La construction médiatique de la crise « des subprimes »

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UNIVERSITE LUMIERE LYON II
Institut d'Etudes Politiques de Lyon
La construction médiatique de la crise
« des subprimes »
ou le rôle des médias dans l’émergence d’une crise
Soutenu le 03 septembre 2008
Morgane Remy
Directeur de mémoire : Jean-Michel Rampon
Table des matières
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Introduction . .
Problématique . .
Hypothèse . .
Choix du corpus et sa catégorisation . .
Méthode d’analyse . .
I/ Explications de la crise des subprimes . .
1.1 Qu’est ce que la crise des ‘subprimes’? . .
1.2 Rétrospective . .
1.3 Lexique . .
1.4 La titrisation et la crise des « subprimes » comme crise financière
1.5 D’une crise financière à une crise économique globale
10
6
..
..
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite. . .
2.1 Corpus . .
2.2. Revue linéaire . .
2.3 Evolution de la crise : analyse quantitative . .
2.4. Analyse par rapport aux déclarations publique de la BCE et de la Fed . .
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision . .
3.1 Corpus . .
3.2 Analyse linéaire . .
3.3 Analyse comparée. . .
IV/ Mise en perspective des analyses . .
4.1 Analyse du discours inspiré de la méthode de S. Moirand
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..
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4.2 Méthodologie inspirée de l’essai : Construire l’événement. Les médias et l’accident de
Three mile island
17
. ..
4.3 Etudes des discours d’experts relayés par la presse. . .
4.4 Comparaison avec les crises environnementales, la crise de la « vache folle » et celle
de l’ « e-krach » en bourse . .
V/ La presse et l’événement subprime. . .
5.1 Historique de la relation de la presse à l’événement . .
5.2 Les subprimes ou un « Grand événement »
30
..
5.3 Les logiques journalistiques et lectures événementielles des faits d’actualité . .
5.4 Typologie de l’événement des subprimes . .
5.5 L’événement subprime est une crise . .
5.6 Du sensationnalisme . .
5.7 Le temps de l’événement . .
5.8 La crise des subprimes, un objet politique de rapport de force . .
Conclusion . .
Annexes . .
Bibliographie . .
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Introduction
« Dans un cours d’économie financière à l’université Paris I, un enseignant
donnait comme seul conseil à ses étudiants tentés de « jouer » en bourse de
ne jamais croire les journaliste. Le mouvement des cours boursiers ne pouvait
aller, selon lui, que dans la direction contraire à celle prévue par les médias. Le
défaut d’information réellement fiable expliquait l’impuissance médiatique dans le
domaine prédictif. La législation boursière interdit en effet tout scoop authentique
1
qu’elle qualifie de délit d’initié » .
Pourtant, des institutions comme la Banque de France ont un service dédié entièrement
à la presse. Lorsque, lors d’un stage en août dernier, j’y ai travaillé, j’ai vu l’importance
accordée au médias. Les publications étaient étudiées quantitativement et qualitativement
afin de fournir une analyse de l’actualité aux dirigeants. Ces derniers suivaient d’ores et
déjà l’actualité au quotidien grâce à une revue de presse mais aussi grâce à un relais en
flux tendu des informations jugées comme primordiales. Un tel décalage entre les propos
du professeur d’économie et la réalité au sein de la banque des banques pose clairement
la question de l’influence qu’ont les médias sur la sphère économique. Mon étude portera
sur la crise dite des « subprimes » (que j’ai vu émerger en étant au service presse de la
BdF) et sur le traitement médiatique de celle-ci. L’intérêt du sujet est de s’interroger sur deux
domaines très différents qui sont liés de façon temporaire dans la création d’un événement.
Pour la crise des « subprimes », il est intéressant d’analyser le surgissement du moment
2
discursif que l’on étudiera plus tard dans ce mémoire. Si le surgissement est parfois brutal
et intense comme lors des attentats du 11 septembre, le moment discursif peut être plus
discret. Ce moment discursif ne devient ‘événement’ que s’il donne lieu à une abondante
production médiatique et qu’il en reste également quelques traces à plus ou moins long
terme dans les discours produits ultérieurement à propos d’autres événements.
Le lien entre la crise financière et les médias, c’est-à-dire entre les faits et les récits, est
donc la coproduction d’un événement. L’objet d’analyse résulte de cette interaction entre le
domaine économique et la presse. Même si la notion reste à définir, on peut simplifier en
disant que l’« événement subprime » est l’objet d’analyse.
Problématique
L’événement « subprime » est souvent présenté comme étant purement un fait, une réalité
économique. Pourtant, l’existence d’une crise ne saurait se faire sans médias. Ceux-ci en
1
Elsa Poudrardin, ‘La crise boursière d’avril 2000 dans les articles autour de la « nouvelle économie »’ in Michèle Gabay,
Communiquer dans un monde en crise : images, représentations et médias.
2
Sophie Moirand explique que e moment discursif est constitué quand « un événement donne lieu à une abondante production
médiatique et qu’il en reste également quelques traces à plus ou moins long terme dans les discours produits à propos d’autres
événements ».
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REMY Morgane_2008
Introduction
font un récit, la rendent intelligible et, ainsi, lui donnent corps voire, parfois, l’amplifient par
les réactions « en chaîne » qu’ils provoquent. À l’instar d’un documentaire, il y a un préjugé
de non-fiction.
Pourtant, le récit médiatique est scénarisé avec des acteurs, une narration dramatique
des faits et des scenarii prévisionnels sont développés. La médiation serait alors une sorte
de fiction basée sur des événements réels qui auraient eux-mêmes une rétroaction sur
l’économie. En effet, le domaine financier, par son côté irrationnel et émotionnel, est un
lieu très réceptif à la fiction. Les places financières sont très sensibles à la confiance
des investisseurs qui sont bercés par tout un imaginaire. On peut donner alors le célèbre
exemple de Nathan Rothschild qui a fondé sa fortune sur un mensonge :
Le 20 juin 1815, au lendemain de la bataille de Waterloo, Nathan Rothschild accomplit
un « coup de bourse » remarquable. Informé de la défaite napoléonienne bien avant les
autorités, il se rend à la Bourse de Londres et pleure la perte de son fils, mort lors de la
déroute anglaise de Waterloo. Beaucoup croient alors que Napoléon est sorti victorieux du
combat et, gagnés par la panique, vendent leurs titres. Les actions chutent à une vitesse
folle. Rothschild attend la dernière minute puis les rachète et assoit ainsi la fortune familiale.
Dans ce cas-là, la réalité a découlé d’une fiction.
Hypothèse
Mon hypothèse contient donc deux volets :
Le premier volet de mon hypothèse est de prouver que la scénarisation d’un événement
cadre la crise. Il ne s’agit plus du discours d’économie mais d’un discours bien plus large
sur l’économie et autour de la finance. Ce nouveau discours est plus que la traduction par
les médias des dires des économistes. Le discours est construit par une grande diversité de
communautés (économistes, politiques, associations de petits porteurs, les industriels, les
médiateurs) selon un rapport de pouvoir. Selon la même logique que l’écriture de l’Histoire,
le discours dominant est imposé comme une réalité alors que ce n’est que celui qui a pu
s’imposer au détriment des autres.
Le deuxième volet de l’hypothèse est que le discours dominant qui s’impose est d’autant
plus important qu’il influe sur l’événement. Il le cadre. Il a, dans le cas d’espèce, un effet
déterminant sur les places financières où la confiance joue un rôle clef. Une spirale vicieuse
s’est créée sur la base rationnelle d’indicateurs économiques d’une part et sur la base
émotionnelle de croyances et mythes d’autre part.
Le but de ce mémoire est de faire une analyse de discours, de confronter les opinions
de membres des communautés économiques, politique et médiatique pour confirmer ou
infirmer cette hypothèse.
Choix du corpus et sa catégorisation
REMY Morgane_2008
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Par un souci d’efficacité, je me concentrerai sur la presse écrite et la télévision même si je
ne peux complètement écarter les autres médias puisqu’il y a une interdépendance.
Pour que mon analyse soit valable, il ne faut pas partir d’un cas trop particulier. Toujours
dans le cadre de la presse écrite, le corpus sera le plus large possible pour être le plus
représentatif à l’instar d’un panel de sondage. Pour cela je vais m’assurer d’une certaine
hétérogénéité
3
:
- Hétérogénéité sémiotique : articles de différentes tailles, diversité des formes de
documents (taille, couleur, caractère), de l’alternance entre l’iconique et le verbal. Cette
approche vise à cerner les conditions médiologiques : il est signalé à la une, il forme un
dossier, tout cela forme une hyperstructure.
- Hétérogénéité énonciative : diversité des scripteurs tels qu’ils sont montrés
et désignés par le texte (journalistes, envoyés spéciaux, correspondants, rédacteurs
occasionnels), la diversité des lieux (parfois en tête d’article : Bruxelles, Paris, Londres,
Hong Kong…). Mais il s’agit également du marquage de paroles ou de mots cités
ou empruntés lorsqu’ils sont par exemple guillemetés, ou par la présence de verbes
introducteurs de paroles rapportées, ou plus insidieusement par l’usage qui est fait de mots
ou de formulations qui ont été prononcés par d’autres mais qui ne fonctionnent comme
rappel mémoriel que pour les lecteurs capables de discerner, grâce à leurs connaissances,
l’allusion à des dires antérieurs ou extérieurs.
Un classement professionnel serait possible selon les catégories : brèves, articles,
interviews, enquêtes, reportages, éditoriaux, chronologies, glossaires, dessins de presse.
Cependant, à ce stade, il semble plus judicieux de traiter ce corpus chronologiquement, ce
qui permettra d’évaluer la façon dont le discours médiatique évolue. En effet, l’étalement
chronologique du traitement médiatique se fait sur plusieurs mois. Pour la crise des
« subprimes », il est intéressant d’analyser le surgissement du moment discursif puis de
voir l’évolution de l’événement.
Méthode d’analyse
La première étape consiste à mener une analyse chronologique des articles de presse.
Pour compléter cette analyse, il conviendra d’étudier d’autres formes médiatiques
comme les médias audiovisuels mais aussi la communication institutionnelle des banques
et de l’État. L’étude sera générale, ce qui suffit à fournir un cadre de comparaison à l’analyse
de départ.
Il sera intéressant d’étudier l’étalement chronologique du traitement d’un fait sur
4
plusieurs jours . Mais auparavant, il faudra analyser le surgissement du moment discursif.
Si ce surgissement est parfois brutal et intense comme les attentats du 11 septembre, le
moment discursif peut être plus discret. Ce moment discursif ne devient ‘événement’ que
s’il donne lieu à une abondante production médiatique et qu’il en reste également quelques
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Sophie Moirand, De la médiation à la médiatisation des faits scientifiques et techniques : où en est l’analyse du discours ? ,
CEDISCOR-SYLED, université Paris III.
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Coman Mihai, L’événement rituel : médias et cérémonies politiques, La Place de l’Université à Bucarest en décembre 1990
in Réseaux n° 76 CNET - 1996.
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REMY Morgane_2008
Introduction
traces à plus ou moins long terme dans les discours produits ultérieurement à propos
d’autres événements.
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
I/ Explications de la crise des subprimes
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À l’instar de Eliseo Veron , je mettrai en appendice, une explication technique mais
vulgarisée de la crise des subprimes.
1.1 Qu’est ce que la crise des ‘subprimes’?
Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas, soutenait
le météorologue Lorenz. En 2007, le défaut de paiement de ménages de Sacramento et de
Detroit a obligé la Banque Centrale Européenne à injecter plusieurs centaines de milliards
d’euros sur le marché monétaire.
Les banques américaines ont accordé des crédits à des ménages présentant de trop
faibles garanties pour accéder à des emprunts normaux, dit « primes ». Ces concours
bancaires à risques ont été qualifiés de « subprimes ».
Au début, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes : les ménages les plus
modestes pouvaient avoir accès à la propriété, les courtiers empochaient des commissions
alléchantes et l’activité bancaire était soutenue. Les banques, elles, ne mettaient pas tous
leurs œufs dans le même panier en titrisant leurs créances et en vendant ces valeurs
mobilières sur les marchés financiers. Ainsi, le risque est réparti sur plusieurs agents
économiques. Les investisseurs achetaient ces titres offrant une très forte rémunération,
même s’il faut souligner que la rémunération est proportionnelle au risque.
Cependant, de plus en plus de ménages ne purent plus rembourser. Ils furent alors
obligés de vendre leur maison, les prêts étant garantis par des hypothèques. Suite à une
vague massive de vente, la valeur des biens immobiliers s’est effondrée. Les faillites des
emprunteurs provoquèrent celles des prêteurs. Il y eut quelques faillites, mais le crédit
« subprime » ne représentant que 14 % des crédits américains, il sembla que les dégâts
resteraient limités, notamment grâce à la politique de titrisation.
Mais de fait, la titrisation a été à l’origine de la crise : les acteurs du marché ne savaient
plus où situer les risques, en encore moins les quantifier. Certains fonds ont été bloqués
car composés essentiellement de titres « subprime », dont la valeur ne pouvait plus être
évaluée et donc qui ne pouvaient plus être échangés contre de la monnaie sonnante et
trébuchante. C’est ce qu’on appelle une crise de liquidités.
A partir de ces faits, quel a été le rôle des médias ? Quel est leur discours au sujet de
la crise, comment la définissent-ils ? Parce que cette crise est en grande partie une crise
de confiance, ce qu’en disent les médias a un impact sur celle-ci.
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Eliseo Vieson , Construire l’événement. Les médias et l’accident de Three mile island, Éditions de Minuit, Paris, 1981.
REMY Morgane_2008
I/ Explications de la crise des subprimes
1.2 Rétrospective
En cas de panique financière, la référence à la crise de 1929 est toujours tentante mais
souvent trompeuse. Dans le cas d’espèce, deux autres références historiques paraissent
plus éclairantes. Il y a un siècle, la crise de l’année 1987, à son comble en octobre, a éclaté
dans un contexte en partie proche du nôtre, marqué par une forte croissance stimulée par
une intégration économique et financière galopante (le pic de la « première mondialisation »)
et d’importantes innovations financières motivées par la demande colossale de capitaux
nécessaires à l’expansion américaine. Le manque de lisibilité des risques dans le système
bancaire américain provoqua, après le tremblement de terre de San Francisco, une défiance
généralisée et une panique contagieuse sur les marchés du crédit. Si J. P. Morgan, banquier
central de facto, parvint à juguler la crise boursière, qui ne dura finalement que 15 mois, elle
conduisit à la rédaction des statuts du Federal Reserve System (Fed), votés en décembre
1913. La différence majeure avec la crise d’aujourd’hui est donc que le banquier central
américain est à présent de droit et non de fait, ce qui devrait en principe lui donner davantage
d’autorité et de moyens d’actions pour juguler la crise.
Un autre précédent pertinent est la crise de 1987, elle aussi à son faîte en octobre.
Alan Greenspan, comme Ben Bernanke aujourd’hui, venait d’être nommé président de la
Fed. La décision d’augmenter les taux, au printemps 1987, pour contrôler l’inflation se
rapproche de celle de l’été 2007 de ne pas les baisser. La baisse des taux directeurs
américains de 60 points de base le 1er novembre 1987 permit d’apaiser rapidement la
panique naissante. Cependant, la crise affrontée avec succès par Greenspan ne résultait
pas directement du contexte légué par son prédécesseur. Or, c’est bien le même Greenspan
dont la responsabilité est engagée, pour de très nombreux observateurs, dans la formation
de la bulle immobilière après le bref épisode de récession de 2001.
1.3 Lexique
Subprimes
Le terme désigne des prêts immobiliers dits "à risque" car consentis à des ménages à
la solvabilité fragile, à des taux d’intérêt très élevés et surtout variables.
Depuis plusieurs mois, les taux ont augmenté, ce qui a provoqué une baisse des prix de
l’immobilier, en raison d’une contraction de la demande, diminuant d’autant "l’effet richesse"
des ménages propriétaires mais endettés.
Cette conjonction d’événements a rendu nombre de ménages incapables de
rembourser leurs emprunts, mettant en danger les établissements de crédit.
Fonds d’investissements
Ces sociétés ont pour objet d’investir sur différents marchés, avec divers degrés de
risques financiers. Parmi eux, les "hedge funds" (fonds spéculatifs) sont spécialisés dans
les investissements risqués, et certains ont choisi d’investir dans le juteux marché des
"subprimes".
Les établissements qui ont consenti de tels prêts ont transformé les crédits en "titres
financiers" (titrisation), de façon à pouvoir les vendre sur les marchés.
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
En raison du retournement du marché immobilier américain, les titres dérivés des
subprimes ne trouvent plus preneurs. Ceux qui ont acheté ces titres, les "hedge funds"
notamment, font donc aussi les frais de la crise. La faillite ou le gel de plusieurs d’entre eux
les a amenés à vendre des actions pour se renflouer et a affolé les marchés.
Marchés financiers
Il existe plusieurs types de marchés financiers : actions, obligations (comme les Bons
du Trésor américains), monétaires (échanges de capitaux). Un marché baisse quand il y a
plus de vendeurs que d’acheteurs, et peut même s’effondrer si les acheteurs font totalement
défaut.
Banques centrales
Les banques centrales comme la Réserve fédérale américaine (Fed) ou la Banque
centrale européenne (BCE) ont pour mission de sauvegarder la stabilité financière et de
garder l’inflation sous contrôle, au moyen de la politique monétaire. La politique monétaire
s’appuie sur deux piliers : le coût de l’argent et le volume disponible.
Les taux d’intérêt directeurs, leviers essentiels, peuvent être baissés pour stimuler
l’économie ou au contraire relevé (c’est le "resserrement monétaire") pour contenir l’inflation.
Les taux d’intérêt consentis aux banques en découlent et sur ceux des emprunts accordés
aux particuliers ou aux entreprises.
Les banques centrales peuvent aussi retirer ou injecter de l’argent sur les marchés
pour rééquilibrer la quantité de « monnaie Banque Centrale » (dollar, euro,…) disponible et
tenter d’éviter des krachs financiers, ce qu’elles ont fait plus ou moins massivement depuis
l’été 2007.
1.4 La titrisation et la crise des « subprimes » comme
crise financière
6
6
Frank Nathaniel (University of Oxford), Brenda Gonzalèz-Hermosillo and Heiko Hesse (IMF), Transmission of Liquidity
Shocks : Evidence from the 2007 Subprime Crisis,2008.
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REMY Morgane_2008
I/ Explications de la crise des subprimes
L’effondrement de la bulle immobilière américaine fut le déclencheur de cette crise. En
2001, après la crise de la bulle Internet (les start-ups levaient des fonds énormes malgré
une absence de fonds propres, grâce à des perspectives de plus-value très fortes), les taux
d’intérêt ont baissé. La liquidité bancaire est élevée, et les acteurs économiques pensent
que les risques ont été considérablement réduits, le marché étant « assaini ».
Le fait que les ménages américains se trouvent, parce qu’ils ont été incités à emprunter
par des institutions peu regardantes sur la qualité du crédit, dans une situation d’insolvabilité,
conduit les banques à lever les hypothèques pour se rembourser sur la valeur du bien
immobilier.
Cette augmentation massive des ventes va révéler la bulle immobilière et provoquer
son explosion. Les prix ont augmenté sans rapport à la valeur réelle de ces actifs, ce qui a
permis à des ménages de revendre leur logement avec une forte plus-value. Ces ménages
apparaissent comme étant solvables et obtiennent des crédits supplémentaires contribuant
ainsi à la flambée des prix. Ils prennent le risque, en fait, de voir la crise immobilière éclater
et la valeur de leur bien s’effondrer alors que leur dette reste bien réelle. Mais il n’y a pas eu,
aux États-Unis, de crise immobilière à l’échelle de la Nation tout entière depuis les années
1930 et il semble donc impossible qu’il y en ait une nouvelle.
La crise des subprimes commence en 2003 : de nombreux ménages commencent à ne
plus pouvoir rembourser leurs emprunts. Au deuxième semestre de 2006, plus d’un million
de ménages sont en situation de défaut de paiement : la crise se généralise. Des organismes
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11
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
d’études économiques et financières ont prédit la dépression, mais dans l’euphorie du
moment leurs alertes ne sont pas prises en compte. Pour que la prise de conscience ait lieu
(ce qui sera fait pour le public en août 2007) il faut que survienne ce qui a priori était réputé
impossible, à savoir un retournement du marché immobilier avec une baisse continue du
prix des maisons.
Cela va avoir un effet sur les fonds de créances : ceux-ci ont été constitués en partant
du principe que les risques pris sur différents marchés n’étaient pas corrélés, or la baisse
des prix de l’immobilier va avoir un impact sur tous les crédits. Il va y avoir un fort besoin
de liquidités sur les marchés financiers.
7
La première catégorie de créances douteuses, la plus risquée, met les fonds spéculatifs
en difficulté, ce qui ne semble pas grave ; mais dans une situation de crise généralisée, les
fonds spéculatifs, comme les banques au dix-neuvième siècle, financent des crédits à long
terme à l’aide de crédits à très court terme. Ils ont besoin de liquidités pour les rembourser.
Pour ce faire, ils cèdent leurs créances aux banques. Or la valeur de ces actifs est en chute,
et cela ne leur permettra pas d’atteindre le niveau de financement nécessaire pour faire face
à leurs engagements. L’assèchement de la liquidité bancaire s’est produit parce que, dans
la plupart des cas, les banques ont conservé la propriété des crédits (le fonds commun de
créances n’ayant en effet pas la personnalité morale). Dans le cas des SICAV monétaires,
on peut obtenir des liquidités en échange du rachat de la SICAV ; dans le cas de ces crédits,
les banques veulent du cash et vont devoir le fournir elle-même, ayant finalement dépensé
au minimum 1 500 milliards pour faire face à ce problème de liquidités des fonds de pension.
Elles vont alors se trouver en défaut de liquidités, c’est pourquoi les banques centrales
(BCE, FED) ont injecté des liquidités en rachetant des crédits douteux, prenant ainsi à leur
8
compte le risque que les banques commerciales ne pouvaient plus assumer .
Les fonds spéculatifs et les fonds de pension ont enregistré des pertes colossales. Les
banques ont dû constituer des provisions, mais ne s’en tirent pas mal, car l’intervention des
9
banques centrales a évité la crise de liquidités bancaires. Ce que Michel Aglietta appelle
une « crise de la fonction de banque de marché » va affecter le processus de titrisation de
manière durable. Les banques ont été obligées de fournir des liquidités à des acteurs qui
n’ont rien à voir avec les opérations bancaires ; peut-être vont-elles limiter, voire renoncer
à la titrisation, entraînant un renchérissement du crédit et donc une croissance ralentie.
