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existants, la prévalence des troubles neuropsychiatriques connaît une telle ampleur que la santé mentale est
maintenant reconnue comme une priorité internationale par l’Organisation des Nations Unies (ONU).
En 20011, l’OMS évaluait à près de 450 millions le nombre de personnes souffrant de maladies mentales dans
le monde. La schizophrénie et le trouble bipolaire affecteraient 16 millions de personnes dans les pays du G7
et 10 autres millions seraient touchés par une dépression majeure récurrente. « À elles seules, ces trois
pathologies, les plus sévères en psychiatrie, affectent 26 millions d’individus. Pour donner un ordre d’idée,
cette prévalence équivaut à plus de 75 % de la population du Canada! », s’indigne le Dr Michel Maziade,
médecin-psychiatre et directeur scientifique de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ).
Une situation préoccupante qui malheureusement ne cesse de se dégrader. « Selon les prévisions de l’OMS,
ces chiffres croîtront encore de façon démesurée dans les prochaines décennies », renchérit Simon Racine,
directeur général de l’IUSMQ. La santé mentale, qui représente déjà 13 % de la charge de morbidité planétaire,
atteindra les 15 % dans une dizaine d’années, prédit-on2. L’expansion de ces pathologies n’épargne pas le
Québec, qui devrait compter près de 1,8 million de patients en 20313. Des statistiques peu réjouissantes, et
dont les conséquences sont à la fois individuelles et sociétales.
En altérant la cognition, les émotions et les comportements, les maladies mentales amenuisent les aptitudes
sociales, relationnelles, professionnelles et économiques de l'individu. « Les problèmes d’adaptation qu’ont les
personnes en proie à des pathologies neuropsychiatriques se traduisent par des difficultés dans chaque sphère
de la vie courante », commente Simon Racine. Explosion de la cellule familiale, cessation des études, perte
d’emploi et difficultés d’insertion sociale ne sont que quelques exemples des obstacles que doivent surmonter
les patients. Une souffrance au long cours qui aboutit souvent à la précarité, à l’exclusion, à des conduites à
risque, ou pire, à une solution plus radicale. Chaque année, dans le monde, c’est un million d’humains qui
mettent fin à leurs jours4. Impossible, dites-vous? Pourtant les spécialistes sont formels : le nombre de suicides
par an était déjà supérieur à l’ensemble des morts attribuables aux guerres et aux homicides confondus en
20025.
«La santé mentale, qui représente déjà 13 % de la charge de morbidité planétaire, atteindra les 15 % dans une
dizaine d’années.»
Les effets en chaîne des problématiques de santé mentale ne s’arrêtent pas là. Au-delà des répercussions
émotionnelles, les conséquences économiques de ces pathologies sont colossales, car vastes, multiples et
durables. En première ligne figurent les coûts alloués aux soins (traitements, visites médicales, comorbidité,
hospitalisations, etc.). À ces frais s’ajoutent des dépenses indirectes de grande portée liées aux besoins
sociaux, à l’impact sur les familles, à la criminalité, à la sécurité publique, à la perte d’emploi, à l’absentéisme
ou à la baisse de productivité. Par exemple, la santé mentale trône en première place des causes
d’absentéisme au travail dans le monde.
L’OMS prévoit d’ailleurs que la dépression sera la première cause mondiale d’invalidité d’ici 20206.De plus,
parce qu'elles sont de longue durée, les maladies mentales sont particulièrement onéreuses. Étant donné
l’apparition précoce de ces troubles, soit entre 16 et 24 ans, leurs répercussions négatives se font sentir
pendant près de 50 ans. « Contrairement à une pathologie très agressive, comme le cancer, ou à une autre
qu’on soigne, comme l’hypertension artérielle, les désordres neuropsychiatriques ne sont pas mortels – sauf
en cas de suicide – et ne guérissent jamais totalement. C’est pourquoi la charge financière qu'ils impliquent est
si élevée », précise Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec. En bref, le budget annuel alloué à la santé