On voit bien que l'entreprise est plus que vaste. Comment enseigner toutes ces
composantes ? Le locuteur natif qui voit son système linguistique et social comme
une série d'évidences a de grandes difficultés à analyser les particularités de son
propre système en regard d'autres langues. Des études contrastives existent et sont
bienvenues pour dissiper ces malentendus. Mais que faire dans les classes
hétérogènes, je pense par exemple aux classes d'accueil d'Enfants Nouvellement
Arrivés en France qui constituent un de mes terrains d'enquêtes ?
Dans les manuels, il n'est guère question non plus des dimensions autres
que linguistiques. Le découpage des unités de méthodes en actes de parole qui
permettrait l'entrée dans les rituels sociaux se borne souvent à des activités de
jeux de rôles et à l'écoute de dialogues fabriqués. Les méthodes SGAV, pré-
communicatives, ont d'ailleurs été critiquées à ce sujet, car, pour une situation
donnée, certains actes de parole étaient donnés à apprendre par cœur sans qu'il n'y
ait plus de place pour que l'apprenant puisse pratiquer et intégrer les différentes
formes de variations. Même si les manuels actuels évoluent par rapport à la
problématique qui nous occupe aujourd'hui, on peut regretter le peu d'études de
corpus oraux d'un point de vue des rituels conversationnels.
2.3. Où se loge le malentendu ?
Mettons que notre apprenant ait suivi un enseignement de français langue
étrangère avec un manuel actuel et qu'il se trouve dorénavant en communication
avec un locuteur natif. Il peut y avoir malentendu aux différents niveaux de la
communication. Avant même de parler, il peut déjà être catégorisé ou catégoriser
l'autre car l'ensemble entier de l'appareil neuro-sensoriel permet l'appréhension des
choses et les transmet avant d'être représenté dans le cerveau. Les cinq sens
rentrent donc en action et peuvent induire du malentendu. Par la seule vision de
l'interlocuteur, couleur de sa peau, tenue vestimentaire, le malentendu peut
s'installer. En effet, un étudiant étranger qui ne sait pas, du point de vue de la
compétence référentielle, ce que peut signifier dans le système cible porter un
collier de perles et un foulard Hermès ou un jogging avec une casquette retournée
par exemple, se trouve pré-catégorisé sans le savoir. Car on est face à plusieurs cas
de figure : soit ses tenues signifient des représentations différentes selon l'origine
des locuteurs, soient, et c'est là que le malentendu est plus pernicieux, cela ne
signifie rien dans le système des origines, donc comment savoir que cela peut
provoquer une catégorisation, voire une réaction chez l'autre ? L'odorat, bien sûr,
catégorise aussi les individus : dans quelle situation se parfumer, comment ? Qui
d'entre-nous ne s'est pas représenté, au théâtre par exemple, la personne assise
derrière nous rien qu'à son parfum ? Bien évidemment, la proxémie, le toucher et le
non-toucher, le mimo-gestuel sont aussi des éléments générateurs de malentendu.
Deux hommes se tiennent la main : simple signe d'amitié (au Maghreb, par
exemple) ou d'homosexualité (au Canada, par exemple) ? Doit-on se prendre dans
les bras pour se dire bonjour, se faire une bise, deux, trois, ou bien encore quatre ?
Je ne reviendrai pas dans ce domaine sur les études de E.T. Hall, fondatrices sur la
question du malentendu relative à la question de l'espace et du temps.
Enfin, si l'on aborde maintenant la question de l'ouïe, donc ce que l'on
entend, sens primordial dans la communication, le malentendu surgit encore. Mais