Academic paper: Les aspects en imagerie de la tuberculose du

J Radiol 2008;89:209-20
© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008
Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
revue iconographique
neuroradiologie
Les aspects en imagerie de la tuberculose
du système nerveux central
S Semlali (1), A El Kharras (1), M Mahi (1), Y Hsaini (2), M Benameur (1), N Aziz (1), S Chaouir (1) et
S Akjouj (1)
a localisation tuberculeuse au niveau
du système nerveux central (SNC)
est assez fréquente et grave. Dans les
pays en voie de développement les lésions
tuberculeuses représentent 10 à 30 % des
processus expansifs intracrâniens (1). De
p
lus, les atteintes tuberculeuses pulmonaires
et extra-pulmonaires sont devenues
monnaie courante dans les syndromes
d’immunodéficience (1). L’atteinte est
toujours secondaire, même si le foyer pri-
mitif reste latent. La dissémination se fait
par voie hématogène, avec ensemencement
méningé et parenchymateux par le bacille
de Koch, entraînant un polymorphisme
clinique et radiologique selon la localisation
de l’atteinte et sa traduction en imagerie.
Son diagnostic doit se faire le plus rapide-
ment possible, afin de démarrer le traite-
ment antibacillaire, et le rôle de l’imagerie
est de faire le diagnostic positif sans avoir
recours aux méthodes invasives.
L’IRM est beaucoup plus sensible que le
scanner pour la détection des lésions pré-
coces, de petites tailles, ainsi que les lésions
de topographie mal visualisée par la to-
modensitométrie (2). Les méthodes d’ima-
gerie par diffusion et par spectroscopie de
proton sont très utiles pour écarter certains
diagnostics différentiels.
Le plus souvent, l’atteinte est méningo-
encéphalique. L’atteinte méningée isolée
ne représente que 20 % des tuberculoses
cérébro-méningées (3). Certaines localisa-
tions et formes cliniques sont moins fré-
quentes voire exceptionnelles.
Le but de ce travail est d’illustrer les diffé-
rents aspects en imagerie de la tuberculose
neuroméningée, chez des patients ayant
été admis pour des syndromes neuro-
logiques variables et exploré par tomo-
densitométrie et/ou imagerie par résonance
magnétique.
La méningite tuberculeuse
La méningite tuberculeuse est caractérisée
par un polymorphisme clinique mais les
signes basilaires (paralysie occulo-motrice)
ont une précieuse valeur d’orientation vers
l’origine tuberculeuse (4). En TDM, cer-
taines anomalies sont évocatrices même si
non spécifiques. Un aspect isodense ou
spontanément hyperdense des citernes de
la base au scanner avec une importante
prise de contraste au même niveau peut
être évocateur de l’origine tuberculeuse
(5, 6).
La leptoméningite, siège le plus souvent
au niveau des citernes suprasellaires et
ambiantes, et de la scissure de Sylvius (1) ;
apparaît comme un épaississement mé-
ningé, souvent indétectable sur les séquen-
ces pondérées T1 et T2. Après injection de
Gadolinium, on note un rehaussement
important, diffus ou focal multinodulaire,
des méninges qui sont épaissies (1, 2, 7).
La prise de contraste prédomine au niveau
des citernes de la base et des citernes opto-
chiasmatiques
(fig. 1)
.
L’exsudat gélatineux des citernes de la base
va entraver la circulation du LCR expli-
quant l’apparition d’une hydrocéphalie
(1, 8). Chez l’enfant, elle doit faire évoquer
le diagnostic. La dilatation du système
ventriculaire peut être tri ou quadri-
ventriculaire selon qu’il s’agisse d’une
hydrocéphalie communicante ou non
(fig. 2)
.
Il faut noter que la méningite tuber-
culeuse s’étend souvent aux méninges
péri-médullaires. Dans ce cas la prise de
contraste arachnoïdienne intracrânienne
s’associe souvent à des prises de contraste
péri-médullaires en « rail » sur les coupes
sagittales, et radiculaires diffuses au niveau
des racines de la queue-de-cheval
(fig. 3)
(9). L’évolution peut se faire vers un cloi-
sonnement du LCR avec oblitération
des espaces sous-arachnoïdiens, et perte
de l’aspect linéaire de la moelle
(fig. 4)
. Le
diagnostic se posera différemment chez
les patients immunodéprimés et les im-
munocompétents. Chez ces derniers, les
ningites bactériennes, fongiques et
parasitaires présentent un aspect similaire
à celui de la méningite tuberculeuse.
Chez le patient immunodéprimé, seul le
Abstract Résumé
Imaging Features of CNS Tuberculosis
J Radiol 2008;89:209-20
CNS tuberculosis remains relatively frequent in endemic regions. Both
CT and MRI are valuable for diagnosis. Even though non-specific,
MRI including diffusion-weighted imaging and proton spectroscopy is
more sensitive than CT for detection of some lesions. The purpose of
this paper is to illustrate the imaging features of CNS tuberculosis.
La tuberculose du système nerveux central reste assez fréquente et
grave en pays d’endémie tuberculeuse. La tomodensitométrie et
l’imagerie par résonance magnétique sont d’un apport considérable
au diagnostic.
