SESNIS épouse HUIN Brigitte Superviseur de 2ème année : Gabriela ANCHEN 15, rue des capucines 54340 - POMPEY Traitement Cognitivo-Comportemental d’un cas de trouble panique avec agoraphobie chez un patient souffrant d’une dépendance éthylique Mémoire de troisième année AFTCC 2011/2012 Sommaire I) Le trouble panique avec agoraphobie 1) 2) 3) 4) II) Historique Etiopathogénie Epidémiologie Anxiété et alcoolisme Cadre de travail III) Analyse de la demande IV) Anamnèse V) Diagnostic VI) Analyse fonctionnelle VII) Mesures d’évaluation VIII) Projection thérapeutique avec réflexion sur les précautions diverses IX) Le contrat thérapeutique X) Cas clinique XI) Analyse de l’échec ou de la réussite XII) Conclusion I) Le trouble panique avec agoraphobie « Les attaques de panique (AP) et leur complication principale, l’agoraphobie sont des entités cliniques reconnues depuis le XIX siècle. L’état d’alarme et d’hypervigilance qu’elles suscitent favorise le développement d’une anxiété chronique qui facilite la survenue de nouvelles AP. Cette spirale anxieuse du trouble panique (TP) occasionne une souffrance psychique intense pouvant aller jusqu’à la détresse. Les conduites d’évitement liées à l’agoraphobie perturbent de manière parfois très invalidante les modes de vie de ceux qui en souffrent. » (Mary-Rabine & Mollard, 2007, chap.6) « L’agoraphobie est définie par la phobie de se retrouver dans des endroits où la survenue d’une attaque de panique serait problématique : soit parce qu’il y serait difficile ou socialement gênant de s’échapper, soit parce qu’on pourrait ne pas être secouru si le malaise redouté s’avérait grave ». (André, 2005, chap.9) 1) Historique «Connues et décrites depuis toujours par les médecins et les écrivains, les peurs excessives se sont vues attribuer des causes variées au cours des âges. Longtemps, elles furent interprétées comme des manifestations surnaturelles - possession démoniaque, mises à l’épreuve par une divinité – ou inexplicables». (André, 2005, chap.2) Le mot français panique vient du grec « panikos » signifiant en rapport avec le dieu Pan. Celui-ci, dont la moitié du corps avait l’aspect d’un bouc, était dans la mythologie un dieu rustique, en relation avec la nature sauvage, les troupeaux, les collines, les pâturages et les bois. Il était capable de produire des bruits intenses et rauques et inspirait la terreur. (Lemperière, 1998, chap.1) Si le « délire émotif » de Morel marque une étape importante dans l’histoire des états anxieux, l’article de Westphal, paru 6 ans plus tard, en 1872, « L’agoraphobie, une manifestation névropathique » est la première description détaillée d’une manifestation de cette classe qui allait plus tard se trouver étroitement associée au concept d’attaque de panique. Westphal indique qu’il a créé le terme agoraphobie parce que le phénomène central est la peur (phobos) des places (agora) et des rues. Le concept d’agoraphobie fut immédiatement accepté internationalement. 1 L’introducteur principal de l’agoraphobie en France va être Legrand du Saulle qui présenta une communication intitulée « De la peur des espaces » et justifie le nom par le fait que le trouble survient aussi bien au théâtre, dans une voiture publique, dans une barque ou sur un pont. «En 1895, Freud (cité par Rouillon, 2010) publie son célèbre article intitulé: Qu’il est justifié de séparer de la neurasthénie, un certain complexe symptomatique sous le nom de névrose d’angoisse». Rouillon (2010) précise que la séméiologie, telle que nous la connaissons aujourd’hui et telle qu’elle est reprise dans la critériologie du DSM, y était déjà mentionnée, que ce soit les signes somatiques, l’hyperesthésie, l’attente anxieuse, les manifestations neuropsychiques, l’insomnie…..Freud insistait en outre sur l’évolution possible vers l’agoraphobie à la faveur d’une répétition des crises et de l’appréhension de leur réapparition (anxiété anticipatoire).Au-delà de l’observation clinique, Freud élaborait sa théorie explicative de l’angoisse où la frustration sexuelle tient une place centrale. Avec les thèses de Freud, au début du XXe siècle, les phobies devinrent pour les psychanalystes les symptômes apparents d’un conflit inconscient, et le résultat de mécanismes de défense destinés à protéger le moi». (André, 2005, chap.2) C’est Klein, psychiatre au Hillside Hospital qui substitue au terme habituel d’attaque d’angoisse le terme attaque de panique et l’isole comme entité spécifique. Le DSM-II ne se référait qu’à la névrose d’angoisse et, en 1980, le DSM-III décrit comme une entité diagnostique le trouble panique catégorisé de façon spécifique sous l’égide du groupe de travail de Robert Spitzer. Les relations entre le trouble panique et l’agoraphobie sont soulignées par la création de la catégorie agoraphobie avec attaques de panique. Plusieurs remaniements successifs quant à la définition et les critères du trouble panique s’effectueront ensuite à travers le DSM-III-R, puis le DSM-IV, mettant en évidence l’existence d’interrogations et de controverses. Parallèlement, l’essor théorique et thérapeutique du modèle comportemental et cognitif a permis un important enrichissement et a joué un rôle significatif dans la conceptualisation des troubles anxieux. La thèse de la phobie comme comportement appris est née suite aux travaux expérimentaux de Watson en 1920, et constitue le point de départ des conceptions comportementales puis cognitives de la phobie qui sont, de nos jours, extrêmement développées. Ces théories mettent l’accent sur le conditionnement, les croyances et les schémas de pensée. (Pedinielli & Bertagne, 2010). 2 2) Etiopathogénie L’étude des désordres cérébraux sous-jacents au trouble panique s’est développée ces dernières décennies et deux concepts ont été généralement adoptés. Le premier repose sur l’hypothèse d’une vulnérabilité biologique commune au TP et à l’agoraphobie avec la mise en évidence d’induction d’AP par certains agents non spécifiques (notamment, le lactate de sodium ou le CO2), agissant par l’intermédiaire d’un dérèglement du système d’adaptation métabolique et respiratoire; source d’un déséquilibre acido-basique et d’une hyperventilation. Ainsi, ces produits, inhalés ou injectés provoqueraient une stimulation des récepteurs périphériques et centraux dont l’hypersensibilité à des modifications de la capnie et du Ph serait le témoin de la vulnérabilité des sujets paniqueurs. Mises en alerte par ces informations neurométaboliques signalant un certain degré de suffocation, des afférences diffuseraient alors l’influx jusqu’à un niveau central en précipitant l’hyperexcitation neurovégétative. L’existence d’AP nocturnes spontanées durant les phases de sommeil où la capnie s’élève plaide en faveur de cette sensibilité biologique. «Cette hypersensibilité semble d’ailleurs être un marqueur familial de risque pour le TPA, puisqu’elle est retrouvée à une fréquence élevée chez des proches de personnes victimes de ce trouble» (André, 2005, chap.9) L’autre approche met en évidence l’activité de multiples circuits du système nerveux central dans l’expression des émotions. «L’amygdale joue un rôle essentiel dans l’appréciation du danger. Une fois activée par des stimuli de menace, l’amygdale pourrait exercer une influence sur un éventail de processus cognitifs incluant la perception, l’attention sélective et la mémoire». (MaryRabine & Mollard, 2007, chap.6) 3) Epidémiologie «Les études épidémiologiques concernant le TP réalisées en population générale, font état d’une prévalence sur la vie entière d’environ 2% (1,6% à 3,5%).Une étude française de Lépine et Lellouch (1993), à partir d’un échantillon des habitants d’une ville de la région parisienne, retrouve une prévalence de 2,2%». (Servant & Parquet, 2000) Le TP est plus fréquent chez les femmes et les personnes vivant seules. Les attaques de panique isolées semblent relativement fréquentes. André (2005) relate qu’une telle expérience pénible frappera environ 8 à 15% des personnes au moins une fois dans leur vie. 3 Des études faites sur des populations ou des échantillons cliniques en médecine générale et en médecine spécialisée montrent aussi que le TP est fréquent mais reste largement sous diagnostiqué. (Servant & Parquet, 2000) (Mary-Rabine & Mollard ,2007) relatent qu’en population clinique non psychiatrique, les taux de prévalence se situent entre 10 et 30% pour les pathologies vestibulaires, respiratoires et neurologiques. Dubois-Carmagnat, Dubois, Darves-Bornoz, Scaramozzino et Degiovanni (1999) estiment la prévalence du TP chez des patients atteints de pathologie cardiaque à 6,8% suivant les critères du DSM-IV. Une étude française récente (étude PANDA) sur 8137 patients vus en psychiatrie ambulatoire montre que le TP correspond à 9% des consultants selon les critères du DSM- IV. Dans seulement un tiers des cas le diagnostic avait été antérieurement posé, ce qui confirme que le trouble panique reste sous diagnostiqué également dans les spécialités médicales. (Servant & Parquet, 2000). Environ un tiers à la moitié des sujets ayant un diagnostic de TP en population générale souffre d’agoraphobie. Les comorbidités psychiatriques du TP sont fréquentes, notamment la dépression. Certains auteurs estiment le sur- risque de présenter un état dépressif chez les sujets paniqueurs entre quatre et vingt. Le trouble anxieux généralisé coexiste souvent avec le TP. Par ailleurs, la constance de la comorbidité du TP et des troubles de la personnalité fait suggérer l’existence d’un lien entre les deux troubles. De façon logique, les troubles du groupe C sont les plus fréquents tandis que ceux du groupe B sont dans une position intermédiaire et ceux du groupe A sont rarement rencontrés. La personnalité pathologique peut être un facteur de vulnérabilité au TP, comme elle peut être une conséquence du TP à travers les remaniements de la personnalité liés à l’évolution du trouble et à l’impact de ses complications. (Amami, Aloulou, Siala & Aribi, 2009) La fréquence d’antécédents de tentative de suicide est de 6% dans l’étude PANDA. 