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La Lettre d’ALOHA Septembre 2015 - n°1!
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Édito !
Le terme «!immunosénescence!» vise à décrire les
modications de l’immunité qui sont observées chez des sujets
âgés. Ces derniers sont nis au sens strict par leur durée de
vie. Mais le temps est l’occasion d’outrages, dirait le poète,
comme les maladies chroniques qui surviennent avec une plus
grande fréquence avec l’âge. Il est ainsi possible de préciser
que l’immunosenescence décrit les modications de l’immunité
qui sont en relation non seulement avec l’âge mais également
avec l’état de santé et l’environnement. Cette double relation,
temps et maladies chroniques, est la source de la complexité
de la relation entre immunité et nutrition chez la personne âgée.
La nutrition est un élément essentiel de l‘équilibre en santé et le
statut nutritionnel sera très fortement associé à la survenue et à
l’évolution des maladies chroniques. De plus, la nutrition est la
garante de l’apport d’énergie et de nutriments qui permettront
l’intégrité des cellules et des mécanismes qui sous-tendent
l’immunité. C’est dire la place clé qu’occupe la nutrition non
seulement par rapport à l’immunité mais surtout vis-à-vis de
l’immunosénescence chez la personne âgée.
La nutrition est la résultante de processus qui intègrent!:
> en amont de l’ingestion le champ large de l’environnement
> et en aval la correspondance entre l’équilibre des diérents
nutriments et leur utilisation par le corps.
Quelle est la part de notre relation à ce qui nous entoure et de
notre relation au temps!?
On pourrait, en d’autres termes, se poser la question d’une
double réconciliation!: celle que l’on doit rechercher avec notre
environnement, condition universelle du bien-être, et celle avec
le temps, processus d’autant plus ardu qu’il nous met dans une
situation de responsabilité immédiate et personnelle.
Si la première, avec l’environnement, peut se faire par le
subterfuge de procuration sociale, économique ou politique,
notre réconciliation par rapport au temps dessine un chemin
plus personnel qui sourd, telle l’eau souterraine, dans le
linéament de notre histoire, de nos projections et notre
habitation du réel!: vastes perspectives!!
Cette lettre vise à donner à un public large et non spécialiste,
les bases de compréhension, les questions d’actualités et les
éléments de réponses que l’on peut lire dans la littérature
scientique récente.
Gilles Berrut
Président du Gérontopôle
PU-PH à Nantes !
La Lettre d’ALOHA - Septembre 2015
Nutrition & immunosénescence
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Une immunosenescence et deux vieillissements
La Lettre d’ALOHA - Septembre 2015
Le terme immunosenescence (IS) vise à décrire les
modications des défenses de l’organisme
observées au-delà de la maturité, et attribuées en
tout ou partie à l’eet du temps et à la survenue de
pathologies chroniques. Le vieillissement est apparu
depuis longtemps comme un facteur d’altération des
capacités de défense de l’organisme. Mais il faut
distinguer son eet sur l’immunité innée et sur
l’immunité adaptative.
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L’immunité innée est la première ligne de défense
contre les agents infectieux et pathogènes. Elle est
initiée immédiatement, sans production préalable de
substances spéciques. Cette immunité est
représentée par des cellules qui agissent directement
sur un élément considéré comme étranger
par!phagocytose! (polynucléaires neutrophiles) ou par
toxicité directe (lymphocytes tueurs ou «!killers!»,
lymphocytes NK et macrophages), par la réaction
inammatoire non spécique (vasodilatation, œdème
locale) et par la diapédèse (traversée des membranes
par des cellules). L’ensemble de ces mécanismes
permet aux cellules de défense de pénétrer les tissus
en traversant la barrière endothéliale. Cette immunité
en quelque sorte automatique sans intervention
particulière est peu aectée par le vieillissement.
L’immunité spécique est composée de cellules qui
prennent une partie de l’élément étranger pour
fabriquer des anticorps (cellules présentatrices
d’antigènes), d’une immunité humorale qui visent à la
fabrication d’anticorps spéciques pour tuer l’élément
étranger en épargnant la personne hôte et d’une
immunité cellulaire pour laquelle des cellules tueuses
agissent avec spécicité également. La partie
spécique de l’étranger (l’antigène) est présentée à une
cellule qui va entraîner la production «!industrielle!»
d’anticorps et mobiliser les cellules tueuses.
L’immunité humorale, c’est-à-dire liée à la production
d’anticorps, est peu diminuée par le vieillissement. Il
existe un retard de production et une moindre
production globale mais ceci n’a que peu de
retentissement sur la possibilité de se défendre contre
les infections. En revanche, l’immunité adaptative liée
aux cellules (immunité cellulaire) est impactée. Outre
une production moindre et une maturation altérée, les
modications s’observent sur les types de cellules, en
particulier certains lymphocytes dit «!T!» matures qui
sont remplacés par des lymphocytes T immatures
moins ecaces. De même des lymphocytes chargés
de faire la police (appelés cytotoxiques) évoluent
progressivement, si l’on peut l’exprimer ainsi, vers une
complaisance coupable et tolèrent par habitude,
lassitude, que sais-je, de plus en plus d’éléments
étrangers, voire se trompent et attaquent des éléments
non étrangers entraînant des réaction aberrantes dans
certains circonstances.
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Ainsi, le vieillissement de la fonction de défense de
l’organisme n’est pas un simple déclin comme l’on
peut parfois considérer à tort l’eet du temps, mais
correspond à une adaptation à la vie qui, au l des
agressions immunitaires, valorisent certains
mécanismes alors que d’autres voient leur régulation
devenir moins adaptée à la pression de
l’environnement.
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Nutrition, immunité et tube digestif
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Les possibilités de l'intestin font l'objet de
nombreuses recherches actuellement. Parmi celles-
ci, les capacités de défense immunitaire, vis-à-vis des
bactéries intestinales, font gure de modèle de
cohabitation vigilante entre des organismes
étrangers et l'intégrité de l’hôte.
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An de distinguer les bactéries utiles à la digestion et
sans danger, et celles qui représentent un risque
potentiel d'aection, le tube digestif possède un
système immunitaire très complet qui se situe dans les
parois de l'intestin. Des cellules spéciques situées
dans les villosités qui tapissent l'intérieur du tube
digestif, ainsi que des équivalents de ganglions dans la
paroi sous forme de plaques (plaques de Peyer), créent
un ensemble complet de défense immunitaire. Dans
ces plaques, on trouve les cellules qui analysent les
corps étrangers et celles qui fabriquent les anticorps.
Ce système permet que des anticorps spéciques
contre des bactéries dangereuses soient largués dans
l'intestin et les neutralisent.
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S'il est connu que les maladies de l'intestin conduisant
à une dénutrition favorisent la survenue d'infections, les
mécanismes précis qui régissent la relation entre la
nutrition, les intestins et les défenses immunitaires sont
moins clairs chez le sujet sain. En situation de santé, il
faut qu'il y ait de très fortes carences alimentaires ou un
très important déséquilibre dans les nutriments pour
qu'il y ait un retentissement sur le système immunitaire.
En revanche, lors de toute aection intestinale, on
observe une maldigestion de vitamines (en particulier
celles du groupe B) et des malabsorptions protéiques
qui vont conduire rapidement à une diminution de
l'ecacité des défenses de l'organisme. De plus, des
lésions de l'intestin vont l’empêcher de jouer son rôle
de barrière, facilitant ainsi la pénétration de germes
dans l'organisme et en particulier dans le sang, créant
les conditions d'une septicémie. Dans les conditions
d'une nutrition parentérale, surtout dans des modèles
animaux, il a été observé que l’apport de la glutamine
pouvait corriger les décits immunitaires présents.
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La qualité des défenses immunitaires est directement
liée à l'équilibre existant entre les diérentes bactéries
intestinales, appelées également microbiotes. De
récentes découvertes!ont démontré l’existence de cet
équilibre entre les bactéries bénéques, empêchant le
développement de celles qui sont potentiellement
pathogènes.
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Ainsi, l’intestin joue un rôle majeur dans les capacités
de défense de l'organisme grâce à un système complet
de repérage des antigènes et de production
d'anticorps, nécessitant des apports nutritifs équilibrés
et susants ainsi qu’une ore bactérienne équilibrée. !
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La Lettre d’ALOHA - Septembre 2015
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Quel est le niveau optimal d’apport protéique chez la personne âgée?
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Les protéines représentent le nutriment essentiel à
l’intégrité de l’organisme. Elles sont surtout présentes
dans la viande, le poisson, les œufs, le lait et ses
dérivées et certains végétaux comme les lentilles ou le
quinoa. Alors que les glucides et les lipides
représentent respectivement de l’énergie à utilisation à
court et à moyen terme, les protéines représentent les
murs, le toit et autres équipements qui construisent et
constituent le corps. De manière plus précise, les
organes sont construits avec les protéines, et les
muscles, comme tout le métabolisme cellulaire,
utilisent les protéines. Le système immunitaire est
également tributaire d’une quantité de protéines
susante pour que les productions d’anticorps et de
cellules qui servent à la défense de l’organisme
puissent être susantes en quantité, et que ces moyens
de défenses soient adaptés en qualité. Des
recommandations sont émises par de grandes agences
de diérents pays pour nir ce que doit être une
alimentation de bonne qualité. En France, et ceci est
partagé par la plupart des pays occidentaux, le besoin
essentiel de protéines est de 1 g /Kg de poids/ jour. Les
apports alimentaires recommandés prennent comme
repère les besoins minima couvrant 98 % des individus
d’une population (+ 2 déviations standard). Mais est-ce
que cette dénition convient aux personnes âgées!?