Malgré l’absence de spécificité, l’IRM, associé à l’imagerie de
diffusion et à la spectroscopie du proton, est beaucoup plus sensible
que le scanner pour la détection de certaines lésions.
L’objectif de ce travail est de décrire et d’illustrer les différents aspects
en imagerie des lésions de la tuberculose du système nerveux central.
Key words:
Tuberculosis. Central nervous system. CT. MRI.
Mots-clés :
Tuberculose. Système nerveux central. Scanner (TDM).
Imagerie par résonance magnétique (IRM).
L
(1) Service d’Imagerie Médicale (Pr. Benameur), Hôpital
Militaire d’Instruction Mohamed V, Rabat, Maroc.
(2) Service de Neurologie, Hôpital Militaire d’Instruc-
tion Mohamed V, Rabat, Maroc.
Correspondance : S Semlali, 4, rue Zyriab, apt. 9, Les
orangers, Rabat, Maroc.
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Les aspects en imagerie de la tuberculose du système
nerveux central
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lymphome secondaire peut avoir un
aspect très voisin de la tuberculose
méningée (1).
L’artérite tuberculeuse
La méningite tuberculeuse peut se compli-
quer d’artérite des vaisseaux de la base,
avec possibilité d’accidents vasculaires
ischémiques (1, 9). Ce sont des lésions
d’ischémies étendues par sténose ou
thrombose d’artère de petit et moyen
calibre. La zone d’infarcissement inté-
resse surtout les noyaux de la base, la
capsule interne et le tronc cérébral. Ces
lésions sont plus pré
cocement détectées en
IRM qu’en
tomodensitométrie. Alors que
le scanner met en évidence des lésions
d’ischémie dans 20 à 38 % des cas (1),
Gupta,
et al
(10) rapportent une fréquence
de 53 % chez des patients examinés par
IRM. Les lésions sont en hyposignal T1,
hypersignal T2 et peuvent prendre le con-
traste de façon irrégulière en couronne
(fig. 5)
. Elles ne doivent pas être con-
fondues avec un tuberculome (2, 3). Les
anomalies rencontrées sur les vaisseaux
comportent des irrégularités segmen-
taires, circulation collatérale et des ré-
trécissements concentriques et une
thrombose du sinus longitudinal supé-
rieur (1). L’angio-IRM doit être réalisée
chaque fois qu’un infarctus est suspec-
té, et Gupta,
et al
(10) montrent qu’il
existe une bonne corrélation entre les lésions
artérielles et les territoires infarcis.
Le tuberculome
Il représente la lésion la plus fréquente. Il
peut se localiser dans n’importe quelle
partie du névraxe : cérébral, sus ou sous-
tentoriel, ou médullaire. Très rarement il
peut siéger dans l’espace sous-arachnoïdien
ou épidural (11). D’autres localisations
sont rapportées de façon exceptionnelle
telle la région hypophysaire, pituitaire,
pinéale ou intraventriculaire (12, 13).
Les localisations préférentielles intra-
parenchymateuses sont la jonction
substa
nce b
lanche et substance grise, péri-
ventriculaires et la fosse cérébrale posté-
rieure. Elles peuvent également intéresser
les noyaux gris centraux et le mésencéphale
(fig. 6)
(2, 7).
Le tuberculome est souvent solitaire. Les
formes multiples sont évocatrices de
l’étiologie tuberculeuse. Ils consistent en
un semis de petites lésions annulaires ou
Fig. 1 : Méningite tuberculeuse.
a Cou
pe scanographique avec injection de produit de contraste : prise de contraste inten
se
des espaces sous-arachnoïdiens de la base avec un aspect feutré des vaisseaux.
b Coupe coronale T1 avec injection de produit paramagnétique : importante prise de
contraste méningée. Noter l’œdème de la substance blanche avec l’effet de masse
sur le ventricule latéral gauche.
ab
Fig. 2 : Méningite tuberculeuse.
a IRM coupe sagittale T1.
b-c Cou
p
es axiale et frontale T2 démontrent une dilatation
q
uadriventriculaire communicante.
abc
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Fig. 3 : Méningo-radiculite tuberculeuse (même patient que fig. 2).
a IRM en coupes sagittales en séquences pondérées T1.
b et séquence pondérée T2 montraient un aspect irrégulier et épaissi des racines de la
queue-de-cheval (flèches).
Fig. 4 :
Troubles sensitifs survenant à la
suite d’une méningite tuberculeuse.
IRM en coupe sagittale T2 montre
un aspect irrégulier de la moelle
avec cloisonnement des espaces
sous-arachnoïdiens.
Fig. 5 : Artérite tuberculeuse.
a Tomodensitométrie après injection de produit de contraste : une lésion hypodense corticale et sous-corticale du lobe pariétal droit,
entraînant un effet de masse sur le ventricule droit. Il existe une prise de contraste intense en sous-arachnoïdien.
b IRM, coupe axiale en séquence FLAIR : un discret hypersignal capsulo-thalamique droit.
c IRM en coupe axiale en séquence pondérée T2 : hypersignal sous-corticale pariétal droit avec effet de masse sur le ventricule droit.
