En outre,
le site est déjà largement en mains
publiques (carte B) et il ne se prêtera
jamais à la construction de logements
en raison du bruit de l'aéroport. Enfin,
il est de taille comparable au projet Praille-
Acacias-Vernets (PAV, carte D), auquel il
offrirait un véritable «ballon d'oxygène»:
il pourrait accueillir une grande par-
tie des entreprises qui doivent quitter
les bords de l'Arve et laisser la place
aux nouveaux logements et activi-
tés prévus un enjeu majeur puisque le
projet PAV prévoit la construction en ville
de plus de 10'000 logements, soit un 5e
du déficit de l'agglomération franco-valdo-
genevoise (estimation du Plan directeur de
l'habitat transfrontalier).
Le problème de l'industrie genevoise ne
sera pas résolu pour autant. Si l'on retire
des 150 hectares de Colovrex les surfaces
inconstructibles en raison du bruit (carte
C) et le vallon protégé du Gobé, il restera
environ 100 hectares utilisables pour l'in-
dustrie. Cette capacité d'accueil ne com-
pensera qu'en partie les 135 hectares en
cours de déclassement à Praille-Acacias-
Vernets. Mais surtout, elle restera très in-
suffisante pour relancer la dynamique in-
dustrielle de l'agglomération, aujourd'hui
bloquée faute de place, qui nécessiterait
bien d'autres espaces de développement
dans le canton et pas seulement sur la
rive droite, ce qui ne ferait qu'accentuer
la dissymétrie traditionnelle entre une rive
droite laborieuse et une rive gauche rési-
dentielle et renforcer des besoins de mobi-
lité auxquels Genève peine à répondre.
Coeur d'agglomération
Zones urbaines centrales
Zones urbaines périphériques
Axes de développement
Une zone industrielle
à Colovrex
B
Carte Propriétés publiques
C
Carte Zone de bruit de l'aéroport excluant la
construction d'activités (valeur de planification)
3
Comment agir?
Aspects politiques
et techniques
La création de la zone industrielle de Co-
lovrex nécessitera une action politique ré-
solue. Il faudra convaincre les élus et la
population du bien-fondé de déclasser
une centaine d'hectares de zone agricole
le double des déclassements de la «cam-
pagne genevoise» réalisés entre 2000 et
2007 – même si, en l'occurrence, l'élevage
de bisons près de l'aéroport peut difficile-
ment passer pour une tradition locale.
Il faudra valoriser la proximité de la ville
française de Ferney-Voltaire et relan-
cer le projet dit «du Rectangle d'Or»,
resté inabouti. Il faudra ajouter Colovrex
à la liste des sites bénéficiant de la politique
des pôles de développement économique,
en cours de définition au plan transfrontalier.
Il faudra aussi obtenir l'accord de Berne
pour élargir le périmètre pris en compte
pour calculer les surfaces d'assolement du
canton, de façon à prendre en compte les
campagnes française et vaudoise proches:
le récent succès du Projet d'agglomération
transfrontalier devrait faciliter les choses.
Parallèlement, des démarches techniques
sont à mettre en oeuvre. Il faudra régler
la question foncière: l'Etat devra sans
doute acquérir les terrains qui ne sont
pas encore en mains publiques, comme
il l'avait fait en 1958 à Praille-Acacias. Il
restera alors à dresser des plans d'aména-
gement, adapter les infrastructures, orga-
niser le développement, en explorant par
exemple la voie éminemment souhaitable
d'un écoquartier industriel, qui valoriserait
les expériences positives déjà engagées à
Genève dans ce domaine.
La diversité est la clé de la durabilité. Ne
suivons pas la voie des Etats-Unis, entraî-
nés dans une spirale de déclin pour avoir
trop exporté leurs activités productives.
Pour valoriser les atouts industriels de
Genève, aux côtés des autres piliers de
l'économie, il faut créer des surfaces de
développement d'activités suffisantes, en
quantité et en qualité.
Colovrex peut débloquer la construc-
tion de logements à Praille-Acacias-
Vernets. Mais au-delà de ce premier pas
urgent, il faudra créer d'autres zones
industrielles pour rétablir la capacité
de développement du canton, dans le
cadre d'une politique industrielle qui de-
vrait être une première priorité des planifi-
cations publiques.
La diversité
est la clé
de la
durabilité
Etat de Genéve 303'211 m2 (20.7 %)
Commune de Bellevue 2'114 m2 (0.1 %)
SWISSCOM PTT 310'296 m2 (21.2 %)
Total des propriétés publiques 615'621 m2 (42.1 %)
Surface totale 1'461'836 m2
Surface totale 1'461'836 m2
Surface dépassant la VP DSIV* 441'942.75 m2 (30.2 %)
* Valeur de planification Degré de sensibilité IV
Une zone industrielle
à Colovrex
1 / 8 100%

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