4) Anxiété et alcoolisme La fréquence de l’association entre anxiété et alcoolisme est une donnée clinique classique. Les liens entre alcoolisme, anxiolyse et anxiété apparaissent ainsi particulièrement complexes. (Adès & Lejoyeux, 2003). Dans la population générale, la prévalence des symptômes psychiatriques est deux à trois fois supérieure à celle des maladies psychiatriques. Chez les alcooliques, le rapport entre 4 la fréquence des symptômes et celle des maladies est encore plus élevée. La prévalence des symptômes psychiatriques est sept à huit fois supérieure à celle des maladies psychiatriques. Les symptômes anxieux isolés s’observent fréquemment chez les patients alcooliques alors que seuls 20 à 30% des sujets présentent un trouble anxieux caractérisé et persistant. L’agoraphobie, la phobie sociale, le trouble panique, et l’anxiété généralisée sont les troubles anxieux co-morbides caractérisés de l’alcoolisme ainsi que les syndromes de stress post-traumatiques.( Kushner et al,1990 ; Richa et al, 2008 ). Gorwood (2010) spécifie que les troubles anxieux les plus à risque d’alcoolo-dépendance sont la phobie sociale, le trouble panique et le syndrome de stress post-traumatique (risque multiplié par 3). L’effet anxiolytique, apaisant et sédatif de l’alcool entraîne une automédication de l’anxiété phobique qui secondairement aggrave les symptômes anxio-phobiques et les pérennise, voire les majore car la consommation chronique d’alcool a des effets anxiogènes et dépresseurs. Cet effet anxiolytique de l’alcool fournit au comportement un renforcement immédiat qui le privilégie par rapport à d’autres conduites adaptatives destinées à soulager l’anxiété. L’alcoolisme peut être envisagé comme un comportement appris, suscité par l’anxiété et le stress et renforcé par les récompenses d’une réduction des tensions internes. Par ailleurs, Richa, Kazour et Baddoura (2006) notent qu’il existe une association intrafamiliale entre troubles anxieux et alcoolisme : l’abus d’alcool favoriserait l’apparition de troubles anxieux chez les apparentés du premier degré et vice versa. Selon les cas, l’alcoolisme peut précéder, suivre ou survenir simultanément avec les troubles anxieux ; les phobies sociales simples et l’agoraphobie précèdent l’alcoolisme, alors que ce dernier débute simultanément avec le trouble anxieux généralisé. L’alcool peut avoir un effet anxiolytique ou anxiogène selon la quantité ingérée, et ce, par altération de la neurotransmission au niveau des récepteurs GABA, glutamate et noradrénergique. 5 II) Cadre de travail La première rencontre avec le patient a eu lieu à L’EHLAM de hôpital Bon-Secours de METZ. L’EHLAM était l’Equipe Hospitalière de Liaison en Alcoologie de la Moselle, sa dénomination est en train de changer pour un ELSA : Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie. L’ELSA fonctionne sur le CHR mais dépend du CHS de Jury-les-Metz, et fait partie du pôle urgences psychiatriques, liaisons, et gérontopsychiatrie. Deux psychiatres consultent à l’ELSA, l’un est le chef de pôle, l’autre est psychiatre addictologue responsable du SST (Service de soins aux toxicomanes). Les 2 psychiatres et le médecin addictologue font de la liaison en addictologie mais surtout des consultations hospitalières ambulatoires pour toutes les addictions avec une ou plusieurs substances psycho-actives (alcool, cocaïne, crack, héroïne….) mais aussi pour les troubles du comportement alimentaire, ainsi que les addictions sans produit (jeu pathologique, Internet…). L’équipe paramédicale se compose de deux infirmiers en psychiatrie à temps partiel, qui partagent leur temps entre le centre Baudelaire (CSAPA toxicomanie) et l’ELSA ainsi que d’une secrétaire à temps plein.Un des membres de l’équipe va se former en relaxation et en sophrologie afin de proposer aux patients des ateliers. La psychologue du SPUL (service des urgences psychiatriques) reçoit des patients de l’ELSA en psychothérapie d’inspiration analytique. Actuellement, un groupe de paroles bi-mensuel fonctionne et le patient participe activement et régulièrement à ce groupe, il ne bénéficie pas de thérapie de soutien. III) Analyse de la demande L’orientation sur l’ELSA été proposé par le spécialiste hépato-gastro-entérologue de la clinique Saint-André de METZ. En novembre 2010 le patient a réalisé un sevrage alcool ainsi qu’un bilan mettant en évidence une cirrhose hépatique. Le sevrage a été complété par une postcure alcool de 3 mois au CSSRA Marienbronn à LOBSANN. Le spécialiste adresse le patient pour prise en charge du maintien de l’abstinence à l’alcool auprès de l’ELSA lors de la consultation de contrôle. Le patient a précédemment consulté deux psychiatres pour son trouble, l’accent est mis sur la timidité et l’anxiété. Son traitement comporte : alprazolam 0,25mg à raison de 3 par jour. Lors du premier entretien, le patient est très timide, les yeux baissés, transpirant légèrement avec parfois un léger bégaiement. Il évoque l’usage d’alcool depuis de nombreuses années, les 6 conflits conjugaux, les difficultés au travail, le sevrage, la postcure. Sa demande explicite est de rester abstinent. Il est en arrêt de travail. Par ailleurs, il décrit des crises, survenant plusieurs fois dans la journée, ainsi que des peurs multiples avec une anxiété anticipatoire. Il ne sort pratiquement plus seul, mais uniquement avec sa femme ; les sorties sont très restreintes. Il fuit les supermarchés, le cinéma, les rues bondées, les repas de famille, le travail, la conduite automobile, les embouteillages, les transports en commun, craint le jugement et le regard d’autrui. Les crises, à raison de 6 à 10 par jour comportent une sensation d’étouffement, une accélération du rythme cardiaque, une transpiration abondante, la tête qui tourne, les jambes en coton et la peur de s’évanouir. Le patient relate qu’il lui est devenu impossible de travailler : il est conducteur d’engin (un cavalier), il fait des attaques de panique, il lui est alors impossible de s’échapper, de trouver un refuge. Il est en grande souffrance, dans une incompréhension ; parle de folie. Le trouble anxieux est abordé, c’est la première fois de sa vie qu’il entend le mot agoraphobie. Le fait de nommer, de préciser ce dont il souffre : trouble panique avec agoraphobie et phobie sociale, le rassure. De l’information est donnée. Le patient est attentif, coopérant, il exprime son accord pour s’informer par la lecture d’ouvrages et sur internet. Il a été choisi de travailler le trouble panique avec agoraphobie car c’est le problème le plus handicapant pour lui. Le maintien de l’abstinence à l’alcool ne semble pas poser de problèmes, en minorant le trouble anxieux, on agit également sur le craving à l’alcool. IV) Anamnèse Le patient est âgé de 38 ans, père d’une fille de 13 ans qui vit avec sa mère dont il séparé. Il est marié, et avec sa femme élève ses 2 fils âgés respectivement de 8 et 4 ans. Il est conducteur d’engin, sa femme est employée de maison. Il a deux sœurs, il n’entretient pas de relations avec elles. Ses parents sont décédés : quand il a 33 ans, sa mère décède d’une tumeur au cerveau. Elle avait 53 ans. Deux ans plus tard, son père décède d’un cancer. 7 Quand il a 12 ans, ses parents divorcent. Sa mère avait une liaison. Elle s’est remariée avec un africain. Il décrit sa mère comme dépressive, ayant fait plusieurs tentatives de suicide suivies d’hospitalisation en psychiatrie. Sa mère lui donnait beaucoup d’amour. Son père était agent de maîtrise, il le décrit comme très autoritaire, fils d’une mère elle-même autoritaire d’origine italienne. Il a grandi avec la peur de son père. Il n’y a pas de problématique alcool chez les parents ni les grands-parents paternels et maternels. Il se décrit comme très timide dès le CP, se souvient qu’en 6ème, il fuguait le collège pour ne pas aller à la piscine. Une fois ses parents séparés, il vit avec sa mère, elle n’avait pas de ressources. Il se souvient qu’il portait le même pantalon toute l’année jamais lavé, et alternait avec un vieux survêtement de sport ; tout le monde se moquait de lui. Les souvenirs d’école, de collège sont marqués du fait qu’il ne savait pas se défendre. Le sentiment qui domine son enfance est la honte. Il obtient un BEP comptabilité ainsi qu’un CAP dactylographie puis il passera un CACES catégorie 3 et 4. La consommation d’alcool débute à l’adolescence, vers 14 ans, de la bière les week-ends. Vers 17 ans, la consommation augmente toujours sur un mode festif. Le patient relate qu’étant tellement timide, l’alcool permettait d’être bien dans son autre personnalité. Le patient décrit sa peur grandissante des situations sociales, gérées de plus en plus avec l’alcool. Vers 32 ans, apparaissent les premières attaques de panique : la première dans le cavalier, au travail, et la terrible constatation qu’il ne peut s’échapper. Les attaques de panique se multiplient, les évitements s’installent, toujours plus nombreux. L’alcool permet de se détendre après le travail, d’être une autre personne, d’être autrement. L’alcool est décrit comme donnant du cran. Le mésusage dure plusieurs années et la dépendance éthylique s’installe, avec depuis 5 à 6 ans l’apparition du trouble panique avec agoraphobie dont la sévérité a été croissante jusqu’à invalider presque totalement le patient dans sa vie personnelle, professionnelle et familiale. La vie sociale est quasi inexistante, l’évitement très important. En ce qui concerne les pensées, le patient se dit inintéressant, l’estime de soi est faible, la peur est omniprésente : peur de faire un malaise, peur d’être secouru, peur d’être ridicule, peur de sortir du domicile, éreutophobie. La crainte est permanente d’avoir une attaque de panique. Il n’y a pas d’attaque de panique nocturne. 