Intention de communication pour le colloque de Bergen organis par

LA QUETE DE LEGITIMITE DU COACHING EN VOIE DE PROFESSIONNALISATION
Sybil PERSSON
Professeur associée
ICN Ecole de Management
13 rue Michel Ney
54 000 Nancy
Laboratoire CEREFIGE (Université Nancy2)
06 70 34 38 04
Résumé :
Le coaching, en tant que pratique d’accompagnement des managers au service d’objectifs
professionnels, occupe largement la scène médiatique. Au-delà des vertus notamment
humanistes dont le coaching se pare volontiers, les discours des praticiens tentent de justifier
la moralité d’une profession naissante. Ainsi, les fédérations édictent des chartes
déontologiques, proposent une contractualisation de la démarche coaching et invitent les
coachs à la pratique de la supervision pour faire face notamment à la délicate question du
transfert inhérente à la relation coach-coaché. Cette mise en œuvre collective constitue un
levier puissant de légitimation proclamée qui n’évacue pas la question de l’éthique
personnelle du coach.
Dans ce contexte général où la science gestionnaire ne peut éviter de questionner la légitimité
des pratiques et discours en vigueur, notamment en matière de management des ressources
humaines, il semble pertinent de comprendre l’opération de légitimation institutionnelle en
œuvre de cette praxis émergente qu’est le coaching en tant qu’action de l’homme sur
l’homme, à l’interface du développement personnel et du développement professionnel au
service d’objectifs organisationnels.
Les données investiguées sont principalement issues des chartes professionnelles et des
ouvrages publiés dans l’espace francophone depuis l’origine du phénomène éditorial
coaching, c’est-à-dire depuis 1992. Ces ouvrages de référence ont été sélectionnés à partir du
critère suivant : la présence du mot coach ou d’un de ses dérivés (coaching, coacher,
coaché…) dans le titre ou le sous-titre présent sur la couverture du livre. L’ensemble
représente 74 ouvrages, dont 61 français d’origine et 13 étrangers, sur une période de 15
années (1992-2006).
L’analyse menée montre qu’entre le risque progressif de contrôle social d’une part et le
possible recours à une démarche de type initiatique d’autre part, le fossé semble immense
pour comprendre la pratique coaching en entreprise. Dans une perspective néo-
institutionnelle, il est pourtant indéniable que cette pratique se professionnalise et acquiert
progressivement une légitimité aux yeux du corps social au travers du tiercé gagnant - charte,
contrat, supervision -, particulièrement bien orchestré par les groupements de professionnels
soucieux de moraliser la profession en l’absence de législation spécifique. Il n’en reste pas
moins que le questionnement éthique chez le coach qui se veut responsable dans sa praxis
demeure, et résiste à la stricte lecture de la discipline gestionnaire appelant un questionnement
plus vaste en SHS.
Mots clés : Coaching, déontologie, discours, éthique, légitimité
« Le coaching pourrait être une bouteille vide dans laquelle on met tout ce qu’on veut ! (…) Il
y a une méconnaissance de ce qu’est le coaching en soi et pour soi. (…) Les journalistes
toujours avides de nouveauté, contribuent largement à faire du coaching une mode, en même
temps que ceux, consultants en tout genre ou formateurs qui en prennent seulement
l’étiquette. » Ainsi s’exprime, parmi de nombreux autres, un coach français, reconnu par ses
pairs (Hévin cité par Caby, 2002, p. 89). De ce fait, pour juguler des discours médiatiques
avides de nouveauté et circonscrire des étiquettes plus ou moins pertinentes sur des activités
de management, de conseil ou de formation repackagées aux couleurs du coaching, les
tenants de cette pratique qui se veulent crédibles, insistent de plus en plus dans leurs discours
et leurs écrits sur la déontologie de la profession en se référant à une charte. Ils soulignent la
nécessité de mettre en œuvre un contrat et de le respecter, insistent sur l’importance de la
supervision, et plus globalement sur l’éthique nécessaire à la pratique de ce que Lenhardt
(2002a), considéré comme le fondateur du coaching en France, appelle un meta-métier en
parlant du coaching générique.
Le coaching recouvre un ensemble vaste, pour ne pas dire hétérogène de pratiques (Cloet,
2006) au sein de la nébuleuse que constitue l’accompagnement (Paul, 2002). Il semble
cependant pertinent de rappeler ici la définition fournie par la Société Française de Coaching
dans la mesure où celle-ci tend à s’imposer : « le coaching est l’accompagnement de
personnes ou d’équipes pour le développement de leurs potentiels et de leur savoir-faire dans
le cadre d’objectifs professionnels ».
Les modes en matière de management (Abrahamson, 1996) et notamment en GRH
(Thévenet, 2003) alimentent discours et pratiques. La littérature professionnelle se déploie,
entretenant une proximité, si ce n’est une porosité avec la littérature académique (Barley,
Meyer et Gash, 1988), au sein de courants de pensée eux-mêmes en lien avec des substrats
idéologiques (Guéry, 2003). Pourtant le manager serait resté « le point flou de l’analyse des
organisations et du management qui pourtant ne cesse d’exalter son rôle » selon Laroche
(2000, p.19). Dans ce contexte général évolutif, la science gestionnaire examine les systèmes
de légitimité en vigueur (Laufer 1996, 2000, 2002), notamment en matière de management
des ressources humaines (Galambaud, 2003 ; Noël, 2003) où émerge le coaching des
managers (Hatchuel, 2004).
Il semble alors pertinent, au-delà de la question de l’utilité opérationnelle du coaching, de
comprendre l’opération de légitimation en œuvre de cette praxis, en tant qu’action de
l’homme sur l’homme, à l’interface du développement personnel et du développement
professionnel. Au-delà d’une moralité rapidement brossée sur fond d’humanisme1 confortant
le recours à l’intériorité humaine à des fins professionnelles, la quête de légitimité du
coaching en entreprise, est menée principalement par ses représentants institutionnels et
professionnels les plus en vue :
- Au plan institutionnel, en l’absence de législation spécifique relative au coaching, les
fédérations qui structurent la profession souhaitent séparer le bon grain de l’ivraie :
elles promulguent des chartes et référencent les coachs les plus fiables.
1 Voir la remise en cause opérée dans les travaux de thèse en gestion de Chavel (2006) et Rappin (2006).
1
- Au plan professionnel, les praticiens qui ont pignon sur rue et qui pourraient prétendre
vivre d’abord, voire uniquement de leur activité de coaching, apportent volontiers leur
point de vue sur la scène médiatique, notamment au travers de leurs écrits (ouvrages,
conférences dans les colloques professionnels et articles dans la presse économique).
La recherche ici menée s’appuie sur ces deux sources empiriques qui se complètent pour
structurer une profession naissante en la légitimant sur la base de sa moralité professionnelle.
Les données investiguées sont principalement issues de l’ensemble des ouvrages publiés dans
l’espace francophone depuis l’origine du phénomène éditorial coaching, c’est-à-dire depuis
1992. Ces ouvrages de référence ont été sélectionnés à partir du critère suivant : la présence
du mot coach ou d’un de ses dérivés (coaching, coacher, coaché…) dans le titre ou le sous-
titre présent sur la couverture du livre. L’ensemble (dont la liste exhaustive figure en annexe)
représente 74 ouvrages, dont 61 français d’origine et 13 étrangers, sur une période de 15
années (1992-2006).
Considérée comme un ensemble discursif, cette littérature professionnelle ouvre la voie au
coaching tout en le définissant. Une analyse morphologique des ouvrages permet de mettre en
relief la vocation pédagogique et pragmatique explicite des écrits, mais également leur
vocation normative implicite. Les auteurs des ouvrages en question se réfèrent volontiers aux
fédérations professionnelles auxquelles ils adhèrent. Les discours s’agrègent, créant une sorte
d’hypertexte où le bien et le bon fusionnent, passant des bonnes pratiques à coloration
technique à une sorte de bien faire générique d’essence morale. Il s’agit de savoir comment
(bien) faire du (bon) coaching pour être coach au sens plein et noble du terme.
Les résultats de la recherche empirique menée sur les discours argumentant en faveur de la
moralité du coaching en entreprise sont rendus selon le plan suivant. En premier lieu, les
aspects déontologiques généraux sont appréciés, au travers des chartes émises par les
principales fédérations (SFCoach, Syntec, FFC, ICF), qui recommandent notamment
l’établissement d’un contrat en amont du coaching proprement dit (1). Ensuite la dynamique
relationnelle spécifique que suppose la situation de face à face coach - coaché invite à
examiner ce que disent les praticiens pour faire face au jeu délicat du transfert ainsi que
l’argumentation relative à la pratique de la supervision (2). L’ensemble permet d’aboutir à
une double vision de l’éthique générique du coach : l’une identitaire, l’autre technicienne (3)
ce qui permet de conclure sur la moralité du coaching professionnel en entreprise tout en
questionnant la moralité individuelle du coach.
1. Aspects déontologiques
Rappelons en préalable, avec Malarewicz (2000, p. 146) que « ce qu’on appelle
habituellement une déontologie – ou un code de déontologie – concerne l’ensemble des règles
de fonctionnement qu’une profession se donne à elle-même, pour tenter de résoudre tout ou
partie des problèmes éthiques que peuvent rencontrer ses membres ». Ainsi les groupements
professionnels autour du coaching proposent une charte à vocation déontologique que leurs
adhérents s’engagent à respecter. D’autre part, ces groupements insistent sur la nécessité
d’établir un contrat. Enfin ils préconisent, et de plus en plus souvent l’exigent, une pratique
supervisée du coaching.
2
1.1. Les chartes
Quatre chartes sont analysées ci-dessous, émanant chacune d’un organisme professionnel
reconnu par le monde du coaching. Les deux premières semblent incontournables au regard
d’une part de la place que prennent les deux organismes dans le paysage médiatique français
et d’autre part de l’effectif de leurs adhérents. La troisième charte illustre le souci de
structuration qui anime la plupart des groupements plus légers, de moindre importance. Enfin
la quatrième charte provient de l’organisation la plus lourde, elle est américaine, mais se
diffuse dans différents chapters (pays ou régions), y compris en France. Une présentation
rapide des quatre organismes laisse place ensuite à une lecture comparée des quatre chartes
produites.
La Société Française de Coaching (SFCoach) dont les buts sont de définir, valider,
promouvoir le coaching, ainsi que de définir et faire vivre le label qualité/déontologie
SFCoach®, a promulgué une charte depuis sa naissance en janvier 1997. Au-delà des statuts
originels accordés aux membres (fondateur, titulaire et adhérent), a été instauré un statut
supplémentaire en 2002 de membre associé, qui permet d’assouplir les paliers au sein des
conditions requises entre le simple statut d’adhérent et celui plus exigeant de titulaire. Cette
mise en œuvre s’est traduite par des modifications concernant la charte et les statuts de
l’association qui valident l’existence d’un Comité d’Agrément et de Déontologie remplaçant
le précédent Comité d’admission de titularisation et de déontologie2. Au-delà de leur
engagement à respecter la charte de l’association, les membres sont tenus, pour le membre
titulaire d’exercer un métier de coach, pour le membre associé d’exercer le coaching sur un
mode occasionnel, pour le membre adhérent d’exercer un métier en lien avec le coaching. Les
deux premières catégories de membres ont fait la preuve de leur compétence devant un jury3.
Le Syntec Conseils en évolution professionnelle est un syndicat professionnel régi par le
Titre Ier, livre IV du Code du Travail. Début 1999, l’Ascorep (Association syndicale des
conseils en réinsertion professionnelle), créée en 1985, rejoint le Groupement des Syndicats
Syntec des études et du conseil (GSSEC) et devient le Syndicat Syntec conseils en évolution
professionnelle. Une charte du coaching en dix points a alors été rédigée. En 2004 le Syntec
regroupe 23 cabinets conseil.
