Mémoire humaine Mécanismes neurophysiologiques de la mémoire Master de Psychologie (M1) Fabrice Guillaume - année 2008-2009 1. Substrats neurophysiologiques de la mémoire 1 Substrats neurophysiologiques de la mémoire humaine Codage sous forme d’activités cellulaires au sein de vastes réseaux de neurones Apprentissage Neuromodulation S1 S2 S3 R1 R2 A la recherche du code neuronal des souvenirs Substrats neurophysiologiques de la mémoire Engramme : représentation internalisée et codée résultant de l’encodage Migration de l’engramme : corrélation performances et activité métabolique (5jours : hippocampe ; 25jours: régions frontales, néocortex associatifs) Indices neurobiologiques de l’inhibition de l’hippocampe : 1. Mémoire spaciale : corrélations entre les performances et la baisse de l’Adényle Cyclase de type II (ACII) ; 2. Mémoire procédurale : corrélations entre les performances et l’augmentation de l’ACII. Compétition entre système de mémoire 2 Compétition entre système de mémoire (notion d’homéostasie) Système 1 (-) Système 2 Mémoire déclarative (événements) Le sujet qui fonctionne sur la mémoire procédurale a une inhibition importante de l’hippocampe, donc de la mémoire déclarative. Une lésion du système 1, le système 2 fonctionne davantage. Maladie d’Alzheimer : lésion et/ou hypométabolisme du cortex cingulaire postérieur (limbique) Cet hypométabolisme facilite les performances du système procédurale Interaction dynamique entre système de mémoire Transfert de fonction possible après lésions 3 Une lésion localisée peut entraîner une réorganisation des éléments non lésés Expérience de Bartus : Ach Cortex Ach SM NB Ach Augmentation de la PLT (CA3 de l’hippocampe) après quelques temps Hippocampe Amygdale Ach : Acétylcholine SM : Septium médian NB : Noyau basal Au bout de 3 ou 4 mois, les animaux ne présentent plus de déficit (alors que l’acétylcholine n’est pas réapparue) : phénomène de vicariance. Problème de l’approche lésionnelle Cerveau lésé ≠ Cerveau intact - Partie lésée (fonction associée) Cerveau lésé = cerveau réorganisé (vicariance fonctionnelle) 4 Système hippocampo-cortical et mémoire explicite : phylogenèse Mémoire des items, des événements Mémoire associative, relationnelle Primate Rongeur 5 2. Mécanismes cellulaires Mécanismes cellulaires et moléculaires de la mémoire La formation des traces mnésiques repose sur des modifications des synapses et le remodelage des réseaux neuronaux L’activation intense ou répétée modifie l’efficacité synaptique 6 Typologie des cellules participant à l’activité mnésique : 1. Cellules de réglages : ces cellules se règlent sur la fréquence ayant acquis le plus de signification ; 2. Cellules de « filtrage » de l’information perceptive : on trouve 40 % de ces cellules dans le cortex inféro-temporal. Leur fonction est attentionnelle : réaction à la nouveauté, allocation à l’encodage ; 3. Cellules d’association S-S : neurones qui codent pour des paires de stimuli associés. Une lésion du cortex entorihnal bloque l’association entre les cellules du lobe temporal. 4. Les cellules délai (ou à activité soutenue) : - permettent le maintient de l’activité de la représentation neuronale ; - recrutement proportionnel à la demande lors de l’épreuve - rétroaction et réverbération entre le cortex frontal et inféro-temporal. Remarque : Dans le cerveau, les proportions entre neurones moteurs, sensoriels et intermédiaires sont : 10 100 000 10 Sensoriels Intermédiaires Moteurs Toute plasticité et flexibilité provient de cette domination 7 Potentialisation à Long Terme (PLT) Changement durable de l’efficacité synaptique : PLT (Bliss et Lomo, 1973) Efficacité relative au modulation de fréquences Modèle « Handshaking » (Stevens 1989) : 4 signaux essentiels Glu Augmentation de la libération (et de la quantité de vésicules) ? Ca2+ Acide Arachidonique ? ? Monoxyde d’azote Augmentation de la sensibilité des récepteurs glutamate (NMDA et non NMDA) Activité des protéines kinases NMDA Élément pré-synaptique Élément post-synaptique (LTP) dans l’hippocampe 8 Mécanismes de plasticité • 1. Influx normal • 2. Polarisation à long terme • 3-4-5. Genèse de nouvelles synapses • Acteurs: Mg, Na, Ca, kinases Synaptogenèse et remodelage des connexions synaptiques Receptor phosphorylation Receptor insertion 0 10 min PSD perforation Multi-spine synapse 30 min Presynaptic remodeling Synapse multiplication 60 min plus tard Activation des récepteurs NMDA 0,5 1 1,5 2 2,5 heures 9 Kandel (1976, 1992) : les neurones présynaptiques produisent de nouvelles protéines permettant la multiplication des dendrites du neurone post-synaptique (renforcement des connexions entre neurones). Le rôle des récepteurs NMDA • Ces récepteurs sont à la base de la plasticité neuronale, donc de la modification des structures synaptiques à l’origine de la mémoire. • Ils sont présents dans chaque zone mnésique du cerveau et peuvent donc se relayer la tâche de former et de stocker la mémoire dans chacune de ces zones. 