8 V) Diagnostic En référence au DSM-IV-TR (2003) le patient présente : Axe I : - un trouble panique avec agoraphobie - une phobie sociale - une dépendance alcoolique avec dépendance physique : le patient est totalement sevré d’alcool. - une dépendance à la nicotine avec dépendance physique consommation de 20 cigarettes par jour depuis l’adolescence. (Les critères diagnostiques du trouble panique, de l’agoraphobie, de la phobie sociale et des troubles liés à l’utilisation d’alcool et de nicotine sont en annexes) Axe II : Cluster C des troubles de la personnalité - Un trouble de la personnalité : personnalité évitante : un mode général d’inhibition sociale, de sentiment de ne pas être à la hauteur et d’hypersensibilité au jugement négatif d’autrui. Diagnostic différentiel En référence au DSM-IV-TR (2003) le patient ne présente pas : - Un trouble anxieux dû à une affection médicale générale : des attaques de panique peuvent être causées par l’hyperthyroïdie, l’hyperparathyroïdie, le phéochromocytome, les dysfonctions vestibulaires, les crises convulsives et les affections cardiaques : le patient est indemne de ces pathologies. - Un trouble dépressif qui s’accompagne souvent d’une inhibition, d’un manque d’intérêt pour autrui et d’un retrait social. Le sujet peut éviter de quitter son domicile du fait d’une apathie, d’une perte d’énergie et d’une anhédonie. 9 - Un trouble anxieux induit par l’alcool : à l’arrêt de l’alcool, le trouble panique avec agoraphobie perdure même si l’éthylisme chronique s’intrique avec le trouble anxieux. - Autres troubles anxieux : les attaques de panique qui surviennent dans le cadre d’autres troubles anxieux sont liées aux situations ou favorisées par les situations : induites par un objet ou une situation dans la phobie spécifique ; induites par des préoccupations anxieuses dans le trouble anxiété généralisée ; induites par l’exposition à l’objet d’une obsession ou bien par les pensées relatives à l’objet d’une obsession dans le trouble obsessionnel compulsif ; induites par les stimulus rappelant le facteur de stress dans l’état de stress post-traumatique. - Une anxiété de séparation : la détresse ne provient pas de la séparation d’avec la maison ou des principales figures d’attachement. VI) Analyse fonctionnelle Cottraux (1995) explique que « l’analyse fonctionnelle porte sur l’observation du comportement directement ou indirectement quantifiable. Son but est de préciser les conditions de maintien, et de déclenchement des comportements. L’analyse fonctionnelle ne s’arrête pas aux aspects superficiels, mais cherche à isoler le ou les problèmes clés, dont la solution modifiera de façon durable et importante le comportement ». L’analyse fonctionnelle repose sur l’utilisation de la grille SECCA de Cottraux (cité par Ylieff & Fontaine, 2007, p.63) élaborée pour les problématiques anxieuses et dépressives. La première partie ou diachronie regroupe les évènements de l’histoire passée du sujet. La deuxième partie ou synchronie permet d’analyser les interactions dans la séquence stimulus-émotioncognition-comportement ainsi que leurs conséquences sur l’environnement social. Secca diachronique Données structurales possibles : Génétiques : La grand-mère paternelle est décrite comme autoritaire ainsi que son père, qualifié également de dur. Sa mère est dépressive, et effectue plusieurs tentatives de suicide, elle est hospitalisée de nombreuses fois en psychiatrie. Le grand-père maternel, d’origine hongroise, n’est pas le père biologique de sa mère. 10 Personnalité du patient : Il est timide, désemparé, ne comprend pas ce qui lui arrive mais rapidement devient confiant. Avec quelques consultations, la gêne disparaît, les informations sont données sans réticence. Il n’y a pas d’absentéisme. Facteurs déclenchants initiaux : Il craint son père, ce dernier lui demande de réussir tout ce qu’il fait et de briller, il souffre de ne pas être entendu dans sa timidité, dans ce qu’il aimerait faire. Suite au divorce de ses parents, il vit chez sa mère et décrit que c’est un soulagement de ne plus voir son père. Il est scolarisé dans une école privée, décrit une école de riches, sa mère, après le divorce, n’a pas d’argent, il a honte de ses vieux vêtements et honte aussi de ne pouvoir suivre les copains au café, de n’avoir pas la possibilité de s’acheter à manger, parfois il ne déjeune rien. Le patient explique qu’il s’est renfermé sur lui à cette époque. Facteurs historiques de maintien possibles : Au travail, les railleries de ses collègues génèrent une forte angoisse et amplifient le sentiment de honte. A la maison, les conflits conjugaux sont importants : le patient ne peut plus sortir sans sa femme et évite, par ailleurs, toutes situations générant de l’angoisse : aller chercher les enfants à l’école, faire les courses etc.…… Son épouse le rabaisse, les relations conjugales se sont éteintes depuis longtemps maintenant le patient dans un sentiment de ne pas être à la hauteur, ainsi que dans un sentiment profond d’impuissance. Maintenu en arrêt de travail depuis de nombreux mois, les évitements sont majeurs. Facteurs précipitant les troubles : Aggravation des conduites alcooliques depuis l’apparition du trouble panique avec aggravation de la symptomatologie anxieuse et des affects négatifs. Développement d’une dépendance éthylique grave, entraînant d’autres évitements sociaux (peur de s’adresser à quelqu’un et de sentir l’alcool). Il se sent de plus en plus mal, confond malaise anxieux et état de manque, et consomme de l’alcool massivement dans cet état de confusion. Antécédents personnels : Pas d’antécédents notables médicaux ni chirurgicaux .Traitement antérieur : Alprazolam 0,25mg 3 fois par jour. Traitement actuel : Escitalopram (Seroplex) 20 mg par jour et Alprazolam 0,25 mg si besoin. Secca synchronique : grille proposée par Cottraux en 1985 (cité par Mirabel-Sarron & Vera, 2004) : S : stimulus ; E : émotion ; C : cognition ; C : comportement ; A : anticipation. Cette grille permet une analyse synchronique du comportement problème. 11 J’ai peur d’avoir un malaise, peur de m’évanouir, peur d’être secouru, je vais avoir la honte de ma vie. J’ai peur de ne pas pouvoir m’échapper, d’avoir une crise, j’ai peur de perdre le contrôle. Anticipation Conduire sa voiture, emprunter une autoroute, être dans un embouteillage, aller au supermarché, faire les courses, être dans une file d’attente, conduire le cavalier, avoir une réunion de travail, avoir une réunion dans une pièce close, aller au restaurant, prendre le train bondé, aller au concert, danser, aller à la Fnac, être dans une salle d’attente remplie. Situation Angoisses, sentiment de panique, vertige, étourdissement, transpiration, respiration coupée, vue voilée, jambes en coton, palpitations, étouffement, démangeaisons, crampe dans la nuque, tête vide, désorientation. Emotions et sensations Signification personnelle Comportement ouvert Se cacher, s’enfuir, trouver un refuge. Dans les embouteillages, dans sa voiture : fait semblant de ramasser des objets. Dans les salles d’attente, fait sonner son portable pour sortir. En réunion, part aux toilettes. Joue avec ses mains, essaie de partir ailleurs dans ses pensées. Se débrouille pour se faire accompagner ou évite les situations anxiogènes Entourage Sa femme lui fait des reproches, elle est obligée de tout faire et en plus de l’accompagner Etre vu en train de faire une attaque de panique est insupportable. Cognition Il ne faut pas que je tombe dans les pommes, sinon quelqu’un va venir me demander ce qui se passe. Il faut que je m’enfuie. Je vais être ridicule. Imagerie mentale Pas d’image identifiée Figure 1 : Secca synchronique : problème cible : Trouble panique avec agoraphobie 12 Tableau 1 : Les situations hiérarchisées en fonction du % d’anxiété ressentie et de l’évitement situationnel Situations % Anxiété Evitement Embouteillage Etre en relation avec un groupe Assister à une réunion de travail dans une pièce close Etre dans la cabine du cavalier Aller au restaurant avec un groupe de personnes Aller au concert Danser 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% Prendre le train bondé Organiser un repas à la maison 90% 80% 100% 100% Jouer au PMU Aller au supermarché faire les courses Etre dans une file d’attente Conduire le jour en ville Boire une boisson au café Prendre le train moyennement rempli Etre à l’arrêt du bus avec 3 personnes Sortir les poubelles et être vu des voisins Aller à la boulangerie 80% 80% 70% 70% 50% 50% 40% 20% 0% 100% 100% 100% 90% 70% 70% 100% 100% 0% Situations seul / accompagné % Anxiété Evitement Marcher dans des endroits familiers seul/ accompagné Manger en brasserie seul/ accompagné Aller dans un centre commercial seul/ accompagné Déplacement en bus ou en train seul/ accompagné Aller dans un magasin d'alimentation seul/ accompagné 80% / 60% 80% / 50% 80% / 70% 80% / 60% 40% / 20% OUI OUI OUI OUI OUI Ces listes hiérarchiques des diverses situations montrent que le retentissement psychosocial est important, que ce soit dans les domaines relationnels, professionnels ou de loisirs. L’évitement est important, seules quelques situations sont possibles sans anxiété, l’accompagnement par une personne de confiance (sa femme) diminuant les symptômes anxieux. 