Fig. 6 : Tuberculomes cérébraux. Tomoden-
sitométrie cérébrale après injection de
produit de contraste, en coupe axiale :
multiples lésions nodulaires dissémi-
nées dans le parenchyme cérébral
dont certaines sont hypodenses avec
un rehaussement en couronne et
d’autres un rehaussement nodulaire.
ab
abc
ab
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Les aspects en imagerie de la tuberculose du système
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nodulaires
(fig. 7)
, souvent groupés en
foyer ; ou de lésions coalescentes donnant
une lésion multiloculée
(fig. 8)
.
Sur le plan anatomopathologique, ces lé-
sions débutent sous la forme d’un conglo-
mérat de microgranulome dans une zone
d’encéphalite et ils confluent pour former
un tuberculome mature non caséifié. Puis
survient la nécrose caséeuse centrale qui
est souvent solide, entourée d’une capsule
comportant du tissu collagène, des cellu-
les épithélioïdes, des cellules de Langhans
et des lymphocytes (1, 14).
L’aspect des tuberculomes au scanner et
en IRM dépend du stade évolutif de la né-
ab
Fig. 7 : Miliaire tuberculeuse. Tomodensito-
métrie cérébrale sans contraste (a) et
après injection de produit de contraste
(b) : multiples micronodules parenchy-
mateux isodenses à la substance grise
se rehaussant intensément, donnant un
aspect de miliaire. Noter l’œdème péri-
lésionnel.
Fig. 8 : Tuberculomes coalescents.
a-b Tomodensitométrie avant (a) et
après injection de produit de con-
traste (b) : multiples tuberculomes
parenchymateux confluents.
c-d IRM, coupes axiale et sagittale T1
après injection de Gadolinium : les
lésions sont en hyposignal avec
rehaussement en couronne.
L’oedème cérébral est important.
ab
cd
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crose caséeuse. En IRM, le tuberculome
apparaît en hyposignal modéré par rap-
port à la substance blanche en séquence
pondérée T1, parfois plus marqué en pé-
riphérie du fait de la couronne œdéma-
teuse
(fig. 9)
. En séquence pondérée T2,
l’aspect est variable selon le stade évolutif.
Le tuberculome précoce va apparaître
hypointense (13)
(fig. 10)
. Quand il est
mature, la capsule apparaît en isosignal
par rapport à la substance grise avec un
centre soit en hyposignal (la nécrose ca-
séeuse) ou en hypersignal (liquéfaction
centrale)
(fig. 11 et 12)
(15).
L’injection de gadolinium retrouve un
rehaussement annulaire ou nodulaire (7,
13).
Les séquences d’imagerie par diffusion et
par spectroscopie sont actuellement très
utiles pour le diagnostic précoce et non in-
vasif des tuberculomes cérébraux surtout
chez les patients sans signes systémiques
de tuberculose. Elles permettent aussi une
caractérisation spécifique des tuberculo-
mes, par rapport aux autres lésions infec-
tieuses et les lésions tumorales primitives
et secondaires (16-18). La séquence de dif-
fusion met en évidence la lésion sous for-
me d’un hypersignal quand le tuberculo-
me apparaît en hypersignal T2, mais s’il
est en hyposignal T2, la diffusion montre
une baisse du signal, alors que les chiffres
de l’ADC sont toujours bas dans les deux
cas de figures (16, 17). L’imagerie par
spectroscopie de proton est intéressante
pour différencier les tuberculomes des
autres lésions infectieuses notamment la
neuro-cysticercose. En effet, certains
auteurs ont retrouvé une élévation du pic
lipide, une augmentation de la choline et
une diminution de la N-acetylaspartate et
de la créatinine par rapport à la neurocys-
ticercose. Le ratio choline/créatinine est
supérieur à 1 dans les tuberculomes, ce
qui n’a pas été retrouvé chez aucun des
neurocysticercoses (13, 17, 18).
Sous traitement, l’évolution du tubercu-
lome est variable. Il y a souvent une ré-
duction de la taille et de l’œdème, et à la
fin d’un traitement bien conduit, le tuber-
culome doit disparaître. Parfois, il peut
persister une encéphalomalacie résiduelle
ou des calcifications séquellaires (1, 19).
L’encéphalite tuberculeuse
L’infection parenchymateuse dans la
tuberculose est souvent associée à une
méningite, plus rarement isolée et peut
entraîner une cérébrite focale
(fig. 13 et
14)
. Cette encéphalite ne présente pas
de caractéristique en imagerie. Elle se
Fig. 9 : Tuberculome mésencéphalique.
a-b IRM encéphalique, coupes axiales en séquences pondérées en FLAIR (a) et en T2 (b) : tuberculome dans la citerne prémésencéphalique
présentant une paroi en isosignal par rapport à la substance grise et un centre en hypersignal (flèche).
c-f Séquences pondérées T1 avant (c, d) et après injection de produit de contraste (e, f) : deux tuberculomes avec un centre hypointense.
La capsule en isosignal par rapport à la substance blanche se rehausse fortement après injection de gadolinium.
abc
def
1 / 12 100%

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