GRANDEUR ET DÉCADENCE DE LA VILLE DE MAHAGONNY 1 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE LA VILLE DE MAHAGONNY
KURT WEILL DOSSIER PÉDAGOGIQUE
GRANDEUR ET DÉCADENCE DE LA VILLE DE MAHAGONNY 2 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
De quoi s’agit-il ? De la construction, sous nos yeux, d’une
ville-piège. De la création d’un immense trompe-l’oeil destiné
à attirer les hommes riches vers les plaisirs faciles. Cette
idylle de pacotille s’appelle Mahagonny, et nous assistons à
sa naissance, ses premières crises, sa période de splendeur
et sa décadence.
L’ouragan. La pièce repose sur une armature solide, quasi
parfaite. Vingt scènes (dans la version de 1930), dont les dix
premières correspondent à la fondation, puis à l’expansion
de la ville et à l’apparition des premières crises. Au centre,
un coup de théâtre, c’est-à-dire l’ouragan, qui amène un
revirement dans le destin de cette entreprise et la chute.
De part et d’autre de ce sommet, les scènes s’organisent en
miroir, de l’ascension à l’effondrement. Avec les résumés de
l’action affichés au début de chaque scène, cette histoire
prend la forme d’une parabole à valeur générale.
Opéra-piège. Mahagonny est un mot inventé, une ville
qui n’existe pas. Elle est tout à la fois Berlin, Bénarès ou
Miami. Elle est aussi la ville du péché, Babylone, Sodome et
Gomorrhe, toutes références bibliques soutenues par le
renvoi au déluge, à la tempête purificatrice. Avant la chute
dans le péché et l’adoration/dévoration du veau d’or (scène
16). Cette apparence de parc d’attraction moderne pour
citadins fatigués n’est qu’un immense trompe-l’oeil, un décor
de carton-pâte. Une ville-piège et un opéra-piège.
Fascination. Comme beaucoup de jeunes artistes
européens, Weill et Brecht étaient fascinés par tout ce qui
venait des États-Unis, de la mode vestimentaire au jazz en
passant par le cinéma, les romans-photos, les westerns,
le climat tropical de Floride et de Californie et la violence
des années vingt. Weill raconte que c’est au cours d’une
conversation avec Brecht sur les possibilités offertes par
l’opéra, lors de leur première rencontre en 1927, que le mot
Mahagonny vint sur le tapis et, avec lui, l’idée d’une «ville
paradisiaque».
Introduction
GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE LA VILLE DE MAHAGONNY
L’AVANT-SCÈNE OPÉRA
Dépôt légal:
3e trimestre 1995
Acte 2 Faire l’amour.
Devant le bordel de la veuve Begbick, chacun attend son tour.
Photo : Willam Struhs
GRANDEUR ET DÉCADENCE DE LA VILLE DE MAHAGONNY 3 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Opéra en trois actes.
Livret de Bertolt Brecht
assisté d’Elisabeth Hauptmann, Caspar Neher et Kurt Weill.
Créé au Neues Theater de Leipzig, le 9 mars 1930.
[Opéra en allemand avec surtitres en français]
Direction musicale PASCAL VERROT
Mise en scène
PATRICE CAURIER ET MOSHE LEISER
Décor Christian Fenouillat
Costumes Agostino Cavalca
Lumière Christophe Forey
avec
Nuala Willis, Léocadia Begbick
Beau Palmer, Fatty, le « Fondé de pouvoir »
Nicholas Folwell, Moïse la Trinité
Elzbieta Szmytka, Jenny Hill
Andrew Rees, Jim Mahoney
Eric Huchet, Jack O’Brien / Tobby Higgins
Randall Jakobsh, Bill, surnommé Billy Tiroir-caisse
Frédéric Caton, Joe, surnommé Joe le Loup d’Alaska
Choeur d’Angers Nantes Opéra
Direction Xavier Ribes
Fanfare de la 9e Brigade Légère Blindée
de Marine de Nantes
Direction Philippe Hardy
Orchestre National des Pays de la Loire
Production Opéra de Lausanne 1997.
Reprise Angers Nantes Opéra
en collaboration avec le
Spoletto Festival USA
2007 de Charleston,
coproduction Opéra de Lille.