13 L’analyse fonctionnelle montre que le trouble anxieux est complexe. En effet le trouble a débuté par une timidité importante dans l’enfance évoluant vers une phobie sociale, pour laquelle, afin de gérer les situations anxiogènes, le patient consomme de l’alcool. Consommant de plus en plus d’alcool, le trouble anxieux évolue et les premières attaques de panique surviennent, générant la peur de la peur avec constitution progressive d’un trouble panique avec agoraphobie. Les évitements sont nombreux, comme le montre les listes hiérarchiques, le patient présente une intrication phobie sociale, trouble panique, agoraphobie générant une anxiété anticipatoire ainsi qu’un handicap très important réduisant les activités sociales, professionnelles et familiales à quelques sorties accompagnées de son épouse. A contrario, il ne présente pas du tout d’attaque de panique nocturne, caractéristique du trouble panique et sa plus grande crainte est de faire un malaise, de s’évanouir, et surtout d’être secouru par un inconnu, ce qui serait pour lui une honte insurmontable. VII) Mesures d’évaluation Les questionnaires et les échelles sélectionnés visent à mesurer l’état anxieux et dépressif du patient, cette évaluation est quantitative ; d’autre part ils permettent de suivre l’efficacité de la thérapie. Evaluation du trouble de l’humeur : La détresse engendrée par le trouble panique avec agoraphobie est telle qu’elle entraîne une répercussion sur l’humeur. Il est souhaitable de mesurer l’état dépressif. Il existe plusieurs échelles notamment l’échelle de dépression de Hamilton (17 items) qui mesure l’intensité de la dépression évaluée par un observateur et l’inventaire de dépression de Beck : le BDI-II (Beck Depression Inventory) 2° édition, qui mesure l’intensité de la dépression évaluée par le patient. Il a été choisi de faire passer la BDI-II au patient, c’est le questionnaire de la dépression le plus utilisé dans la population adulte. Le score de la BDI-II est de 19 : le patient présente une dépression légère Evaluation du trouble panique avec agoraphobie : Parmi les différents tests et questionnaires, le patient a répondu au questionnaire des peurs (Marks et Mathews) : il a pour objectif d’évaluer brièvement les problèmes phobiques les plus 14 fréquemment rencontrés en clinique. Il permet d’évaluer également l’anxiété et la dépression associée aux phobies. C’est l’instrument le plus utilisé pour évaluer l’efficacité du traitement des sujets agoraphobes et phobiques sociaux. C’est un test de dépistage et d’évaluation du traitement. (Bouvard & Cottraux, 2010). Le score d’agoraphobie s’obtient en additionnant les notes des items 5, 6, 8, 12, 15. La moyenne est de 27,47 pour les sujets agoraphobes (les sujets contrôles : 4,58) ; le patient atteint un score de 30 traduisant la sévérité de son trouble. Le score de phobie sociale s’obtient en additionnant les notes des items 3, 7, 9, 11, 14. La moyenne pour les sujets agoraphobes est de 14,91 ; pour les sujets phobiques sociaux : 23,32 (sujet contrôle : 7 ,27). Le score du patient est de 26. La phobie sociale est importante. Le score de phobie du sang et des blessures (sujet contrôle : 8,09), le patient présente un score de 10. Son anxiété n’est pas liée à la phobie du sang et des blessures. Le score total de la dépression et de l’anxiété s’obtient en additionnant les notes des items 18 à 22. Celui du patient s’élève à 27. Le score de gêne est obtenu directement. (étendue de 0 à 8). Pour ce questionnaire, Bouvard et Cottraux (2010) estiment que seules les échelles d’agoraphobie, de phobie du sang et de phobie sociale apparaissent valides. L’échelle d’anxiétédépression et l’échelle de gêne n’apparaissent pas spécifiques des troubles anxieux. Le questionnaire des cognitions agoraphobiques (QCA) (Chambless) : c’est une liste de pensées concernant les conséquences négatives de l’anxiété ou de la panique. Autrement dit, il s’agit d’une liste de pensées irrationnelles sur les possibles conséquences de l’anxiété ou de la panique. (Bouvard & Cottraux, 2010). Le score total se subdivise en deux sous scores : le score des inquiétudes sociales et comportementales (items 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14) et le score des inquiétudes physiques (items 1, 2, 3, 4, 5, 7, 10). Le patient présente un score de 23 pour les inquiétudes sociales et comportementales (sujet agoraphobe : 16,12 ; sujet contrôle : 11,96) ; et un score de 19 pour les inquiétudes physiques (sujet agoraphobe : 14,07 ; sujet contrôle : 8,50). Ces résultats démontrent la grande sévérité du trouble dont souffre le patient. 15 Bouvard et Cottraux (2010) relatent que les deux échelles seraient des composants de la peur de la peur avec le questionnaire des sensations corporelles. Seule l’échelle des inquiétudes physiques serait spécifique aux sujets ayant des attaques de panique avec ou non agoraphobie. Questionnaire des sensations corporelles (QSC) (Chambless) : Il évalue la peur des sensations physiques associées à l’agoraphobie et aux attaques de panique. Pour le patient, la somme des 17 items représente un score de 75, ce qui est considérable, et montre que les peurs corporelles sont extrêmes. L’intérêt du QSC serait de prédire l’évitement phobique : plus les peurs corporelles sont grandes et plus l’évitement phobique est important. Evaluation de l’anxiété sociale : L’échelle de phobie sociale de Liebowitz (LSAS) : elle permet une évaluation globale de la phobie sociale par le clinicien, c’est l’outil standard de la phobie sociale. Elle a pour objectif d’évaluer la phobie sociale selon deux dimensions théoriques, des situations de performance et des situations d’interaction sociale en demandant au sujet de coter l’angoisse puis l’évitement de chacune des situations. (Bouvard & Cottraux, 2010). Le score total est de 121, le sous score total d’anxiété est de 52 et celui de l’évitement est de 69, ils traduisent l’importance de l’anxiété sociale chez le patient et le handicap associé. Les résultats en général sont les suivants : sous scores anxiété 20 (écart type de 13,67) pour les sujets contrôles et de 45,06 (10,09) pour les patients phobiques sociaux ; les sous scores évitement de 16 (12,2) pour les contrôles et 35,97 (11,61) pour les patients phobiques sociaux. D’autre part les deux sous échelles quantifient d’une part l’anxiété de performance (13 items) ici de 65 et l’anxiété sociale (11 items) ici de 56 dans les deux cas les situations sont très anxiogènes. L’échelle d’estime de soi de Rosenberg: le score est de 19, et montre que le patient souffre d’un manque d’estime de soi très important. Ces différents questionnaires permettent une approche dimensionnelle des troubles, le patient souffre d’un trouble panique avec agoraphobie très sévère ainsi qu’une phobie sociale grave associées à une mauvaise estime de soi, la répercussion sur l’humeur est modérée. 16 VIII) Projection thérapeutique avec réflexion sur les précautions diverses L’approche thérapeutique a consisté d’une part à énoncer le diagnostic, le patient ne connaissait pas du tout l’agoraphobie, encore moins le trouble panique et n’avait aucune notion de la TCC. D’emblée, il a montré de la curiosité, de l’intérêt et il a été facile de mobiliser sa motivation. Il est expliqué au patient que les troubles anxieux représentent l’indication privilégiée de programmes thérapeutiques incluant des techniques cognitives et comportementales. 1) Thérapie cognitive et comportementale : Informer : L’information débute par la définition d’une phobie selon des termes simples pour que le patient puisse retenir deux mots importants (évitement et angoisse). Puis l’attaque de panique est décrite avec ses conséquences anticipation anxieuse qui empêche quasiment tout déplacement, et toute interaction sociale par peur de ne pouvoir s’échapper de la situation en cas de symptôme de panique. L’anxiété sociale paraît au second plan, derrière l’aspect massif de l’agoraphobie et du trouble panique. Il est réconfortant pour le patient d’apprendre que les attaques de panique sont fréquentes en population générale, que la généralisation de ces dernières forme le trouble panique, accessible à une thérapie. Une lecture sur les phobies et ses mécanismes est proposée au travers de divers ouvrages « Psychologie de la peur » André (2005), ou « Les phobies » Pedinielli, Bertagne (2009) Expliquer : (Palazzolo, 2004 ; André, 2005 ; Mirabel-Sarron & Plagnol, 2009) Les explications vont porter sur d’une part sur le trouble panique, d’autre part sur l’agoraphobie. - Explication de la spirale de l’attaque de panique : il est mis en avant les 3 composantes de l’AP : composante physique, cognitive et comportementale. Ces trois composantes vont 17 interagir et s’auto entretenir entre elles et ainsi créer un véritable cercle vicieux. L’accent est mis sur l’interprétation catastrophique des sensations corporelles : la perception de certaines sensations physiologiques qui apparaissent banales (palpitation cardiaque isolée, léger vertige, gêne respiratoire…) sont interprétées comme une menace (dimension cognitive) et source de comportement à type de fuite ou d’évitement (dimension comportementale). Le trouble panique est appelé intéroceptif, c’est à dire centré sur les manifestations corporelles. - L’accent est également mis sur le rôle central de l’hyperventilation dans le déclenchement de l’AP. Des stimuli stresseurs peuvent générer une hyperventilation, responsable d’une alcalose respiratoire entraînant des symptômes périphériques et centraux. Il devient alors possible de réattribuer l’origine des AP à l’hyperventilation, plutôt qu’aux catastrophes imaginées. Ainsi, il sera proposé un apprentissage en séance d’une technique de contrôle respiratoire. - L’agoraphobie : la phobie entraîne l’évitement d’une situation particulière, dans le but de réduire l’angoisse. Le rôle du conditionnement est à souligner, en montrant qu’une phobie s’acquiert par conditionnement classique et se maintient par conditionnement opérant. A partir ce cette explication, le principe de la thérapie, qui s’appuie essentiellement sur l’exposition, peut être présenté. En complément, les raisons pour lesquelles les expositions spontanées ne réussissent pas, les règles pour que l’exposition soit thérapeutique sont données : sans évitements subtils (exemple : attendre le bus, à distance de l’arrêt où il y a du monde), et en insistant sur le fait qu’une exposition doit être progressive, prolongée, répétée et accompagnée d’une restructuration cognitive. L’exposition thérapeutique est un programme de soins construit selon une progressivité établie par le patient en accord avec le thérapeute et entrepris de façon volontaire par la personne anxieuse, dans une relation empathique, chaleureuse, et impliquée. Il est souligné que les listes hiérarchisées, réalisées dans l’analyse fonctionnelle ,de situations angoissantes seront la base du travail d’exposition en partant toujours des situations les moins anxiogènes pour finir avec les situations les plus anxiogènes, sur un rythme progressif et adapté. Durant les exercices d’exposition, à partir de l’analyse fonctionnelle, le patient va apprendre à décomposer sa réaction anxieuse, et à la moduler : 18 - Sur le plan physique, contrôle du système neurovégétatif par la régulation respiratoire (respiration relaxante ou abdominale) ou respiration en créneaux de château (respiration à 3 temps). - Sur le plan cognitif par l’identification des pensées automatiques négatives et leur remise en question. - Sur le plan comportemental : suppression des évitements et confrontation avec extinction de l’anxiété. (Il serait souhaitable que le patient apprenne la relaxation musculaire, mais le thérapeute n’est pas formé et la structure pour l’instant ne dispose pas de relaxologue) Impliquer : (Palazzolo, 2004 ; Mary-Rabine & Mollard, 2007) - Prise en charge du contrôle des sensations liées à l’attaque de panique : apprentissage de la respiration relaxante, conseillée comme tâche à domicile et suggérée pour toutes sensations de début d’attaques de panique. Il est indispensable que l’entraînement soit quotidien pour faciliter l’utilisation de la respiration comme contrôle physiologique des symptômes de l’anxiété. - Les techniques comportementales sont fondées sur des expositions graduées en imagination et/ou in vivo en respectant la hiérarchisation des situations anxiogènes, en ayant recours au contrôle respiratoire. - La prise en charge cognitive se fonde sur les processus de traitement de l’information, le repérage des monologues catastrophiques, des biais cognitifs et la modification de ces derniers. Il sera demandé au patient de remplir une fiche 3 colonnes de Beck, explorant les pensées automatiques et les émotions face à une situation angoissante. La discussion socratique du discours intérieur permet de relativiser et de recadrer les biais cognitifs. Le repérage des distorsions cognitives conduit à l’augmentation du sentiment d’efficacité personnelle. Par la suite, il est intéressant de rechercher la modification des pensées automatiques par l’identification de pensées alternatives, avec la réalisation du tableau à 5 colonnes enrichi du comportement alternatif. Le travail de restructuration cognitive assure progressivement une prise de distance du contexte et la modification des pensées automatiques permet de gagner une meilleure confiance en soi. 19 - Un groupe de paroles se constituant, le patient est invité à participer et ainsi à développer ses habiletés sociales. Les questionnaires et échelles doivent être remplis régulièrement afin d’évaluer l’évolution du patient avec la thérapie : (par exemple, au début de la prise en charge, à 6 mois, puis à 12 mois). 2) Prescription Médicamenteuse : Compte tenu de la gravité des symptômes et de la souffrance du patient une prescription d’escitalopram (Seroplex) est adjointe, en démarrant à 10 mg/Jour puis 15mg/J en une prise le matin. Actuellement il prend 20 mg /J d’escitalopram. Les benzodiazépines restent prescrites pour une utilisation en aigu. De nombreux travaux ont démontré l’efficacité des ISRS (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine). (Lemperière, Féline, Adès, Hardy, & Rouillon, 2006 ; Servant, 2010) IX) Le contrat thérapeutique : Mirabel-Sarron et Vera (2004) ont définit le contrat thérapeutique : il s’agit d’un consensus portant sur les rôles attendus et les objectifs du traitement. Ce contrat est construit en collaboration avec le patient. Il précise les objectifs concrets à atteindre et les moyens techniques pour y parvenir. Avec le consentement éclairé du patient, la TCC expliquée, comprise ; il est élaboré de manière conjointe et interactive : - L’apprentissage de la respiration relaxante par le contrôle ventilatoire des attaques de panique avec entraînement quotidien à domicile avec quatre cycles de 4 respirations. - L’utilisation de la respiration dés l’apparition des premiers symptômes de l’attaque de panique afin d’apprendre à les maîtriser et diminuer leur impact. - Expositions aux situations phobogènes répétées, graduées et prolongées afin de : - Pouvoir sortir seul du domicile, faire les courses, aller chercher les enfants à l’école, sortir en famille, aller au restaurant. - Pouvoir rester dans une file d’attente, avoir la capacité de prendre les transports en commun aux heures de pointe et de conduire sa voiture à nouveau. 20 - Le patient émet un souhait, qui lui tient à cœur : être en capacité d’aller à un concert de Thiéfaine. Une nuance est énoncée, ce projet est envisagé pour la fin de la thérapie. Pour réaliser ce programme, il est notifié au patient qu’il est indispensable de venir régulièrement aux séances, de faire les tâches à domicile, de rester abstinent à l’alcool et d’avoir une bonne observance médicamenteuse. Le temps estimé est au minimum d’une année de prise en charge à raison d’une séance hebdomadaire puis d’une séance toutes les deux semaines dès l’amélioration notable des symptômes. Retravailler n’est pas un objectif prioritaire. A noter également que le modèle structuré de séance est décrit au patient, il comporte : revue des tâches, formation TCC, tâches à accomplir, feed-back. Le renforcement positif est constant. X) Cas clinique : Le patient est pris en charge depuis le 10/06/2011, un nombre important de séances a été effectué ; sans aucun absentéisme, avec une bonne collaboration patient thérapeute. Deux séances sont ci-après décrites de façons détaillées, suivies d’un résumé du parcours du patient. Séance 6 Revue des tâches de la séance 5. Le patient va mieux, il n’a pratiquement pas fait d’attaques de panique. Il effectue ses exercices de respiration. Il reprend confiance doucement. Il effectue quelques expositions (sortir les poubelles, courses chez l’épicier). Le thérapeute le félicite et l’encourage à continuer en respectant la progression des situations anxiogènes. Pour enrichir le contrôle des attaques de panique, il est proposé l’apprentissage d’une technique vagale de régulation cardiaque ou méthode de Valsalva. C’est une méthode simple qui a pour objectif de réduire rapidement la fréquence cardiaque, souvent augmentée lors des AP. Elle consiste à apprendre au sujet à stimuler le système vagal et à provoquer ainsi une bradycardie réflexe (action sur le réflexe baro-sinusien). 