10 Apprentissage Mémoire à long terme Neuromodulation S1 S2 S3 R1 R2 S2 Rappel S3 R1 R2 L’importance de l’environnement • Avant 1960, on ne croyait pas à l’influence de l’environnement en tant que facteur de développement neuronal. • Depuis, on remarque que les structures neuronales se développent mieux si le sujet est placé dans un environnement stimulant. • Des rats élevés en groupe présentent une structure neuronale plus développée, etc. 11 Neurogenèse et Mémoire Le séjour en milieu enrichi augmente la neurogenèse L’apprentissage augmente la genèse de nouveaux neurones dans le gyrus dentelé le blocage de la neurogenèse entraîne des déficits d’apprentissage dans certaines tâches ≈10.000 nouveaux neurones/jour La stimulation environnementale comme catalyseur mnésique • Des souris handicapées au niveau des récepteurs NMDA de l’hippocampe ont été placées de façon répétée dans un environnement complexe et ont atteint un niveau de mémorisation comparable à des souris normales. • La PLT se ferait donc dans une autre structure. 12 Naissance de nouveaux neurones dans le gyrus dentelé de l’hippocampe Les nouveaux neurones s’intègrent aux réseaux existants Remodelage des circuits neuronaux Mémoire à long terme Renforcement de connexions synaptiques Nouvelles connexions Neurogenèse ? 13 3. L’hypothèse synaptique Hebb (1974) : la différence entre mémoire à court et à long terme correspondrait essentiellement à une modification de la structure des circuits nerveux. Mémoire de travail : « réverbération » de l’information dans les boucles des circuits nerveux (maintient de l’excitation). Mémoire à long terme : consolidation (modification durable des connexions synaptiques). Amnésie lacunaire après traumatisme… 14 4. Le post-connexionnisme et la notion d’attracteur Réseaux de neurones à fonctionnement non-linéaire (plus proche de la réalité biologique) Propriétés en partie non prédictibles Fonctionnement du cerveau est compris comme autoorganisé (à l’intérieur d’une contrainte structurale) Problème : Patrimoine Environnement Histoire Exemple de la mémoire olfactive (modèle de Freeman) Odeurs captées par des cellules ciliées 15 Système olfactif : Cils Axone Bulbe olfactif Cortex olfactif Cortex frontal Système limbique Reconnaissance Pas de cellules spécifiques : une même cellule répond à une très grande quantité d’odeurs (20 à 500) Le bulbe se comporte comme une carte topographique (expérience petit animal) Odeur Carte Calcul des barycentres (matrice 64x64 électrodes): - Familiarisation et apprentissage (odeur renforcée/non renforcée) : grande dispersion des barycentres ; - Au bout d’un certains temps : regroupement de certains barycentres (pour les stimuli positifs comme négatifs) ; - Evolution continuelle en fonction des apprentissages : le bulbe conserve un ensemble d’états préférentiels (attracteur) - Introduction d’une nouvelle odeur (inconnue) -> déplacement de l’ensemble des barycentres. 16 5. Neuropsychologie de la mémoire Neuropsychologie de la mémoire Remise en cause du modèle modale d’Atkinson & Shiffrin (1968) : Patients présentant une MCT perturbée en présence d’une MLT normale Toute information en MLT ne passe pas obligatoirement par la MCT La MCT : un système unitaire ? Certains patients présentent des déficits de MCT sur un matériel verbal tout en ayant une MCT pour un matériel visuo-spatial préservée (Vallar et Baddeley, 1984) alors que d’autres patients présentent le pattern inverse (Hanley et al., 1991) 17 Le cas du patient H.M. 1953 : Résection bilatérale du lobe temporal médian à l’âge de 27 ans Témoin William Scoville H.M. Brenda Milner Personnalité et QI normaux Mémoire à court terme normale, incapacité à former de nouveaux souvenirs Perte des souvenirs qui précèdent la lésion Peut apprendre des tâches qui ne nécessitent pas un rappel conscient Amnésie Souvenirs infantile préservés Naissance De H.M. Amnésie rétrograde Amnésie antérograde Opération Arguments neuropsychologiques de la dissociation entre systèmes fonctionnels Syndrome d’amnésie globale --> Rôle du circuit hippocampique dans la mémoire épisodique (cas H.M.) La stimulation stéréotaxique de l'hippocampe (PENFIELD et Coll., 1974) à une intensité suffisante pour produire une post-décharge, crée une amnésie rétrograde : 1s. --> amnésie des 10 minutes précédentes 10 s. --> amnésie de plusieurs semaines Récupération progressive : défaut transitoire du récupération (mémoires conservées) Syndrome de Korsakoff --> Fabulations et déficits de récupération rencontrées après lésions post-traumatiques des régions frontales internes. 