ŒUVRES DE LAURENT SCHWARTZ
LAURENT SCHWARTZ
Espaces de fonctions différentiables à valeurs vectorielles
J. Analyse Math., 4 (1955), p. 88-148.
Extrait des Œuvres de Laurent Schwartz
publiées par la Société mathématique de France, 2011.
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Numérisation de documents anciens mathématiques
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ESPACES DE FONCTIONS DIFFÉRENTIABLES
A VALEURS VECTORIELLES
Par
Laurent
Schwartz
à Paris, France
Introduction
Le présent mémoire est une étude systématique des espaces de fonctions
différendables
à valeurs vectorielles, à la lumière de la notion de produit
tensoriel topologique, développée par
Grothendieck*1).
Bien que beaucoup
de démonstrations soient relativement faciles, il nous a paru utile de les
écrire in extenso, car toutes les fois qu'interviennent les espaces vectoriels
topologiques, il y'a de tels
"pièges"
qu'une grande rigueur est nécessaire ;
d'autre part il nous semble que le langage des fonctions à valeurs vecto-
rielles, encore trop peu utilisé, est essentiel en analyse moderne, et apporte de
considérables simplifications d'écriture et de démonstration. Nous donnons
un certain nombre de propositions, et 4 théorèmes, mis en évidence pour
leur importance plus grande. Nous terminons ce mémoire par une démon-
stration du théorème des
noyaux(2),
que nous approfondirons ultérieurement.
Le § 1 étudie d'abord l'espace
Ew
(E)
des fonctions
m
fois continue-
ment différend abl e s
sur
Rn
à valeurs dans l'espace vectoriel topologique
E,
puis l'espace
"Dm(E)
des fonctions
m
fois continuement différentiables à
support compact à valeurs dans
E7
dont la proposition 2 (page 95) donne
les voisinages de 0. Pour plus de généralité, nous introduisons une catégorie
générale d'espaces de fonctions numériques différentiables, les espaces
Hw,
auxquels seront associés des espaces de fonctions à valeurs vectorielles
Km(E).
Les axiomes de ces espaces
Hw
sont
Hx, H2, H3,
H4
(page 97).
Les espaces usuels
Ew,
Dm,
S ,
OM
, sont des espaces
Hw
complets
(proposition 5, page 102). On définit alors
Hw
(E) comme l'espace des
1.
Grothendieck
[l].
Les nombres entre crochets renvoient à l'index
bibliographique. Les caractères gras remplacent les majuscules cursives utilisées dans
nos publications antérieures.
2.
Nous avons annoncé antérieurement ce théorème, sans en donner de démon-
stration, Schwartz
[l],
Paêe
223, théorème II.
ESPACES
DE
FONCTIONS DIFFERENTIABLES
%9
->
fonctions
(p m
fois continuement
différentiables
à
valeurs dans
E,
telles
que,
->
t
->ï
->.
pour tout élément
tf' du
dual
E' de
£,
la
fonction scalaire
(<p
, e'j
appartienne
à
Hw.
Une topologie convenable est introduite sur
Hw)
(page 104).
Hw)
possède alors des propriétés tout-à-fait analogues à
Hu H2, H3, Hé
(page 105), et il est complet si
Hw
et E sont complets (proposition 8, page 104).
Un espace tel que
Ew
(E)
est alors l'espace
Ém(E)
associé à
HW
=
EW;
au contraire
Dw)
est différent de
DW(E),
c'est l'espace des fonctions
->
cp
m
fois continuement différentiables à valeurs dans
E,
scalairement à
->
support compact, c. à. d. telles que, pour tout
e G
E\
la fonction scalaire
(<p
,
ej
soit à support compact (page 106).
Le § 2 (page 108) relie les espaces
Hw)
aux produits tensoriels
topologiques. Grothendieck a introduit sur les produits tensoriels diverses
topologies, nous appelons 8 l'une d'elles (page
110),
et il se trouve alors
que
Hw(is)
est exactement le complété (si
Hm
et E sont complets)
(Hw(££)£%
du produit tensoriel
(JIm(^)E)e
muni de la topologie 8 (théorème I,
page
111).
Il en résulte l'importante proposition
11
(page
111)
qui permet
d'étendre aux espaces
Hw
(E)
des applications linéaires continues d'espaces
Hw.
Nous étudions ensuite le produit tensoriel topologique complété de
deux espaces du type H, que nous pouvons représenter comme un espace
du type H à deux variables (proposition 13, page 113).
Au § 3, nous définissons l'intégration d'une fonction différentiable à
valeurs vectorielles par rapport à une distribution scalaire. Si cp est une
fonction continue à valeurs dans
E,
à support
compact,
et si
\i
est une
~>
mesure de Radon scalaire, on peut classiquement intégrer cp par rapport
-> ->
à
\i,
c. à. d. calculer
f^M(p
d\a
ou
\i
(<p),
qui est un élément de E. Pour
généraliser, nous introduisons d'abord le dual
H/fn
de
Hw
(page 118); si
alors
cpeHw(£),
et
T€H'W,
on peut, si E est quasi-complet, définir
T(cp)
comme élément de E (théorème II, page 122). Cette "intégrale"
T(<$)
possède les propriétés élémentaires qu'on attend d'elle (propositions
17,
18, page 123). Ces considérations sont suivies d'une carac-
térisation de "H.m(E)9 de deux manières
duales,
soit comme isomorphe
à l'espace des applications linéaires continues de
E'c
dans
Hw
(par
l'identi-
fication de
cp€Hw(E)
à l'application linéaire e'
-> (tç
, e'j) soit comme
90
LAURENT
SCHWARTZ
isomorphe à l'espace des applications linéaires continues de
Hc
dans
E,
(par
l'identification
de
<p€Hw)
à l'application
T->T((p)),
F'e
désignant
le
dual
d'un espace vectoriel F, muni de la topologie de la convergence
compacte (théorème III, page 127).