NANTES THEATRE GRASLIN
samedi 21, mardi 24, jeudi 26 février, dimanche 1er, mardi 3 mars 2009
ANGERS GRAND THEATRE
mardi 10, jeudi 12, dimanche 15 mars 2009
En semaine à 20h, le dimanche à 14h30
ET AUSSI A L’OPERA DE LILLE LES 3, 5, 7, 9 AVRIL 2009
Distribution
GRANDEUR ET DÉCADENCE DE LA VILLE DE MAHAGONNY 4 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Comme une prémonition du Las Vegas de
l’après seconde guerre mondiale, Kurt Weill et Bertolt Brecht imaginent
dès 1930 une improbable ville de Mahagonny bâtie en plein désert par
trois malfrats en cavale. A Mahagonny tout sera permis, se remplir la
panse, faire l’amour, se battre, boire… pourvu qu’on ait l’argent ! Babylone
moderne qui se conduit à sa propre perte, la ville piège est peuplée de
plaisirs fantomatiques, de piètres désespoirs, de morts absurdes. Auteurs
avec Elisabeth Hauptmann et Caspar Neher de cette épopée dérisoire
et drolatique, Weill et Brecht empruntent sans vergogne à la musique
populaire et au pittoresque d’une Amérique qui les fascine pour mieux
provoquer la rigide Allemagne vivant sans y voir la montée du nazisme qui
les poussera à l’exil trois ans plus tard.
S’amusant de la distanciation chère à Brecht, la mise en scène de Patrice
Caurier et Moshe Leiser est farce, étonne d’un rien, bouscule l’esthétique,
cligne de l’oeil, ne se joue pas du public mais joue avec lui pour, surtout,
ne jamais le distraire de penser.
Dans une « note importante concernant le décor et les costumes », Kurt
Weill et Bertolt Brecht indiquent que « tout rapprochement avec un
romantisme cow-boy ou Far West, de même que toute insistance sur
un milieu typiquement américain, sont à éviter ». Pourtant, ils ont à peine
la trentaine quand ils présentent à Baden-Baden en 1927 Mahagonny-
Songspiel, première ébauche de leur futur opéra, et comme beaucoup
de jeunes artistes européens, adorent tout ce qui vient des États-Unis.
Leur oeuvre, grouillant de personnages qui doivent plus à la Ruée vers l’or
qu’à l’opéra classique, rythmée de chansons que l’on pourrait entendre
au cabaret, actionnant cuivres et fanfare, font plus que référence à
l’Amérique moderne et populaire qu’ils affectionnent.
Un opéra moderne et populaire, c’est d’ailleurs bien ce qui préoccupe et
rapproche Kurt Weill et Bertolt Brecht. Le premier qui cherche à remettre
en cause les conventions dramatiques du XIXe siècle et croit intensément
à la fonction sociale de l’opéra, le second qui, usant déjà de la musique
dans ses pièces pour porter l’action et créer des ruptures, plongé depuis
1926 dans une lecture de Karl Marx qui l’incite à parler du capitalisme et
de ses conséquences sur la vie de l’individu dans la société, ne peut que
partager cette façon de voir qu’il développera d’ailleurs plus tard dans
ses théories sur l’opéra. On comprend dès lors leur réticence à laisser
supposer que leur oeuvre se déroule Outre-Atlantique, leur besoin de
préciser que « les plaisirs humains que l’on obtient pour de l’argent [sont]
sensiblement les mêmes toujours et partout, et Mahagonny, la ville du
plaisir, [est] internationale au sens le plus large du terme ».
Pour l’essentiel, l’oeuvre est même profondément allemande, hostile à
l’opéra wagnérien, opposant aux règles d’un art défendu par les forces
conservatrices, une culture populaire, encore vivace dans l’Allemagne
du Sud naquit Brecht, dans laquelle bateleurs, chanteurs de rue,
cabaret et cirque animent les foires. Les Opéras ne s’y trompent pas
qui censurent les premières représentations. La critique officielle et le
nazisme émergeant non plus, qui se servent de Grandeur et décadence
de la ville de Mahagonny pour étendre à l’art l’idée d’une « menace
judéobolchévique ».
Acte 1
1. Fondation de la ville de Mahagonny. Une contrée désertique. Un
camion pourri tombe en panne ; à son bord : la veuve Leokadja Begbick,
Moïse la Trinité, Fatty « le fondé de pouvoir ». Devant eux le désert ;
derrière eux, la police qui les recherche. Sur proposition de Begbick, ils
restent là et fondent Mahagonny, « la ville piège ».
2. Rapidement, dans les semaines qui suivent surgit une ville.
Apparaissent
Jenny et six filles en quête d’hommes et de dollars. Elles chantent
Alabama Song.
3. La nouvelle atteint les grandes villes. Fatty et Moïse, en bon
représentants, vantent les qualités de la vie à Mahagonny.
4. Les mécontents de tous les continents affluent à Mahagonny.
Arrive un
groupe de quatre bûcherons d’Alaska : Jim Mahoney, Jack O’Brien, Bill et
Joe.
5. Arrive un certain Jim Mahoney… Débarcadère de Mahagonny. Les
quatre bûcherons sont accueillis par la veuve Begbick qui leur présente
ses filles. Marchandages sur tous les prix. Jenny chante la leçon de sa
mère. Ma fille ne te vends pas pour quelques dollars seulement.