21 Pour cela, il est demandé au patient de réaliser durant 3 à 5 secondes une hyperpression abdominale en gonflant le ventre, ce qui a pour effet de diminuer rapidement la fréquence cardiaque. Cette technique, plus rapide que le contrôle respiratoire est facilement utilisable lors des expositions in vivo. L’explication réalisée, le thérapeute montre la technique respiratoire. Le patient l’effectue et, a contrario, se déclenche une attaque de panique. Immédiatement, le thérapeute demande que la respiration en créneaux de château soit effectuée. L’attaque de panique induite par la méthode de Valsalva est contrôlée. Le bénéfice est immédiat, le patient est surpris, ravi de voir qu’il peut aisément arrêter les symptômes de l’attaque de panique. Tâches à domicile : - Poursuite du contrôle respiratoire. Respiration à 3 temps et manœuvre de Valsalva, si cette dernière induit l’apparition d’une AP, utilisation du contrôle respiratoire. - Expositions in vivo : aller chercher les enfants à l’école, faire les courses au supermarché avec sa femme. - Noter les attaques de panique. Feed-back : le patient est satisfait d’avoir expérimentalement déclenché une attaque de panique et de l’avoir contrôlée. Il est rassuré quant à ses capacités et comprend qu’avec la manœuvre de Valsalva, bien maîtrisée, il pourra avoir 2 techniques pour gérer ses attaques de panique. Il n’a pas développé d’interprétation négative, même si l’effet obtenu n’est pas celui escompté ; il a très bien compris l’apport qu’offre cette technique. Séance 10 Revue des tâches de la séance 9 : le patient s’expose de plus en plus : il discute avec le voisin, va chercher les enfants à l’école, fait les courses au supermarché, conduit de nouveau sa voiture. Les tâches d’exposition in vivo sont progressives, le déroulement est bon. Il a décidé de faire du bénévolat et a contacté les restos du cœur. Après une rencontre avec le responsable, il est convenu qu’il se présente à l’équipe la semaine suivante et participe aux travaux. 22 Il relate la situation dans laquelle il a ressenti un début d’attaque de panique pour laquelle il a utilisé le contrôle respiratoire et a pu maîtriser les symptômes initiaux. La situation en cause est explorée sur le plan cognitif par les colonnes de Beck. Situation Pensée automatique Emotion Sensation Déchargement des Faut pas que j’en Anxiété Tête qui tourne, flou packs de lait fasse tomber, sinon je intensité 6/10 visuel ne suis pas un homme Le patient est satisfait d’avoir pu stopper l’attaque de panique par la respiration en créneaux de château. Il est entrepris un travail cognitif qui permet de préciser les pensées associées, et il en vient à conclure que ce qui lui a réellement fait peur est qu’il ne fallait surtout pas qu’un pack de lait tombe car il faut « qu’on ait rien à me reprocher ». Pour mieux évaluer le schéma cognitif, une flèche descendante est réalisée en partant de la pensée « qu’on ait rien à me reprocher » et en imaginant les pires conséquences : Patient : Qu’on ai rien à me reprocher. Thérapeute : Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Patient : Je dois être parfait. Thérapeute : Qu’est ce que cela implique ? Patient : Si je ne suis pas parfait, je passe pour un fainéant. Thérapeute : Qu’entendez-vous par là ? Patient : Mon père disait souvent que j’étais fainéant, il fallait toujours être le premier. Thérapeute : Que vous passe-t-il par l’esprit lorsque vous pensez cela ? Patient : C’est la dégringolade. Thérapeute : C’est-à-dire ? Patient : Je suis fini. Je dois partir. 23 Le postulat est « Si je ne suis pas parfait, je suis un fainéant ; je suis fini ». La croyance en ce postulat est de 100%. Le patient réalise que cette idée remonte à l’enfance, quand les injonctions de son père étaient qu’il fallait être le premier à l’école, au sport, pour tout. Il déclare qu’enfant, il était terrorisé par son père. Un tableau avantages et désavantages de garder la croyance est réalisé : Croyance avant : 100% Arguments pour : Arguments contre : « J’ai été éduqué comme ça » « Personne n’est parfait » « J’aime être fier de mon travail » « Je pourrais être j’m’enfoutiste » « Que je n’ai aucun reproche » « On a droit à l’erreur » « Il faut que je réussisse » « Je sais que je sais travailler » Croyance après : 80% Le patient prend conscience qu’une série de pensées automatiques et de postulats favorisent son anxiété. Le schéma de perfection est explicite et le patient émet le souhait de pouvoir le relativiser. La croyance est faible pour modifier ses schémas de pensée, le patient déclarant fonctionner ainsi depuis longtemps. Il est donc convenu de développer le travail de restructuration cognitive dans les prochaines séances. Il est demandé au patient de noter ses pensées associées, les émotions et les sensations dans les situations générant de l’anxiété. Tâches à effectuer entre les séances : - continuer les expositions in vivo : la progression faite par le patient est adapté, sans générer d’anxiété, le thérapeute le félicite et l’encourage. - maintenir les exercices de contrôle respiratoire. - remplir les colonnes de Beck si situation anxiogène. 24 Feed-back : Le patient prend la mesure de la relation entre ses pensées négatives et ses émotions. Il est un peu surpris d’une part et dubitatif d’autre part sur sa capacité à modifier ses schémas de pensées, disant « ça a toujours été comme ça ». Il souhaite continuer le travail cognitif, en parallèle du travail comportemental, car il comprend que ses postulats sont très invalidants. Résumé des séances suivantes : Le patient a continué de façon progressive à multiplier les expositions in vivo : courses chez Ikea, conduite de sa voiture de jour comme de nuit, gestion d’un conflit à l’école pour un de ses enfants, marché de Noël de Strasbourg… Les attaques de panique sont devenues très rares, mais survenaient en début d’année lors de sorties parmi la foule : marché de Noël de l’école, ou lors de courses à Auchan le samedi matin avec sa femme et ses enfants. Ces AP ont été gérées partiellement par le contrôle respiratoire, mais ont entraîné une sortie précipitée du marché de Noël et du supermarché afin de bénéficier d’un soulagement rapide. En parallèle, le travail cognitif est développé ; la liste des pensées automatiques (colonnes de Beck) est revue afin de cibler une interprétation différente. Le patient comprend rapidement le principe et recherche des pensées alternatives pour chaque situation anxiogène. Après 11 mois de prise en charge, le patient est à l’aise dans de très nombreuses situations, l’anxiété est évaluée à 10 ou 15% pour quelques situations mais il persiste une anxiété évaluée à 100% à l’idée d’être dans la cabine du cavalier, à assister à une réunion dans une pièce close, et aller au concert. Les AP sont devenues exceptionnelles et bloquées par le contrôle respiratoire. Tableau 1 : Les situations hiérarchisées en fonction du % d’anxiété ressentie et de l’évitement situationnel Situations % Anxiété Evitement Embouteillage Etre en relation avec un groupe Assister à une réunion de travail dans une pièce close Etre dans la cabine du cavalier 15% 10% 100% 100% 0% 10% 100% 100% Aller au restaurant avec un groupe de personnes Aller au concert Danser 15% 100% 50% 50% 50% 50% 25 Prendre le train bondé 30% 70% Organiser un repas à la maison Jouer au PMU Aller au supermarché faire les courses Etre dans une file d’attente Conduire le jour en ville Boire une boisson au café Prendre le train moyennement rempli Etre à l’arrêt du bus avec 3 personnes Sortir les poubelles et être vu des voisins Aller à la boulangerie 10% 0% 10% 0% 10% 0% 10% 0% 0% 0% 10% 0% 10% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% Situations seul / accompagné Marcher dans des endroits familiers seul/ accompagné Manger en brasserie seul/ accompagné Aller dans un centre commercial seul/ accompagné Déplacement en bus ou en train seul/ accompagné Aller dans un magasin d'alimentation seul/ accompagné % Anxiété 0% / 0% 20% / 0% 10% / 0% 10% / 10% 0% / 0% Evitement non non non non non XI) Analyse de l’échec ou de la réussite : Le patient est satisfait de ses acquis, il a considérablement modifié son comportement et vit nombre de situations personnelles, sociales, familiales, sans anxiété. Il ne présente quasiment plus d’attaques de panique, (1 fois par mois environ il ressent les prémisses arriver et met en place le contrôle respiratoire). Il estime avoir repris une vie quasi-normale. Quelques situations phobogènes persistent notamment aller au concert, le patient a pris son billet pour un concert de Thiéfaine, son artiste préféré et souhaite s’y rendre mais reste inquiet pour cette exposition. Il craint la survenue d’une attaque de panique et l’impossibilité de s’extraire de la foule. La problématique est le travail. Le patient garde une anxiété de 100% à l’idée de conduire le cavalier. Il fait ce métier depuis 15 ans, et au fil des entretiens, s’est rendu compte qu’il souhaitait se réorienter et faire un travail différent comme par exemple travailler dans les espaces verts. Il attend actuellement que le Médecin du travail le déclare inapte, il est en arrêt de travail depuis plus d’une année. Il exclut la reprise de cette activité professionnelle. Le renforcement de cet évitement, vient du fait que, son entreprise, en difficultés financières ; doit fermer dans les mois qui viennent. En 26 accord avec le patient, il n’y a pas eu ni exposition in vivo, ni exposition en imagination pour les situations liées au travail, sources d’une très forte anxiété. La phobie reste intacte. Les différents objectifs thérapeutiques ont été atteints (la reprise de la conduite du cavalier n’était pas un objectif) même si le patient doit consolider ses acquis et ses nouvelles cognitions. Il a identifié ses monologues intérieurs et repérer les biais cognitifs relatifs au