Le §4 donne des exemples et applications diverses de ces méthodes.
Nous étudions d'abord la convolution entre espaces de distributions. Pour
qu'une distribution A opère par convolution de
HT
dans un espace de
distributions E, il faut et il suffit que la fonction y
->
x (y) A appartienne
à
Hw)
(proposition 20, page 132). On en déduit, moyennant les conditions
supplémentaires
(Hmm+i)
et
#5
relatives à
Hw,
la proposition 21 (page
135),
qui établit diverses convolutions. D'une façon générale la principale
application est fournie par le théorème III, puisqu'on peut grâce à lui re-
présenter divers espaces d'applications linéaires continues de l'analyse.
Les propositions 22 (page 140) et 23 (page 142) donnent des exemples
utiles dans la pratique (applications linéaires continues de
E'y
dans E*, de
Dy
dans
Ex,
de
E'y
dans
D'*).
Nous terminons par le théorème des noyaux
(page 143) qui exprime que toute application linéaire continue de
T3y
dans
D'x
peut s'exprimer par un noyau
N,
distribution à deux variables,
ce qui couvre pratiquement toutes les applications linéaires continues ren-
contrées dans l'analyse, car pratiquement tous les espaces fonctionnels
contiennent D et sont contenus dans D'. L'index bibliographique est placé
à la fin de l'article.
Il est habituel de faire jouer un rôle essentiel aux espaces vectoriels
topologiques complets. Toutefois on sait que la topologie forte d'un espace
tel que
L°°
ou celle du dual
C'(X)
de l'espace C (X) des fonctions continues
sur un espace compact X, sont trop fines en général pour les applications.
Ainsi l'application y
->•
bx
(y) de X dans C' (X) qui à chaque point y de X
fait correspondre la mesure de Dirac définie par la masse + 1 au point
y,
n'est
pas continue, si on munit
C(X)
de la topologie forte. Par contre si
on munit
C'(X)
de la topologie de la convergence uniforme sur les parties
compactes de C
(X),
elle devient continue ; et pour cette topologie, C' (X)
est encore complet. Telle est la première voie qui s'offre pour concilier la
continuité des fonctions à valeurs vectorielles que nous rencontrerons, et le
caractère complet des espaces étudiés. Il y a une autre voie : remplacer la
notion de complet par celle plus faible de quasi-complet. Un espace vectoriel
ESPACES DE FONCTIONS DIFFÉRENTIABLES 91
topologique E est dit quasi-complet si toute partie
bornée
fermée
de E est complète. Toute suite de Cauchy, étant bornée, est alors néces-
sairement convergente, et E est semi-complet. Les espaces L00, ou
C"(X),
munis de leurs topologies faibles de
duals
de I1 ou de C (X), sont quasi-
complets, et
même
toute partie bornée fermée est compacte ; et y
->
ô*
(y)
est bien continue dans C' (X) faible. C'est là un fait général : si F est un
espace vectoriel topologique
tonnelé(3),
G un espace vectoriel topologique
séparé localement convexe quasi-complet, l'espace L (F ; G) des applications
linéaires continues de F dans
G,
muni de la topologie de la convergence
simple (ou de toute
S-topologîe
(4>)
est quasi-complet ; en particulier, en
prenant pour G le corps des scalaires,
F'
est quasi-complet pour la topologie
faible ou toute
S-topologie.
Sans nous prononcer sur la meilleure des
deux voies précédement décrites, nous utiliserons systématiquement les
espaces quasi-complets, la théorie étant a fortiori valable pour les espaces
complets.
Dans un espace vectoriel topologique, toute intersection de sous-
espaces quasi-complets est quasi-complète ; on peut donc parler du quasi-
complété d'un espace séparé
E,
que nous noterons
E,
et qui, dans le
complété
E,
est l'intersection de tous les sous-espaces quasi-complets con-
tenant E. Il peut arriver que E soit strictement plus grand que l'ensemble
des points de E adhérents aux parties bornées de E.
Une partie A de E est dite quasi-fermée dans E si elle contient les
points de E adhérents à ses parties bornées. Toute réunion finie, toute
intersection quelconque de parties quasi-fermées sont quasi-fermées. Tout
sous-espace quasi-complet de E est quasi-fermé dans
E,
et si E est quasi-
complet, tout sous-espace quasi-fermé est quasi-complet. On dira qu'un point
x de E est strictement adhérent à une partie A de E si toute partie quasi-
fermée contenant A contient x ; cela ne prouve pas que x soit adhérent à
une partie bornée de A. L'ensemble des points strictement adhérents à A
constitue l'adhérence stricte de
A,
intersection de toutes les parties quasi-
3*
Bourbaki
[l],
page 6. Des propriétés plus précises relatives aux espaces
vectoriels topologiques sont données dans
Bourbaki
[2], et Bourbaki
[3],
actuellement sous presse.
4.
Voir note 3. La S-topologie sur L (F ; G) est la topologie de la convergence
uniforme sur toute partie A de F appartenant à un ensemble S donné de parties
bornées de F. La propriété résulte alors de
Bourbaki
[lj,
théorème 1, page 7.
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