6. Initiation. Jenny demande à Jim ce qu’elle doit faire pour lui plaire.
7. Toutes les grandes entreprises ont leurs crises. Hôtel de l’Homme
Argument
GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE LA VILLE DE MAHAGONNY
programme de
l’opéra de Lausanne
Production 1997
«
Qu’avons-nous besoin
d’un ouragan ?
Le pire typhon ne vaut pas
La fureur de l’homme
qui veut se distraire.
»
Jim, Grandeur et décadence de la ville de
MahaGonny
GRANDEUR ET DÉCADENCE DE LA VILLE DE MAHAGONNY 5 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Riche. Fatty et Moïse au bar. La Begbick est inquiète de voir ses clients s’en
aller. Mahagonny ne serait-elle qu’une mauvaise affaire ? Elle se propose
de retourner d’où ils viennent ; on lui fait observer que les policiers qui la
recherchent sont arrivés à Pensacola.
8. Tous ceux qui cherchent vraiment sont déçus. Parmi eux, Jim
Mahoney. Il voudrait quitter cette ville où des pancartes d’interdiction
sont apparues un peu partout. Et puis il s’y ennuie tellement qu’il voudrait
manger son chapeau. Ses amis le ramènent dans la ville.
9. Hôtel de l’Homme Riche ; les hommes se prélassent et boivent.
Jack s’extasie devant une musique triviale. Jim exprime sa nostalgie des
années passées en Alaska. Il constate que Mahagonny n’existe que parce
que le monde est mauvais.
10. Un cyclone se dirige sur Mahagonny.
11. Dans cette nuit d’épouvante, un simple bûcheron nommé Jim
Mahoney découvre les lois du bonheur humain.
Devant ses compagnons terrorisés, Jim, très exalté, découvre qu’il est
vain de construire quoi que ce soit, quand un ouragan peut tout détruire.
Il chante son « Ne vous laissez pas tomber ». Il professe un nouveau credo
: « Fais ce qui te plaît ».
Acte 2
12. Au tout dernier moment le cyclone contourne Mahagonny. Des
annonces radio successives informent de l’avancée du cyclone : il a
détruit Atsena, puis Pensacola. Près d’atteindre Mahagonny, le cyclone
contourne la ville. Depuis ce jour, la devise des gens de Mahagonny
devient « Tout est permis ».
13. Grande activité à Mahagonny, un an après le cyclone. –Manger. Jack
O’Brien, « le goinfre », mange un veau, puis encore un veau, jusqu’à en
mourir.
14. Faire l’amour. Devant le bordel de la veuve Begbick, chacun attend
son tour.
15. Se battre. On installe un ring. Joe « le loup de l’Alaska » contre Moïse
la Trinité. On va vers un jeu de massacre ; pourtant Jim, en souvenir des
jours passés en Alaska, mise tout son argent sur son ami. K.O mortel. Joe
est mort, Jim est ruiné.
16. Boire. Jim paie deux tournées générales. Quand il s’agit de payer,
il n’a pas de quoi ; il invente un jeu de rôles pour biaiser : sur le billard,
on embarque pour un retour en Alaska. Mais cela ne fait que différer
l’inévitable : l’addition.
Acte 3
17. Un jour maudit. Il fait nuit. Enchaîné, Jim attend son procès dans
l’angoisse.
18. Les tribunaux de Mahagonny n’étaient pas pires que les autres.
Begbick au banc des juges ; Fatty à la défense. Moïse qui vient de tuer Jack,
est procureur. Tobby Higgins, l’ennemi public no 1, est acquitté parce qu’il
sait corrompre le tribunal. Jim est condamné à mort « pour avoir manqué
d’argent, le plus grand forfait qui existe sur la terre ».
19. Exécution et mort de Jim Mahoney. Beaucoup verront sans plaisir
l’exécution de Jim Mahoney ; mais vous, Monsieur, n’auriez sans doute
pas plus que d’autres payé pour lui. Tel est de nos jours le respect à
l’argent.
Avant de mourir, Jim prend congé de Jenny. Jim ne regrette rien et chante
son « Ne vous laissez pas tromper » ; il demande à la Bagbick si elle sait
qu’il y a un Dieu.
20. Jenny et quatre hommes jouent le « jeu de Dieu à Mahagonny ».
Et dans une confusion croissante, au milieu de l’inflation et de l’hostilité
générale, dans les dernières semaines de la ville, les survivants,
incorrigibles, manifestent pour leur idéal. Tandis que sont présentés le
corps de Jim et ses effets personnels, la foule arrive et conclut : « On ne
peut jamais rien pour personne ».
Argument
GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE LA VILLE DE MAHAGONNY
programme de
l’opéra de Lausanne
Production 1997
Se battre acte 2
Photo : William Struhs
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !