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INTRODUCTION
L’hémodialyse est reconnue comme le traitement conventionnel de l’insuffisance
rénale chronique ultime. En moins d’un demi-siècle la suppléance rénale a atteint sa
phase de pleine maturité au point d’être totalement banalisée. La dialyse est perçue
par le public comme un traitement équivalent à celui de l’hypertension ou du diabète
dont elle se différencie finalement que par une contrainte technique supplémentaire.
Cela traduit bien le fait que les aspects techniques de la méthode sont totalement
maitrisés, l’efficacité et la sécurité sont désormais acquis. Soulignons que ce niveau
de développement et d’acceptation a été obtenu sans qu’aucune étude randomisée
n’ait été réalisée. L’hémodialyse est la seule méthode suppléance artificielle capable
de suppléer de façon chronique et virtuellement illimitée la défaillance de fonctions
vitales d’un individu.
Ce défi médico-technique s’est construit progressivement autour d’un concept simple
qui était celui de restaurer périodiquement le milieu intérieur de patients insuffisants
rénaux par une méthode extracorporelle. Dans les premières décennies, le but était
simple et se résumait à faire survivre des patients condamnés par l’urémie. Au cours
des décennies suivantes les objectifs se sont progressivement raffinés. Rapidement,
il est apparu nécessaire d’améliorer la qualité de vie, de réduire la morbi-mortalité,
puis de prévenir et corriger les complications métaboliques de la maladie rénale
et des pathologies associées. Cette évolution des besoins, née d’une meilleure
compréhension de la physiopathologie de l’urémie et d’une plus grande appréhension
des limites de l’hémodialyse, a conduit tout naturellement à une évolution technique
du matériel de dialyse et à une substitution de fonctions métaboliques non couvertes
par la dialyse. Ce dernier aspect ne sera pas abordé ici mais a contribué de façon
indéniable à l’amélioration de la prise en charge des urémiques. Nous ne ferons
qu’évoquer la correction de l’anémie par les agents stimulants l’érythropoïèse (ASE)
ou celle des désordres du métabolisme minéralo-osseux par des médicaments
spécifiques (vitamine D et ses analogues, calcimimétiques…).
Seule l’aspect technique de l’hémodialyse sera évoqué dans ce chapitre.
Naturellement, cette évolution technologique s’est faite progressivement par
touches successives et a permis d’enrichir les fonctionnalités des appareils de
dialyse 1. Il nous est apparu intéressant de faire le point sur les innovations et
progrès qui permettent à l’heure actuelle de traiter quotidiennement et de façon très
innovations technologiques
en hémodialyse
BERnaRD canaUD, lEila chEninE, hélènE lERaY-moRaGUèS,
anniE RoDRiGUEZ, anniE GontiERS-PicaRD, maRion moREna
Néphrologie, Dialyse et Soins Intensifs
Institut de Recherche et Formation en Dialyse & Aider
Montpellier – France
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efficace en toute sécurité des patients âgés, fragiles et le plus souvent porteurs
de polypathologies. Ces innovations technologiques ont été développées en
réponse aux besoins des patients et à la demande des médecins et des soignants 2.
C’est finalement de cette interaction permanente entre le monde médical et les
industriels de la dialyse qu’est née l’hémodialyse moderne. Cela permet de souligner
au passage qu’il n’y a pas de collusion économique entre le monde médical et le
monde industriel, mais un véritable partenariat en termes de recherche innovante et
appliquée au profit des patients. L’innovation technologique en dialyse n’a de sens
que si elle répond à des besoins spécifiques du patient et des acteurs du traitement
(médecin, infirmier, technicien, pharmacien, administrateur). Cela dit, les besoins
exprimés par ces différents acteurs différent dans leurs préférences mais sont
finalement communs. C’est dans cet esprit que nous avons choisis de présenter les
innovations technologiques en hémodialyse.
SÉCURITÉ DU MATÉRIEL DE DIALYSE
Les appareils modernes de dialyse sont un mélange complexe de composants
hydraulique, électrique, mécanique et électronique qui peuvent mettre en jeu à chaque
instant la vie du patient qui est branché. En matière de sécurité les appareils de dialyse
répondent à des normes techniques strictes (électrique, hydraulique…) établies par
des laboratoires experts et vérifiées par des organismes notifiés de certification
(LNE/GMed France; TÜV Allemagne ; FDA, Etats Unis). Cette labellisation protège
a priori le patient et l’utilisateur de tous risques inhérents à l’utilisation de ce matériel.
L’appareillage de dialyse ainsi que le traitement d’eau bénéficient à l’heure actuelle
d’un marquage CE qui garantit les performances et la sécurité de l’ensemble du
matériel dans la mesure son utilisation respecte les recommandations du fabricant.