Les banques se sont dit qu’elles pourraient toujours faire des marges par la spéculation,
car contrairement aux fonds spéculatifs, les banques peuvent compter sur les dépôts.
En période normale, ce calcul est fondé puisque ces dérivés de crédit ont pour fonction
de diviser les risques et les banques sont donc moins exposées aux défaillances. Mais
contrairement à la logique de ce raisonnement, des anomalies vont se produire sur les
marchés de produits dérivés. Quelle est donc la défaillance ?
Il y en a à trois niveaux :
1/ les risques juridiques. Tous les pays tertiarisés ont encouragé le développement du
marché de ces produits dérivés. Mais l’incertitude porte sur la détermination de la propriété
juridique de ces valeurs mobilières.
7
8
Natixis ,
Patrick Arthus ,
Global Immo, n°1, mars 2008
Jean-Paul Fitoussi et Éloi Laurent, Les errements de la confiance : la Fed et la BCE dans la crise, Observations et diagnostics
économiques n° 289, lettres de l’OFCE, Mercredi 19 septembre 2007.
9
12
Michel Aglietta, Régulation et crises du capitalisme, 1997, Editions Odile Jacob, Paris.
REMY Morgane_2008
I/ Explications de la crise des subprimes
2/ le risque lié au non-respect des normes prudentielles qui avaient été posées pour
protéger les banques. Ainsi, au lieu d’avoir diminué les risques, beaucoup de banques ont
concentré ces risques.
3/ le fait pour les banques de sortir de leur bilan des dérivés de crédit. Rien pourtant
ne les oblige à sortir des sous-jacents de la titrisation de leur bilan bancaire. Au fond, les
banques centrales ont fourni des liquidités pour éviter le retour des créances dans le bilan
des banques. Ce sont ces pertes considérables qui font que désormais les banques ne
peuvent plus prêter à des taux très bas, et ceci en dépit du fait que les banques centrales
ont baissé leurs taux d’intérêt afin de faire augmenter la valeur des titres détenus par les
banques.
1.5 D’une crise financière à une crise économique
globale
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Crise immobilière (à partir du printemps 2007)
Aux États-Unis, desmillions de ménages peu solvables ont souscrit au cours des
dernières années des prêts immobiliers à taux variable, dits subprimes , pour un montant
total de 1 200 milliards de dollars.
L’effondrement des prix, accompagné d’une hausse des taux d’intérêt, étrangle ces
ménages, dont beaucoup, incapables de rembourser leurs emprunts, se retrouvent à la rue.
Les sociétés de crédit hypothécaire, qui leur ont attribué des prêts aveuglément, sont
à leur tour en difficulté.
Crise bancaire (à partir de l’été 2007)
La plupart desgrandes banques mondiales, qui ont investi dans des produits financiers
composés à divers titres de ces crédits subprimes , sont touchées à leur tour. C’est le cas
des géants américains Citigroup ou Merrill Lynch, mais aussi d’établissements européens
comme UBS. Ils doivent faire appel à des fonds d’Etat asiatiques ou moyen-orientaux pour
être renfloués.
Un climat de défiance s’installe entre les banques, incapables de déterminer leurs
niveaux d’exposition respectifs aux crédits subprime . Elles deviennent très réticentes à se
prêter les unes aux autres.
L’assèchement des liquidités fait que certaines banques, soupçonnées d’être
particulièrement exposées aux subprimes , se retrouvent totalement asphyxiées. C’est le
cas de la Britannique Northern Rock, qui ne doit son salut qu’à l’intervention de l’Etat.
Crise financière et boursière (à partir de l’automne 2007)
La sphère financière dans son ensemble se trouve contaminée, à commencer parles
fonds d’investissement, et notamment les fameux hedge funds. Une grande part de leurs
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Problèmes économiques N 2.945, 09 avril 2008, DOSSIER :Retour sur la crise financière de 2007, Subprimes :
topographie d'une crise.
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
activités, qui repose sur un fort niveau d’endettement, se trouve en effet gelée faute de
liquidités.
Les Bourses mondiales sont prises dans la tourmente, plombées par l’effondrement
des valeurs financières. Les marchés sont aussi affectés par les inquiétudes concernant
l’économie mondiale, guettée par la stagflation (mélange de stagnation de l’économie et
d’inflation).
Le spectre d’une faillite d’une grande institution financière plane. Celle de l’américain
Bear Stearns est évitée in extremis, en mars, par l’intervention de la Réserve fédérale.
Crise économique et alimentaire (à partir de l’hiver 2007-2008)
Marasme boursier, dégonflement de la bulle immobilière : les investisseurs en quête
de meilleurs rendements se tournent versle marché des matières premières énergétiques
et alimentaires. Une envolée des prix en résulte, également nourrie par la forte demande
despays émergents. Elle se traduit par une stagnation du pouvoir d’achat dans les pays
développés, et des émeutes de la faim dans les pays pauvres.
La crise bancaire suscite la crainte d’une restriction de l’offre de crédit. Un credit crunch
qui risque d’entraîner une chute de l’investissement desentreprises et de la consommation
des ménages. Le ralentissement de l’économie mondiale est désormais acté.
14
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
II/ La construction de l’événement
« crise des subprimes » par la presse
écrite.
2.1 Corpus
Le corpus qui correspond à la période de l’émergence de la crise dans les médias se base
sur la période des mois de juillet et août 2007. Le but est de pouvoir étudier les modalités
de l’émergence de la crise. Dans un premier temps, je n’effectuerai qu’une revue linéaire
des textes qui servira ensuite de base pour procéder à une analyse fondée sur des théories
du domaine des sciences sociales et des « media studies ».
J’ai décidé de prendre des articles dans un temps réduit du 17 juillet au 30 août. Ce
moment est choisi en fonction de moment discursif, celui où l’événement subprime arrive
sur la scène médiatique (le 9 août). Cela permet de voir l’émergence du moment didactique,
la naissance de l’événement.
REMY Morgane_2008
15
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Date
Journal
17/07 Le Monde
Titre
Pour une politique
économique
pertinente
08/08 Le Parisien Les banques
françaises peu
menacées
10/08 Les Echos Les places
boursières affectées
par les valeurs
financières et leur
exposition aux
« subprimes »
11/08 AFP
Crise des
« subprime » ; la
presse mondiale
inquiète
14/08 Les Echos « Subprimes » : « Ils
ne mourraient pas
tous… »
16/08 Les Echos Crise des
« subprimes » :
Fabius critique la
BCE
16/08 AFP
Miné par les
« subprimes », le
CAC 40 chute à son
plus abs niveau de
l’année
17/08 Aujourd’hui « Nous demandons
en France au gouvernement de
s’expliquer »
17/08 AFP
Subprimes : Lagarde
a reçu le directeur
général de BNP
après le gel de trois
fonds
17/08 Libération « Un manque
de clairvoyance,
un défaut de
transparence et un
effet de contagion »
17/08 Libération La moralisation des
marchés en question
17/08 AFP
La crise des
« subprimes’:
quelques repères et
16
termes techniques
17/08 AFP
Secouée par les
« subprimes », la
bourse de Paris peut
espérer un rebond
18/08 Le Progrès « Il s’agit d’une crise
Rubrique/
Page
Type d’article
Débat/
P.19
Décryptage
Economie/
P.10
résultat en
bourse
Taux
P.26
change – actions/
Article de
fond
Intervenants/
Journaliste
Christian SaintEtienne – professeur
des universités,
membre du
Conseil d’analyse
économique.
Journaliste : V.H.
Journaliste :
Stephane Le
Page
Economie
et finance/
synthèse
J : Areille Verley
Le point de
P.10
vue de…/
Idées
Dernière
P.11
page/
Rubrique En
France
Economie
et finance/
Papier
d’angle
J : Valérie Plagnol
Le fait du
P. 3
jour/Propos
recueillis
Economie et
finance
Intervenant :
Julien Dray
Événement/
tribune
P.4
Intervenant :
Laurent Fabius
Événement
P.4
J : Laureen Ortiz
J : Isabelle
TOURNE
Economie
et finance/
Repères
REMY Morgane_2008
Economie
et finances/
bourse hebdo
Informations
Intervenant :
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
2.2. Revue linéaire
�Le Monde, 17/07 Pour une politique économique pertinente
L’article ne traite pas de la question des prêts à risques. Le spécialiste, Christian SaintEtienne analyse l’économie française et pour lui la crise économique est une crise de l’offre,
c’est-à-dire une insuffisance de biens et services adaptés à la demande sous le double
effet d’une capacité d’innovation limitée et d’un effort d’investissement productif réduit. Nous
sommes le 13 juillet 2007 et l’ombre de la crise financière américaine due à la crise des
crédits hypothécaires à risques n’apparaît pas dans la tribune.
�Le Parisien, 08/08, Les banques françaises peu menacées
Le terme « crise des subprimes » (notons que le terme est entre parenthèses) apparaît
pour la première fois dans ce texte qui ne fait que relayer les cours de la bourse et l’opinion
de Chuicuong Dang, analyste chez Richelieu Finance. Ici, le journaliste se fait relais.
Selon l’expert et les cours de bourse les banques françaises ne sont pas « menacées ».
D’ores et déjà les « subprimes » représentent une menace. Selon Chuicuong Dang : « Les
investisseurs ont été rassurés par les clarifications apportées par ces établissements. » Cet
article a été écrit le 8 août.
� Les Echos, 11/08, Les places boursières affectées par les valeurs financières et leur
exposition aux « subprimes »
Alors que les banques françaises communiquaient sur le fait qu’elles n’avaient pas
de titres comprenant le financement des crédits hypothécaires à risque, la BNP Paribas a
diffusé le 9 août un communiqué faisant état de la suspension temporaire du calcul de la
valeur de trois de ses fonds. Cela a provoqué la baisse des principaux indices boursiers. Le
journaliste commente : « Cette fois-ci le foyer d’infection était en France ». Le vocabulaire
est ici médical. Si le mot « crise » n’est pas utilisé, le fait de faire une métaphore se référant
à la maladie introduit l’idée de crise au sens traditionnel du terme. C’est l’usage médical
du mot qui s’impose : au cours d’une maladie, la crise désigne la courte période où des
réactions violentes (comme une forte fièvre) mènent soit au sursaut décisif du malade, soit
à la victoire de la maladie.
Le journaliste commente ensuite le communiqué de la BNP qu’il qualifie de
« laconique » : « Le communiqué �…� a fait l’effet d’une bombe ». En effet, « il y a une
semaine, la banque française s’était montrée plutôt confiante sur son exposition à ce marché
du crédit immobilier à risque aux États-Unis. Hier, elle a apporté un démenti timide. Il n’en
fallait pas plus pour que, d’entrée de jeu, son cours accuse le coup : - 2,21 %. Puis plonge
de 6,28 %. » L’expression « il n’en fallait pas plus » souligne la volatilité des cours en bourse
dans une période pendant laquelle on ne saurait dire si la crise des crédits hypothécaires
va devenir une crise financière généralisée et globale.
Il semblerait que les marchés soient « schizophrènes. Un jour, ils saluent les
bons résultats des entreprises et le lendemain, ils paniquent à propos des informations
concernant les expositions aux crédits « subprimes ». Ce climat de perte de confiance
est exprimé par un champ lexical relevant de la psychologie filé tout au long de l’article :
« extrêmement nerveux » « schizophrénie », « paniquent », « pour calmer les esprits »,
REMY Morgane_2008
17
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
« suspicion ». Le terme de « crise de confiance » n’est pas employé, cependant tout le
lexique de psychose qui l’entoure l’est.
Lors de l’arrivée d’une crise, en termes médicaux, tout le corps est en danger. Ici, le
système financier est atteint par ce « cataclysme sur les marchés boursiers ». Comme le
corps se protège par une forte fièvre, les banques centrales sont intervenues en injectant
des liquidités. « Elles ont mis de l’huile dans les rouages ». Cette phrase introduit l’idée que
le système entier était grippé et que le salut ne pouvait venir que de l’action des banques
centrales.
Enfin, tout le vocabulaire de crise est là mais le mot n’est jamais prononcé. Il y a deux
sortes de stade dans la crise décrite ici : le choc qualifié de « cataclysme » et la « période
d’incertitude » où l’incompréhension règne, due à l’obsolescence de grilles de lecture. Reste
la période du sursaut décisif qui n’est pas encore abordée ici.
� AFP, 11/08, Crise des « subprime » : la presse mondiale inquiète
L’article de l’AFP est une synthèse du traitement médiatique de la crise des subprimes
sur la scène internationale :
18
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
JournalCitation
Financial
« Pour l’instant le verdict sur
Times l’issue de la crise est encore
incertain »
The « Réaction surprenante des
Times marchés » - « marchés
effrayés »
Commentaires
L’idée du sursaut décisif de la crise (médicale ou
financière) est ici exprimée. On ne sait pas si le
corps malade va s’en sortir ou non.
Les marchés, ici, sont humanisés. Ils deviennent
un corps homogène et non l’amalgame artificiel
d’investisseurs et d’entrepreneurs du monde
entier. De plus, ces marchés sont dotés de
sentiments et de pouvoir de décision. Il y alors
création d’un mythe, d’une chimère composée
de plusieurs corps réels, ceux des investisseurs.
Ceux-ci n’ont pas été rassurés par l’intervention
des banques centrales. Ils craignent que les
institutions ne leur cachent des informations. Déjà
la question de transparence est posée. L’opacité
est montrée du doigt.
The « On a certainement besoin Il y a une critique de l’action des banques
Guardian
d’un peu de calme, mais
centrales qui ont introduit beaucoup de liquidités
il n’est pas sûr que les
sur les marchés. Elles réagissent à une crise d’un
gesticulations des banques type nouveau. On ne sait si l’action est la bonne et
centrales le permettent
les médias s’interrogent, voire prennent position,
réellement »
vis-à-vis de cette initiative.
« Juste une tempête
La question est propre à la thématique de crise.
éphémère �…� ou le début En effet, il s’agit de savoir si le corps malade
REMY Morgane_2008
19
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
The d’un ralentissement sérieux
Daily de l’économie après la
Telegraph
prospérité torride de ces
cinq dernières années »
Le
« La crise financière
Figaro s’étend » - « les banques
centrales sur le front » - Le
quotidien rappelle que la
BCE a placé 155 milliards
en deux jours, soit « un
record historique »
Libération
Titre : « Machine folle » « des montagnes de dettes
qui fragilisent tout l’édifice »
Le
Titre : La tempête
Parisien
La
« Le vendredi noir des
Repubblica
bourses » - « contagion
globale »
Die
Welt
Edito intitulé « Méfiance
mondiale » - « le revers
de la médaille de la
mondialisation »
Süddeutsche
« Il ne semblerait ces
Zeitungderniers mois n’y avoir
qu’une tendance boursière :
à la hausse �…�
20
Maintenant, la fête est
finie, et probablement pour
longtemps » - « la crise est
en partie irrationnelle »
va être convalescent ou non. Un des grands
enjeux qui se dégage de ce corpus de texte est
de déterminer si la crise est conjoncturelle ou
structurelle.
Le vocabulaire militaire est utilisé ici avec le terme
de « front ». Il y aurait donc un ennemi qui n’est
pourtant pas matérialisé. Ensuite, on peut noter le
rôle de la BCE qui à situation inédite, propose une
réponse inédite. Le terme de « record historique »
souligne le manque de compréhension qui
apparaît lors de l’émergence d’une crise dû à
l’absence de repère.
Ici, la métaphore médicale laisse la place à une
métaphore « mécanique ». La machine ne répond
plus. Ce serait alors une sorte de monstre dont
l’homme à accouché et perdrait le contrôle à
l’instar des androïdes décris dans le roman de
science-fiction « E-Robot » de Isaac Asimov.
L’idée d’une machine qui s’émancipe et qu’on ne
peut plus contrôler véhicule les mêmes peurs que
celle filées dans le roman : la machine prend le
pas sur son créateur et le met en danger.
Métaphore de la catastrophe naturelle. Il y a une
idée d’absence de contrôle comme pour Libération
mais la responsabilité des hommes n’est plus
impliquée.
Sans redire ce qui a été dit auparavant sur la
psychose et les termes médicaux, les mots
employés révèlent ici quelque chose de nouveau.
L’appel à la mémoire : le vendredi noir rappelle à
toute personne ayant une connaissance minimale
de l’histoire économique le terme de « jeudi
noir » qui a qualifié le basculement des bourses
mondiales en 1929 qui fut la première crise
économique mondiale ayant un tel impact dans
la presse puis dans les mémoires. Mémoires
vis-à-vis des crises économiques : l’idée de
crise économique appelle des représentations
collectives dramatiques : queues de chômeurs,
soupes populaires, paniques boursières…
Le système est ici intégralement remis en cause
avec une dénonciation de la mondialisation.
L’expression « revers de la médaille » sousentend que c’est le prix à payer pour la croissance.
Le mieux reste peut être d’attendre que « la
tempête », évoquée par Le Parisien, passe pour
ensuite réparer les dégâts.
Il est temps de se mettre à la diète : « la fête
est finie ». La deuxième chose à souligner est
l’utilisation du terme « irrationnelle » dans le sens
émotionnel.
panique boursière tient à une
REMYLa
Morgane_2008
asymétrie d’informations qui débouche sur une
panique qui, elle, est irrationnelle.
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
� Les Echos, 14/08, « Subprimes » : « Ils ne mourraient pas tous… »
Le titre cite un vers de La Fontaine, un de ses plus acerbes : « lls ne mouraient pas tous,
mais tous étaient frappés » par la peste, un mal envoyé par Dieu pour punir les hommes de
leurs crimes. Les « subprimes » ainsi associés à ce vers suggère un rapprochement entre
la crise économique et une sorte de peste moderne. Le fait de ne pas citer le vers dans
son entier semble un message d’espoir. A moins que cela ne soit dû à une manœuvre du
secrétariat d’édition pour que le titre tienne dans la limite spatiale de la page et du nombre
de colonnes attribuées à l’article ?
Dans le titre du point de vue de Valérie Plagnol, le terme de subprimes est pratiquement
devenu un nom commun, alors que seuls quelques spécialistes le connaissaient quelques
jours avant. Il constitue déjà un mot-événement et évoque tout un imaginaire. Le terme
de crise des subprimes est plus utilisé que crise des crédits hypothécaires a haut risques.
Cela fait penser à la ‘vache folle’pour l’ESB, à la manière d’un synonyme et même un
hyperonyme. ‘Subprime’, désigne tout autant l’événement que la maladie ou un type de
crédit. C’est une sorte de mot-évenement. Parfois les deux expressions perdent leurs
guillemets.
Certaines désignations finissent par fonctionner comme des dénominations partagées,
ce qui explique la suppression des guillemets. L’expression devient alors le rappel mémoriel
de la crise et de tous les événements l’environnant. C’est un mot-évenement décrit par
Sophie Moirand dans Le discours de la presse quotidienne. Elle donne l’exemple du
11 septembre comme archétype du mot-événement.
L’intérêt de l’article relève des mêmes champs lexicaux que ceux traités auparavant. Le
plus intéressant et le plus notable dans ce texte est sa structure : il y a une introduction qui
définit la crise en elle-même. Elle est définie comme « américaine » exclusivement. Ensuite
il y un retour en arrière pour trouver les causes de la crise comme lorsque l’on enquête sur
les causes d’un incendie. On détermine d’où vient la crise : « de la formidable croissance
de la titrisation des actifs financiers et plus particulièrement des créances assises sur des
prêts immobiliers ». Puis, la recherche de causalité cède la place à une analyse prospective
des conséquences. Valérie Plagnol se pose la question : « l’intervention de la BCE est-elle
compatible avec la poursuite du resserrement monétaire annoncé ? ». Il y a donc dans cet
article une dynamique passé-futur autour du présent de l’incertitude de la crise.
L’analyse pose également la question de l’irrationalité des marchés : « La contagion à
laquelle nous assistons n’est pas seulement du ressort de l’irrationnel. �…� L’absence de
marché et de capacité à indiquer une valeur liquidative à tout moment incite à se débarrasser
au plus vite des actifs en question. Quand il n’y a plus que des vendeurs, la crise est là !
La défiance s’installe, les pertes sont progressivement révélées et la panique gagne quand
les opérations au jour le jour entre les banques risquent de ne plus être couvertes ». Ainsi,
si la panique reste du domaine de l’irrationnel et relève à la fois des peurs des individus
et d’un syndrome de Panurge, ce qui a provoqué cette panique s’explique de façon tout à
fait rationnelle.
�Les Echos, 16/08, Crise des « subprimes » : Fabius critique la BCE
L’article reprend les propos de L. Fabius et les met en scène avec des morceaux choisis.
� Aujourd’hui en France, 17/08, « Nous demandons au gouvernement de s’expliquer »
La crise financière est abordée ici de façon partisane. Julien Dray et le parti socialiste
interpellent le gouvernement via une interview réalisée par Le Parisien – Aujourd’hui en
France.
REMY Morgane_2008
21
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
� AFP, 17/08, Subprimes : Lagarde a reçu le directeur général de la BNP après le gel
de trois fonds.
A nouveau, le terme « subprime » perd ses guillemets et ce dès le titre. Un pas de plus
est fait vers la construction du mot-événement. Le communiqué de l’AFP reflète celui de
Christine Lagarde, ministre de l’Économie. Le papier est purement descriptif et ne fait que
donner un cadre aux citations.
�Libération, 17/08, « Un manque de clairvoyance, un défaut de transparence et un
effet de contagion »
Laurent Fabius, ancien ministre des finances, analyse la crise des subprimes.
Il accuse les spécialistes qui sont, pour lui, les responsables de la crise : « il y a eu un
défaut de prévoyance considérable de la part des prêteurs américains, puis des banques
et ensuite des autorité(s) de régulation(s) et des agences de notations. » Pour lui « il finit
forcément par y avoir un retournement » et « la crise était prévisible ».
Pour lui l’action des banques centrales était nécessaire « pour éviter la thrombose ».
L’utilisation de ce terme médical a un double intérêt qui est de relever d’une pathologie
soulignant le parallèle qu’il peut y avoir entre un corps vivant et le système économique.
Cela permet également de souligner la fonction d’une injection de liquidité. Mais, à l’instar
d’un traitement médical, il fait peur par son ampleur,« révélant aussi que la crise était plus
grave que prévue ».