danger. Les distorsions affectant le passé ont été analysées, les expériences antérieures ayant contribué à la formation de ses schémas de danger ont été discutées. Les biais cognitifs affectant le présent avec une sélection de l’information menaçante et une tendance à interpréter de manière alarmante des évènements banals ont été repérés et discutés, afin d’aider le patient à modifier sa façon de concevoir son rapport au monde et aux autres par l’analyse d’alternatives: le patient a appris à repérer ses pensées anxieuses puis à les contre argumenter, c’est-à-dire à prendre en compte le contexte global de la situation qu’il a généralement occulté. Un suivi d’entretien est programmé, les nouveaux objectifs sont de retravailler dans une autre branche d’activité, gagner de la confiance en soi, de l’affirmation de soi, ainsi que plus d’habileté sociale, tout en maintenant les expositions et en réévaluant les situations angoissantes qui se présenteraient. En ce qui concerne la pharmacothérapie, l’escitalopram reste prescrit à 20 mg/J, et ne sera progressivement diminué qu’après consolidation des acquis cognitifs et comportementaux. L’alprazolam 0,25 mg n’est plus prescrit. A noter que le patient, en travaillant par la TCC son trouble panique avec agoraphobie a également amélioré les symptômes de phobie sociale. La fréquentation du groupe de paroles lui a procuré de l’aisance, il s’est par ailleurs une fois endormi en salle d’attente, alors qu’elle était remplie. De façon générale, le patient s’approprie beaucoup plus activement sa vie, montrant qu’il peut généraliser ce qu’il a découvert dans l’espace thérapeutique. Il reste à permettre au patient d’atteindre et de réaliser son nouveau projet professionnel dans les meilleures conditions possibles. A noter que la relation thérapeutique est bonne, l’alliance thérapeutique a été rapidement en place, le patient a compris les différents mécanismes responsables du trouble panique et de son agoraphobie. Il participe activement à sa thérapie, en voit les bénéfices, et les améliorations de sa qualité de vie. Il a une entière confiance dans son thérapeute. Le thérapeute est agréablement surpris de l’évolution rapide du patient, de ses apprentissages progressifs qu’il étend de lui-même, avec un sens de l’expérimentation des expositions et une constante évaluation du déroulement de ces dernières. Il a compris ses biais cognitifs : la minimisation; la maximisation, le catastrophisme et la surgénéralisation. 27 XII) Conclusion « Pour les comportementalistes, ce n’est pas tant la question de savoir pourquoi le trouble existe (cela s’explique en général par le biais d’un modèle bio psycho social : vulnérabilité génétique ou tempéramentale, expériences affectives et éducatives précoces, et évènements de vie ultérieurs) que pourquoi le trouble persiste (autrement dit, quels sont les facteurs de maintien qui le chronicisent) : car c’est sur cette dimension qu’il est possible d’intervenir d’un point de vue thérapeutique ».( André, 2007) « En 1990, Cottraux (cité par Frikha, Laaribi, & Ghalema, 2001) a montré dans des études contrôlées, que les méthodes comportementales par exposition in vivo sont le traitement de choix de l’agoraphobie. Il a également montré que la thérapie cognitive donne des résultats à long terme supérieurs à ceux des antidépresseurs, de la thérapie de soutien et de la thérapie comportementale par exposition in vivo ». Par conséquent, pour André (2007) la thérapie va œuvrer par apprentissage de stratégies de confrontation progressive aux situations redoutées et par remise en question des croyances. Amami, Aloulou, Siala et Aribi (2009) estiment que « l’homogénéité clinique du trouble panique et la fréquence de ses comorbidités suscitent toujours des questionnements. Le trouble panique serait hétérogène et admettrait plusieurs sous-types cliniques. On lui distingue des formes pauci-symptomatiques souvent méconnues et sous diagnostiquées, des formes à expression somatique prédominante expliquant la fréquence du trouble panique dans le contexte médical et entraînant une sous-estimation de sa prévalence et des formes selon les symptômes prédominants pouvant avoir un intérêt dans la connaissance de l’étiopathogénie du trouble et sa réponse au traitement ». Dubois-Carmagnat et al (1999) confirment l’intrication du trouble panique et des pathologies cardiovasculaires. Les manifestations somatiques de type cardiaque étant les palpitations, les douleurs thoraciques et la dyspnée. Ceci est confirmé par Cottraux (2009) qui relève que les attaques de panique sont la forme la plus fréquente et la plus trompeuse des dyspnées psychogènes aiguës. Par ailleurs Gorwood (2010) note « les liaisons dangereuses existant entre troubles anxieux et alcoolisme. Le trouble panique, l’agoraphobie et la phobie sociale sont relativement proches (augmentation forte d’un risque spécifique de dépendance : risque multiplié par 3). Une des hypothèses repose sur l’effet d’attente. La croyance que l’alcool réduit les tensions (« je me sentirai plus détendu après un verre »), facilite les contacts (« je suis plus à l’aise avec les gens quand j’ai 28 bu ») ou lève les inhibitions (« avec l’alcool je suis plus brave et j’ose plus facilement ») possède un impact important sur notre propre rapport avec l’alcool ». Les effets désinhibiteurs, anxiolytiques et euphorisants de l’alcool amènent le patient à un comportement d’automédication visant l’anxiété phobique situationnelle. Quand la dépendance est plus marquée, l’alcoolisation est favorisée par le besoin de réduire les symptômes de sevrage. L’aggravation des symptômes phobiques est souvent notée lors de la poursuite des conduites d’alcoolisation, ce qui illustre bien les modifications des effets de l’alcool selon les modalités évolutives. Le cas clinique présenté montre bien l’intrication de la phobie sociale avec la conduite addictive, et l’évolution du trouble anxieux se compliquant d’attaques de panique évoluant vers un trouble panique avec agoraphobie, entraînant le patient dans une spirale de consommations d’alcool et vers une confusion entre état de manque et anxiété, qui a abouti à un trouble anxieux très invalidant avec une dépendance éthylique et une perte d’autonomie avec des répercussions professionnelles, sociales, et familiales importantes. Pedinielli, Rouan, et Bertagne (1997) décrivent « l’interaction entre les situations de fragilisation et les situations déclenchantes entraîne l’addiction qui comporte elle-même des conséquences cognitives, émotionnelles, comportementales et sociales susceptibles d’interagir avec les situations déclenchantes et les facteurs de fragilisations. Parmi les facteurs de fragilisation on cite des états comme l’anxiété, les difficultés interpersonnelles, les difficultés de communication, la dépressivité, une faible estime de soi, une assertivité basse, l’impulsivité, une image de soi négative, l’anhédonie et des traits de personnalité antisociale, dépendante, limite, narcissique ». La stratégie thérapeutique repose sur la réalisation dans un premier temps d’un sevrage, puis la mise en place d’une thérapie cognitivo-comportementale. Comme, Mirabel-Sarron (2011) le confirme, « l’objectif principal des TCC est d’apporter au patient des moyens psychologiques permettant le changement, afin qu’il puisse les utiliser seul avec un gain manifeste ». 29 Bibliographie Adès, J., & Lejoyeux, M. (2003). Alcoolisme et psychiatrie Données actuelles et perspectives. Paris : Masson. Amami, O., Aloulou, J., Siala, M., & Aribi, L. (2010). Repenser le trouble panique. L’encéphale (36), 100-104. American Psychiatric Association. (2003). Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux Texte révisé (4°ed.). Paris : Masson. André, C. (2005). Psychologie de la peur. Paris : Odile Jacob. André, C. (2007). Névrose. La Revue Du Praticien, 57, 913-919. Bouvard, M., & Cottraux, J. (2010). Protocoles et échelles d’évaluation en psychiatrie et psychologie (5° ed.). Paris : Masson. Cottraux, J. (1995). Les thérapies comportementales et cognitives (2° ed.). Paris : Masson. Cottraux, J. (2009). 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(4), 181-182. 33 Annexes Annexes -1 Critères d’une Attaque de panique Une période bien délimitée de crainte ou de malaise intenses, dans laquelle au minimum quatre des symptômes suivants sont survenues de façon brutale et ont atteint leur acmé en moins de dix minutes : (1) palpitations, battements de cœur ou accélération du rythme cardiaque (2) transpiration (3) tremblements ou secousses musculaires (4) sensations de souffle coupé ou impression d’étouffement (5) sensation d’étranglement (6) douleur ou gêne thoracique (7) nausée ou gêne abdominale (8) sensation de vertige, d’instabilité, de tête vide ou impression d’évanouissement (9) déréalisation (sentiments d’irréalité) ou dépersonnalisation (être détaché de soi) (10) peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou (11) peur de mourir (12) paresthésies (sensations d’engourdissement ou de picotements) (13) frissons ou bouffées de chaleur Annexes -2 Critères de l’agoraphobie A. Anxiété liée au fait de se retrouver dans des endroits ou des situations d’où il pourrait être difficile (ou gênant) de s’échapper ou dans lesquelles on pourrait ne pas trouver de secours en cas d’attaque de panique soit inattendue soit facilitée par des situations spécifiques ou bien en cas de symptômes à type de panique. Les peurs agoraphobiques regroupent typiquement un ensemble de situations caractéristiques incluant le fait de se trouver seul en dehors de son domicile ; d’être dans une foule ou dans une file d’attente ; sur un pont ou dans un autobus, un train ou une voiture. N.