E_STUDIUM THOMAS D’AQUIN
GILLES PLANTE
QUESTIONS DE LOGIQUE
ILLUSTRATIONS
LORSQUE LUC FERRY «NAVIGUE» EN
COMPAGNIE D’ANDRÉ COMTE-SPONVILLE
© Gilles Plante
Beauport, 23 août 2002
TABLE
UNE DIVERGENCE DE FOND À TIRER AU CLAIR 1
LE MATÉRIALISME A AUSSI DES CONSÉQUENCES LOGIQUES 2
Si tout est matériel, je le suis aussi. 2
C’est le cerveau qui pense. 4
C’est le cerveau qui me constitue. 5
Tirer toutes les conséquences 6
Qu’en conclure ? 9
IL S’AGIT MOINS D’UN PARTI PRIS QUE D’UN PARI 10
Le noyau d’un humanisme rigoureux 11
Une certaine abolition du principe d’identité 14
Au cœur du problème 16
Une autre conception de l’argumentation 18
Un signe, et même un signe certain 21
Une démonstration par tekmèrion 23
Une démonstration du fait 25
Le problème de fond 30
CONNAÎTRE SCIEMMENT 33
UNE DIVERGENCE DE FOND À TIRER AU CLAIR
«La philosophie n’est pas un long fleuve tranquille, où chacun
viendrait pêcher sa vérité. C’est une mer, où mille vagues s’af-
frontent, où mille courants s’opposent, se rencontrent, se mê-
lent parfois, se séparent, se retrouvent, s’opposent à
nouveau... Chacun y navigue comme il peut, et c’est ce qu’on
appelle philosopher.»1 (André Comte-Sponville et Luc Ferry)
Dans leur «livre à deux voix» 2 La sagesse des modernes Dix questions pour notre temps
Essai, André Comte-Sponville et Luc Ferry disent que, pour eux, «la question principale»
est : «Comment vivre d’une façon plus heureuse, plus sensée, plus libre?» ; et «l’action
est le chemin (...) qui ne vaut que par la pensée qui l’éclaire».3 C’est pourquoi chacun de
ces philosophes «essay[ent] de penser par soi-même et pour tout le monde», mais en se
gardant d’un «risque» : celui de «nous enfermer dans une discussion de spécialistes».4
«C’est pour résister à cette tentation ou à ce danger que nous avons rassemblé un public
délibérément hétérogène : une vingtaine de nos amis, dont plusieurs, certes, sont des
professeurs de philosophie, mais dont beaucoup, au contraire, n’avaient aucune forma-
tion philosophique particulière».5
«[L’]essai» se divise en trois «sous-ensembles», dont «la «première partie, la plus fon-
damentale, peut-être la plus difficile, explicite [leur] opposition quant aux principes : le ma-
térialisme de l’un (qui est un matérialisme non dogmatique) s’oppose à l’idéalisme ou à
l’humanisme de l’autre (qui sont un idéalisme critique et un humanisme non métaphysi-
que). C’est où se joue notre rapport à l’être, à la nature, et à l’humanité»,6 exposent-ils.
Cette «opposition quant aux principes» manifeste ainsi une «divergence de fond (...) [à] ti-
rer autant que faire se peut au clair» sur laquelle ils veulent «[s’]expliquer de façon directe,
avec les arguments qui [leur] paraissent aujourd’hui les plus justes».7
Au sujet du «matérialisme», André Comte-Sponville expose que «le mot se prend en deux
sens, l’un trivial, l’autre philosophique» ; «au sens trivial, c’est ne pas avoir d’idéaux (...)
Mais a-t-on besoin d’une philosophie pour cela?».8, précise-t-il. Pour sa part, Luc Ferry dit
qu’il «laissera de côté [ce] sens ordinaire et péjoratif» 9
En faisant de même, examinons la justesse des «arguments qui [leur] paraissent au-
jourd’hui les plus justes» au sujet de leur «opposition quant aux principes», et ce, en
commençant par la thèse d’André Comte-Sponville.
1 La sagesse des modernes Dix questions pour notre temps Essai, Paris, 1998, Robert Laffont, p. 8
2 op. cit, p.9
3 ibidem, p. 7
4 ibidem, pp. 10-11
5 ibidem, pp. 10-11
6 ibidem, p. 11
7 ibidem, p. 21
8 ibidem, p. 33
9 ibidem, p. 21 1
LE MATÉRIALISME A AUSSI DES CONSÉQUENCES LOGIQUES
«Au sens philosophique, le matérialisme est d’abord une ontologie — une théorie de
l’être — ou une conception du monde», écrit André Comte-Sponville, ou une «doctrine qui
affirme qu’il n’y a d’être(s) que matériel(s) : le matérialisme est un monisme physique».10
Le mot «théorie» nous vient du verbe grec «theorein», qui signifie : voir. Le philosophe
matérialiste voit que le tout de l’être est matière. «À ce titre, poursuit André Comte-Sponvi-
lle, [le matérialisme] se définit surtout par ce qu’il exclut : être matérialiste, c’est penser
qu’il n’existe ni monde intelligible, ni Dieu transcendant, ni âme immatérielle».11 Le feu
n’est «surtout» pas de l’eau, ce qui n’est certes pas une définition du feu. C’est pourquoi
nous en resterons à l’affirmation de ce qu’est le matérialisme «au sens philosophique» :
1. une «ontologie — une théorie de l’être — ou une conception du monde», ou
2. une «doctrine qui affirme qu’il n’y a d’être(s) que matériel(s)».
Observons immédiatement qu’une «théorie de l’être» n’est pas «l’être» lui-même, sans
quoi le mot «théorie» dans «théorie de l’être» n’ajoute rien aux mots «l’être». De même,
une «conception du monde» porte sur le «monde», là où se trouve le tout de l’être. Alors
où se trouve la «conception» ? À cette question, André Comte-Sponville répond que «c’est
le cerveau qui pense» et qui «produit la conscience que j’en prends», ce dont il convient
de «tirer toutes les conséquences», ce qu’il exprime comme suit :
C’est où le matérialisme contemporain rencontre la biologie, et spécialement la neurobiolo-
gie. Être matérialiste, pour les modernes, c’est d’abord reconnaître que c’est le cerveau qui
pense, et en tirer toutes les conséquences. (...) Ni transcendance, ni transcendantal : si
tout est matériel, je le suis aussi. (...) Comment commanderais-je à mon cerveau, puisque
c’est lui qui me constitue? Il se commande donc lui-même — c’est “un système auto-organi-
sateur ouvert” — il en prend plus ou moins conscience (ou il produit la conscience que j’en
prends), et c’est ce qu’on appelle un sujet.12
Si tout est matériel, je le suis aussi.
Considérons le carré logique suivant :
La proposition universelle affirmative (A) est l’expression du «monisme physique» qu’An-
dré Comte-Sponville met de l’avant. Elle est la contradictoire de la proposition particulière
négative qui est en (O) : «Non-tout de l’être est matériel.», ou encore «Quelque partie de
10 ibidem, p. 33
11 ibidem, p. 33
12 ibidem, pp. 33, 35, 36 2
A. Tout de l'être est matériel. E. Rien de l'être n'est matériel.
I. Quelque partie de l'être... O. Quelque partie de l'être...
...est matérielle. ...n'est pas matérielle.
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