Fabius s’inquiète ouvertement des conséquences qu’il peut y avoir sur la France. C’est
également l’occasion de critiquer la politique du gouvernement en matière d’économie. Il
joue son rôle d’opposant et d’ex-ministre des Finances. Il critique « les décisions ponctuelles
du gouvernement qui vont avoir des effets sur la consommation, telles la hausse de
l’électricité et aussi l’augmentation des prix de l’alimentation. » Le journaliste pose alors la
question prévisible et nécessaire : « Aux manettes, que feriez-vous ? »
�Libération, 17/08, La moralisation des marchés en question
« L’ambiance devient kafkaïenne sur les marchés », nous dit-on. Qu’est-ce qu’une
ambiance kafkaïenne sur des marchés financiers ? Il semblerait que « tout le monde est
désigné coupable de la chute des cours, mais en réalité, on ne sait pas qui et de quoi ».
La mise en récit est également intéressante. Le récit est rythmé par des phrases
nominatives parfois réduites à leur plus courte expression : « Désert. », « Et puis
badaboum » et « Code conduite. » Le deuxième paragraphe oppose Angela Merkel
à Nicolas Sarkozy. Celle qui « avait prêché dans le désert » en disant que « Nous
nous exposons à des risques incalculables » et celui qui demande tardivement de la
transparence, « sa dernière trouvaille » et « une idée loin d’être neuve ».
Quoi qu’il en soit, cette transparence est nécessaire pour calmer les « ardeurs de ces
hors-la-loi de la finance ». On retrouve ici, l’idée de la créature qui s’émancipe de son
créateur. En effet, la titrisation des crédits hypothécaires à risques a créé une certaine
opacité du fait que les crédits ont été répartis dans des actions et obligations en bourse qui
n’avaient rien à voir avec le produit financier d’origine.
Pour la première fois, la crise financière devient un élément sur lequel il fonde sa
critique du gouvernement en disant « Il y aurait 8 000 hedge funds dans le monde qui
géreraient 1 500 milliards de dollars. À cette échelle, la transparence et la moralisation
22
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
évoquée par Nicolas Sarkozy, qui concocte un projet de loi à ce sujet, pourraient n’être
qu’un pansement. »
� AFP, 17/08, La crise des crédits « subprimes » : quelques repères et termes
techniques
L’agence de presse fait ici de la véritable news to use pour les journalistes. Ceux-ci
sont alors dotés d’un lexique qui leur permet d’aborder la crise avec une série de définitions
établies qui leur facilite le travail. Il s’agit d’une étape importante. En effet, proposer des
définitions du vocabulaire de la crise des subprimes va homogénéiser le discours. Il est très
probable que les médias reprennent ces repères à leur compte pour en faire un encadré
ou un éclairage de l’article principal. Cela joue un rôle important dans l’homogénéisation
du discours de la presse déjà favorisée par ailleurs par un comportement de mimétisme
exacerbé par la concurrence entre les médias.
�Le Parisien, 22/08, L’Europe en très petite forme
L’article traite de la situation des Bourses. Il s’agit ici de news to use pour les élites
économiques. L’article n’est pas facile à lire mais les cotations en bourses et les informations
chiffrées peuvent être directement utilisées. Ainsi, si l’article n’est pas facile à lire, les
données sont faciles à utiliser immédiatement.
La deuxième partie de l’article, après l’intertitre « De lourdes pertes pour les banques
allemandes », se veut plus analytique et pose la question du développement de la crise. La
crise des subprime va-t-elle traverser l’Atlantique ? La réponse apportée par le journaliste
est plutôt pessimiste : « Après IKB et Sachsen LB [deux banques allemandes reconnues
pour leur stabilité sur la scène internationale], d’autres banques pourraient dévoiler dans les
jours à venir les lourdes pertes essuyées à l’occasion de la crise des « subprimes ». Bref,
le sujet n’a pas fini d’agiter les marchés financiers. »
�Le Progrès, 18/08, « Il s’agit de crise de confiance »
La parole est donnée ici à Ivan Monème, directeur de la communication institutionnelle
de Fidelity Investissements. Pour cet expert, « nous sommes plus dans une crise de
confiance que dans une vraie crise économique […]. À présent, il faut savoir si la virtualité
va rejoindre la réalité ». De mon point de vue, différencier la crise de confiance de la crise
économique a un effet pervers. Cela revient à écarter la possibilité que la crise de confiance
ne soit qu’une des étapes de la crise économique : c’est le manque de confiance qui a
transformé la crise des crédits hypothécaire en une crise économique. En effet, le manque
de confiance provoque à la fois une crise de liquidité puisque les banques ne veulent plus
se prêter entre elles et une crise d’investissement puisque l’avenir devient incertain. Enfin,
le propos est quelque peu déplacé sous l’angle social : comment parler de « virtualité » alors
que des milliers d’Américains ont tout perdu et se retrouvent sans logement ?
La deuxième partie de l’interview concerne les conseils à donner aux épargnants. Les
recommandations sont tellement génériques qu’elles ne sauraient être d’une quelconque
utilité pour quelqu’un qui a un tant soit peu l’habitude d’investir en bourse. Le dernier conseil,
notamment, relève d’un sens commun que l’on ne pourrait contester : « il faut acheter des
entreprises qui ont des comptes extrêmement solides, et qui ont des cours attractifs ».
�Le Nouvel Observateur, 23/08, La crise en neufs points
L’article fait partie d’un dossier de cinq pages au cœur de l’hebdomadaire Le Nouvel
Observateur. Il établit une chronologie simplifiée de la crise permettant ainsi au commun
des mortels de comprendre cette crise complexe.
REMY Morgane_2008
23
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Les deux dernières parties de la chronologie sont particulièrement intéressantes car
elles sortent du champ purement financier et économique. En effet : « Le 16 août, les
hommes et les femmes politiques se réveillent. Le mot « krach » est prononcé par Christine
Lagarde, ministre de l’Économie, qui assure qu’il n’y a pas de risque de krach. » L’ironie
du sort est que la formulation négative a été oubliée et seul le mot krach est resté dans
les esprits.
La dernière partie est purement prospective et est intitulée Les scénarios du futur. Le
journaliste parle de « fièvre estivale ». Le terme « estival » renvoie à une notion d’éphémère
qui est renforcé par les phrases : « l’optimisme naturel reprendra le dessus ».
�Le Monde, 28/08, Patrick Arthus : « le monde va perdre 6 ou 7 dixième de point de
croissance en 2008 »
L’article est une interview de Patrick Arthus, directeur de la recherche et des études
de Natixis. À l’instar d’Ivan Monème interviewé par le Progrès, Patrick Arthus fait une
différence entre la composante réelle de la crise et celle irrationnelle. Il parle également
de la « vraie crise » : « celle des crédits hypothécaires à risques ». Il ne précise pas
clairement qu’elle est la composante irrationnelle de la crise, mais on devine qu’il s’agit
de la crise de confiance, celle qui a transformé la crise financière circonscrite aux ÉtatsUnis en une crise économique plus globale. Patrick Arthus dit que la « crise du subprime a
dégénéré en une crise des marchés ». Le terme dégénéré, ici, est intéressant. Cela rejoint
l’idée de construction qui échappe à notre contrôle. Pour lui la conséquence peut déjà se
prévoir : « Le monde va perdre 6 ou 7 dixième de croissance en 2008 du fait de la situation
américaine, mais seuls en souffriront ceux qui ont par ailleurs des problèmes intérieurs
comme l’Hexagone. »
�Le Monde, 28/08, Touchés par la crise, les hedge funds devraient ralentir leur activité
L’article est rédigé selon un plan rétrospectif – prospectif. Le premier paragraphe décrit
la situation actuelle. Elle semble clairement exprimée par la journaliste Claire Gatinois mais
on ressent la confusion par l’apposition de termes essentiellement contradictoires comme
« tempête » et « apaisement », « redoublé de vigilance » et « méfiantes » c’est pas
contradictoire ! et, enfin, « victime » et « audace ». Ces termes apparemment contradictoires
suggèrent la confusion qui existe dans toute crise.
Le deuxième paragraphe définit les causes. Le vocabulaire évoque alors une prise de
risque démesurée. On parle alors de « dopage », de « montage périlleux jusqu’à dix fois la
mise nécessaire ». Les journalistes concluent : « Il y a des abus ». Il s’agit d’une véritable
mise au pilori des hedges funds.
Le troisième et le dernier paragraphes sont prospectifs. Le troisième paragraphe est
circonscrit à la sphère économique. On y parle de « menace », « d’effet boule de neige »,
de « scénario catastrophe ». Face à cela on s’interroge sur l’efficacité de « l’intervention
salutaire », « du sauvetage des banques ». Quant au dernier paragraphe, la prospective
relève du plan politique : « Angela Merkel pourra reprendre son cheval de bataille pour
imposer aux fonds spéculatifs le code de bonne conduite qu’elle n’avait pas su faire adopter
par les États-Unis et le Royaume-Uni lors du dernier G8 ». Pour appuyer ce propos, les
journalistes citent Christian de Boissieu, président du Conseil d’analyse économique (CAE),
qui prédit : « La crise devrait persuader les Anglo-Saxons de se mettre autour de la table ».
� Challenges, 30/08, L’été mouvementé de BNP Paribas.
24
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
L’article prend le parti de faire une histoire de la mésaventure de BNP Paribas presque
à l’image de ces récits au coin du feu. Comme le présente le journaliste : « Petite histoire
d’un gros coup de tabac ».
L’introduction fait penser à un conte de fée : « Dans son vaste bureau de la rue d’Antin
à Paris… » La situation est recadrée avec le rappel de la suspension des fonds le 9 août.
Le ton est plutôt sarcastique : « Alain Papiasse, directeur du groupe, est revenu bronzé et
détendu de ses vacances au Seychelles » alors même que la crise s’annonçait. Pire, il a
confirmé « l’exposition directe très réduite de la banque à la crise de l’immobilier américain »
une semaine avant la fermeture de trois fonds de la banque. Le 27 juillet, le communiqué
de la banque dit : « La liquidité des fonds est assurée pour les porteurs ». Comme le
commente le journaliste, « a priori tout baigne ». Mais, le 9 août, trois des fonds sont fermés.
Le journaliste, en soulignant cette différence entre la communication et les faits dans un
intervalle très court en terme bancaire amène en filigrane la question : Que s’est-il passé
entre-temps ? Le décor est planté. Le récit commence.
Nous sommes alors au cœur de l’action : « la tension monte d’un cran ». Alain Papiasse
commente : « Il fallait très vite mettre le gilet pare-balles et le casque lourd ». En effet,
« la situation se dégrade à toute allure ». Et même « Black-out ». Les phrases courtes,
souvent nominales donnent un rythme vif au récit. La tension est palpable. Le journaliste
termine ce paragraphe par une exclamation : « Du jamais vu depuis le 11 septembre
2001 ! ». L’ambiance de crise est créée, le journaliste nous fait vivre la crise de l’intérieur :
« La situation se dégrade à toute allure ». Dans les salles de marché spécialisées, les
traders stupéfaits regardent leurs écrans noirs. Plus aucun signe d’activité. Plus de prix ni
de volumes. Black-out. Tous tentent de joindre leurs courtiers. Les téléphones sonnent dans
le vide. Du jamais vu depuis le 11 septembre. » On va même jusqu’à savoir que lors de la
réunion de la cellule de crise, c’est : « Régime sandwich et pizza pour tout le monde ».
Cet article beaucoup moins scientifique que la plupart des articles précédents joue sur
la corde de l’émotion. Le vocabulaire est plus romanesque que journalistique : « les rumeurs
les plus folles courent », « c’est l’étincelle qui allume le brasier », « dans l’œil du cyclone »,
« éteindre l’incendie ». Encore une fois, le vocabulaire de la catastrophe naturelle est de
mise.
Le dernier paragraphe introduit par l’interligne « Explications sur les ondes » traite de
l’utilisation des médias, ici de la radio, pour le jeu de rapport de force sous-jacent à cette
crise. Sur RTL, la ministre de l’économie et des finances Christine Lagarde et Alain Papiasse
font le point sur la crise pendant quarante-cinq minutes. Il semble que ce dernier ait gagné
la bataille des mots puisque la « même ministre se déclare rassurée par les propos du
banquier » quelques heures plus tard sur Europe 1. Le journaliste précise : « Pendant que
les uns combattent l’incendie médiatique, d’autres travaillent sans relâche à la réouverture
des fonds. » Il y a donc deux fronts dans cette gestion de crise : le front économique et
celui de la communication.
� Le Monde économie, 30/08, La théorie économique malmenée par la crise financière.
L’article traite de la politique économique menée par Jean-Claude Trichet au nom de la
Banque Centrale Européenne (BCE) dans le cadre de cette situation de crise. La question
centrale tourne autour des taux d’intérêt fixés par la BCE. La situation peut rappeler selon
le journaliste le discours dit « de la Croix d’or » du grand orateur William Jennings Bryan.
Outre l’ironie de la comparaison entre l’effet de l’étalon-or sur les populations et la
couronne d’épine sur le front du christ, l’idée qui ressort du discours dit de la Croix d’or est
REMY Morgane_2008
25
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
que « la population ne doit pas payer pour les erreurs des décideurs politiques fascinés par
telle ou telle théorie économique dépassée ! »
Une véritable critique du système est alors entreprise. La première critique porte sur
l’aveuglement idéologique des « agents économiques ». « Les décideurs politiques et
les gourous en la matière ont porté toute leur attention sur le « risque subjectif » : les
« profiteurs » doivent payer pour leurs erreurs, afin qu’ils ne recommencent pas. »
� Le Nouvel Observateur, 30/08, Vous avez dit subprimes ?
Le titre est : « le rêve fracassé de Zelma Johnson ». L’imaginaire du rêve et celui
de la crise sont intimement liés : on peut presque penser à « death of a salesman ». Le
rêve américain est alors confronté à la réalité des crises. À la place d’un commis voyageur
vieillissant nous avons une femme de 49 ans ruinée. Pour le reste, on transpose l’histoire
de nos jours et le tour est joué.
Les propos rapportés font preuve de naïveté : « une amie » – « je pensais y arriver ».
On la présente alors comme une victime à l’innocence d’un enfant. Une vraie « proie ». Le
journaliste justifie cette innocence par un rêve individuel trouvant un écho dans les valeurs
nationales prônant un accès pour tous à la propriété.
Un expert financier explique que la maison prenant de la valeur, les Américains
contractaient de nouveaux emprunts. L’expert rectifie : ils confondaient la « dette avec le
capital » et donc la dépensaient en bien de consommation. Il y a une opposition entre
spécialiste et américain moyen, comme si le fait qu’on les qualifie de « subprime » influe
sur la façon dont on les perçoit.
L’histoire se construit autour de Zelma qui personnifie tous les Américains dans la
même situation. Cela constitue un recadrage de la crise, qui est également sociale. Le
journaliste utilise l’adjectif « infortunée », puis « encore dans le rouge », et « proie ». Le
tout s’accompagne d’une photo représentant la femme assise, comme résignée et dans
l’ombre comme n’ayant pas le droit de s’exprimer. Il y a une véritable dramatisation du récit.
2.3 Evolution de la crise : analyse quantitative
Pour analyser sous l’angle quantitatif le traitement médiatique de la crise des subprime par
l’Agence France Presse, le logiciel Factiva-Dow Jones permet de dénombrer, par mois, les
articles contenant le mot « subprime ».
Il est important de noter que Factivia, malgré un catalogue impressionnant, n’est pas
exhaustif. Aussi, les chiffres obtenus ne sont intéressants à analyser que les uns par rapport
aux autres.
26
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
Date Étapes
Date de la crise en fonction des
Nombre de
périodes étudiées
dépêches AFP
Juin Juin : La banque d’investissement
3
américaine Bear Stearns, qui annonce
la faillite de deux fonds spéculatifs, est
la première grande banque à subir les
dommages des "subprimes".
JuilletJuillet : La banque allemande IKB est 16
mise en difficulté.
Août 10 août : Les Bourses plongent. Les 237
grandes banques centrales injectent
de nouveau des liquidités dans le
système bancaire.
Septembre
14 septembre : La Banque
85
d’Angleterre accorde un prêt
d’urgence à Northern Rock, cinquième
banque de Grande-Bretagne, pour lui
éviter la faillite. Des clients paniqués
se précipitent pour retirer leur
épargne.
Octobre
1er octobre : UBS, première banque 40
suisse, annonce une dépréciation
d’actifs de 4 milliards de francs
suisses (2,4 milliards d’euros),
principalement sur le marché des
"subprimes". La banque américaine
Citigroup annonce être aussi touchée
par cette crise et prévoit une chute de
son bénéfice.
Novembre
76
Décembre
Décembre : L’économie américaine
52
souffre des effets de la crise de
l’immobilier et du crédit. Les craintes
de récession augmentent.
Janvier
22 janvier 2008 : La Fed baisse son 133
taux directeur de trois quarts de point
à 3,50 %, une mesure d’une ampleur
exceptionnelle.
Février
17 février : La banque Northern Rock, 75
en situation critique, est nationalisée
par le gouvernement britannique.
Mars 11 mars : Les banques centrales
71
conjuguent de nouveau leurs efforts
pour soulager le marché du crédit.
La Fed se dit prête à fournir si besoin
jusqu’à 200 milliards de dollars à
un groupe restreint de grandes
banques. 16 mars : Le géant bancaire
américain JP Morgan Chase annonce
le rachat de la banque en difficultés
Bear Stearns, pour seulement
REMY Morgane_2008
236 millions de dollars, une opération
soutenue financièrement par un prêt
de la Fed. Le prix, très modique, sera
quintuplé une semaine plus tard.
Avril
74
Mai
87
Nombre d’articles
publiés en français
190
577
2 472
1 691
1 112
1 723
1 310
1 563
1 372
1 086
27
963
801
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Les évolutions quantitatives des dépêches AFP et des articles de presse sont fortement
corrélées. Cela montre l’influence des agences sur la presse. Le recours aux agences de
presse permet aux journaux et autres publications de fournir, notamment, des informations
sur des pays dans lesquels ils n’ont pas de correspondant, ou sur des activités sur lesquelles
ils n’ont pas les moyens d’enquêter eux-mêmes. En l’occurrence, c’est plutôt la réactivité
des agences de presse qui permet aux journalistes de suivre l’évolution rapide des cours
de la bourse et de réagir après des décisions de politique monétaire qui sont dévoilées lors
de conférence de presse relatées quasi instantanément par l’Agence France Presse.
Il peut également être intéressant de comparer le nombre d’articles à l’évolution des
cours de la bourse (ici, le CAC 40). L’objectif est de voir s’il y a une corrélation.
Explications, au vu de du CAC 40, de l’évolution du nombre d’articles paru dans la
presse écrite quotidienne et hebdomadaire.
28
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
Période
Évolution nombre d’articles Éléments explicatifs.
et typologie de Eliseo Veron
(entre guillemets)
Août
Forte augmentation
d’articles. On passe de 577
articles à 2 472, soit près de
quatre fois plus. « Première
montée de l’événement »
Le 9 août 2007, le CAC 40 perd 2,17 %
pour finir à 5 624,78 points. Cela
correspond au fait majeur évoquer dans
le tableau précédent avec le 10 août, une
chute vertigineuse de la bourse. C’est
le catalyseur pour les médias. À partir
de cet instant les subprimes deviennent
événement.
Septembre Le nombre d’articles est en Le nombre d’articles est en recul tout
- Octobre très fort recul.
d’abord parce que la bourse semble repartir
au même niveau qu’avant le « clash ».
On voit même une légère amélioration.
On peut aussi imaginer que le choc étant
passé, l’effervescence journalistique
s’est calmée. Peut-être aussi que cette
effervescence a été régulée par action
des banques centrales. Par exemple, la
réserve fédérale des États-Unis a décidé
le mardi 18 septembre la baisse d’un demi
point de ses taux directeurs, ramenés de
5,25 % à 4,75 %
Le nombre d’articles
Le traitement quantitatif des médias varie
réaugmentent en novembre en fonction des cours de la bourse. Le
REMY Morgane_2008
29
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Novembre- puis baisse en décembre et
Décembre - réaugmente en janvier de
Janvier
manière peu conséquente
cependant. « Sommet
informatif »
nombre d’article baisse en décembre
alors même qu’une action de poids
a été menée par la Banque Centrale
Européenne. Après une action concertée
des principales banques centrales
concernées, le 18 décembre 2007 la BCE
s’est engagée à prêter en quantité illimitée
et en garantissant l’anonymat au taux de
4,21 % pour deux semaines pour réduire
les difficultés à emprunter sur le marché
interbancaire.
Février – Mars
Le–nombre
Avril – Mai
d’article diminue La situation semble se réguler. Les banques
Juin
progressivement. Le
centrales semblent commencer à avoir
désintérêt de la part de la
la crise sous contrôle. Cependant, si les
presse se fait sentir. « Le
articles diminuent, on peut aussi parler
creux de la vague »
d’un effet d’agenda. Dans le domaine
économique, la crise alimentaire et celle,
plus générale, des matières première
occupe la Une. En effet, ces crises
concernent plus de monde et, dans le cas
de la crise alimentaire, impressionne par
son ampleur.
2.4. Analyse par rapport aux déclarations publique de
la BCE et de la Fed
Déclarations et communiqués rendus publics par la Fed et la BCE (repris dans lettre de
11
l’OFCE n° 289
), entre le 31 juillet et le 18 septembre 2007, mis en relation avec le
nombre d’articles publiés en français. Mon but est de voir, sans préjugé, si les communiqués
provoquent une réaction des journalistes ou si les banques centrales réagissent en fonction
de l’impact médiatique et réél de la crise.
11
Jean-Paul Fitoussi et Éloi Laurent, Les errements de la confiance : la Fed et la BCE dans la crise, lettre de l’OFCE, Observations
et diagnostics économiques n° 289 Mercredi 19 septembre 2007
30
REMY Morgane_2008
II/ La construction de l’événement « crise des subprimes » par la presse écrite.
Fed
7 août 2007 « Même si le risque
de ralentissement de la croissance
a quelque peu augmenté, la
préoccupation première du Comité
demeure que le risque d’inflation ne
se modère pas comme prévu. »
BCE
Date – nombre
d’articles
31/07 – 048 01/08 – 051 02/08 – 082
2 août 2007 « Le risque
d’augmentation de l’inflation
à un horizon moyen et long
est confirmé par la vigueur du
taux de croissance de la masse
monétaire : une grande vigilance
permettra que ce risque ne se
matérialise pas. »
17 août 2007 « Les conditions
14 août 2007 « Nous traversons
08/08 – 059 09/08 – 103 10/08 – 167
sur les marchés financiers se sont une période de nervosité des
dégradées, et un resserrement du
marchés… Dans une certaine
crédit doublé d’une plus grande
mesure, nous assistons à une
incertitude peuvent ralentir la
normalisation de l’évaluation
progression de la croissance. Dans desrisques. Les conditions
ces conditions… le Comité juge
sur les marchés de crédit
que les risques de baisse de la
reviennent à présent à lanormale.
croissance se sont significativement L’Eurosystème continuera de
accrus. Le Comité surveille
surveiller la situation jusqu’à ce
l’évolution de la situation et se tient que les marchés financiers de
prêt à agir autant que de besoin
la zone euro reviennent à leur
pour contrecarrer les effets néfastes état normal defonctionnement.
que les turbulences sur les marchés J’appelle chacun à faire preuve
financiers pourraient avoir sur
de sang-froid. Cette attitude s’est
l’économie dans son ensemble ».
révélée efficace ces derniers
jours. Elle permettra de faciliter un
retour en douceur à l’évaluation
normale des risques sur les
marchés du crédit ».