La fiabilité au long cours des composants est également éprouvée par des tests et
essais de simulation en laboratoire. Un principe de redondance est appliqué aux
composants clés de l’appareillage afin de garantir fiabilité et sécurité à l’ensemble
du matériel.
La monitorisation de la circulation sanguine extracorporelle est extrêmement sensible
et fait l’objet d’une attention toute particulière. Les débits sanguins élevés (300 à 400
ml/min) n’autorisent en effet aucune erreur. La surveillance des pressions artérielles
et veineuses assurent le contrôle et l’intégrité du circuit sanguin extracorporel.
Des fourchettes d’alarme resserrées et précises sur les circuits artériel et veineux
permettent de détecter toute variation imprévue et d’interrompre si nécessaire
instantanément la circulation sanguine. Cette monitorisation des pressions est
essentielle, elle permet de détecter, soit une augmentation de pression (en rapport
avec un obstacle, thrombose, plicature…) comportant un risque d’hémolyse, soit
une baisse de pression (en rapport avec une ouverture de circuit et une hémorragie)
comportant un risque hémorragique. De même, la détection d’air dans le circuit
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veineux est indispensable pour éviter toute embolie gazeuse en cas de micro-
ouverture ou déconnection accidentelle du circuit. Des progrès considérables ont été
faits dans la détection de microbulles d’air à partir de détecteur ultrasonique sensible
qui complètent les classiques détecteurs de niveau. Ces dispositifs représentent la
sécurité la plus élémentaire pour le patient et ne doivent jamais être court-circuités
par le personnel. Un nouveau dispositif visant à détecter la déconnection accidentelle
d’une aiguille (ou d’un cathéter) est utilisé dans à certaines conditions (dialyse à
domicile) afin d’éviter une hémorragie massive brutale que les capteurs usuels de
pression sanguine ne sont pas en mesure de détecter instantanément.
La production de dialysat électrolytique à composition fixe, à température contrôlée
et dégazé est également un aspect sensible pour la sécurité du patient dialysé.
En effet une composition électrolytique inadéquate conduit inéluctablement à des
complications graves et potentiellement mortelles (hyper ou hyponatrémie, hypo
ou hyperkaliémie…). La composition du dialysat frais produit par le générateur
est continuellement surveillée par mesure de résistivité du dialysat. Cette mesure
extrêmement précise évalue principalement la teneur sodique du dialysat en
considérant que les autres électrolytes respectent la même proportion de dilution.
La mesure du pH dialysat a été ajoutée sur les générateurs produisant un
dialysat tamponné au bicarbonate de sodium afin d’éviter la dérive des pompes
proportionnantes visant à compenser le défaut de l’une ou l’autre des pompes à
concentrés (acides et bicarbonates). La fiabilité de la composition électrolytique
des bains de dialyse est excellente mais nécessite une vigilance régulière et une
maintenance des générateurs dans la mesure où une dérive est toujours possible.
La stérilisation en ligne du dialysat produit s’est progressivement imposée comme
un nouveau standard de l’hémodialyse moderne. Cela est obtenu par stérilisation à
froid extemporanée à partir d’ultrafiltres insérés sur le circuit dialysat. Ces ultrafiltres
font désormais partie du générateur et sont stérilisés à chaque cycle de désinfection
(chimique ou thermique). L’intégrité de ces filtres est testée de façon automatique
et en ligne par un test de pression équivalent à celui du point de bulle établi en
laboratoire. Cette fonction permet ainsi de garantir la sécurité microbiologique du
dialysat.
La production régulière de dialysat stérile et non pyrogène donne accès à de
nouvelles options thérapeutiques. L’hémodiafiltration en ligne haute efficacité utilisant
de grands volumes de substitution (25 à 50 litres par séance) a été ainsi développée
et utilisée de façon routinière en pratique clinique. L’automatisation des procédures
de rinçage, d’amorçage et de restitution est également possible par cette méthode
de production. Cela réduit le temps, le coût et les contraintes de manutention des
solutions de rinçage en poche. De plus cela est la condition sine qua none permettant
d’envisager un rétrocontrôle automatisé des chutes de pression artérielle liées à une
hypovolémie en cours de séance 3. Ces dispositifs sont de nature à améliorer la
tolérance des séances et faciliter la dialyse autonome à domicile notamment 4.
