CAS CLINIQUE Dépression PROMOTION DE L’AMÉLIORATION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES 1 Dans le cadre du programme MobiQual CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE Monsieur René C. 85 ans Monsieur C. est autonome. Il vit avec son épouse de 83 ans dans une maison de ville avec petit jardin. Ils ont deux enfants. Un fils, qui les voit peu car supportant mal le caractère intransigeant de son père. Une fille, qui s’occupe de ses parents, bien secondée par son conjoint. Il y a 4 ans, devant une modification de son caractère et de ses activités quotidiennes depuis quelques mois, sa fille et son épouse ont incité Monsieur C. à consulter un gériatre, par lequel il est depuis régulièrement suivi. Monsieur C. est en bonne santé physique. Il montre un grand plaisir à parler de son ancienne activité de sapeur-pompier bénévole. Il s’exprime sans difficulté, de façon précise. Il a commencé à se plaindre d’être "moins bien, moins enthousiaste à faire des choses" depuis un "petit malaise" survenu l’été précédent. Sa mobylette étant tombée en panne, il avait dû remonter une rue en poussant son engin, en pleine chaleur, sans ôter son casque. Il n’a pas perdu connaissance mais dit être rentré chez lui très fatigué. Ni la famille ni le médecin n’a alors rien remarqué de particulier. L’examen clinique effectué à cette occasion n’a rien révélé de particulier en-dehors d’un souffle systolique 2/6 aortique, non connu. Le scanner cérébral a montré une zone lacunaire typique d’un antécédent d’accident vasculaire ischémique. Le bilan cognitif était normal. Au fil des consultations suivantes, tous les 6 mois, Monsieur C. est devenu de plus en plus sombre, ruminant toujours les mêmes plaintes à propos de douleurs aux genoux, d’une faiblesse musculaire des membres inférieurs, d’une diminution de ses capacités physiques. Les explorations effectuées n’ont révélé qu’une gonarthrose bilatérale très modérée (arthrose des genoux). Monsieur C. est soulagé de ses douleurs d’arthrose par le paracétamol. Par ailleurs, son épouse et sa fille évoquent une tendance grandissante à l’hypersomnie. Monsieur C. fait de plus en plus souvent une sieste le matin et une autre l’après-midi. Il est adressé dans une structure de géronto-psychiatrie, bénéficiant d’un accueil de jour dédié aux troubles dépressifs de la personne âgée. Monsieur C. y est suivi 2 fois par semaine et prend 2 comprimés par jour de tianeptine. Après 4 mois de prise en charge, il décide de ne plus aller aux séances, estimant que cela ne sert à rien : "Je ne vois pas ce que ça m’apporte d’être là, à discuter avec d’autres qui sont encore plus malades que moi, qui ne savent même pas parler français". Il est alors adressé en consultation de géronto-psychiatrie pour évaluation et prise en charge d’un syndrome dépressif, et recherche d’un trouble cognitif débutant associé. Le diagnostic de dépression est confirmé et l’examen ne révèle aucun trouble cognitif objectivable. Un traitement par ISRS est mis en route et se montre efficace dans un premier temps. Après quelques mois, les effets bénéfiques du traitement s’estompent et les premiers symptômes réapparaissent, s’intensifiant sans pour autant devenir majeurs. Monsieur C. refuse de poursuivre le suivi avec le géronto-psychiatre dont il dit "qu’il n’est bon qu’à me prescrire une camisole chimique. Tous ces psy, c’est pas pour moi, ils ne savent que vous faire parler". cas clinique 1 Question 1 : - Comment interprétez-vous les signes dont se plaint Monsieur C. ? Question 2 : - Que proposez-vous comme prise en charge ? CAS CLINIQUE 1 CAS CLINIQUE N°1 Dépression CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE Question 3 : - Face au refus de traitement, quelle(s) autre(s) forme(s) de prise en charge pouvez-vous proposer ? Dans le cadre de la prise en charge gériatrique, l’équipe cherche avec Monsieur C. quelles activités pourraient lui faire plaisir, le stimuler. Monsieur C., féru de la langue française, se plaint de difficultés à trouver ses mots malgré des résultats normaux aux tests effectués. Une prise en charge orthophonique avec des exercices de mémoire lui est donc proposée. De plus, Monsieur C. ayant toujours apprécié la danse, il lui est proposé d’aller danser 2 fois par semaine dans un club de danse. Pendant un an, l’humeur de Monsieur C. s’améliore nettement. Il est heureux d’aller danser, et précise qu’il y va seul, sans son épouse qui "ne sait pas danser, qui n’est pas intéressée par cela". De même, il apprécie les séances hebdomadaires avec l’orthophoniste. Il dit "avoir enfin quelqu’un d’intelligent à qui parler, une femme au langage précis, riche, pas comme ma femme qui ne sait pas aligner trois mots correctement, qui n’a jamais fait les papiers à la maison car elle fait trop de fautes d’orthographe, qui emploie un mot à la place d’un autre et ne fait pas attention. J’ai essayé toute ma vie de la changer, mais elle ne veut pas, elle est têtue et elle m’énerve". Ses idées fixes sur l’ignorance de son épouse sont de plus en plus prégnantes. Il dit ne se sentir bien qu’avec l’orthophoniste et quand il danse. Le reste du temps, il préfère dormir pour ne pas entendre sa femme et ne porte plus son sonotone à la maison. Alors qu’il aimait manger, les repas ne le satisfont plus. "Elle ne sait pas cuisiner, c’est gras, c’est toujours la même chose, elle ne connaît rien à la diététique, comme sa mère, comme sa sœur qui sont des analphabètes, comme toute la famille d’ailleurs. Ils ont voulu la marier vite de