22 août 2007 « La position du
21/02 – 083 22/02 – 063 23/03 – 081
Conseil des gouverneurs de la
BCE au sujet de sa politique
monétaire a été rendue publique
par son Président le 2 août
dernier ».
31 août 2007 « Les turbulences
27 août 2007 « Ce que j’ai
25/08 – 029 26/08 – 007 27/08 – 085
financières que nous avons
dit le 2 août, je l’ai dit avant
observées trouvent leur origine
les turbulences du marché…
immédiate dans les problèmes
J’ai dit très clairement, au nom
rencontrés par les marches
du Conseil des Gouverneurs,
hypothécaires subprime, mais
que ce qui constituait notre
leurs effets ont été ressentis
évaluation de la position de
plus largement sur le marché
politique monétaire se situait
hypothécaire et, au-delà, sur les
après la réunion du 2 août. C’est
marchés financiers, entraînant
la dernière évaluation en date
des conséquences potentielles
de politique monétaire faite par
pour toute l’économie. La Réserve le Conseil des Gouverneurs…
fédérale se tient prête à prendre
et il n’y a pas de changement…
des mesures supplémentaires,
La prochaine évaluation doit
autant que nécessaire, afin de REMY être
faite le 6 septembre. Nous
Morgane_2008
31
fournir de la liquidité et d’assurer
devrons alors évaluer tous les
le fonctionnement normal des
éléments… de l’économie.
marchés. Le Comité continue de
Nous évaluerons les risques…
surveiller la situation et agira autant et prendrons les mesures
que de besoin pour limiter les effets appropriées à ce moment-là.
néfastes sur l’économie résultant
Nous avons fait ce que nous
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Les communiqués des banques centrales correspondent au pic du nombre d’articles.
La première chose à observer est que ces communiqués semblent être une réaction à
un traitement massif de l’événement subprime. Ainsi le 12 août, il n’y a que 15 articles
publiés en français et le lendemain, le nombre explose littéralement à 150 articles. Le 14, la
Banque Centrale Européenne communique à propos de la « nervosité des marchés ». Le
phénomène s’observe également pour la Federal Reserve. Le 15 août, il n’y a que 55 articles
contre 145 le lendemain. La réaction de la Fed ne se fait pas attendre, la banque centrale
américaine communique dès le lendemain et affirme que « le comité surveille d’évolution
de la situation et se tient prêt à agir ». La même situation s’observe avec les déclarations
du 6 septembre pour le BdF et le 18 pour la BCE.
Si la presse joue un rôle de catalyseur sur les déclarations des banques centrales, les
déclarations de ces dernières sont aussi largement commentées. Ainsi, la déclaration de
Jean-Claude Trichet revenant sur ces propos rassurant du 2 août a eu un impact sur la
publication d’articles. Ayant travaillé le mois d’août dernier au service presse de la Banque
de France, j’ai pu constater la multiplication de coups de téléphone de la part des journalistes
après une déclaration de Jean-Claude Trichet sur la crise des subprimes. Ce détail peut
paraître trivial, mais il constitue bel et bien une preuve que les communiqués influent sur la
publication d’articles sur les subprimes.
32
REMY Morgane_2008
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision
III/ Analyse du traitement médiatique par
la télévision
Étant donné que de moins en moins de gens lisent des quotidiens ou d’autres sources
d’information, la télévision détient « une sorte de monopole de fait sur la formation des
12
cerveaux d’une partie très importante de la population. » Ce monopole dans l’information
est un problème réel, car la télévision tend ainsi à imposer ses systèmes de classement, de
pensée, sa façon d’ordonner le réel et de classer à une frange importante de la population.
Ce poids du champ télévisuel s’exerce dans plusieurs domaines et plusieurs champs.
En imposant des « lunettes », des manières de percevoir, il va indirectement forcer les
autres champs à s’exprimer ou à devoir adopter les catégories de pensée propres au champ
médiatique. Des études tendent à démontrer que les évaluations et les opinions du public
reflètent beaucoup plus les conceptions et les représentations que se font les médias que
13
la réalité elle-même .
3.1 Corpus
CNN, Business, financial, personal finance news – CNN Money, July 23, 2007. How
subprime mess started. Richard Bitner, author of « Confessions of a subprime lender », talks
about rising foreclosures.
http://edition.cnn.com/video/#/video/business/2008/07/23/
am.intv.bitner.subprime.loans.cnn?iref=videosearch
CNN, Real Estate News - Prices, Mortgages, and Calculators from CNNMoney ,
August 10, 2007.U.S. subprime mortgage crisis. Surprime loans in the U.S. are proving an
Achilles heel for otherwise strong global markets. CNN’s Maggie Lake reports.
http://edition.cnn.com/video/#/video/business/2007/08/10/
lake.subprime.explainer.cnn?iref=videosearch
LCI, 10 août 2007 - 18 h 14 Bourse : Crise des marchés financiers : les explications de
Thomas Blard. Le spécialiste de la bourse sur LCI explique pourquoi le subprime, un crédit
à risques qui existe aux États-Unis, a des répercussions sur les marchés du monde entier.
http://tf1.lci.fr/infos/economie/0,,3520414,00-crise-marches-financiersexplications-thomas-blard-.html
France 2, Complément d’enquête, Lundi 5 novembre 2007- 23h15, Scandales, faillites,
délits d’initiés… la crise de confiance. Le malheur est dans le prêt . Un reportage de
Edouard Perrin. Ils habitent la Californie, et ont acheté leur maison à crédit, sur 30 ans, à
taux variable. Mais à la première baisse de l’immobilier, les voilà ruinés ! C’est le scandale
12
Bourdieu, Pierre, « Sur la télévision », Paris, Raisons d’agir, 1996.
13
Bourdieu, Pierre, « Sur la télévision », Paris, Raisons d’agir, 1996.
REMY Morgane_2008
33
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
des "subprimes", ces créances pourries qui ont contaminé tout le système financier, aux
États-Unis et en Europe. Pourquoi les banquiers ont-ils favorisé ces prêts à haut risque ?
Sommes-nous les prochaines victimes de cette crise sans frontière ?
http://info.france2.fr/complement-denquete/emissions/35811826-fr.php
CNN.com International , December 23, 2007, Surprime woes. CNN’s Ines Ferre takes
a look at the U.S. subprime crisis.
http://edition.cnn.com/video/#/video/business/2007/12/23/
ferre.subprime.2007.cnn?iref=videosearch
France 5, C’est dans l’air, panique à la bourse, mardi 22 janvier 2008 Panique à
la bourse : qui ? , Panique sur les places boursières depuis les chutes vertigineuses de
lundi. Après les États-Unis, l’Asie et l’Europe redoutent d’être contaminées par la crise des
subprimes . A l’origine : la crainte de voir l’économie américaine tomber en récession et
contaminer l’Europe. Le plan de relance de l’économie américaine présenté par George W.
Bush n’ayant pas convaincu.
http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?
date=2007-12&id_article=145&page=resume
TF1, le 20 h du18 février 2008, Grande-Bretagne : la banque ''Northern Rock''
temporairement nationalisée. C’est une première en Grande-Bretagne depuis plus de
trente ans. La banque avait été victime de ses placements malheureux dans les produits
''subprime''.
http://tf1.lci.fr/infos/jt/0,,3716808,00-grande-bretagne-banque-northern-rocktemporairement-nationalisee-.html
TF1, le 20 h du 27 mai 2008, Le Royaume-Uni rattrapé par la crise immobilière.La crise
américaine des ''subprime'' atteint à son tour le Royaume-Uni. Le pays fait face à une crise
immobilière sans précédent depuis 20 ans.
ht
tp://tf1.lci.fr/infos/jt/0,,3860879,00-royaume-uni-rattrape-par-criseimmobiliere-.html
3.2 Analyse linéaire
�CNN, Business, financial, personal finance news - CNNMoney
subprime mess started .
, July 23, 2007. How
L’intervenant est présenté : on apprend que Richard Bitner est l’auteur de Confessions
of a Subprime Lender, un livre qu’il a écrit après la décision d’arrêter le métier de coursier.
Il présente la crise comme différente des précédentes. Contrairement à la crise Enron
ou la crise World.com (aussi appelée crise internet) où il y avait quelques personnes qui
jouaient avec le feu, là c’est tout le système qui est en cause. « It is a breakdown of the
entire system.”
Le problème est que l’argent est devenu peu cher : « Money became so cheap”. Il
parle du coût de l’argent. Le coût de l’argent correspond au taux auquel l’argent est prêté.
Ce taux est la rémunération du service, fixé en fonction de la hauteur du risque, de l’agent
prêteur. C’est un coût pour l’emprunteur. Or, avec des taux bas aux États-Unis depuis des
34
REMY Morgane_2008
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision
années, les banques ont dû trouver des secteurs plus risqués et plus rémunérateurs pour
être rentable et financer le crédit. Le discours de l’expert est concis mais peut rebuter
quelqu’un qui n’a eu aucune formation en économie d’autant plus qu’il utilise beaucoup plus
de raccourcis que dans ce résumé. Il dit juste : « Money was so cheap that lenders has to
take more risks to make some benefits”.
La journaliste en studio interroge l’expert qui est dans son bureau. L’écran sert
d’intermédiaire. Sur cet écran, en plus de l’image prédominante de l’expert, on distingue des
images de maison vendues et saisies diffusées en boucle. La mise en scène est quelque
peu dramatique. Elle demande alors « How could it go right in the first place ?”. Comment
ce système a pu fonctionner dès le départ alors qu’il consistait à prêter à des personnes qui
n’étaient pas capables de rembourser ?
La réponse du spécialiste est intéressante. Tout d’abord, sur le fond, dans le domaine
purement économique, il explique que le problème n’est pas nouveau. La finance a toujours
créé des outils qui encourageaient des ménages, même peu solvables, à emprunter. Il en
est ainsi des cartes de crédit par exemple. La différence, dans cette situation, est que c’est
allé beaucoup trop loin. Il a ensuite fait la différence entre les prêts à la consommation et
les prêts utilisés pour investir, notamment dans le cas des “self-employed”, des professions
libérales. En effet, ces derniers vont tirer un revenu des sommes prêtées, ce qui permettra
de rembourser. Le problème dans les crédits “subprimes” est que cette distinction n’a pas
été faite entre ces deux types de clients.
Sur cette analyse, la journaliste apporte des chiffres sur le nombre de maisons saisies
(home foreclosure) qui apparaissent sur un fond rouge :
Année
2005
2006
2007
Nombre de maisons saisies
846 982
1 259 118
2 203 295
Augmentation en pourcentage
42 %
75 %
La conclusion du spécialiste est qu’il faut une aide extérieure (sous-entendue du
gouvernement) pour éviter de courir à la catastrophe.
�CNN , Real Estate News – Prices, Morgages, and Calculators from CNN Money
August 10, 2007.
« Going. Going once. Going twice. Gone. Sold ?” La formule rituelle des ventes
aux enchères introduit le reportage. Il rythme les images martelées de panneau
maison à vendre (for sale) ou vendu (sold). Cela fait directement référence aux
maisons saisies pour cause de défaut de paiement, et, qui sont ensuite vendues
aux enchères. Cela concerne plus d’un demi-million de maisons, nous informe le
reportage. Le coup de marteau de la vente résonne. L’image se fige. Le destin est
scellé.
REMY Morgane_2008
35
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Après cette introduction dramatique, les explications sont données. Au départ
les taux d’intérêt étaient bas. Quand le marché s’est calmé, les taux indexés sur
le prix des maisons ont augmenté. « Those rates jumped”. L’image de maison
servant de background tourne au rouge sang.
Le plan suivant se centre sur un spécialiste dans son cadre de travail, les salles de marchés.
Il souligne la soudaineté de la fermeture des fonds et la peur que cela a provoqué sur les
marchés. La journaliste conclut « Bank became reluctant to loan anyone even each other.
Clearly action was needed.” L’image qui accompagne ce commentaire est la planche à billet
en train de produire du cash. Sur ces images, la voix-off du journaliste commente de façon
inquiétante : « The worst may not be over”.
Pendant des années, ce fut le temps du cheap money avec des taux d’intérêt peu
élevés. Les banques centrales augmentaient leur taux directeur pour éponger (to mop up)
l’excès de crédit. Le cheap cash a continué à se déverser sur les marchés.
Les derniers mois, il y a eu un resserrement des conditions de crédit. Les entreprises
ne peuvent alors plus collecter de fonds. La peur d’une crise de crédit apparaît. L’image de
fond est encore une fois la fabrication en usine des billets de banques.
La journaliste interroge en voix off : « What is the worse scenario ?” Le pire à craindre
selon l’expert est de ne plus avoir de liquidités. Celui-ci fait une distinction entre la crise
immobilière et la crise financière de liquidité. Pour lui, la crise immobilière n’a été que le
catalyseur, le déclencheur (trigger). Les crédits dits subprimes ont été victimes de leur
succès. Ce succès était dû au fait que le crédit hypothécaire à risque “gave to the famillies a
shot of the american dream”. Ils avaient pour la première fois la possibilité d’être propriétaire
alors qu’ils n’en avaient pas réellement les moyens.
36
REMY Morgane_2008
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision
La conclusion du reportage est que cela va prendre des années pour savoir combien
d’argent a été perdu dans cette crise. Tout le monde va suivre les conséquences de la crise :
investisseurs, propriétaires fonciers et même tous ceux qui ont un compte bancaire.
�LCI, 10 août 2007 - 18 h 14 Bourse : Crise des marchés financiers : les explications
de Thomas Blard.
L’introduction du reportage comme par la phrase : « Rien ne va plus sur les marchés ».
Le reportage fait suite à l’actualité du gel de trois fonds de la BNP. La situation est présentée.
La bourse de Paris a chuté de 3,13 % le jour du reportage et les autres places boursières
suivent le même chemin. La Fed a injecté de nouvelles liquidités au marché à hauteur de
35 milliards de dollars.
Thomas Blard est introduit comme le « spécialiste de la bourse sur LCI ». Il explique la
crise : « Le problème est que l’on ne sait pas très bien ce qui se trouve le placard. Baudoin,
Prot, directeur de la plus grande banque française, annonce il y a une semaine que tout
est sous contrôle. […] Hier, on apprend, à la surprise générale, que la même BNP Paribas
gèle trois fonds. Ce qui signifie qu’on ne connaît pas bien même au sein de ces grandes
institutions financières l’ampleur du problème et c’est ce qui inquiète les marchés financiers
en ce moment. »
La journaliste qui mène l’interview pose alors la question qui émerge à ce moment de
la crise : « Pourquoi ce problème avant tout américain affecte toute l’Europe ? »
L’explication ensuite est très banale. Il s’agit de la titrisation mais, cette fois, le mot
titrisation n’est pas prononcé seul et sans explication. L’expert, qui est aussi journaliste
(volonté d’être, avant tout, compris), explique que la crise se propage à l’Europe parce
que les organismes de crédits américains ont découpé ce risque en petits morceaux et les
ont vendus à toute la planète financière, y compris aux banques européennes. « Tout le
monde était content », précise-t-il. Il conclut en disant qu’on « pensait que c’était une dilution
du risque. On pensait que le risque était nulle part, on se rend compte qu’il est partout. »
L’idée du fait que tout allait bien dans le meilleur des mondes jusqu’à l’éclatement de la
crise est mise en exergue ici avec la phrase « Tout le monde est content ». Mais, ce n’est
qu’une apparence. La crise trouve ses racines bien avant que l’on prenne conscience de
son émergence selon le même fonctionnement que celui d’un abcès. Cependant, il est vrai
qu’il y avait une certaine euphorie due au fait que l’accès à la propriété était facilité.
La journaliste termine son interview par la question : « Comment sortir de cette crise,
de ce piège ? » L’utilisation du terme piège peut amener à se poser la question de qui est
l’auteur de ce piège.
La réponse de Thomas Blard est très imagée : « Les pompiers de services, c’est-àdire les banques centrales, ouvrent les robinets des liquidités pour remettre de l’huile dans
les rouages. Parce que les banques ont peur de prêter, les banques centrales jouent ce
rôle. » Le discours de l’expert est simple, métaphorique et laisse tout un chacun comprendre,
certes de façon globale, la crise. Il conclut alors : « Cela risque de tanguer sur les marchés
quelque temps ».
� France 2, Complément d’enquête, Lundi 5 novembre - 23h15, Scandales, faillites,
délits d’initiés… la crise de confiance. Le malheur est dans le prêt . Un reportage de Edouard
Perrin.
La présentation commence sur fond d’impression de billets, d’images d’EADS, de
panneau de salle des marchés effervescente, et de panneau “ à vendre”. Le reportage de
complément d’enquête fait un lien entre l’affaire EADS, la crise immobilière aux États-Unis,
REMY Morgane_2008
37
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Northen Rock proche de la faillite et le rôle de la BCE. Toutes ces crises et institutions sont
liées dans une crise de confiance généralisée dans la sphère financière et économique.
L’introduction de l’émission annonce l’angle des reportages : « Faut-il douter de nos
banquiers ? Peut-on avoir confiance dans un système où la connivence semble la règle ?
En Californie qui savait quoi ? Qui savait que le système était au bord du gouffre ? Qui
est responsable ?” Un climat de défiance est inscrit dans le reportage. Il y a une véritable
volonté de débusquer les responsables. L’enquête journalistique s’apparente alors à une
enquête judiciaire.
L’introduction du reportage Le malheur est dans le prêt est que la crise des subprimes
a d’ores et déjà coûté 170 milliards de dollars (la source n’est pas citée) et le présentateur
pose la question est de savoir su la crise est devant ou derrière nous ?
Le reportage commence avec Mike, le stéréotype de l’individualiste opportuniste
américain qui tire profit de la crise immobilière. Il construisait des maisons et maintenant, il a
trouvé une activité plus lucrative en Californie, à savoir l’inspection des maisons qui ont été
saisies par les banques. Son boulot va de la chasse aux squatters des maisons vidées par
l’huissier aux réparations pour rendre la maison la plus présentable possible pour la vente.
Du point de vue de Mike, les ménages expulsés ne sont pas à plaindre puisqu’ils
vivaient au-dessus de leurs moyens : « They were living on the hedge”. Les ménages en
question ont en effet dépensé tout leur crédit pour des biens de consommations. Le résultat
est, qu’en Californie, plus de 50 000 maisons ont été saisies rien qu’en 2007.
En background, les images de carte postale californienne défilent sur une musique
de rap américain. Le contraste illustre la désillusion. Cela fait une transition idéale vers
l’interview et la rencontre d’un émigré mexicain qui explique sa situation. C’est un peu le
point de vue opposé à Mike.
L’émigré mexicain est une des victimes du crédit hypothécaire. Il voulait accéder au rêve
américain, offrir une maison à sa famille. Un courtier lui a dit que c’était possible. Il a signé.
Maintenant, son seul espoir est de revendre la maison avant qu’elle ne soit saisie. Le contrat
subprime qu’il a signé semble aberrant. Le mot n’y est pas prononcé mais le journaliste
souligne que la traite du crédit s’élève à 3 600 dollars par mois, alors que le ménage et leur
fille en gagnent que 3 800 dollars. Après avoir rencontré une association spécialisée, on
se rend compte que le contrat contient des informations falsifiées. Par exemple, le salaire
mensuel de cet émigré mexicain était évalué à 7 800 dollars.
Le reportage se poursuit en caméra cachée auprès du courtier responsable de ce prêt.
Pour lui, si le contrat a été signé, alors il ne saurait être responsable. La partie contractante
a approuvé les termes du contrat. La transition du journaliste est “Bienvenue au pays
des subprimes”. L’ironie est à peine cachée. Le reportage continue sur des images d’une
publicité qui peut sembler agressive pour des Européens. La publicité promeut les produits
financiers de l’entreprise Quickloan funding, spécialisée en produit financiers subprime.
Cette entreprise n’existe plus. Elle a fait faillite comme la plupart des entreprises spécialisés
dans ce genre de prêts.
Le reportage continue dans une banlieue chic et ultra-sécurisée de la Californie afin
d’y rencontrer Daniel Sadak, le dirigeant de Quickloan funding. Il a écoulé” quatre milliards
de dollars en empochant la somme de 80 millions. Aujourd’hui, il dit avoir tout perdu, que
même sa maison est gagée. Il parle en présence de son avocat et le journaliste annonce :
“Sa ligne de défense est simple. Si les subprimes ont existé, c’est parce que tout le monde
y gagnait”. Sans parler de l’argument en lui même, il est intéressant de relever le terme
de ligne de défense utilisé par le journaliste. S’il est légitime de spécifier que la personne
38
REMY Morgane_2008
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision
interviewée est secondée de son avocat, un journaliste peut-il parler de ligne de défense
alors que Daniel Sader n’est pas sur le banc des accusés ? Le reportage serait-il alors une
nouvelle sorte de jugement populaire ?
Le dirigeant de Quickloan termine en disant que ce sont principalement les
investisseurs qui ont souffert et non pas les ménages ou wallstreet. Ces derniers ont profité
des crédits pendant plusieurs années. Il glisse, insidieusement, qu’il connaît une banque
française qui a perdu deux milliards de dollars dans cette crise. Il ne donne bien sûr pas
de nom. Cette phrase semble être faite sur le ton de la confidence. Le paradoxe de la
confidence à un journaliste est quelque chose de fréquent : cela créé un climat d’exclusivité
mais des milliers de téléspectateurs jouent le rôle de confident. Le montage vidéo joue sur
l’ironie. Après l’annonce des pertes d’une de nos banques nationales, le slogan publicitaire
“Thank you Quickloan funding” est scandé et apparaît à l’écran. L’ironie est marquée.
L’accusation est à peine voilée.
