
3
" L’unité fondamentale de la psychologie, dont le rêve n’est aujourd’hui qu’entrevu (...) la construction de
cet appareil théorique ... qui serait une théorie intégrative de la personnalité." (J. Piaget
12
)
Son but ultime consiste à répondre à la question : quelle est l’essence ou le sens du Sujet soit que
signifie le Langage ou la Pensée et, plus simplement, qu’est-ce que l’âme ?
" La psychologie n’a, en définitive, qu’un seul problème fondamental - le concept de l’âme." (Husserl
13
)
Et pour ce faire, elle ne dispose que d’une seule prémisse sûre, le principe cartésien du Cogito, sur
laquelle il lui faudra bâtir tous ses énoncés, si elle veut devenir une psychologie rationnelle / vraie.
"
Je
pense,
voilà
donc
l’unique
texte
de
la
psychologie
rationnelle, celui d’où elle doit tirer toute sa science." (Kant
14
)
Cette question est somme toute banale, commune car posée par chacun d’entre nous, sous une forme
ou sous une autre : avons nous une âme -est-elle immortelle- ou qui suis-je ? En ce sens l’on a
parfaitement
le droit d’affirmer que nous sommes tous plus ou moins psychologues. Ce qui n’ôte rien à
la nature essentielle ou fondamentale de la dite interrogation, dans la mesure où elle touche à la racine
de toutes les choses. Tout passe en effet par la parole-pensée, d’où il tient sa définition et la possibilité
même d’évoquer son être. Rien n’est hors d’elle ; c’est dire et l'extension et " l'importance capitale "
(Platon) mais par là-même la complexité de son étude.
" Ceci dit, il faut commencer par se faire une conception vraie de la nature de l'âme (…). Or, la nature de l’âme,
crois-tu
possible
d’en
avoir
une
conception
méritant
qu’on
en
parle,
si
c’est indépendamment de la nature du tout ? "
(idem
15
)
La question de l’âme s’étend en tout cas bien au-delà d’un domaine déterminé ; loin de se limiter à une
science particulière parmi d’autres, la psychologie s’avère science universelle.
" Il semble bien aussi que la connaissance de l’âme apporte une large contribution à l’étude de la vérité tout entière (...).
L’âme est, en un sens, les êtres mêmes." (Aristote)
On la qualifiera même de « divine », dans la mesure où elle traite de l’essence ou l’origine de/du tout.
" J’appelle précieux ce qui est divin, ce qui est excellent (par exemple l’âme et l’esprit), ce qui est primordial
(le principe et les choses de ce genre) " (idem
16
).
En quoi elle s’identifie à la philosophie qui a pour vocation d’interroger le Discours et d’articuler
une logique ou grammaire générale : "en fait les deux entreprises sont très proches parentes" (Kant
17
).
Husserl assimilait à juste titre la philosophie à une " Psychologie pure " ou " apriorique " et soulignait
l’" intime communauté d’intérêt entre la psychologie objective et la théorie pure de la raison "
18
.
Usant de formulations approximatives, les psychologues expriment une idée semblable :
" Je n’ai aspiré, dans mes années de jeunesse, qu’aux connaissances philosophiques et maintenant je suis sur
le point de réaliser ce vœu en passant de la médecine à la psychologie." (Freud
19
)
Un impératif similaire, l’impératif thalésien ou socratique, ordonne ces disciplines : " « Connais-toi
toi-même » !" Rien d’étonnant qu’on y bute sur la même difficulté voire aporie :
"
Mais
est-ce
justement
chose
facile
de se connaître soi-même ? et était-ce un pauvre sire, celui qui a été consacrer cette maxime
au
sanctuaire
d’Apollon Pythien
?
N’est-ce
pas
plutôt
une
chose
difficile,
et
qui n’est pas à la portée de tout le monde ?" (Platon)
20
Il suffit en effet de constater les divergences qui règnent en psychologie ou l’existence de différentes
doctrines psychologiques (caractérologie, behaviorisme, psychologie de la forme, psychanalyse, etc.),
pour se rendre compte que la réponse à la question, qu’est-ce que l’âme, est tout sauf évidente.
En 1936, le psychologue E. Claparède dressait déjà amèrement le bilan suivant de sa propre matière :
" Il y a eu les psychologies de 1925, il y a eu celles de 1930. Vous avez le behaviorisme...la psychanalyse etc. Il n’y a pas
plusieurs physiques ni plusieurs chimies. De même, il n’y a, ou il ne devrait y avoir, qu’une seule psychologie."
21
12
Épistémologie des sciences de l’homme. La psychologie IX. et XI. A. pp. 214 et 235
13
M.C. 5
è
§ 61 p. 126 ; cf. égal. Idées III chap. II. § 8 p. 46 et P.F.P. chap. II. § 11 p. 131
14
C.R.P. Dial. transc. chap. I. p. 340
15
Cratyle 427 e et Phèdre 245c - 270c ; cf. égal. 246 b et Plotin, Ennéades VI
1
. 4. 5.
16
De An. I. 1. 402 a 5 et III. 8. 431 b 20 et M. M. I. II. 1183 b 21
17
Prolégomènes § 39 Appendice pp. 99-100
18
Crise III. B. 72. pp. 289 et 297 et Ph.1
ère
1. 17è leçon p. 175 ; cf. égal. 2. App. p. 288
19
La naissance de la Psychanalyse, Lettre à W. Fliess 44 pp. 143-144 ; cf. Lettre 39 p. 125 et Introd. p. 10
20
Pour Thalès vide D. Laërce, V.D.S.P.I. I. pp. 56-57 ; Platon, Alc. 124b et 129a ; cf. égal.132c ; Tim. 72 a ;
Char. 165a ; Prot. 343b ; Phèd. 229e ; Descartes, D.C.H. Préf. p. 223 A.T. XI ; Plotin, Enn. VI. 4. 14.
Hegel, H.Ph. Introd. II. I. pp. 41-42 ; Socrate p. 327 ; E. III. § 377 - Add. ; Frg. zur Ph.G. (1822) §§ 3-6
in W. 11 pp. 517-518 ; Esth. Art cl. chap. II. II. c) p. 106 ; Ph.H. 1
ère
partie 3è sec. chap. II. pp. 166-167
21
in D. Lagache, L’unité de la psychologie 1