-B. : Envisager le diagnostic de Phobie spécifique si l’évitement est limité à une ou seulement quelques situations spécifiques, ou celui de Phobie sociale si l’évitement est limité aux situations sociales. B. Les situations sont soit évitées (p.ex., restriction des voyages )soit subies avec une souffrance intense ou bien avec la crainte d’avoir une Attaque de panique ou des symptômes à type de panique ou bien nécessitent la présence d’un accompagnant. C. L’anxiété ou l’évitement phobique n’est pas mieux expliqué par un autre trouble mental, tel une Phobie sociale (par ex. évitement limité aux situations sociales par peur d’être embarrassé), une Phobie spécifique (P.ex., évitement limité à une situation unique comme les ascenseurs), un Trouble obsessionnel compulsif (P.ex., évitement de la saleté chez quelqu’un ayant une obsession de la contamination), un Etat de stress post-traumatique (P.ex., évitements des stimulus associés à un facteur de stress sévère ) ou un trouble anxiété de séparation ( évitement lié au départ du domicile ou à la séparation d’avec les membres de la famille ). Annexes -3 Critères diagnostiques du Trouble panique avec Agoraphobie A. A la fois (1) et (2) : (1) Attaques de panique récurrentes et inattendues (2) Au moins une des attaques s’est accompagnée pendant un mois (ou plus) de l’un (ou plus) des symptômes suivants : (a) crainte persistante d’avoir d’autres attaques de panique (b) préoccupations à propos des implications possibles de l’attaque ou bien de ses conséquences (p. ex., perdre le contrôle, avoir une crise cardiaque, « devenir fou ») (c) changement de comportement important en relation avec les attaques B. Présence d’Agoraphobie C. Les attaques de panique ne sont pas dues aux effets physiologiques directs d’une substance (p.ex., une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (p.ex., hyperthyroïdie). D. Les attaques de panique ne sont pas mieux expliquées par un autre trouble mental, tel une phobie sociale (p.ex., survenant lors de l’exposition aux situations sociales redoutées), une phobie spécifique (p.ex., lors de l’exposition à une situation phobogène spécifique), un trouble obsessionnel compulsif (p.ex., lors de l’exposition à la saleté chez quelqu’un ayant une obsession de la contamination), un état de stress post-traumatique (p.ex., en réponse à des stimulus associés à un facteur de stress sévère) ou à un trouble anxiété de séparation ( p.ex., en réponse au fait d’être éloigné du domicile ou des proches). Annexes -4 Critères diagnostiques de la Phobie sociale A. situations de performance durant lesquelles le sujet est en contact avec des gens non familiers ou bien peut être exposé à l'éventuelle observation attentive d'autrui. Le sujet craint d'agir (ou de montrer des symptômes anxieux) de façon embarrassante ou humiliante. N.-B.:Chez les enfants, on doit retrouver des éléments montrant la capacité d'avoir des relations sociales avec des gens familiers en rapport avec l'âge et l'anxiété doit survenir en présence d'autres enfants et pas uniquement dans les relations avec les adultes. B. L'exposition à la situation sociale redoutée provoque de façon quasi systématique une anxiété qui peut prendre la forme d'une Attaque de panique liée à la situation ou bien facilitée par la situation. N.-B. : Chez les enfants, l'anxiété peut s'exprimer par des pleurs, des accès de colère, des réactions de figement ou de retrait dans les situations sociales impliquant des gens non familiers. C. Le sujet reconnaît le caractère excessif ou irraisonné de la peur. N.-B. : Chez l'enfant, ce caractère peut être absent. D. Les situations sociales ou de performance sont évitées ou vécues avec une anxiété et une détresse intenses. E. L'évitement, l'anticipation anxieuse ou la souffrance dans la (les) situation(s) redoutée(s) sociale(s) ou de performance perturbent, de façon importante, les habitudes de l'individu, ses activités professionnelles (scolaires), ou bien ses activités sociales ou ses relations avec autrui, ou bien le fait d'avoir cette phobie s'accompagne d'un sentiment de souffrance important. F. Chez les individus de moins de 18 ans, la durée est d'au moins 6 mois. Annexes -5 G. La peur ou le comportement d'évitement n'est pas lié aux effets physiologiques directs d'une substance (p. ex., une substance donnant lieu à abus, ou un médicament) ni à une affectation médicale générale et n'est pas mieux expliqué par un autre trouble mental (p. ex., Trouble panique avec ou sans agoraphobie, Trouble anxiété de séparation, Peur d'une dysmorphie corporelle, Trouble envahissant du développement ou Personnalité schizoïde). H. Si une affection médicale générale ou un autre trouble mental est présent, la peur décrite en A est indépendante de ces troubles ; par exemple, le sujet ne redoute pas de bégayer, de trembler dans le cas d'une maladie de Parkinson ou de révéler un comportement alimentaire anormal dans l'Anorexie mental (Anorexia nervosa) ou la Boulimie (Bulimia nervosa). Spécifier si : Type généralisé si les peurs concernent la plupart des situations sociales (envisager également un diagnostic additionnel de Personnalité évitante). Annexes -6 Critères de dépendance à une substance Mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance, cliniquement significative, caractérisé par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d'une période continue de 12 mois : A. Tolérance, définie par l'un des symptômes suivants : 1) besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l'effet désiré 2) effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance B. sevrage caractérisé par l'une ou l'autre des manifestations suivantes : 1) syndrome de sevrage caractéristique de la substance (voir les critères A et B des critère de Sevrage à une substance spécifique) 2) la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage C. la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu D. il y a désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de la substance E. beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (p. Ex., consultation de nombreux médecins ou déplacement sur de longues distances), à utiliser le produit (p. ex., fumer sans discontinuer), ou à récupérer de ses effets F. des activité sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l'utilisation de la substance Annexes -7 G. l'utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par la substance (par exemple, poursuite de la prise de cocaïne bien que la personne admette une dépression liée à la cocaïne, ou poursuite de la prise de boisson alcoolisées bien que le sujet reconnaisse l'aggravation d'un ulcère du fait de la consommation d'alcool) Spécifier si : Avec dépendance physique : présence d'une tolérance ou d’un sevrage (c.-à-d. Des items 1 ou 2) Sans dépendance physique : absence de tolérance ou de sevrage (c.-à-d. Tant de l'item 1 que de l'item 2) Annexes -8 Critères de l'abus d'une substance A. Mode d'utilisation inadéquat d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la présence d'au moins une des manifestations suivantes au cours d'une période de 12 mois : 1) utilisation répétée d'une substance conduisant à l'incapacité de remplir des majeurs, au travail, à l’école, ou à la maison (par exemple, absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l'utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l'école, négligence des enfants ou des tâches ménagères) 2) utilisation répétée d'une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple, lors de la conduite en voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu'on est sous l'influence d'une substance 3) problèmes judiciaires répétés liés à l'utilisation d'une substance (p. ex., arrestations pour comportement anormal en rapport avec l'utilisation de la substance) 4) utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causé ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l'intoxication, bagarres) B. Les symptômes n'ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la dépendance à une substance Annexes -9 Critères diagnostiques de la personnalité évitante Mode général d'inhibition sociale, de sentiment de ne pas être à la hauteur et d'hypersensibilité au jugement négatif d'autrui qui apparaît au début de l'âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes : 1) Le sujet évite les activités sociales professionnelles qui impliquent des contacts importants avec autrui par crainte d'être critiqué, désapprouvé ou rejeté 2) réticence à s'impliquer avec autrui à moins d'être certain d'être aimé 3) est réservé dans les relations intimes par crainte d'être exposé à la honte ou au ridicule 4) craint d'être critiqué ou rejeté dans les situations sociales 5) est inhibé dans les situations interpersonnelles nouvelles à cause d'un sentiment de ne pas être à la hauteur 6) se perçoit comme socialement incompétent, sans attrait ou inférieur aux autres 7) est particulièrement réticent à prendre des risques personnels ou à s'engager dans de nouvelles activités par crainte d'éprouver de l'embarras Annexes -10