Après cela, le journaliste se rend dans une université californienne pour avoir une
explication de la crise et comment elle s’est répandue à travers le monde. Le cours
d’économie en accéléré est alors très confus, le schéma complexe et même les explications
du journaliste ne semblent pas à la portée de n’importe quel quidam. Cela rajoute un côté
confus à cette crise sur laquelle même les experts ne s’accordent pas. Le reportage continue
quelques minutes dans une société qui gère les crédits à risque et se termine par la plaque
d’immatriculation de Mike, décrit comme étant “dans le camps des gagnants”, qui annonce
la couleur : EVICTEM. Cela signifie Evict them, c’est-à-dire : les expulser.
�France 5,C’est dans l’air, panique à la bourse : qui ?, mardi 22 janvier 2008
Dans l’émission C’est dans l’air, il y a un reportage d’une demie heure environ pour
préparer à un débat d’experts. Je ne vais pas étudier le débat d’expert, mais juste des
extraits du reportage.
EXTRAIT 1. Le reportage commence dans une salle des marchés effervescente.
L’introduction décrit la situation : « Paris, une salle des marchées avec une dose destress
bien plus forte que d’habitude. Ce début 2008 vient de connaître son Black Monday . La
bourse de paris a clôturé hier en baisse de 6,83 %”. Les décors sont plantés.
André Chassagnol, responsable des actions H.P.C. dans la salle des marchés qui sert
de lieu d’ancrage au reportage est interviewé. “Vous avez vu, il n’y a que du rouge sur les
écrans. Et, quand, il n’y a que du rouge, en général, les clients ne sont pas très contents”. On
peut dire que ce responsable sait manier l’euphémisme. Il explique le désarroi sur les places
boursières “La bourse a peur du vide, de l’inconnu. Aujourd’hui, la question se pose : est-ce
qu’on va suivre le déclin américain ou est-ce qu’on va être sauvé par les pays émergents ?”
Cependant, au jour du reportage, toute les bourses chutent, y compris celles d’Asie
du sud-est incluant la Chine et l’Inde. Jean-Claude Juncker, président de l’eurogroupe, fait
alors une déclaration officielle : « Un ralentissement de la croissance américaine ne restera
pas sans conséquence dans la zone euro”. A la fin du discours, une musique stressante se
fait entendre. La bande sonore n’est pas sans rappeler la musique des films d’Hitchkock.
Sur ce son, l’image d’un trader se prenant la tête dans les mains trahit son désespoir. A cette
image succèdent celles de courbes dont on ne comprend pas la signification mais plutôt le
symbolisme : elles chutent toutes, c’est la crise. Ce symbole est inscrit dans l’imaginaire
collectif, il n’y a même pas besoin de savoir ce que ces graphiques représentent.
EXTRAIT 2. George W. Bush a décidé d’intervenir en permettant une réduction fiscale
à hauteur de 140 milliards de dollars, soit 1 % du PIB américain. Le but est de relancer la
croissance afin d’éviter une récession. Cette mesure qui a agis sur les conséquences de la
REMY Morgane_2008
39
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
crise plutôt que sur les causes n’a fait qu’aggraver la crise de confiance et, donc, la crise
économique dans son ensemble.
David Wyss, économiste à Standard and Poor’s, commente la situation. On ne sait
pas ce qu’est cette entreprise et seuls les initiés comprendront qu’il s’agit d’une filiale
de la banque McGraw-Hill et qui publie des analyses financières sur des actions et des
obligations. Encore une fois, l’introduction des experts manque de précisions pour être
comprise de tous. Selon cet expert, le plan de Bush pourrait éviter une récession. “Le mot
récession est lâché”, commente le journaliste. Ce n’est pas un mot anodin. Il est chargé de
sens et connoté négativement.
A la suite de cet expert, la parole est donnée à Nicolas Bouzou que l’on nous présente
comme ayant été fondateur d’Astères. Après des recherches sur Internet, on peut savoir
qu’Astère est une entreprise de conseil en matière d’économie qui vend ses services auprès
d’autres entreprises. Pour Nicolas Bouzou, “ la crise est conjoncturelle. Des crises, il y en a
toujours eu et elles sont même, en quelque sorte, nécessaires. Il faut voir cela comme une
purge.” Ce genre de discours répandus dans la sphère économique peut être interrogé : Ne
s’agit-il pas ici d’une façon de défendre le système qui leur a permis de réussir ? N’est-ce
pas ce système qui les a reconnus comme experts ?
EXTRAIT 3. Les images des crises précédentes sont montées ensemble comme un
extrait de toutes les images qui viennent à l’esprit quand on parle de crise économique en
Occident. Comme le dit le journaliste : “1929 est l’année où l’Amérique a dévissé. Quatre ans
de croissance négative, de chômage, de misère se sont succédé. Des images qui reviennent
à l’esprit dès qu’une crise économique se profile”. En 1973-1974, c’est l’apparition du
chômage de masse qui se pérennise avec la crise de 1993. Une transition est faite entre
les deux périodes avec la même image de jeunes pointant à l’ANPE. Seuls vingt ans ont
passé comme le témoigne la couleur qui apparaît sur la deuxième scène. Des archives
sont alors diffusées : Édouard Balladur, alors Premier ministre, s’exprime sur la crise : “La
production n’augmente plus. On ne peut plus créer l’emplois nécessaires pour accueillir
toute la jeunesse.” Ce reportage illustre bien que le spectre de la récession de 1929 reste
dans tous les esprits car “si le contexte financier est différent, l’effondrement économique
avait aussi démarré par un krack boursier.”
�TF1, le 20 h du
18 février 2008, Grande-Bretagne : la banque ''Northern Rock''
temporairement nationalisée.Le sujet est le dixième traité sur dix-huit. Le reportage dure 2
minutes et 20 secondes.
Patrick Poivre d’Arvor introduit le sujet : « Pour la première fois depuis plus de trente
ans, la banque Northen Rock va être nationalisée temporairement. Elle a été victime de ses
placements malheureux dans les produits dits subprimes. »
Le reportage commence sur un taxi londonien roulant dans une rue bordée de pavillons
de briques rouges. Une image d’Épinal qui permet au téléspectateur de voir immédiatement
où se déroule l’action. En introduction on apprend que Northen Rock est un symbole pour
les Anglais, « la banque surnommée le rock ». « Mais, continue la voix off, la banque faisait
grise mine aujourd’hui, attirant plus de journalistes que de clients. »
Le reportage diffuse ensuite un extrait du discours de Gordon Brown. « Au nom des
contribuables, nous avons acheté la banque pour la revendre en temps voulu. » Comme le
journaliste le souligne, le mot nationalisation n’est jamais prononcé. Ce mot fait peur dans
un pays marqué par une tradition libérale.
Nous avons ensuite un cadrage sur quelqu’un que l’on devine être un expert. Pourtant,
il n’est pas présenté. On ne sait rien de lui. On ne sait s’il est légitime dans la dénonciation
40
REMY Morgane_2008
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision
qu’il fait : « L’activité bancaire doit être régulée. Les dirigeants de Northen Rock ont fait
n’importe quoi avec l’argent des clients qui sont les véritables investisseurs. Au final, c’est
à nous contribuable de payer l’addition. »
La conclusion du journaliste est simple mais met bien en exergue le véritable risque de
cette nationalisation : « s’il y a des défauts de paiement, ce sera au gouvernant de faire la
chasse au mauvais payeur ».
Bien qu’on ne puisse pas nier le besoin d’avoir un angle pour présenter un sujet, il faut
néanmoins souligner la partialité du traitement. Le reportage souligne la peur qui ressort de
cette nationalisation, le fait que le gouvernement prend un gros risque. Cependant, s’il est
vrai que cette nationalisation dédouane la banque de ses responsabilités, elle est cependant
nécessaire pour éviter la banqueroute de la huitième banque du pays qui entraînerait
inévitablement une crise bancaire générale qui pourrait ruiner le Royaume-Uni.
�TF1, le 20h du 27 mai 2008, Le Royaume-Uni rattrapé par la crise immobilière. Le
sujet est le huitième traité sur seize. Le reportage dure 2 minutes.
La présentation de la crise au Royaume-Uni par Patrick Poivre d’Arvor met l’accent sur
le fait que c’est une « situation sans précédent depuis vingt ans ». Le célèbre présentateur
lance ensuite le reportage catégorisé comme une enquête.
Une voix off féminine prend le relais. Le reportage commence sur l’image de la ministre
du logement du Royaume-Uni qui semble décontractée et « souriante » selon la voix off.
Mais, les zooms des photographes dévoilent une partie du contenu d’un rapport que la
ministre tient contre elle, seulement protégé d’une pochette plastique transparente. Le
contenu entier n’est pas encore dévoilé mais on a glané la phrase : « We can’t tell how bad
it will get ». À partir de cette phrase est tirée la conclusion que la phrase signifiant « Nous
ne savons pas à quel point la situation va se détériorer » concernait la crise des crédits
hypothécaires. Les hommes et femmes politiques sont alors pris à défaut d’incompétence
ou du moins, on prouve que la crise n’est pas encore sous contrôle. La différence entre le
sourire qu’elle affiche et le dossier inquiétant fait par ailleurs ressortir le côté factice de la
façade publique.
La scène suivante montre que la crise immobilière et financière est quelque chose de
palpable est mets en à la rue une classe moyenne qui a eu recours à ces prêts à risques.
Une courbe rouge ensuite apparaît et s’affadit alors qu’elle descend sur l’écran évoquant la
chute des cours en bourse. Elle est là comme un spectre que l’on aperçoit, qui fait peur. Il
s’agit là d’une image qui parle à tous directement sortie de l’imaginaire collectif, évoquant
tous les films qui ont porté sur la crise de 1929.
Le troisième tableau est celui d’un père et son enfant bricolant le moteur d’une voiture
dans un quartier populaire. La voix off commente : « la baisse des cours de l’immobilier
conduit à des drames humains. » Cette constatation est alors ponctuée par un panneau
« For Sale » martelé. Les images montrées mettent en scène la famille vivant un drame
personnel. Par exemple les jardins des maisons filmés contiennent des jeux d’enfants.
On ressent que l’avenir de ces enfants sera forcément touché par la crise en cours. On
dramatise une situation qui se prête au sensationnalisme car tout le monde peut s’identifier
notamment à la mère que l’on voit en pleurs dans la scène suivante.
La mère en pleurs explique ses désillusions : « On pensait que l’on avait de la chance
d’être propriétaire à notre âge ». La scène tient presque du voyeurisme. On ne peut qu’être
touchée par la détresse de cette femme que l’on filme à l’intérieur de la maison que l’on peut
supposer en vente. Puis soudain, un expert apparaît. Il ne dit pas grand-chose. Il coupe
juste la dramatisation de la scène précédente par un ton professionnel et posé. Son analyse
REMY Morgane_2008
41
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
n’apporte pas d’information et est réduite à son strict minimum. Il dit juste qu’il faut « Tirer
la sonnette d’alarme ». De cet expert, on ne connaît que le nom, Matthew Sherwood et
l’étiquette qui apparaît sur l’écran nous signale juste qu’il est un « expert économique ».
On ne sait s’il est professeur, s’il travaille pour une banque, une entreprise de conseil. Il est
quand même ironique de faire parler quelqu’un qui s’appelle Sherwood dans une situation
où les plus démunis sont exposés à perdre leur logement. L’allusion à Robin Hood ne devait
cependant pas être volontaire. L’ironie qui en ressort mérite quand même un sourire.
Le reportage conclut que, en plus de toutes les familles qui perdraient leur logement,
doivent s’ajouter la tragédie personnelle de tous ceux qui vont perdre leur emploi dans
le domaine bancaire. Le reportage se termine, PPDA reprend la parole et aborde le
prochain sujet : les spéculateurs profitent de la flambée des prix des matières premières en
investissant dans des denrées de base comme le sucre et le blé, « ce qui a choqué bien
sûr ». Cette transition renforce le sentiment de dénonciation.
3.3 Analyse comparée.
La première comparaison que l’on peut faire est entre les reportages de CNN et de TF1. La
comparaison est possible parce qu’ils ont par leur forme des similarités qui rendent adéquate
la comparaison sur le traitement de la crise par la chaîne américaine et la chaîne française.
Tout d’abord soulignons les points communs de ces deux chaînes : ce sont des chaînes
privées qui vivent des revenus tirés de la publicité, ce sont deux chaînes majeures dans
leur pays respectif et quand il en vient à un journal télévisé, il y a entre une dizaine et
une vingtaine de sujets traités, la plupart étant illustrés d’un reportage et introduits par le
présentateur. Les reportages parlant des subprimes sur ces chaînes sont donc une partie
du journal télévisé, fonctionnent selon le même schéma journalistique et durent tous entre
2 minutes et 3 minutes.
CNN met en scène les experts qu’elle interviewe. Ils sont présentés et le reportage
tourne autour d’eux. Pour TF1, les experts restent anonymes, on ne sait qui ils sont et “d’où”
ils parlent. Cela s’accompagne du fait que CNN est en train de chercher jusqu’où ira la crise,
de comprendre où le système a failli comme avec Richard Bitner. TF1 présente plus une
situation, montre une famille qui risque de se faire expulser : le public ciblé est beaucoup
plus populaire. Cela peut s’expliquer par le fait que TF1 s'est associé avec LCI dont les
reportages sont beaucoup plus proches du système de CNN. L’interview de Thomas Blach,
expert en économie de LCI, parle beaucoup des tenants et des aboutissants de la crise. Le
discours du spécialiste français est très similaire à celui de Richard Bitner pour CNN mais
il est quand même plus imagé, plus vulgarisé. Cette différence ne tient pas des différences
entre les deux chaînes mais plus du fait que l’un est avant tout un économiste qui intervient à
la télévision (Richard Bitner) et l’autre un journaliste spécialisé en économie (Thomas Blard).
Que ce soit LCI, TF1 ou CNN, les emprunteurs sont présentés comme de véritables
victimes aveuglées par le rêve américain et qui voient leur famille en danger (expulsion,
dettes) à cause de produits financiers qu’ils ne connaissaient pas. Cette victimisation peut
aller dans l’extrême dramatisation, dans le sensationnalisme.
Dans le reportage
Real Estate News - Prices, Mortgages, and Calculators from
CNNMoney de CNN, la scène de la vente aux enchères, qui n’est pas filmée mais juste
introduite par la voix off, démontre à la fois la dramatisation de la crise mais aussi que
42
REMY Morgane_2008
III/ Analyse du traitement médiatique par la télévision
ce sensationnalisme fait référence à des symboles communs. Ces symboles reviennent
souvent dans les reportages. Il y a la crise immobilière représentée par les panneaux “à
vendre”, des cadenas sur les portes des maisons saisies afin d’éviter que les squatters
s’installent. La crise boursière est représentée par des écrans chargés de signaux rouges,
des courbes en chute libre et des salles des marchés effervescentes. Malgré le fait que, par
manque d’explications de la part des journalistes, on ne peut deviner ce que les signaux,
les courbes et l’effervescence des courtiers en bourses représentent. Le téléspectateur
sait néanmoins que cela symbolise la crise boursière que nous sommes en train de vivre.
Pourtant, l’effervescence dans une salle des marchés pourrait témoigner du dynamisme
et de la croissance de celle-ci. Personne ne pense à cette interprétation. Le partage
d’une mémoire commune fait que certaines images accompagnent le concept de crise
économique. Ces images clefs, et c’est peut être le plus intéressant, sont les mêmes en
France et aux États-Unis. Le sensationnalisme est présent dans les deux traitements.
On peut aussi se poser la question : Y-a-t-il une différence de traitement entre les
chaînes privées françaises (LCI, TF1) et les chaînes publiques (France 2 et France 5) ?
L'intérêt est plus de voir ce qu’apporte en plus les reportages-enquêtes et de les comparer
entre eux. Le premier est Complément d’enquête diffusé en prime-time sur France 2 et
le deuxième reportage est celui qui introduit le débat qui a lieu dans l’émission C dans
l’air diffusée en début de soirée par France 5. Le public visé n’est pas le même mais ils
ont tous deux une volonté de vulgariser : le premier pour faire la plus grande audience
possible, l’autre pour introduire les bases d’un débat et le rendre accessible à tous. La
différence se joue plus sur le sensationnalisme et la dramatisation. En effet, Complément
d’enquête introduit des rôles préfabriqués pour raconter l’histoire du reportage. Il y a celui
de la victime (l’immigré qui ne peut plus rembourser son prêt subprime) et les “carnassiers”
du système, plus “charognard” que coupables : le courtier, Daniel Sadak le directeur de
Quickloan funding et “Mike” qui, insensible, a su se situer sur le marché de la réparation de
maisons saisie pour défaut de paiement. Le reportage est centré autour de personnages
auxquels on peut s’identifier ou que l’on peut montrer du doigt. Un parallèle peut être fait
entre la mise en scène de ce reportage qui se termine sur un plan montrant la plaque
d’immatriculation EVICTEM comme Cruella d’enfer à DEVIL sur le film animé Les 101
dalmatiens produit par Disney. Les symboles sont compréhensibles par tous et les experts
peu présents. Il y a peu de débats, juste des individualités mises en scène autour de la
crise économique.
Au contraire, le reportage pour C dans l’air s’articule autour de trois minireportages qui
agissent ensemble comme une sorte de recueil d’opinion théâtralisé organisé autour de
trois actes. Le premier concerne la panique à la bourse. Le deuxième est plus sur l’action de
G.W. Bush pour combattre les subprimes et le dernier acte rappelle les crises économiques
présentes dans l’imaginaire collectif : la crise de 1929, la crise de 1974 puis celle de 1993 en
France. La dramatisation est moins marquée. Plus que l’émotion, les explications apportées
par les journalistes montrent de façon intelligible comment les différents acteurs de la
crise n’ont pu empêcher celle-ci. Le dernier reportage est particulièrement intéressant pour
comprendre tout l’imaginaire réveillé dès que les mots récession et crise sont prononcés.
REMY Morgane_2008
43
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
IV/ Mise en perspective des analyses
4.1 Analyse du discours inspiré de la méthode de S.
Moirand
14
Sophie Moirand s’appuie sur les concepts opératoires de l’analyse du discours, aussi bien
que sur les notions de dialogisme et de mémoire collective. Elle parvient ainsi à élaborer
une méthode d’analyse qui lui permet d’observer le traitement médiatique des mots et
des manières de dire. Cette approche, élaborée pendant plusieurs années de recherche,
est appliquée à l’étude des événements scientifiques ou techniques à caractère politique
évoqués dans la presse quotidienne généraliste française (la vache folle, les ogm, la grippe
aviaire, etc.).
Il s’agit tout d’abord d’établir quand un événement correspond à un moment discursif
, à savoir lorsqu’il "donne lieu à une abondante production médiatique et qu’il en reste
également quelques traces à plus ou moins long terme dans les discours produits
ultérieurement à propos d’autres événements". Nous entendons par Moment discursif le
surgissement dans les médias d’une production discursive intense et diversifiée à porpos
d’un même événement (Sophie Moirand donne l’exemple de la crise de la vache folle,
la coupe du monde de football ou encore la décision d’une intervention en Irak), qui se
caractérise par une hétérogénéité multiforme (sémiotique, générique, énonciative).
Ainsi, la disposition des titres témoigne du traitement de ce moment discursif. On peut
alors baser notre analyse sur les titre répertoriés pour le corpus qui a été étudié en premier
lieu dans le tableau 1, page 15. Il y a une double évolution que l’on peut observer dans les
titres puis dans le corps des textes étudiés. Tout d’abord, on parle de banques, de bourses
et au fur et à mesure on passe des marchés à l’économie tout entière. De même, le terme
subprime subit une évolution intéressante. Tout d’abord, le terme « subprime » est entre
guillemets et est toujours accompagné du mot « crédits ». Les « crédits subprimes » sont
alors un synonyme pour le terme qui peu semblé barbare à un non-spécialiste de crédits
hypothécaires à risque. Petit à petit, le terme subprime, toujours entre guillemets sera seul
à référer à se genre de crédit. Souvent les titres commencent par « Subprimes » : etc. Dans
une troisième et dernière phase, le mot subprime, indifféremment au pluriel ou au singulier,
désigne la crise tout entière. Il perd en même temps les guillemets. Le mot-événement
s’impose alors comme un domaine de mémoire.
14
Sophie Moirand, Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser, comprendre , Paris, Presses
Universitaires de France, 2007, 186 p.
44
REMY Morgane_2008
IV/ Mise en perspective des analyses
Mot -événement
15
L’émergence de nouvelles notions s’avère souvent à l’origine de jeux langagiers qui
sont richement illustrés par la formule vache folle , dont la diffusion médiatique a favorisé
le développement sémantique de l’adjectif fou — qui a fini par se rapprocher du sens de
"malsain", "contamination", "incontrôlable" — et du stéréotype du savant fou. Les formules
qui s’imposent pour désigner des notions émergentes deviennent généralement des mots
clés qui désignent l’événement lui-même, c’est-à-dire des mots-événements : c’est le cas
de vache folle , tout aussi bien que de principe de précaution , de traçabilité , ou encore
de 11 septembre , etc.
Le terme « subprimes » composé de sub (sous) et prime (premier, meilleur) est alors
connoté comme contagieux. Un peu comme une sous-classe sous l’ancien régime ou un
sous-homme sous des régimes totalitaires. Il y a derrière la construction de cette nouvelle
notion, une idée de rejets de ces produits financiers. Le terme nouveau n’est pas non
plus sans rappeler un mot scientifique. Ceci ajouté au fait que la métaphore de la crise
médicale est omniprésente, semble faire des subprimes un nouveau virus s’attaquant au
corps financier.
Domaine de mémoire
16
L’abandon progressif des guillemets, qui encadraient auparavant le terme de subprime,
est l’indice du fait que la formule cesse d’être perçue comme un emprunt au discours
d’autres communautés langagières. À côté de cette particularité, Moirand parvient à
identifier d’autres caractéristiques, sémantiques et formelles, qui concourent à donner un
air de famille à certains événements et à les inscrire dans une sorte de mémoire collective,
telles que le recours à des désignations qualifiantes à charge émotionnelle forte, ou bien
à des constructions comparatives ou analogiques qui permettent des associations à des
événements antérieurs. Ces événements sont des références directes à la crise de 1929
qui a plongé les États-Unis dans une récession qu’elle revivra en moins impressionnante
en 1973 après les chocs pétroliers. Il y a ainsi beaucoup de références au Lundi noir pour
les subprimes qui se réfèrent au tristement célèbre Jeudi noir comme dans le reportage de
C dans l’air diffusé sur la cinq. Le parallèle et le jeu de mémoire, souvent inconscient pour
la plupart des consommateurs de médias, sont alors très bien explicités et illustrés.
Quand on parle des crises économiques, un passé est évoqué, une mémoire commune
est mobilisée. Cela correspond à une institution. Pourtant c’est une notion dynamique qui
a évolué en fonction des époques :
Au début parfait pour 1929 : un effondrement des cours boursiers met fin à une période
d’expansion d’un déséquilibre, et le début d’une phase de récession.
Mais depuis 1973, la crise désigne la plupart des difficultés subies par l’économie. Arrive
alors le paradoxe des crises chroniques.
Polyphonie
Sophie Moirand fait remarquer que les moments discursifs analysés relèvent, en fait,
d’une situation d’interaction plus complexe, en considération de l’inscription d’autres voix
15
Sophie Moirand, De l'aire de la page à l'hyperstrucutre et à l'écran : comment lire et analyser la presse quotidienne ordinaire
, Paris, Presses Universitaires de France, 2007, 186 p.
16
Sophie Moirand, Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser, comprendre , Paris, Presses Universitaires
de France, 2007, 186 p.
REMY Morgane_2008
45
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
que celles des scientifiques, à savoir les discours d’autres communautés langagières,
représentées par des ministres, des économistes, des industriels, des syndicalistes, ou
d’autres "experts", qui filtrent, reformulent ou dissimulent le discours. Le texte journalistique
devient ainsi un intertexte de nature plurilogale, caractérisé par la diversité des genres,
des localisations et des locuteurs impliqués. idération, en premier lieu, la situation trilogale
classiquement reconnue dans le discours de diffusion des connaissances scientifiques, afin
de mettre en relief — grâce à l’examen des procédés de désignation et de caractérisation —
les modalités d’inscription des trois instances impliquées : le médiateur (la presse ordinaire),
le public des lecteurs, la communauté scientifique qui fournit les sources. Pour étudier ce
rapport, nous allons utiliser la méthode d’Eliseo Véron.
4.2 Méthodologie inspirée de l’essai : Construire
l’événement. Les médias et l’accident de Three mile
island
17
.
Une opposition entre le discours technique et le discours non technique. Ici, cela peut
s’appliquer au discours économique et celui de vulgarisation, plus proche du quotidien des
gens touchés par la crise. L’analyse peut se faire par tableau. Eliseo Veron ne fait qu’opposer
les discours techniques et ceux non techniques, de vulgarisation. Je pense rajouter une
division au sein de la colonne des discours techniques afin de différencier la parole du
journaliste et celui des spécialistes qu’il faudra identifier.
Je vais faire l’analyse sur l’ensemble des articles étudiés ci-dessus. Le journaliste est
celui qui écrit le papier et dont c’est le métier. Le spécialiste peut être un économiste ou
quelqu’un issu de la sphère financière qui écrit le papier car il apporte une valeur ajoutée.
Il peut également être simplement cité ou interviewé.
17
46
Eliseo Vieson , Construire l’événement. Les médias et l’accident de Three mile island, Éditions de Minuit, Paris, 1981.
REMY Morgane_2008
IV/ Mise en perspective des analyses
Tableau 5
Discours techniques
Journaliste
Événement Le discours
en lui-même technique des
journalistes
ne parle que
des faits. Les
journalistes
dans leur
ensemble
donnent le
cadre, les cours
en bourse et
les événements
racontés
la plupart
du temps
de manière
chronologique.
ConséquencesLes
de
conséquences
l’événement abordées par
les journalistes
sont, dans
cette période,
exclusivement
d’ordre
économique.
Certains
abordent les
conséquences
politiques.
Spécialiste(s)
Les spécialistes
commencent d’ores
et déjà à chercher
les causes de
la crise et base
leur discours sur
les problèmes de
liquidité, de titrisation
et de notation
des agences
bancaires. Il y
a beaucoup de
questions posées
sur la transparence
des comptes des
banques.
Discours non technique,
vulgarisation.
On parle des effets visibles
sur la vie des individus
comme le fait que des
Américains se retrouvent
sans toît. Le rôle de l’émotion
et de l’identification est
primordial. Il y a aussi
beaucoup de termes imagés,
utilisant abondemment des
métaphores de corps vivant
pour les marchés boursiers.
Par contre, les journalistes
expliquent très peu la notion
de « krach », « choc », « crise
financière », de « crise de
liquidité », etc.
Pour les spécialistes, Les conséquences sur la
la question est
vie quotidienne avec les
de savoir si les
questions de récession,
conséquences de
de l’impact sur le « pouvoir
la crise financière
d’achat » ne sont que
ne seront pas une
très peu abordées. Ces
crise d’économie
explications sont néanmoins
globale, signant
plus présentes pendant
ainsi, comme en
l’automne 2007 et encore
2000 lors de l’eplus dans le premier semestre
crise, le début d’un 2008 alors que le pouvoir
ralentissement de
d’achat semble menacé.
croissance.
4.3 Etudes des discours d’experts relayés par la
presse.
Exemples de discours d’experts par catégorie (la classification est personnelle) :
Article, référence Leurs explications de la crise
Leur communication et le
rôle de la presse
Experts
Les Echos,
Michel Pébereau est interviewé. Tout d’abord, il est à noter
« sur 3 décembre
« Une banque a connu une
que les questions du
le
2007, Pébeareau crise de liquidité, la hantise des
journaliste ne sont pas
banc Michel, Premiers banquiers et des régulateurs ?
trop incisives et ne mettent
REMY Morgane_2008
47
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
enseignements
48
Cela a abouti aux files d’attente
pas l’interviewé en danger.
REMY Morgane_2008
IV/ Mise en perspective des analyses
des de la crise
accusés
financière
»
des clients de Northen Rock
devant les agences pour se
retirer de leur dépôt ; une image
désastreuse, rappelant les
années 1930, qui, relayée par la
télévision, a diffusé l’inquiétude
dans le monde » « Le rôle du
marché est de fixer un prix. Or, du
fait de l’inquiétude née de la crise
des « subprimes », le mécanisme
s’est enrayé pour tous les
produits structurés ». « N’y
a-t-il pas de leçon à tier du
passé ? Si, bien sûr : la grande
leçon c’est l’existence de cycles
dans l’activité bancaire comme
dans l’économie. Et ces cycles
n’existent que du fait de l’oubli
du passé : on redécouvre
périodiquement que les arbres ne
montent pas jusqu’au ciel »
Lorsque Michel Pébereau
ne parle que de Northen
Rock pour donner un
exemple de banque mise
en danger par la crise
des subprimes, il ne fait
pas du tout mention au
fait que la BNP a gelé
trois fonds durant le mois
d’août. Le journaliste ne
lui fait pas remarquer
cet oubli. De même, M.
Pébereau définit la crise
comme une crise de
confiance, ce qui repousse
la responsabilité sur la
presse et particulièrement
sur la télévision. Enfin
quand le journaliste pose
une question sur les leçons
à tirer, sa réponse est
générale et il parle de tous
les acteurs économiques
en leur donnant ainsi une
part de responsabilité
partagée.
France2,
Daniel Sadak, le dirigeant de
La mise en scène du
Complément
Quickloan funding. « Sa ligne
reportage est ambiguë :
d’enquête, Lundi de défense est simple. Si les
l’interview donne une
5 novembre
subprimes ont existé, c’est parce ambiance entre la
- 23h15,
que tout le monde y gagnait”.
confidence et le jugement.
Scandales,
Sans parler de l’argument en
On pourrait presque
faillites, délits
lui-même, il est intéressant de
croire à un entretien au
d’initiés… la crise relever le terme de ligne de
commissariat. L’interviewé
de confiance.
défense utilisé par le journaliste. est même accompagné
S’il est légitime de spécifier que de son avocat. On peut
la personne interviewée est
aussi penser, par le
secondée de son avocat, un
caractère démocratique
journaliste peut-il parler de ligne de la télévision, qu’il s’agit
de défense alors que Daniel
d’un jugement populaire.
Sader n’est pas sur le banc des L’écran tiendrait alors lieu
accusés ?
de nouvelle agora et les
téléspectateurs seraient
les citoyens sur lesquels
repose le jugement.
CNN,
Richard Bitner est l’auteur de
L’intervenant se pose en
Business,
Confessions of a Subprime
juge. Il a fait partie du
financial, personal Lender , un livre qu’il a écrit
système mais, face aux
finance news après la décision d’arrêter le
vices qu’il y a détectés,
CNNMoney ,
métier de courtier. Il présente
il a décidé de sortir du
July 23, 2007.
la criseREMY
comme
différente
des
système. Ca fait de cet
Morgane_2008
How subprime
précédentes. Contrairement à la expert quelqu’un qui fut
mess started .
crise Enron ou la crise World.com trader mais qui dénonce
(aussi appelée crise internet) où le système. Pour lui les
il y avait quelques personnes
fondements du système
qui jouaient avec le feu, là c’est
étaient en mauvais état, la
tout le systeme qui est en cause. crise pouvait être prévue
« It is a breakdown of the entire
sous cette forme ou sous
49
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Les 2007, Jeanexperts
Louis Missika :
académiques.
« La stratégie
médiatique de
Nicolas Sarkozy
finira par avoir un
coût politique »
Le Monde,
21 août 2007,
« Les fonds
spéculatifs
ne sont pas
à l’origine
des excès du
marché »
50
Le Nouvel
Observateur,
de Paris. Son domaine de
de la communication
spécialité est la communication
excessive du président
politique. Son discours sur la crise de la république. Le
concerne plus la médiatisation
dossier des subprimes
qu’en a fait le président de la
dans cette politique de
république. Pour lui, la crise du
communication n’est alors
« subprime » a permis à Nicolas qu’un dossier médiatique
Sarkozy d’envoyer une lettre à
de plus. Sur le plan réel,
Angela Merkel préconisant plus
la représentation met en
de transparence sur les marchés œuvre des institutions et
financiers. Il a « envoyé la lettre des acteurs qui donnent
dans un timing médiatique
une consistance politique
excellent, au sommet de la
à la représentation du
18
couverture médiatique de la
peuple
. Pour J.-L.
crise. Du coup il a été repris dans
Missika,
les
médias sont
tous les médias, non seulement
instrumentalisés
et ne
français mais internationaux.
« dictent rien du tout ».
Mais il a beaucoup irrité Mme
Les médias relayent alors
Merkel perce que celle-ci avait
une accusation qui les
mis le sujet à l’ordre du jouir du
touche directement, un
G8 plusieurs mois auparavant
peu comme lorsque la
[…] Nicolas est un voleur de
presse écrit sur la crise de
lumière. Et cela finira par avoir
la presse… une pratique
un coût politique ». « Il se sert
atypique pour ce qui reste
de l’actualité pour « dialoguer »
une entreprise.
avec les Français, montrer qu’il
est sensible à leurs émotions. »
Noël Amen, professeur à
Il n’est pas possible de
l’EDHEC, récuse les attaques
savoir pour le lecteur,
contre les hedge funds. Selon d’après l’article, si Noël
lui, la tempête actuelle est
Amen est impliqué
« une crise de confiance dans
dans des activités de
l’information sur les risques »
hedge funds. On peut
« La crise financière que nous
légitimement se poser
connaissons est essentiellement la question de savoir s’il
une crise de confiance dans
défend le système après
l’information sur les risques
une analyse académique
des établissements de crédit.
et systémique de la
Ceux-ci sont pourtant soumis à
situation ou s’il défend
un dispositif réglementaire en
un système dont il tire
terme de prévention. » « Il y a
parti. Outre cette question,
toujours un danger à protéger
on discerne l’idéologie
les investisseurs par des interdits du libéralisme. A chaque
quand les autorités de contrôle
fois qu’il y a une crise,
n’ont pas les moyens de faire
les politiques sont tentés
appliquer ou de vérifier l’effectivité de recourir plus à la
de la réglementation. Cela conduit régulation. C’est alors
les investisseurs à se reposer
aux économistes de s’y
sur une réglementation inefficace opposer afin de rester
et à ne plus faire leur travail de
maîtres en la demeure.
vérification de la qualité
et
des
La crise change les
REMY Morgane_2008
risques. »
repères, ce qui mène
à un basculement de
pouvoir, l’économiste en
est conscient.
Interview de Michel Rocard,
Michel Rocard entame une
ancien premier ministre et
critique de la société en
IV/ Mise en perspective des analyses
Les 13 décembre
experts
2007, Les
politiques
débats de l’Obs,
p102-106, La
crise mondiale est
pour demain.
député européen depuis 1994. Il
précise qu’aujourd’hui, la critique
vient du cœur du système. Il cite
ainsi un des livres de Patrick
Arthus : « Le capitalisme est
en train de s’autodétruire ». Il
explique cela : « depuis 1980,
la sphère financière a pris une
importance colossale. Du coup,
nous sommes confrontés à des
crises financières de grande
ampleur récurrentes […] ».
Il définit le rôle des banques
centrales : « pour contrer le
retour de l’inflation, les banques
centrales sont obligées de relever
leur taux d’intérêt. C’est le devoir
de Jean-Claude Trichet… » Il
termine en politisant la question :
« Je crois que la clé du problème,
c’est le changement du statut
juridique de l’entreprise. Au lieu
d’appartenir à des apporteurs
extérieurs de capitaux, elle doit
être faite de la communauté
des hommes et des femmes qui
gagnent leur vie en partageant
le même projet économique. »
« Il va falloir protéger tout ce
qui produit contre tout ce qui
spécule. »
général et du capitalisme
en particulier. Pour lui, le
système nous échappe.
Par la globalisation, il a
pris une ampleur qui donne
également de l’envergure
à n’importe quelle crise.
Dans un deuxième temps,
il justifie aussi la stratégie
de la Banque Centrale
Européenne dans sa
décision de garder un
taux directeur fort. Cet
appui envers Jean-Claude
Trichet s’inscrit dans un
climat de tension entre
le directeur de la BCE et
Nicolas Sarkozy, qui pour
tenir ses promesses de
campagne, faisait pression
sur l’ancien gouverneur de
la Banque de France pour
qu’il change sa politique
monétaire. En effet, des
taux bas permettent de
relancer le crédit et donc
la consommation. Enfin,
il s’appuie sur l’analyse
de la crise pour proposer
une refonte complète
de l’éthique qui régit le
système capitaliste.
AFP, Relèvement Christine Lagarde commente la
La dépêche AFP est un
du taux de la
décision de la Banque Centrale
choix de citations. Christine
BCE : Lagarde
Européenne qui a décidé de
Lagarde a un objectif avant
seulement
relever le taux directeur à
tout de croissance. Un
« à demi4,25 %. « La décision de la BCE euro fort pénaliserait les
satisfaite », 7 juilletcreuse le déséquilibre avec la
exportations françaises
2008
politique monétaire américaine.
au profit des Américaines,
Avec des taux à 4,25 % en
les produits exportés
Europe contre 2 % aux Étatsétant achetés dans la
Unis, on va rester avec une
devise du pays vendeur. La
surévaluation et un dollar faible ». transparence demandée
Elle demande également plus
par ailleurs n’est que
de transparence afin « de crever le relais du discours de
l’abcès et de commencer enfin à Nicolas Sarkozy et de sa
soigner la crise »
lettre envoyée à Angela
Merkel.
Le Monde,
L’expert, ici, est un
Il y a clairement la
13 septembre
correspondant à New
recherche d’un coupable.
REMY Morgane_2008
51
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Les 2007, « La
journalistes
crise financière
experts
suscite une
polémique sur
l’ère Greenspan »
Les Libération, 17
grands
septembre
noms2007, Faut-il
52
York, Sylvain Cypel. Selon
lui, il y aurait une fracture
entre « bernakiens » et
« greenspaniens ». Pour les
premiers, ils accusent Alan
Greenspan, ancien directeur
de la Fed, d’avoir encouragé la
production de bulles boursières
à répétition avec une politique
de taux directeur bas. « En un
mot, M. Greenspan, surnommé
le « Maestro », n’aurait été
qu’un fabriquant de bulle ».
Pour la seconde catégorie, le
coupable serait Ben Bernanke, le
successeur d’Alan Greenspan à
la tête de la Fed, n’aurait pas pris
conscience de la dimension de
la crise. Quoi qu’il en soit, il y a
par ce discours une précarisation
des hommes politiques et
économistes qui ont géré la
politique monétaire américaine.
Tous les lundis, un expert
décrypte une question
d’actualité. Aujourd’hui John
Taylor. Il dénonce la faillite de la
Ici, la responsabilité est
établie au niveau du
contrôle. Le journaliste
expert cherche à savoir qui
a laissé la crise se former.
Ce genre d’accusation
est relayé par la presse.
L’événement s’impose
et tranche dans l’ordre
supérieur qui est celui
du politique. Dans la
dimension politique,
l’événement tient une
place éminente puisqu’il
conditionne tout le
politique, en le fragilisant
et en le précarisant.
L’événement conditionne
l’activité de l’homme
politique.
Il est rare qu’un expert
critique l’accusation que
l’on porte aux victimes des
subprimes d’autant plus
REMY Morgane_2008
IV/ Mise en perspective des analyses
de encore prêter aux régulation. « Depuis dix ans, les
l’économie
pauvres ?
ONG signalent à la Fed (banque
fédérale américaine) le problème
de ces prêts. Ben Bernanke, le
président de la Fed, a reconnu
qu’il aurait dû réagir plus tôt. »
Pour lui, la crise des subprimes
vient d’un défaut de supervision
des risques par les organismes
de régulation et les marchés de
capitaux. Il dénonce également
le discours qui dénonce les
consommateurs : « On entend
dire « La crise, c’est la faute des
emprunteurs ! » Scandaleux !
Il faut une loi de protection des
consommateurs pour interdire ce
genre de prêts »
Challenges, jeudi Patrick Arthus, directeur
3 avril 2008,
des études économiques de
« Ben Bernanke Natixis. Pour Patrick Arthus,
a remis les
« Le pire est passé. C’est fini. »
marchés dans le Quand on lui oppose à cette
bon sens ».
affirmation que Jean-Claude
Trichet n’est pas du même avis,
il précise « Je reviens des ÉtatsUnis. Les acteurs de marché sont
unanimes ». Plus tard il confirme
sa foi envers les interventions
américaines. « Ben Bernanke a
joué un rôle prépondérant. C’est
lui qui a remis les marchés dans
le bon sens. […] Injecter des
liquidités ne servait plus à rien
puisque, de toute façon, plus
personne ne voulait investir nulle
part. En acceptant de devenir
détenteur d’action en dernier
ressort, la banque fédérale a
donné le signal du retour à la
confiance »
REMY Morgane_2008
que le discours dominant
des médias victimise
plutôt ces derniers plus
qu’il ne les accuse. De
plus son argument a
l’avantage de changer
de l’éternel souhait
de transparence. Plus
qu’une standardisation, il
souhaite une protection
des ménages les plus
faibles autant sur un plan
financier que sur un plan
éducatif : certains ne lisent
pas l’anglais quand ils
signent le contrat de crédit
hypothécaire.
Patrick Arthus a choisi
son camp entre les deux
façons de faire américaine
et européenne. Il critique le
fait que la Banque centrale
européenne ne fasse
qu’injecter des liquidités
sans pour autant agir
directement. Par ailleurs,
il faut rappeler que Patrick
Arthus est directeur des
études économiques de
Natixis. Le Monde publiait
le 28 août un article intitulé
« Crédit agricole et Natixis
sont plombés par la crise
financière ». Son analyse
doit-elle pour autant être
remise en cause ?
53
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
À l’instar du partage des risques pour les produits subprimes, il semble que les
responsables essayent de partager les responsabilités. Ainsi, la responsabilité est partout
et nulle part ! Les experts impliqués dans la crise se défendent également en recourant à
une définition de la crise comme étant un sursaut conjoncturel salutaire pour le système.
Il s’agit d’un moyen de désengager leur responsabilité. Dans le reportage de France 2, le
journaliste explique que Daniel Saker se défend. “Sa ligne de défense est simple. Si les
subprimes ont existé, c’est parce que tout le monde y gagnait”.
Le discours des experts souligne une double opposition : la première est entre ceux
qui présentent la crise comme jugulée et un simple réajustement du système, à l’instar de
Patrick Arthus ou même Christine Largarde, s’assurent une défense parce qu’ils sont d’ores
et déjà impliqués dans la crise de part leur position professionnelle et de l’institution qu’ils
représentent (Natixis et le gouvernement). Il y a une deuxième opposition entre les politiques
monétaires européenne et américaine. A cette opposition on peut ajouter l’opposition entre
Ben Bernanke et Alan Greenspan dans la recherche de responsabilité.
19
Comme le souligne Pierre Lejeune , à l’heure du tout économique et des discours
martelés sur les lois du marché et la globalisation, le quatrième pouvoir que constituent les
médias se présente comme une alternative à la pensée unique, celle des experts. Son livre
amène, cependant, plusieurs questions :
Est-ce que la vulgarisation économique est aussi efficace que celle scientifique ?
Le lecteur a-t-il les clefs de compréhension de la situation et une lecture critique d’un
article ? Au contraire, peut-on parler d’aliénation ?
Les informations économiques concernent-elles seulement la « température » et les
perspectives de l’économie ?
À la vue de l’analyse effectuée, il semble que la vulgarisation économique ne soit pas
aussi poussée que celle scientifique. En effet, il n’est pas sûr que le lecteur dit « lambda »
comprenne tout d’un article sur la crise des subprimes. Il faut cependant noter, à l’instar de
Sophie Moirand que les journalistes comme les experts ont recours à des reformulations.
Cet effort est produit pour répondre à la nécessité d’intéresser des classes de destinataires
potentiels que l’on présume davantage accrochés par l’incidence de ces objets sur la vie
20
sociale et la polémique économico politique que cette crise suscite.
4.4 Comparaison avec les crises environnementales,
la crise de la « vache folle » et celle de l’ « e-krach »
en bourse
Il peut être intéressant de comparer la crise avec d’autre et de voir si le discours est construit
de la même façon. Je me base alors sur deux crises : la première, volontairement différente,
dite de la vache folle et celle, dans le même domaine, de l’e-krach.
19
Pierre Lejeune, Discours d’experts en économie, Lambert-Lucas, Limoges, des Notes de l'Insee a la Rubrique Economie
du "Monde", 2004
20
Sophie Moirand, De l'aire de la page à l'hyperstrucutre et à l'écran : comment lire et analyser la presse quotidienne ordinaire
, Paris, Presses Universitaires de France, 2007, 186 p.
54
REMY Morgane_2008
IV/ Mise en perspective des analyses
Crise environnementale
21
Une des thèses principales de Ulrich Beck concernant la société du risque est que « la
production sociale des richesses » est désormais inséparable de « la production sociale de
risques », et, par conséquent, l’ancienne politique de distribution des « biens » (revenus,
travail, sécurité sociale) de la société industrielle est relayée par une politique de
distribution des « maux » (dangers et risques écologiques). Induits et produits non
intentionnellement par la modernisation même, les hasards écologiques et l’expropriation
écologico-économique qui s’ensuit (faillite des éleveurs de bœufs, déconfiture des pêcheurs
normands, débâcle du secteur touristique, etc.) deviennent un des thèmes principaux des
discussions privées et publiques des citoyens qui exigent une régulation politique.