La Fédération Francophone de Coaching (FFC) a été créée par Alain Cayrol en 1999 pour
mettre en œuvre une vision humaniste du coaching, tournée vers la coopération et le soutien,
sans lourdeur bureaucratique. Elle rassemble ses membres autour d’une charte éthique en dix
points. Son originalité provient de sa volonté affichée de promouvoir le télé coaching en
utilisant les technologies actuelles.
La Fédération Internationale de Coaching (ICF International Coaching Federation) est
l’organisme le plus représentatif de la profession aux États-Unis. Elle a été fondée en 1992
2 Ces modifications concernent essentiellement l’article 16 des statuts de l’association en 2002. De plus, une
réorientation plus sélective de référencement des coachs a été mise en place en 2006.
3 Le membre associé a satisfait devant un jury aux critères fixés par le Comité d’Agrément et de Déontologie
concernant sa formation, son expérience et son développement professionnel. Pour le membre titulaire, dans le
même processus, il s’agit de l’intégration des acquis de formation, d’expérience et de développement personnel
(Article 7 des statuts en 2002).
3
par Thomas Leonard. Pour développer la pratique coaching, les objectifs de la fédération
consistent à coordonner la communauté coaching suivant des standards professionnels
exigeants, à mettre en œuvre une haute éthique de la pratique coaching et à représenter les
membres auprès des organismes professionnels ou publics et des médias. Un guide éthique4 a
été établi en six paragraphes. Une section spécifique executive coaching existe au sein de la
fédération depuis 1999. La fédération accrédite les écoles de formation au coaching. Son
influence en Europe se manifeste au travers des congrès européens qui prennent place, depuis
2001, à côté des congrès internationaux. La société a accrédité 6000 coachs dans le monde
entier (Goudsmet et al., 2003) et existe dans 32 pays dont la France depuis 2001.
Le tableau ci-dessous permet une lecture comparative des 4 codes déontologiques.
Points Société Française
de Coaching Syntec Conseil en
Evolution
Professionnelle
Fédération
Francophone de
Coaching
International
Coaching
Federation
Garanties offertes
par le coach Formation
expérience
supervision
Art. 1.1
Formation
expérience validées
par le cabinet ;
Développement
permanent
Point 1.
Formation validée
ou en cours
Point 3
Expérience
personnelle du
coaching
Point 4
Mise à jour des
connaissances
Point 8
Ensemble des
qualités du coach
Confidentialité Secret professionnel
Art 1.2
Restitution avec
accord du coaché
Art 3.2
Secret professionnel
Restitution selon
définition préalable
Point 3
Confidentialité selon
la loi du pays
Point 6
Confidentialité
recommandée.
Information donnée
au coaché en cas de
restitution
Supervision Supervision établie
pour les membres
titulaires
Art 1.3
Recours régulier à
un superviseur
Point 7
Supervision
régulière
Point 7
Recours à un
Mentor Coach en cas
de difficulté
Contrat Contrat commercial
entreprise cabinet
Contrat moral coach-
coaché
Point 2
Contrat écrit
Point 5 Contrat écrit
Obligation de
moyens du coach Obligation de
moyens avec recours
à un confrère si
besoin
Art 1.5
Mise en œuvre avec
tout moyen
nécessaire y compris
une expertise
Point 6
Respect du coaché Interdiction d’abus
d’influence
Art 1.4
Validation de la
demande du coaché
Art 2.3
Respect des étapes
de développement
du coaché
Art 2.4
Adhésion du coaché
requise
Point 4
Interdiction d’abus
d’influence.
Autonomie du
coaché visée
Point 9
Bénéfice du client
visé
Point 6
Prise en compte et
respect des besoins
et demandes du
client.
Pas de recherche
d’influence sur le
client
4 « Ethical guidelines for coaches » (Hudson, 1999, p. 49).
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