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occidentale oscille continuellement entre matérialisme et idéalisme, à la recherche continuelle d’un
fondement au- delà du monde phénoménal.
La science tente de résoudre cette question du monde en imposant l’idée « d’un
homomorphisme parfait entre langage formalisé, logique mathématique d’une part, et, d’autre part, la
nature, l’univers. Ainsi s’affirme une absolutisation onto-logique : la logique déductive/ identitaire
correspond à la vraie réalité, à l’essence même du réel, elle en est l’expression et le révélateur » (E
Morin, 1991, 178). Avec le déterminisme dont les controverses « permettent de mettre en évidence les
failles et les soubassements même du système des savoirs » (K Pomian, 1991, 58) et sa rupture avec le
temps, « elle dessine une fracture entre les philosophies à aspiration scientifique, en général
déterministes, et les philosophies du temps, parfois fascinées par le destin » (idem, 54).
Même quand elle tente de résoudre cette question, grâce à la conceptualisation de trois mondes
(Popper) - le monde 1 physique, le monde 2 psychique et le monde 3, produit des deux autres,
« susceptible de générer sa propre autonomie partielle » (G Lerbet, 1995, 52) grâce à « une pleine
conscience du moi » (Poppers, cité par G Lerbet, 1995) -, il s’agit bien toujours de chercher la vérité
d’une réalité, de poursuivre une réalité accessible mais objective et construite, vérité et réalité
produites par une conscience objective et indépendante. « La vérité de la réalité est celle de l’esprit
humain, démiurgique, qui peut espérer grandir en conscience absolue. » (G Lerbet, 1995, 53). Ce
troisième monde n’est pas une interface agissante mais bien un moyen de penser les deux autres à
partir d’un homme et de sa conscience posée sui généris.
Les sciences se sont ainsi fermées sur elles-mêmes. « Depuis Descartes, nous pensons contre
nature, assurés que notre mission est de la dominer, la maîtriser, la conquérir », en accord en cela avec
« Le christianisme qui est la religion d’un homme dont la mort surnaturelle échappe au destin commun
des créatures vivantes » et avec « l’humanisme qui est la philosophie d’un homme dont la vie sur-
naturelle échappe à ce destin : il est sujet dans un monde d’objets, souverain dans un monde de
sujets » (E Morin, 1973, 20). La science produit une « vision mécaniste, matérialiste, déterministe »
qui « satisfait en fait des aspirations religieuses : besoin de certitude, volonté d’inscrire dans le monde
lui-même la perfection et l’harmonie perdues avec l’expulsion de Dieu » (Morin, 1991, 226).
Le monde est expliqué soit par les choses elles-mêmes en opposition aux apparences, soit par
l’esprit immatériel de l’homme à l’intelligence non-déterministe mis à la place de dieu. Le monde est
celui de la matière ou celui de l’esprit. Sa connaissance porte sur l’au- delà de la nature, sur l’au- delà
du monde tel qu’il nous est donné. Elle est possible grâce à un esprit souverain qui ne prend pour vrai
que ce qu’il est capable de raisonner indépendamment du temps, du vécu, du ressenti, au- delà des
apparences, au- delà de l’homme et de son monde, en dehors de ce monde et face à lui. La
connaissance est obligatoirement en extériorité et en face des choses étudiées.
Le monde de la science positiviste en détrônant Dieu pour l’homme est un monde
métaphysique dont la connaissance laisse l’homme face à lui-même, du fait de la rupture entre l’être et
l’avoir, à la recherche continuelle de son être, démiurge perdu face à la nature, sans réponse quant au
soi, au Soi, qu’il doit inventer et assumer, responsable de la nature. C’est un monde méta physique au