Contrairement aux catastrophes naturelles de la société pré-industrielle, qui étaient
le fruit du « hasard », et aux dangers de la société industrielle – qui étaient, eux, le
résultat de décisions sociales et politiques mais sont toujours restés limités dans le temps
et dans l’espace, et qui étaient perceptibles, prévisibles, contrôlables et assurables –, les
risques de la société post-industrielle sont fabriqués socialement et présupposent la prise
de conscience d’un danger dont la probabilité est prédictible, mais contre lequel on ne peut
néanmoins plus s’assurer – les assurances s’y refusant en effet au regard de l’ampleur
potentielle du drame tant au plan écologique qu’au plan économique. À la différence
des dangers et des risques « classiques », ces nouveaux risques ne sont donc pas des
effets externes, mais bien des effets internes à la société (manufactured uncertainty),
présupposant une auto-attribution des dangers. Ce caractère interne du risque ici attribué
à des catastrophes environnementales est le même lors d’une crise économique qui a été
produite et générée par le même système qu’elle met en danger. Les crises économiques
depuis 1929 sont générées par la finance internationale et non plus à cause d’une mauvaise
récolte due à une météo peu favorable.
La crise de la vache folle
22
Selon Daniel Schneidermann , un emballement médiatique s’est produit autour de la
crise de la maladie de kreutzfeld Jacob. « Un emballement est une symbiose miraculeuse
entre les discours publics et les attentes intérieures. C’est un moment de superposition
où la légende cauchemardesque colpportée par l’extérieur vient exactement recouvrir
les représentations qui nous obsèdent ». Cet emballement médiatique s’est également
manifesté lors de la crise des subprimes. Dans ce cas, les représentations qui nous
obsèdent sont celles décrites par le troisième reportage de C dans l’air : la récession, le
chômage et toutes les représentations issues des précédentes crises économiques.
Il n’y a pas de crise sans retentissement médiatique, sens cet emballement dont
parle Schneidermann. L’analyse systémique oblige, bien au contraire, à identifier les forces
en présence et les interactions, les enjeux de pouvoir. A chaque crise les médias sont
en position centrale au cœur même des prises de parole et des mises sur agenda. Les
journalistes jouent le rôle d’arbitre et possède à la fois le pouvoir de conclure et d’orienter
le débat.
Dans le cas de la crise de la vache folle, fin 1995, la presse dévoile que dix personnes
ont été contaminées par la maladie de Creutzfled-Jacob. Cela suscite de nombreuses
polémiques. Des associations demandent le retrait du bœuf dans les cantines. La presse
21
Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d'une autre modernité, Paris, Éditions Aubier, 2001 ; édition originale :
Risikogesellschaft, Francfort,
22
Suhrkamp Verlag , 1986.
Daniel Schneidermann, in Rémi Mer, Vache folle : les médias sous pression, dossier environnement INRA numéro 28.
REMY Morgane_2008
55
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
relaie les inquiétudes croissantes de la population. Dans ce cas, la presse s’est faite le
relais des pressions de l’opinion. En ce qui concerne la crise des subprimes, les médias
ne se sont pas fait le relais de l’opinion publique mais du vent de panique qui courait sur
les places boursières. D’autres points communs sont à noter. Tout d’abord, dans les deux
crises, on a du mal à identifier les modalités de transmission, à comprendre l’ampleur et les
conséquences à terme de la crise en question.
Pour la crise de la vache folle on ne comprenait pas comment des animaux avaient pu
contaminer des êtres humains. Pour la crise des subprimes, on ne comprend pas les causes
de transmission entre le marché américain des crédits hypothécaire et Wall Street puis les
places boursières à travers le monde. Ce phénomène de globalisation est découvert dans
les deux crises : on essaye de circonscrire la crise à un pays mais elle semble échapper
aux frontières nationales. Dans le cas de l’ESB, la menace apparaît de l’autre côté de la
Manche, pour les subprimes de l’autre côté de l’Atlantique. Il faut croire que les crises n’ont
pas peur de l’eau puisqu’elles ont traversé mer et océan avec la globalisation.
Une façon de contrôler la crise est la labellisation. Dans la crise de la vache folle,
une grande communication s’est faite autour du label AOC, pour les subprimes, les
Etats demandent aussi beaucoup une traçabilité plus grande avec des catégorisations de
produits. Avec l’introduction de la labellisation, il y a l’idée de reformer et de construire de
nouveaux cadres de réflexions et repères afin de remplacer ceux qui ont été délégitimées
par la crise. Ainsi, les agences de notation dans la crise des subprimes ont été montrées
du doigt pour avoir construit des repères de qualité en matière de produits financiers qui
n’avaient pas pu déceler le problème de ces crédits subprimes. Les labels ne veulent plus
rien dire, donc les économistes appellent à une standardisation des produits financiers afin
de savoir de quoi ils sont composés. D’après tous les spécialistes, le remède miracle serait
l’introduction d’une nouvelle transparence. Dernier point commun entre ces deux crises,
chaque mesure de sécurité ou de communication cherchant à rassurer en, premier lieu
aliment les craintes et relance les doutes sur l’état de la sécurité intérieure.
Les deux crises deviennent une vraie mine de rebondissements autoproductrice
d’événements : la presse fait réagir l’opinion publique qui fait ensuite réagir de nouveaux
les médias. L’événement est alors une mine d’or pour la presse et une vraie bombe pour
23
la filière incriminée . Faute d’éclaircissement notoire, les informations se succèdent, et,
parfois, se contredisent. Les experts sont également divisés. Les médias cherchent à tout
savoir, et encore plus ce qu’on leur a caché.
Le risque est à la Une. Les médias ont un rôle révélateur et amplificateur. Avec le recul,
ceux-ci mettent à nu des risques auparavant cachés, en les rendant précisément visibles.
Ils révèlent également des procédés de rétention et d’occultation des informations sur ces
risques de plus en plus proches et perçus comme menaçants. Dans la crise des subprimes,
les banques sont clairement incriminées. Le journaliste Stephane Le Page dans l’article des
Echos du 17, août 2007 intitulé Les places boursières affectées par les valeurs financières
et leur exposition commente le communiqué de la BNP qu’il qualifie de « laconique » : « Le
communiqué �…� a fait l’effet d’une bombe ». La banque qui avait pourtant, seulement une
semaine auparavant, confirmé que la banque contrôlait la situation. A partir de là la crise
passe en Une. Le danger se fait plus oppressant. Les médias alimentent d’autant plus le
débat public et mettent en scène les multiples acteurs et protagonistes et font de la crise
un drame collectif
23
24
56
24
.
Rémi Mer, Vache folle : les médias sous pression, dossier environnement INRA numéro 28.
Ibid
REMY Morgane_2008
IV/ Mise en perspective des analyses
L’impact de la crise tient-il à l’emballement médiatique ? Le rôle révélateur et l’état de
sensibilité des esprits tiendraient alors de l’alchimie de l’actualité, à la merci des accidents
de la vie : les faits, les fautes, les fraudes et les fuites qui forment les quatre « F » maléfiques
25
de toute crise .
L’e-krach, la crise de l’Internet
26
Le travail d’Elsa Poudardin sur l’emballement médiatique qui a entouré
l’expression « nouvelle économie » nous a montré que l’information boursière occupait
une place dominante dans les articles économiques publiés entre 1999 et 2001. L’entrée
fulgurante sur la scène médiatique de cette expression « nouvelle économie » a transformé
les modes de présentation et les contenus de l’information économique grand public.
« Nouvelle économie » est devenue en peu de temps, ou la cause ou l’explication de toute
l’actualité, des résultats sportifs aux bilans comptables des entreprises. Cette utilisation d’un
mot symbolique est commune au terme de nouvelle économie et à celui de subprimes.
La différence entre les deux appellations est que le terme subprime désigne les crédits,
27
la cause de la crise et l’événement de la crise elle-même (mot-événement
). Pour la
crise Internet de 2000, l’événement était désigné par le terme d’e-krach qui désigne le
dégonflement par paliers successifs de la bulle spéculative créée autour des valeurs des
nouvelles technologies et de l’Internet.
Au départ, la chute des cours n’apparait pas dramatique. Beaucoup d’articles la
présentent même comme intégrée à un cycle économique classique pouvant lui-être
bénéfique. Cette thèse est reprise régulièrement à chaque crise. La crise des subprimes n’y
faisait pas exception. Cependant, cette thèse n’a pas résisté longtemps face à l’ampleur que
prenait la crise que nous étudions. Dans le cas étudié par Elsa Poudardin, l’« ajustement »
est nécessaire selon les journalistes de Libération. C’est un « retour à la normal »
« souhaitable » et « un avertissement salutaire » pour le Monde. Pour la crise des subprimes,
on retrouve ce discours de la part d’experts, mais le discours journalistique est plutôt
alarmant parlant de crise, de récession et de risque de chômage engendré et exacerbé par
la crise.
L’explosion du nombre d’articles témoignant de l’importance de la crise est un autre
point commun entre les deux crises. Dans les articles traitant de l’e-krach, les journalistes
protègent l’institution boursière en soulignant le caractère rationnel, économiquement et
socialement salubre de l’arrivée dudit krach. Ils s’emploient à justifier le système dans son
entier. Elsa Poudrardin explique cela : « les économistes imputent généralement a posteriori
à la presse économique une responsabilité dans la survenue des crises boursières. Ils lui
reprochent d’avoir déclenché la panique et/ou d’avoir entretenu l’euphorie. » Les journalistes
préfèrent se protéger. Les vrais responsables de la crise seraient à leurs yeux les autres,
les experts dont ils n’ont fait que retranscrire les avis. L’analyse des articles sur l’e-krach
révèle l’existence d’une crise relationnelle entre experts et médiateurs.
25
26
Ibid
Elsa Poudardin, La crise boursière d’avril 2000 dans les articles autour de la « nouvelle économie » in Michèle Gabay,
Communiquer dans un monde en crise : images, représentations et médias.
27
Sophie Moirand, De l'aire de la page à l'hyperstrucutre et à l'écran : comment lire et analyser la presse quotidienne ordinaire
, Paris, Presses Universitaires de France, 2007, 186 p.
REMY Morgane_2008
57
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
V/ La presse et l’événement subprime.
5.1 Historique de la relation de la presse à l’événement
Avant la presse moderne, la presse commentait et expliquait un événement. Celui-ci etait
diffusé dans le journal qu’après son occurrence. Aujourd’hui, les médias provoquent la
constitution de l’événement et parfois, le choc des réactions d’une opinion sensibilisée
28
provoque un événement plus important que celui qui a mobilisé l’opinion . Il faut cependant
différencier l’événement de l’avènement. Les exigences de la « nouvelle » journalistique
29
décrite par Boorstin
: court, actuel, inattendu, dramatique et sensationnel. La différence
entre un événement et un « avènement » est la coupure occasionnée par celui-ci par rapport
aux flux des autres faits de l’époque. À partir de cette définition de l’événement, on peut
d’ores et déjà classer la crise des subprimes comme un événement.
L’événement avant la grande presse d’information
Au XIXe siècle la typologie d’un événement dépendant de la notabilité des personnes
impliquées et de la prépondérance de l’événement politique et économique. Les
événements majeurs sont souvent en une mais aussi dans la chronique boursière à une
époque où le lecteur est le plus souvent bourgeois.
Depuis la grande presse d’information
De 1880 à la Seconde Guerre mondiale, la presse devient la principale source de
connaissance de l’événement. Elle joue également le rôle de relais d’opinion. Il ne suffit plus
à la presse de commenter l’événement, elle va à sa recherche. Il y a plusieurs évolutions.
Tout d’abord, l’événement est politisé, c’est-à-dire expliquer en fonction d’une idéologie. Il
y a l’apparition d’événement dans les champs scientifique et économique. Enfin, les faits
divers prennent le statut d’événement.
L’omniprésence du visuel
Avec l’arrivée de la télévision puis d’internet, le visuel est devenu prédominant. Cette
analyse est également valable pour la presse quotidienne qui a dû à plusieurs reprises
changer de maquette pour devenir, elle aussi, plus visuelle. Cela marque aussi une
évolution de la presse d’opinion à la presse d’information (news to use) : il y a beaucoup
d’événements, peu de commentaires. Dans le cas de la crise des crédits hypothécaires à
risque cela signifie que les informations données sont essentiellement d’ordre boursier ou
parlent de décisions de politique monétaire. Ce sont des informations que les investisseurs
peuvent directement utiliser même si les propos des journalistes portent principalement
sur l’incertitude propre à la situation de crise. Il y a cependant un glissement après la
28
29
André-Jean Tudesq, La presse et l’événement, Publication de la maison des sciences de l’homme de Bordeaux, 1986.
Daniel J. Boorstin, L'Image, ou ce qu'il advint du Rêve américain ( The Image: A Guide to Pseudo-Events in America, éd. Vintage
Books), éditions Julliard, coll. « 10/18 », Paris, 1961 (1963 pour la France)
58
REMY Morgane_2008
V/ La presse et l’événement subprime.
première phase d’incompréhension : on essaye de comprendre ce qu’il se passe, ceux qui
ont provoqué la crise.
5.2 Les subprimes ou un « Grand événement »
30
Les Caractères du grand événement selon Jean-Guy Sarkis :
Propriétés d’ordre temporel et structurel
L’imprévisibilité : On ne peut savoir sûrement à l’avance si, quand et comment il va se
produire :
Spontanéité : L’homme n’a plus d’emprise absolue sur les événements malgré une
volonté de contrôler tous les paramètres
L’imprévisibilité peut être d’ordre naturel comme le tsunami ou peut être de nature
humaine. L’homme peut être débordé par les conséquences tout à fait inattendues de ses
actes.
L’imprévisibilité prospective opposée à la prévisibilité
Rétrospectivement, l’événement qui a lieu semble tout à fait prévisible.
rétrospective
:
L’irréversibilité : L’événement produit ne peut être inversé et les conséquences de celuici ne peuvent qu’être limitées.
L’irrésistibilité : L’événement s’impose et tranche dans l’ordre supérieur qui est celui
du politique. Dans la dimension politique, l’événement tient une place éminente puisqu’il
conditionne tout le politique, en le fragilisant et en le précarisant. L’événement conditionne
l’activité de l’homme politique
La crise des subprimes était bel et bien imprévisible même si certains, comme Angela
Merkel, avaient tiré la sonnette d’alarme. Les divers commentateurs, qu’ils soient experts,
journalistes ou victimes, n’avaient pas vu venir la crise. Le spécialiste de LCI, Thomas Blard,
dit que « Tout le monde est content ». La femme en pleurs interviewée par TF1, de la même
façon, n’a pas vu venir la crise. Les économistes ont perdu prise sur les produits financiers
qu’ils avaient créés. Ils sont « débordés par les conséquences tout à fait inattendues de
leurs actes ».
Les aspects relatifs de l’importance de l’événement
Importance différentielle : La classification des événements se fait en fonction de leur
importance respective en les considérant les uns par rapport aux autres.
Importance référentielle : L’Histoire donne un élément de comparaison et donne une
idée de l’importance de l’événement.
La portée concerne alors non seulement la dimension spatio-temporelle mais aussi
le domaine des conséquences et répercussions (dans un rapport direct de cause à effet
pour le premier et indirect pour le second). Certains événements ont une portée telle qu’elle
s’impose aux journalistes : l’Homme a marché sur la Lune. Dans la plupart des cas, le rôle
du journaliste tient de la reconnaissance à la révélation d’un fait en tant qu’événement. Les
journalistes peuvent augmenter ou diminuer l’importance de tel ou tel événement même si
30
Sarkis Jean-Guy, La notion de grand événement, passages, CERF, 1999
REMY Morgane_2008
59
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
les extrêmes leur sont interdits. Pour la crise des subprimes, la chute des cours a bel et
bien imposé l’événement aux journalistes.
Par ailleurs, l’événement doit exprimer quelque chose de fort pour l’homme. Il doit être
en relation avec ce que l’homme a de plus cher : la vie, la liberté, la sécurité, les valeurs
et les croyances… Plus l’homme se sent impliqué, plus l’événement gagne en importance.
Par exemple, sur des événements sociaux, le nombre de « victimes » est un élément de
base. Dans le cas de la crise des subprimes, la crise immobilière met des individus dehors,
ce qui atteint non seulement leur sécurité mais aussi toutes les croyances réunies sous
l’appellation de l’american way of life.
5.3 Les logiques journalistiques et lectures
événementielles des faits d’actualité
31
Pour Pierre Nora
, l’événement est par essence médiatique. Il n’existe plus sans sa
médiation. Il y a alors deux postures sur la définition de l’événement. Les médias maturent
l’événement existant et en font un objet du réel, lui donnent un corps.
En réaction, l’histoire du temps présent entreprend de renverser le stigmate
événementiel, au risque, parfois, de confondre l’événement avec sa manifestation
spectaculaire. Un article classique de Pierre Nora sur « le retour de l’événement » (1973),
qui fixe aussi le programme théorique d’une « histoire contemporaine », illustre bien ce parti
pris. L’événement, rapport au temps, à l’histoire et à l’actualité, caractérise selon l’historien
la modernité démocratique. « Son apparition paraît dater du dernier tiers du XIXe siècle,
explique-t-il d’entrée. Ainsi l’affaire Dreyfus constitue-t-elle peut-être, en France, la première
irruption de l’événement moderne, le prototype de ces images d’Épinal sorties tout armées
du ventre des sociétés industrielles et dont l’histoire contemporaine ne cessera plus de
reproduire les exemplaires, à partir d’une matrice comparable. »
Ce qui définit l’événement dans sa modernité, c’est qu’il n’existerait que par les mass
media : « Dans nos sociétés contemporaines, c’est par eux et par eux seuls que l’événement
nous frappe, et ne peut pas nous éviter. » La médiatisation ne se contenterait pas de relayer
l’événement. Pour Pierre Nora, elle le constitue : « Presse, radio, images n’agissent pas
seulement comme des moyens dont les événements seraient relativement indépendants,
mais comme la condition même de leur existence.
La publicité façonne leur propre production. « Des événements capitaux peuvent avoir
lieu sans qu’on en parle », concède l’historien. Mais « le fait qu’ils aient eu lieu ne les
rend qu’historiques. Pour qu’il y ait événement, il faut qu’il soit connu ». Aussi l’événement
existerait-il uniquement dans ce rapport au temps qui accompagne la médiatisation, celui
de la modernité.
32
31
Pour le philosophe Gilles Deleuze , « les événements sont idéaux ». En effet, « la
distinction n’est pas entre deux sortes d’événements, elle est entre l’événement, par nature
idéale, et son effectuation spatio-temporelle dans un état de choses. Entre l’événement et
l’accident ». L’événement, ce n’est pas qu’il se passe quelque chose, quelque important
Pierre Nora, le retour de l'évènement, dans Faire l’Histoire, dirigé par Jacques Le Goff et Pierre Nora, Gallimard, Paris 1974, vol.7.
32
60
Deleuze G., 1969. Logique du sens, Paris, Ed. de Minuit.
REMY Morgane_2008
V/ La presse et l’événement subprime.
que ce soit, mais plutôt que quelque chose se passe – un devenir. On n’est pas, comme
pour l’accident, dans l’ordre des faits, mais dans celui des « incorporels » : l’infinitif, et non
le substantif.
Il ne faut donc pas confondre l’événement avec sa manifestation, comme le proposait
Pierre Nora : la médiatisation n’est en effet que la matérialisation de l’événement, qui
nous fait basculer dans le registre « corporel ». Ainsi, l’événement n’est pas défini par
son importance médiatique : « Le mode de l’événement, c’est la problématique. Il ne faut
pas dire qu’il y a des événements problématiques, mais que les événements concernent
exclusivement les problèmes et en définissent les conditions. » Bref, « l’événement par luimême est problématique et problématisant ». Avec l’événement, c’est l’intelligibilité qui fait
problème – qui devient problématique, qui est problématisée. N’allons pas croire pourtant
que la référence philosophique nous éloigne de l’histoire. Gilles Deleuze retrouve l’Affaire,
et dans la même page, pour penser la singularité de l’événement, il cite Charles Péguy : « Il
y a des points critiques de l’événement comme il y a des points critiques de température,
des points de fusion, de congélation, d’ébullition, de condensation ; de coagulation ; de
cristallisation. »
Les journalistes ne font pas advenir une réalité inexistante, mais leur mise en scène de
l’information contribue à doter un fait d’une valeur relative, en lui donnant une plus grande
visibilité, au point, parfois, d’écraser tous les autres faits. Il est intéressant de noter un
certain mimétisme, une auto-alimentation au sein des médias, qui contribue à amplifier le
phénomène de médiatisation de l’événement par un effet d’emballement désormais bien
repéré
33
.
Il y a une véritable lutte sur la scène médiatique pour la définition des termes. Cela
semble anodin mais il est courant de dire chez les avocats que définir le problème selon
ses mots, c’est déjà gagner le procès. Le cadrage donc est très important puisqu’on impose
ses valeurs. La définition d’un problème est un véritable enjeu politique : celui qui le définit
pose également les règles du jeu.
Il ne faut cependant pas réduire le rôle des journalistes à celui de victimes. Ils ont
la capacité d’annoncer, de définir et d’amplifier l’état de crise. Le sensationnalisme dont
fait preuve le Nouvel Observateur a un rôle d’amplificateur. Une crise crée une situation
de stress, « un état socio-émotionnel de la collectivité, marqué par des phénomènes
psychologiques : rédaction de défense, démoralisation, dissociation, rumeurs…” ( A.
Mucchielli, 1993). Jouer sur cette corde sensible, dramatiser la situation équivaut a une
fusion entre l’informatif et le sensationnalisme.
34
Selon Dan Berkowitz , la première réaction d’un journaliste lors du déclenchement
d’une crise est de s’écrier « what a story !”, Mais après un temps, les journalistes cherchent
des ressources disponibles, apportant ainsi une valeur ajoutée : c’est pour cela que les
experts sont si convoités. Ce sont les positions dans l’espace social qui déterminent
les conditions de prise de parole. Les médias peuvent difficilement se passer de l’avis
d’économistes pour décrire une crise. Mais ces derniers ont leurs pratiques langagières
propres : un vocabulaire, des tournures privilégiées. Par leurs jeux de langage, ils imposent
un cadre aux journalistes.
33
34
Jocelyne Arquembourg, De l'événement international à l'événement global in Hermès n°46 - 2007
Dan Berkowitz , Social Meanings of News, Sage publication, 1997
REMY Morgane_2008
61
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Les conditions de l’émergence médiatique d’un événement à l’échelle internationale
sont les suivantes :
35
Intensité émotionnelle,
Possibilité d’accéder au terrain,
Existence d’acteurs sociaux à même de valoriser un phénomène et de fournir une
interprétation événementielle,
Possibilité de recordage des faits qui permet aux journalistes de lui plaquer des
schémas préalables d’appréhension du monde, en le considérant comme exemplaire ou au
contraire comme une rupture, un moment qui oblige à revoir nos cadres interprétatifs,
Degré de concurrence avec d’autres faits éligibles au rang d’événement. Cette éligibilité
est elle-même conditionnée par la concurrence médiatique. Les médias influent les uns sur
les autres, au point que des phénomènes d’auto-alimentation apparaissent,
Effet d’agenda.
5.4 Typologie de l’événement des subprimes
Aujourd’hui l’événement médiatique peut être caractérisé et analysé grâce à la
36
typologie établie par André-Jean Tudesq
. Grâce à celui-ci, on peut comprendre que
l’événement de la crise des crédits à risque a été constitué comme tel par la presse par son
extra-ordinarité. Comme le dit l’auteur de 'La presse et l’événement', « certaines réalités
s’imposent à la presse comme une guerre, une révolution, un changement de chef d’État. »
La crise financière bouleverse les codes établis et le système financier mondial est ébranlé.
Il est probable que dans ce cas, l’événement retenu par les journalistes le soit aussi par
les historiens, même si « les événements retenus par l’histoire ne sont pas forcément ceux
retenus par la presse. »
La crise touche de nombreux Américains dont le mode de vie et de consommation est
souvent érigé en modèle. La première relativité de l’événement est donc sociologique. Des
croyances profondément ancrées dans l’imaginaire occidental avaient déjà été fortement
ébranlées par le 11 Septembre. Il semble que la crise des « subprimes » engendre une
nouvelle faille dans le système américain et surtout dans cet American way of life que l’on
continuait d’admirer malgré les critiques d’ordre politique. Il semblerait que la désillusion soit
la même que celle décrite dans la pièce de théâtre Death of a Salesman d’Arthur Miller. La
situation est celle d’une famille moyenne américaine désillusionnée par le rêve américain
dans les années 30, à la suite de la crise de 1929.
Pour compléter la définition de cet événement, on peut utiliser la typologie de
Molotoch et Lester, l’événement des subprimes n’est pas « un événement de routine »
35
Arnaud Mercier, Logiques journalistiques et lectures événementielle des faits d’actualité in Événements mondiaux-regards
nationaux, Hermès n°46 - 2007.
36
62
André-Jean Tudesq, La presse et l’événement, Publication de la maison des sciences de l’homme de Bordeaux, 1986.
REMY Morgane_2008
V/ La presse et l’événement subprime.
37
ni un « accident ». Elle peut tenir du « scandale », avec la recherche du coupable
l’accompagne, Cependant cela semble encore insuffisant pour encadrer cet événement. Je
vais donc utiliser la typologie nouvelle d’un professeur d’Histoire genevois
38
.
Il est vrai que notre champ d’analyse est focalisé sur les médias mais l’étude de
l’événement ressortit à plusieurs domaines, notamment les sciences humaines et politiques,
Elle ne saurait être restreinte à celle des media studies. Je prendrai donc la liberté d’utiliser la
typographie ci-dessous pour pouvoir montrer, autrement que par les dires des journalistes,
que l’événement « subprimes » est bien de l’ordre de la crise.
5.5 L’événement subprime est une crise
Il y a crise quand l’issue de l’événement est incertaine, quand les informations dont on
dispose sur l’événement ne permettent pas d’en prévoir l’issue. Une crise désigne, par
conséquent, un événement considéré comme une déconstruction de la sociabilité : les
acteurs se jugent les uns les autres et nous devons repenser notre appartenance, notre
sociabilité, notre existence sociale
39
.
Il y a déconstruction de trois façons. Les institutions bancaires et économiques n’ont
plus été en mesure de jouer pleinement leur rôle dans l’espace public. Les médias
économiques et l’information économique des médias généraux n’ont plus été en mesure
de prévoir et, par conséquent, n’ont plus assuré leur rôle dans l’espace des médias. Les
"victimes" individuelles, personnelles, de la crise, se sont vues perdre leur sociabilité et la
dimension collective de leur identité.
Il y a crise quand l’issue de l’événement est incertaine, quand les informations dont
on dispose ne permettent pas d’en prévoir l’issue. Une crise désigne, par conséquent, un
événement considéré comme une déconstruction de la sociabilité : les acteurs se jugent les
uns les autres et nous devons repenser notre appartenance, notre existence sociale
40
.
La déconstruction a trois causes :
Les institutions bancaires et économiques n’ont plus été en mesure de jouer pleinement
leur rôle dans l’espace public.
Les médias économiques et l’information économique des médias généraux n’ont plus
été en mesure de prévoir et, par conséquent, n’ont plus assuré leur rôle.
Les "victimes" de la crise ont perdu leur sociabilité et la dimension collective de leur
identité.
37
Harvey Molotch and Marilyn Lester, News as Purposive Behavior: On the Strategic Use of Routine Events, Accidents, and
Scandals , A merican Sociological Review , Vol. 39, No. 1 (Feb., 1974), pp. 101-112 ,
38
American Sociological Association
Michel Hammer, Histoire et politique internationale, Cours de l’année académique 1999/2000, Graduate Institute of
International Studies, Geneva
39
Lamizet Bernard, Chapitre 11 : La crise ou l’envers du sens, Sémiotique de l’événement, Lavoissier, 2006
40
Lamizet Bernard, Chapitre 11 : La crise ou l’envers du sens, Sémiotique de l’événement, Lavoissier, 2006
REMY Morgane_2008
63
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
La crise ! Le mot a été lancé, souvent sans définition. On peut trouver des définitions
de crise financière, de crise économique, mais le mot crise est utilisé sans explication,
comme s’il était évident pour chacun, une institution. Étymologiquement, il vient du grec
krisis utilisé dans le domaine médical, puis pour caractériser une situation, d’abord militaire
puis politique. Il y a aussi une dynamique dans la crise : il faut la comprendre, trouver ses
racines pour ensuite intervenir, corriger le tir. Dès lors, diagnostiquer une crise sert à justifier
une intervention. Il faut analyser les groupes d’intérêts, leurs discours de crises, quelles
vues ils cherchent à imposer.
La typographie de Michel Hammer permet de voir que la crise, si elle est soudaine dans
sa manifestation, trouve ses racines profondément dans l’histoire. Il parle d’extériorisation
du cache, de l’occulter, du résiduel ». Cette expression, qui peut paraître anodine donne les
raisons de la chasse au bouc émissaire inhérente au traitement médiatique de la crise.
Il est important de comprendre ce que les journalistes entendent par crise économique.
Quand on parle de ces crises, un passé est évoqué, une mémoire commune est mobilisée.
Cela correspond à une institution. C’est pour cela que les journalistes ne définissent pas
clairement ce qu’est une crise économique.
Pourtant c’est une notion dynamique qui a évolué en fonction des époques. En 1929,
un effondrement des cours boursiers met fin à une période d’expansion déséquilibre et
l’économie entre en récession. Mais depuis 1973, crise désigne la plupart des difficultés
subies par l’économie. Arrive alors le paradoxe des crises chroniques.
L’idée de crise économique appelle des représentations collectives dramatiques :
queues de chômeurs, soupes populaires, paniques boursières…
Si l’utilisation du terme crise économique sans explicitation peut-être justifiée par un
passé connu des lecteurs, il est plus étonnant de voir la façon dont les journalistes utilisent
le mot « subprime » comme s’il résumait l’événement à lui seul, alors que la réalité est,
évidemment, bien plus complexe. « subprime » n’est que la note accordée à un type de
crédits. Leur développement incontrôlé, l’augmentation, due à des facteurs exogènes, des
taux d’intérêts qui en a renchéri le coût au-delà du supportable et le retournement du marché
immobilier permettent de décrire brièvement une situation qui ne saurait être réduite à une
cause unique et résumée en un mot.
5.6 Du sensationnalisme
Le sensationnalisme médiatique paraît être l’amplification temporaire de la tendance
naturelle des journalistes à privilégier le côté négatif des événements (les trains qui arrivent
à l’heure n’intéressent personne…). Pendant les épisodes de sensationnalisme, pour
répondre rapidement à une demande d’information de la part du public, les journalistes
gardent essentiellement la même posture mais multiplient les articles ou les reportages
alarmistes sur un sujet particulier. Ce qui conduit notamment un chercheur comme Glassner
41
à soutenir que les médias cherchent à faire peur afin d’en tirer des avantages
économiques, plutôt que d’informer de façon rigoureuse et équilibrée.
Evoquant l’affaiblissement de la fonction de chien de garde du journalisme d’enquête
pratiqué chez les grands réseaux de télévision commerciale aux États-Unis, Kovach et
41
64
Glassner, Barry. The Culture of Fear: Why Americans are Afraid of the Wrong Things, New York, Basic Books, 1999, 276 p.
REMY Morgane_2008
V/ La presse et l’événement subprime.
Rosenstiel sont d’avis que plusieurs de ces émissions ont des apparences de journalisme
d’enquête, sauf qu’au lieu de surveiller les puissants et de protéger la société de leur
tyrannie, ils s’intéressent surtout à la sécurité personnelle des gens ou à leurs portefeuilles
en dénonçant les mécaniciens douteux, le manque de sécurité des piscines publiques, etc.
Ils se réfèrent notamment à une étude réalisée en 1997 concernant ces newsmagazines,
présentés aux heures de grande écoute, selon laquelle ce genre de journalisme ignore
la plupart des enjeux typiquement reliés à la fonction de chien de garde de la presse. Ils
déplorent également le traitement sensationnel d’enjeux parfois de grande importance dont
traitent ces émissions
42
.
43
Frost estime que les probabilités de sensationnalisme médiatique sont plus élevées
au début de la couverture médiatique d’un événement qui suscite l’intérêt du public, quand
les journalistes cherchent à répondre à cette demande subite pour une information de qualité
difficile à obtenir
5.7 Le temps de l’événement
Selon Paul Ricœur, il y a trois phases dans la genèse et le dévelope de l’événement
44
:
Émergence de l’occurrence proprement dite,
Recherche de sens,
Dilution de l’événement dans le récit construit à son propos.
Les récits journalistiques comportent une triple projection dans le temps
45
:
Un mouvement en arrière dans le but de découvrir certaines causes, provisoirement
présentées comme étant primordiales,
Une reconstitution de l’ensemble des chemins possibles depuis les causes détectées
jusqu’aux effets observés,
Une approche prospective, en anticipant les conséquences.
Le présent se situe entre la « nécessité rétrospective » et une « contingence
prospective ».
Si, en amont, l’événement est coupé de son ascendance, il engendre en aval une
descendance innombrable. Des crises et des sorties de crise, de la refondation d’un ordre
politique ou de l’arrivée des étrangers qui 'ont tout bouleversé', le souvenir est conservé,
la mémoire élaborée, de génération en génération, dans des paysages, des objets, des
généalogies, des récits, des commémorations. Car, comme le rappelle Paul Ricœur
42
46
Kovach, Bill et Rosenstiel, Tom. The Elements of Journalism: What Newspeople Should Know and the Public Should Expect,
New York, Crown Publishers, 2001, 205 p.
43
44
Frost, Chris. Media Ethics and Self-Regulation, Harlow, Longman, 2000, 271 p.
Paul Ricoeur, Evénement et sens publié dans la revue raisons pratiques, 1991, P 41-55.
45
46
Alain Flageul, Dossiers de l’audiovisuel, 2002, p21-25.
Paul Ricoeur,
La mémoire, l'histoire, l'oubli
, Le Seuil,
2000 .
REMY Morgane_2008
65
La construction médiatique de la crise « des subprimes »
, « l’événement, en son sens le plus primitif, est cela au sujet de quoi on témoigne. Il
est l’emblème de toutes les choses passées (praeterita) ». Point d’événement donc sans
récit, sans remontées vers la rupture initiale et, de là, redescentes jusqu’au narrateur.
Ainsi, le temps contracté de l’événement accouche d’une logorrhée narrative qui, à travers
chroniques, épopées et histoires diverses, énonce encore et encore de ce par quoi l’époque
nouvelle est advenue.
La crise comme événement discontinu
47
C’est toujours a posteriori qu’un événement peut être reconnu comme une crise : au
cœur du réel qui nous est imposé, nous ne sommes pas en mesure de prendre la distance
qui nous permet de repenser notre identité. La crise économique, financière, politique de
1929 est considérée comme LA crise car à l’issue de cet événement de nouvelles logiques
ont commencé à structurer le monde.
Le temps et les acteurs de la crise
48
La représentation de l’événement sous la forme d’une crise lui donne une temporalité :
différents moments qui marquent l’historicité d’une crise. En créant l’attente du dénouement
prévisible de la crise, les médias inscrivent la représentation de l’événement dans les
logiques d’un récit avec sa temporalité, son suspens (l’effet d’attente produit par la
dramatisation de l’information), mais aussi la détente que constitue son dénouement.
Au cours d’une crise, les acteurs ont à se situer, à adopter une certaine position les uns
par rapport aux autres, à faire face à certains enjeux de pouvoir, d’identités qui définissent
la dimension proprement politique de la crise.
Représentation et implications des crises
49
« Sur le plan réel, la représentation met en œuvre des institutions et des acteurs qui
donnent une consistance politique à la représentation du peuple
La représentation symbolique signifie les choix, les orientations et les opinions du
peuple assemblé, qui, de ce fait, voit reconnaître la signification de ses choix, d’un
engagement politique.
L’imaginaire politique donne à voir de façon fantasmatique et immédiate, les acteurs du
politique désormais structurés dans leur pratique symbolique. »
Le discours médiatique remet en cause la vision linéaire de la communication et
relève plutôt d’un modèle circulaire : "les médiateurs construisent une communication
qui tient compte des discours qui les informent à destination, entre autres, de ceux-là
même qu’ils convoquent et qu’ils interrogent, lesquels reprennent à nouveau ces discours
reconstruits à destination d’autres communautés mais aussi de ces mêmes médias, qui les
retransmettront à nouveau, etc."
47
48
49
50
66
50
Lamizet Bernard, Chapitre 11 : La crise ou l’envers du sens, Sémiotique de l’événement, Lavoissier, 2006
Idem
Idem
Sophie Moirand, p. 158
REMY Morgane_2008
V/ La presse et l’événement subprime.
5.8 La crise des subprimes, un objet politique de
rapport de force
La société se manifeste d’habitude comme « un système bien structuré, différencié et
51
hiérarchisé de positions économiques, juridiques et politiques. »
Cette structure, que
Turner dénomme 'societas', se sent menacée par toute forme de changement. Au moment
où ce changement peut se produire (catastrophes naturelles, conflits sociaux, modifications
dues au cycle de la vie et de la mort), les collectivités mettent en marche un ensemble de
rites qui doivent contrôler le flux du changement.
Dans le langage journalistique, l’événement est confondu avec la simple occurrence
mais il y a une différence entre un événement et "l’événement". L’événement implique alors
deux autres notions : l’événement imbrique le regard d’un public et il est ce qui se remarque.
Il y a trois types d’acteurs dans une crise
52
:
Les médias sont confrontés à ce qui fait rupture. Ils participent à la construction du sens
de ce qui arrive.
Les acteurs impliqués dans l’événement qui ont un rôle dans elles médias qui peut aller
d’une collaboration consensuelle à un rapport de force ouvert.
Le public sur lequel les médias ont un impact supposé. Ils peuvent vouloir anticiper,
instituer ou susciter telle ou telle réaction du public. Le traitement médiatique d’un
événement implique la présence d’un public qui affecte en retour l’événement lui-même.
La construction d’un événement n’est donc pas du simple ressort des acteurs. Ainsi, la
définition médiatique de la crise des subprimes, ainsi que la façon dont le public la perçoit
joue sur la construction de l’événement subprime.
D’après le sociologue Frédéric Lebaron, la presse économique a une vision du monde
favorable à l’ordre établi
53
:
La « naturalisation de l’ordre économique » passe par l’emploi de système d’opposition
de termes dont l’un est valorisé et l’autre non (mobile/immobile, fermeture/ouverture,
défense de privilèges/modernité) et qui s’avère efficace pour peu que ces termes réactivent
des dispositions sociales assez profondes : la valorisation de l’avenir, donc de la jeunesse
par exemple.
L’imposition d’un « point de vue de certains acteurs » comme celui des actionnaires.
Le développement du « journalisme économique » entendu comme spécialité
journalistique, professionnelle, allant de pair avec un regard et un ton technique et expert.
51
Turner V., 1969, The ritual process, New York,Adline Publ. Process.
52
53
Arnaud Mercier,Logiques journalistiques et lectures événementielle des faits d’actualité in Hermès N°46.
Frédéric Lebaron, Sociologie en Trente cinq fiches, Dunod, Express, 2007, p160.
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Conclusion
le rôle des médias dans l’émergence d’une crise
David Vannier, représentant du FMI, explique que les médias jouent un rôle important,
si ce n’est primordial. « En effet, les marchés répondent aux émotions. Or, si les médias
n’avaient pas parlé de la crise du sub-prime, les acteurs des marchés n’auraient sans
doute pas répondu avec la même urgence lors des premiers remouds. Sans cette réaction
immédiate, il est possible que les remous ne restent que cela : une légère perturbation.
Cependant, la concentration médiatique a fait de ces quelques remous une tempête,
et les petits porteurs d’actions, ainsi que les plus gros, ont cherché logiquement à se
défaire des ses éléments d’investissements. Et la tempête se traduit par les événements
de ces derniers mois ». Dans les mêmes conditions, Christian Chavagneux, rédacteur à
Alternatives économiques prend le contre-pied : « Les médias n’ont fait que présenter la
crise de confiance que les banques leur montraient. Les paniques boursières n’ont été que
des épiphénomènes. Le problème central est celui de la qualité du contrôle des risques
54
dans les banques » .
Après l’analyse menée lors de ce mémoire, on voit le rôle de la presse dans la définition
de la crise qui a ensuite nécessairement eu un impact sur les marchés. Cependant, si le
traitement médiatique cadre la crise, il s’agit clairement d’une interaction.
Il est permis de se demander si Internet n’a pas augmenté la désinformation et si
l’affluence d’articles sur le Web a inquiété les marchés. Après un rapide panorama de
la toile, la conclusion que l’on peut en tirer est qu’il y a une véritable rigueur complétée
par un jugement qualitatif de l’ensemble des internautes. Ainsi, sur les sites de presse
exclusivement en ligne, les articles ne contiennent pas d’erreurs et le rôle des commentaires
permet aux internautes une véritable interaction.
Le plus important à noter est que les articles sur des sites comme Rue 89, Bakchich
ou Media Part apportent un traitement de la crise véritablement alternatif sur deux points :
la vulgarisation est beaucoup plus poussée, il y a une véritable démocratisation du sujet, et
la toile offre une véritable tribune pour la critique du système.
Rue 89, dans un article titré « Crise financière : pas de panique ! », explique le
mécanisme de la crise comme un professeur d’économie le ferait au lycée. Il n’est pas
nécessaire d’avoir des connaissances préalables pour le comprendre. L’article est écrit par
Charles Wyplosz, Professeur à l’Institut Universitaire de Hautes études internationales,.
L’explication n’a rien de révolutionnaire mais elle a le mérite d’être simple : il a reçu une note
de 5/5 des internautes. Par ailleurs, le véritable intérêt est plus dans l’opportunité de débattre
sur la toile. Il y a des dizaines de réactions qui vont de la simple question de compréhension
55
à une tribune politique .
Mediapart, lui, prend le parti de politiser le sujet. Le lien est fait entre les subprimes,
la guerre en Irak et le déficit américain dans l’article « L’Irak = Crise des subprimes ?
54
55
68
Voir Interviews dans les annexes.
Charles Wyplosz, Crise financière : pas de panique ! http://www.rue89.com/2007/08/10/crise-financiere-pas-de-panique
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Conclusion
56
Oui
» écrit par Magnum (pseudo)qui se définit comme étant « analyste financier,
banque d’Investissement ». Il faut noter que ces informations sont fournies par l’internaute
au moment de l’inscription et ne peuvent être vérifiées. Le ton est ironique presque cynique.
Le troisième site de presse en ligne utilisé comme exemple est Bakchich. Ce site
choisit d’être une véritable alternative en offrant son espace médiatique comme tribune
57
à ATTAC dans l’article « Crise des subprimes : ATTAC contre-attaque
». Un des
débats récurrents dans le champ des médias radicaux est de savoir s’il faut concevoir les
médias militants comme une alternative à l’espace médiatique conventionnel, cherchant à
le concurrencer, le réformer ou lui imposer un nouvel agenda, ou bien comme des « médias
58
citoyens » cherchant à multiplier les dispositifs réflexifs au sein de la sphère militante, à
favoriser les expériences de mise en récit des engagements et à faire de la question de la
« démocratisation de l’information » un enjeu local, ciblé et spécifique à chacune des luttes
engagées.
A l’issue de cette étude, le fait que les médias jouent un rôle clé dans l’émergence
d’une crise s’impose comme une évidence. Il apparaît, en plus, que par le traitement qu’ils
lui réservent ils peuvent l’amplifier tant dans son ampleur que dans sa durée.`
56
Magnum, L’Irak = Crise des subprimes ? Oui,
http://www3.mediapart.fr/club/edition/inside-banking/article/100608/l-irak-
crise-des-subprimes-oui
57
58
ATTAC, Crise des subprimes : ATTAC acontre-attaque http://www.bakchich.info/article4725.html?var_recherche=subprime
C. Rodriguez, Fissure in the Mediascape. An International Study of Citizen’s Media, Hampton Press, Cresskill, 2001.
REMY Morgane_2008
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La construction médiatique de la crise « des subprimes »
Annexes
Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine
de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
70
REMY Morgane_2008
Bibliographie
Bibliographie
Le corpus est classé par ordre d’apparition dans le mémoire :
Elsa Poudrardin, La crise boursière d’avril 2000 dans les articles autour de la « nouvelle
économie » in Michèle Gabay, Communiquer dans un monde en crise : images,
représentations et médias.
Sophie Moirand, De la médiation à la médiatisation des faits scientifiques et
techniques : où en est l’analyse du discours ?, CEDISCOR-SYLED, université Paris
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2008.
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