18 Hypothèse dominante de la mémoire distribuée Les traces mnésiques s'accumulent dans les régions corticales qui les ont vu naître Frontal Néo-cortex Aires associatives spécialisées pour certaines informations (visuelles, olfactives, sonores, etc.) Stockage des traces Orientation, validation et contrôle de la récupération Système limbique Signature de l’ensemble Stockage des associations entre traces Neuropsychologie des amnésies et des agnosies Imagerie cérébrale 19 Figure schématique des voies de circulations hippocampiques (coupe frontale de la région temporale interne) Modèle SPI (Sériel Parallèle Indépendant), Tulving 1995 Mémoire épisodique Mémoire à court terme Relations entre la mémoire procédurale et les autres systèmes ? Mémoire sémantique Conservation de souvenirs implicite dans l’amnésie Système de représentations perceptives (PRS) Mémoire procédurale Systèmes de représentations Système d’action Stockage parallèle Encodage sériel Récupération indépendante 20 Critique du modèle SPI de Tulving Démence sémantique : perte progressive des connaissances sémantiques, les mémoires épisodique et autobiographique (en particuliers les souvenirs récents) étant préservées (Snowden et al. 1994) ainsi que l’ensemble des fonctions non langagières. Manque du mot, compréhension des mots isolés déficitaire, la lecture altérée… Performances de reconnaissance normales avec un matériel non verbal Acquisition épisodiques possibles sans recours au système sémantique (Graham et al., 2002) Mémoire sémantique Sujets normaux PRS Modèle à entrées multiples Mémoire épisodique Démence sémantique Réponse de Tulving : La réussite des patients pourrait être liée à la mise en jeu de mémoires perceptives sans médiations sémantiques et épisodiques. Tâches de Hodges et collaborateurs (Simons et al., 2002) : Tâche de mémoire de la source : indiquer si un dessin appartient à une première liste ou à une seconde liste présentées toutes deux précédemment. Tâche de mémoire associative : les patients devaient apprendre les associations de 32 paires de photographies représentant des portes et des divans et indiquer, dans une tâche de reconnaissance, les paires initialement présentées parmi des distracteurs. 21 La maladie d’Alzheimer Maladie dégénérative du cerveau (hippocampe et aires associatives) Affecte mémoire 10% des +60 ans et 30% des + 75 ans Développement plus ou moins rapide Prévalence 50% 30% 16% 1% 2% 4% 8% Kurz A. Eur J Neurol 1998; 5(Suppl 4): S1-8 Wimo A et al. Int J Geriatr Psychiatry 1997; 12: 841-56 22 PREVALENCE… • Apparition surtout après 65 ans (3 à 5% population), mais existe chez personnes plus jeunes (10 % des Malades) • Le nombre de personnes atteintes double pour chaque « tranche » de 5 ans d’age • 120 000 cas par an AGE Hommes Femmes 75-79 4,6% 10% 80-84 9,6% 15,3% 85-89 15% 23% 90 et plus 21% 46,5% Plaques Beta-amyloides Protéïne Amyloide precurseur (APP) de la plaque. 1. 1. APP se colle à la membrane du neurone. 2. Les Enzymes coupent l’APP en fragments de protéïne. 3. Les fragments Beta-amyloid forment ensemble les plaques 2. Ces plaques perturbent le fonctionnement des neurones. Elles affectent l’hippocampe et d’autres régions du cortex cérébrale. 3. 23 AD and the Brain Dégénérescence neurofibrilliaire Les microtubes forment la structure interne des neurones (axones en particuliers). La protéïne tau aide les microtubes à se stabiliser. Dans la MA, la protéïne tau change. Ce changement entraîne la dégénérescence neurofibrillaire. TAU : une protéïne associée aux microtubules Neurone neurofilaments microtubules Transport Axonal tubuline Neurone microtubules tau AXONE synapse tauP GDP tubuline GTP tubuline tubuline 24 Stade préclinique • Les premiers signes se remarque dans le cortex entorhinal puis dans l’hippocampe. • La maladie affecte ensuite les régions en relations avec les cellules mortes. • Ces changements peuvent prendre entre 10 et 20 ans avant les premiers symptômes. • La perte de mémoire est le premier signe de la maladie. 25 Stade modéré • De plus en plus de neurone meurt et de plus en plus de régions sont touchées. • Les signes deviennent la perte de mémoire, la confusion, anxiété accrue, difficulté à reconnaître les visages familiers, troubles du langage et de la pensée, agitation, etc. Stade sévère • Au stade sévère, les patients sont complétement dépendants. • Les symptômes sont désormais un perte de poid, des endormissements répétés et impromptus, puis démence. 26