peur qu’elle ne se marie pas, pour s’en débarrasser". Une deuxième tentative de prise en charge psychiatrique se solde par un nouvel échec après seulement deux séances. Monsieur C. refuse d’aller en consultation géronto-psychiatrique. Lors de l’avant dernière consultation de gériatrie, il montre un manque de respect inhabituel avec le médecin, qui lui en fait la remarque. Il quitte la consultation en s’excusant, en larmes. Un troisième essai et nouvel échec avec cette fois une psychiatre femme dont il dit "qu’elle est comme les autres". Monsieur C. ne se rendra qu’à une seule consultation. Question 4 : - Estimez-vous que l’état de Monsieur C. s’améliore ou s’aggrave ? Faut-il envisager un autre diagnostic ? Lors de la dernière consultation de gériatrie, Monsieur C. ne se plaint d’aucune douleur et l’examen clinique ne retrouve aucune anomalie physique. Par contre, il dit se méfier de ce que lui donne son épouse à manger "des fois qu’elle essaie de m’empoisonner". Il exprime des idées noires sur l’absence d’avenir confortable pour lui, il est toujours plus exaspéré par son épouse "heureusement qu’il y a ma fille, c’est la seule avec laquelle je puisse parler". En fin de consultation, il dit "de toute façon, j’ai mis depuis quelques temps une corde dans la poche de mon pantalon, je ne peux pas vous la montrer car j’ai mis un pantalon propre pour venir à la consultation. Comme ça, si j’ai le courage…". Question 5 : - Estimez-vous qu’il existe un risque suicidaire ? Quelle attitude adoptezvous ? Le gériatre demande aussitôt à voir la fille de Monsieur C., aidante principale, pour lui exprimer son inquiétude. Elle dit commencer à être épuisée par les propos de son père, les disputes permanentes entre ses parents, les refus de soin de son père, etc. Elle raconte alors la tragédie familiale. Alors que Monsieur C. avait 11 ans, son père s’est pendu après avoir assassiné sa belle-fille, femme perçue par la famille comme une personne insupportable. Après discussions et avec son consentement, Monsieur C. est finalement hospitalisé en clinique psychiatrique pour syndrome dépressif majeur avec idées suicidaires. CAS CLINIQUE 1.1 Dépression et symptômes dépressifs CAS CLINIQUE N°1 CHEZ LE SUJET ÂGÉ Fiche technique formateur Points aboRDés • Alerte et diagnostic • Prise en charge • Risque suicidaire Pistes De RéPonses et Réflexions question 1 - évaluation et caractérisation des symptômes dépressifs La possibilité d’un syndrome dépressif doit être systématiquement évoquée chez la personne âgée devant certains signes tels que dans ce cas clinique, l’observation d’un changement de comportement, une perte d’intérêt pour les activités du quotidien, des troubles de l’humeur ou des plaintes somatiques disproportionnées par rapport à l’état physique du patient (dépression masquée). L’alerte peut être donnée par toute personne intervenant dans l’entourage de la personne : famille, aidants, soignants, etc. Une première évaluation de repérage peut être effectuée par un soignant à l’aide par exemple de l’échelle mini GDS. Le diagnostic est posé par le médecin, à l’aide de la GDS ou d’une autre échelle d’évaluation et des critères diagnostiques du DSM-IV-R. L’examen clinique permet de rechercher une pathologie dont la dépression serait secondaire, notamment une pathologie neurologique (accident vasculaire cérébral, démence débutante, etc.). questions 2 et 3 - Prise en charge question 4 - les signes associés Chez le sujet âgé, la dépression peut être associée à des troubles cognitifs. Ces troubles peuvent régresser avec l’amélioration de la dépression ou au contraire, révéler une pathologie démentielle débutante. La dépression peut alors soit être réactionnelle aux troubles cognitifs débutants, soit être en lien direct avec le processus cérébral organique de la démence. L’irritabilité, l’hostilité, l’opposition sont d’autres signes possibles de dépression, notamment chez le sujet âgé. De même, les idées délirantes, avec sentiment de persécution. question 5 - le risque suicidaire Toute plainte suicidaire doit être prise en considération et ne jamais être banalisée. Elle fait l’objet d’une évaluation de la crise suicidaire, avec la personne et ses proches. Un risque suicidaire élevé doit faire envisager une hospitalisation en urgence en milieu spécialisé. La prise en charge est globale. Elle implique dans un premier temps la recherche d’un ou de plusieurs facteurs de risque et facteurs déclenchants et le repérage d’éventuels changements dans l’environnement de la personne (environnement social, habitat, etc.).E Elle associe un traitement médicamenteux et des mesures non médicamenteuses. Le traitement médicamenteux ne doit être proposé qu’en cas de syndrome dépressif. L’existence de symptômes dépressifs ne justifie pas à elle seule un traitement pharmacologique. La prise en soin d’une personne atteinte de dépression nécessite une alliance thérapeutique. Celle-ci suppose une relation de confiance entre le soignant et le patient, que ce soit pour la mise en œuvre d’un traitement médicamenteux ou des mesures non médicamenteuses de type soutien psychologique ou approche psychiatrique spécialisée. La maladie et les modalités du traitement sont expliquées à la personne. Des conseils sont donnés à l’entourage. Les objectifs de la prise en soin sont définis et l’efficacité des mesures thérapeutiques est évaluée régulièrement. CAS CLINIQUE 1.1 Dépression CAS CLINIQUE N°1 CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE Monsieur René C. 85 ans CAS CLINIQUE