Brevet de Technicien supérieur Commerce international 2ème année
Economie - L'Europe doit réconcilier Friedman et Keynes
Source : LE MONDE - 11/11/2013
André Grjebine (Sciences Po-Centre d'études et de recherches internationales)
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Dans un monde globalisé, la marge de manoeuvre d'un Etat est réduite en raison des contraintes
institutionnelles et structurelles qui s'exercent sur lui, a fortiori au sein de l'union monétaire
européenne. Le temps des politiques unidimensionnelles paraît révolu. La politique économique
d'un Etat de la zone euro doit désormais s'apparenter à une poupée russe, chaque volet
s'emboîtant dans un volet qui en même temps l'inclut et la dépasse.
L'économiste américain Milton Friedman (1912-2006) suggérait de faire face à la déflation en
jetant de la monnaie d'un hélicoptère (The Optimum Quantity of Money and Others Essays, Chicago,
Aldine 1969). Il est vrai que, sans la création massive de liquidités à laquelle se sont d'ailleurs
livrées ces dernières années certaines banques centrales, en premier lieu la Réserve fédérale
américaine (Fed), la crise bancaire aurait été beaucoup plus brutale et la récession encore plus
profonde.
Cette politique ne paraît pas toutefois de nature à susciter une reprise durable de la croissance.
Compte tenu à la fois de leur surendettement et de la faiblesse de la demande, les entreprises ne
sont en effet pas tentées d'emprunter pour accroître leurs investissements, aussi bas que soient
les taux d'intérêt qui leur sont proposés. C'est la version moderne de la « trappe à liquidité »
décrite par le Britannique John Maynard Keynes (1883-1946).
Quant aux consommateurs, ils préfèrent, eux aussi, se désendetter plutôt que de consommer
davantage. La conjonction d'une abondance de liquidité et d'une faiblesse de la demande amène
les détenteurs de capitaux à investir dans des placements improductifs (immobilier, titres
spéculatifs) sans effet sur le raffermissement de l'appareil de production.
Keynes proposait, lui, de payer des chômeurs pour creuser des trous et d'autres pour les combler.
L'effet d'une telle politique sur le soutien de la conjoncture est moins problématique dans la
mesure où elle entend alimenter directement le pouvoir d'achat des ménages et donc la demande.
Mais, elle se heurte à des obstacles qui paraissent insurmontables. D'une part, au sein de l'Union
européenne (UE), une politique de relance qui se substituerait à l'austérité buterait sur les
contraintes institutionnelles imposées par les traités européens, contraintes d'autant plus fortes
que l'endettement des Etats est plus important. D'autre part, dans une économie ouverte, toute
relance de la demande risque d'entraîner l'apparition – ou l'aggravation – du déficit
commercial… sauf pour les pays qui disposent d'une marge de manoeuvre conséquente en
raison de leurs excédents courants, comme c'est le cas pour l'Allemagne et, dans une moindre
mesure, pour les Pays-Bas.
POUR UNE STRATÉGIE COMMUNAUTAIRE
Une politique de relance doit donc être orientée vers un renforcement de l'appareil de
production. L'Etat peut décider des investissements publics allant dans ce sens. Il peut aussi
réduire sensiblement l'imposition des entreprises qui procéderaient elles-mêmes à des
investissements visant à renforcer leur productivité. Mais les effets bénéfiques d'une telle
politique ne pourront se faire sentir qu'à moyen ou long terme.