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La quantité d’apports alimentaires recommandée se
fonde, dans son calcul, sur la quantité minimum de
protéines utile pour que l’organisme ne perde pas de
protéines. C’est-à-dire qu’il est situé au point d’équilibre
avec les pertes protéiques normales et obligatoires
dues au fonctionnement de l’organisme, chez un sujet
jeune en bonne santé.
Or, de nombreuses personnes âgées présentent une
maladie chronique évolutive qui augmente les pertes
protéiques et, lors d’un événement aigu (chute, fracture,
infection), les pertes protéiques sont nettement
majorées et, malgré une convalescence, la
récupération du stock de protéines est incomplète,
laissant une masse protéique moindre. Les épisodes
répétés d’événements aigus vont progressivement
crire une descente en «!marches d’escalier!»
aboutissant à une perte de protéine nitive en
quantité et en fonction, dénommée «!sarcopénie!». Au
regard de ce risque, il faudrait que les personnes âgées
puissent non seulement maintenir l’apport de protéines
de sujets plus jeunes, mais encore augmenter
notablement l’apport de protéine au moment des
événements aigus. Or, de nombreux facteurs gênent
l’ingestion de protéines chez la personne âgée. Ainsi, il
est nécessaire d’augmenter la valeur des besoins
protéiques recommandés chez le sujet âgé et d’être
vigilant sur l’alimentation en protéines de toutes les
personnes âgées.
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La Lettre d’ALOHA - Septembre 2015
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En pratique : Quels sont les aliments qui renforcement les défenses de l’organisme ?
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En plus de la quantité de calories nécessaire à une
alimentation appropriée, la question de la nutrition et
des défenses immunitaires interroge sur la capacité
de certains aliments à renforcer de manière
spécique les défenses de l’organisme.
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La vitamine A!: on la trouve dans le foie de volaille et le
foie de veau, mais aussi dans les carottes, le potiron et
la laitue. Une alimentation normale et équilibrée couvre
normalement ces besoins. Elle est utile à la
multiplication des cellules de l’immunité et à la
fabrication d’anticorps.
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La vitamine C!: présente dans le poivron, le citron,
l’orange (pressée), les fruits rouges et le kiwi. Elle peut
être largement consommée. Ses propriétés sont anti-
oxydantes, c’est-à-dire qu’elle protège les globules
blancs, autre nom des lymphocytes, de groupements
d’atomes d’oxygène libres (aussi appelés radicaux
libres) qui détruisent les chromosomes. Elle aide à la
fabrication d’interféron, petite molécule nécessaire à la
lutte contre les infections
virales.
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La vitamine D : cette vitamine qui est en réalité une
véritable hormone a de multiples fonctions. Son action
sur la xation du calcium sur l'os est la plus connue. La
vitamine D aide également au développement et à la
maturité de certains globules blancs en particulier les
lymphocytes T. Elle semble également réguler la
réponse inammatoire an que celle-ci ne dépasse pas
son but et n'entraîne pas une inammation chronique.
La principale source de vitamine D est la peau sous
l’eet des rayons du soleil, mais cette production
diminue avec l’âge. On en trouve également dans les
poissons séchés (huile de foie de morue, hareng fumé,
saumon). Actuellement chez la personne âgée, on
propose volontiers un apport de vitamine D sous forme
de supplément dans le cadre de la lutte contre
l’ostéoporose.
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Le cuivre : ce métal est utile à l'action des macrophages
qui vont capter puis éliminer de nombreux produits
toxiques du métabolisme. On le trouve dans les
poissons séchés, le pain de mie aux céréales, le foie de
veau cuit. Une alimentation équilibrée couvre les
besoins de l’organisme.
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Le fer!: utile à de nombreux métabolismes, il est surtout
présent dans les apports de protéines animales (viande
ou poisson). Il existe également un fer végétal, trouvé
dans les épinards, mais qui est moins bien absorbé. Son
manque peut entraîner une anémie avec pâleur et
surtout une fatigue persistante. Les pertes de fer
peuvent être insidieuses, c’est pourquoi il est conseillé
de vérier son taux de fer devant des signes même
discrets.
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Sélénium!: il est connu pour ses propriétés anti-
oxydantes. Il intervient dans la mobilisation de groupes
de cellules comme les lymphocytes. Il est présent dans
le jaune d'œuf, le thon, l’emmental et le jambon cuit. Sa
carence peut être responsable d’insusance cardiaque
dans des zones totalement dépourvues en sélénium,
mais une alimentation équilibrée permet un apport
susant.
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Zinc!: métal participant en tant qu’oligoélément à la
lutte contre linfection en intervenant dans le
métabolisme des cellules immunitaires. Il protège
également les cellules et leur membrane contre
l’agression des radicaux libres. On les trouve dans les
huîtres, le foie de veau ou le pain de seigle en
particulier.
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