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La technologie moderne a apporté une dimension nouvelle dans les fonctions et la
sécurité des appareils de dialyse. De nos jours, les incidents et accidents de dialyse
rapportés à la matériovigilance sont devenus exceptionnels. Les appareils de dialyse
sont d’une fiabilité et d’une sécurité qui frôlent l’absolu. Cela dit, tout utilisateur d’un
appareil de dialyse doit demeurer conscient que le risque zéro n’existe pas, et que
les dispositifs de sécurité et d’alarme installés par le fabricant ne doivent en aucun
cas être court-circuités. Un parallélisme peut être fait avec l’aéronautique. Dans les
accidents de dialyse rapportés, l’erreur humaine (erreur de manipulation, erreur
d’interprétation, défaut de surveillance…) est toujours beaucoup plus fréquente
que celle liée à la défaillance mécanique ou technique d’un des composants de
l’appareillage.
EFFICACITÉ DU TRAITEMENT DE SUPPLÉANCE
L’efficacité du traitement de suppléance est un critère essentiel pour réduire la morbi-
mortalité des patients dialysés. Sans vouloir reprendre ici les critères qui permettent
de juger la bonne efficacité d’une séance de dialyse, il est intéressant de souligner
que le matériel de dialyse aide le clinicien au quotidien en facilitant son évaluation.
Les performances des hémodialyseurs se sont considérablement accrues au
cours de ces dernières années. Les membranes à haute perméabilité qui équipent
actuellement les dialyseurs capillaires offrent des capacités d’épuration sur l’ensemble
du spectre moléculaire des toxines urémiques qui ont été multipliées par un facteur
de deux pour les petites molécules (urée, créatinine...) et par un facteur de cinq
à dix pour les moyennes molécules (béta2-microglobuline). Cela est naturellement
obtenu grâce à des débits optimisés notamment du débit sanguin (300 à 400 ml/min)
et du débit dialysat (500 à 700 ml/min). Le renforcement du débit d’ultrafiltration
(exemple, hémodiafiltration) permet de majorer de façon notable la part convective
de l’épuration et les clairances des toxines de hauts poids moléculaire élevés. Dans
ce cas, le facteur limitant l’épuration n’est plus le dialyseur, mais le patient lui-même
qui offre une résistance interne élevée et présente ainsi une clairance corporelle
inférieure à celle du dialyseur. Seule l’augmentation de la durée des séances (séances
prolongées ou fréquence accrue) est en mesure de surmonter ces résistances aux
transferts de solutés à cinétique corporelle réduite 5.
La mesure extemporanée des performances des séances de dialyse est désormais
possible et proposée sur la majorité des machines de dialyse modernes. Elle repose
habituellement sur la mesure de la dialysance ionique, équivalente à la clairance de
l’urée, réalisée en ligne et automatiquement par le moniteur de dialyse 6 7. D’autres
biosenseurs plus spécifiques existent, certains ont été validés et d’autres sont en
cours d’évaluation, ils évaluent de façon directe ou indirecte la concentration de l’urée
(uréase, absorptiométrie…), dans le dialysat ou l’eau plasmatique (ultrafiltrat) 8 9.
Ces derniers permettent d’évaluer la masse d’urée soustraite au cours d’une séance
et d’en déduire la quantité équivalente de protéines catabolisée dans l’intervalle
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interdialytique. Les outils de quantification directe sont très utiles au contrôle de
qualité routinier des dialysés. Ils permettent de vérifier que la dose de dialyse prévue
a bien été administrée et que l’apport de protéines est respecté. D’autres outils de
quantification sont également embarqués sur les appareils de dialyse, nous ne ferons
qu’évoquer ceux qui évaluent le volume de sang épuré, le taux de recirculation de
l’accès vasculaire ou même le débit de l’accès vasculaire 10. Certains moniteurs de
dialyse sont capables d’évaluer la masse de sodium soustraite au cours de la séance
de dialyse et renseignent sur le régime sodé des patients 11,12. Il est actuellement
possible sur certains appareils de dialyse de cibler en plus une natrémie de fin de
dialyse (dialyse isonatrique) réduisant l’impact des variations osmotiques chez le
patient urémique. Ces différents outils s’inscrivent dans un contrôle de qualité du
traitement et permettent de vérifier le bon fonctionnement de l’accès vasculaire,
d’affirmer que la dose de dialyse a été administrée et de conforter le clinicien dans
sa quête permanente à l’amélioration de la qualité de dialyse. Ces outils ne sont pas
des gadgets 13. Ils représentent un progrès considérable dans le contrôle non invasif
des performances de la dialyse, mais ne peuvent pas se substituer aux critères
usuels de dialyse efficace.
TOLÉRANCE DES SÉANCES DE DIALYSE
En dépit des progrès technologiques apportés aux appareils de dialyse permettant de
contrôler la perte de poids notamment, la tolérance des séances de dialyse demeure
un problème d’actualité. La prévalence des épisodes d’hypotensions symptomatiques
concerne encore 10 à 20% des séances 14. Les autres manifestations, crampes,
céphalées, nausées et/ou vomissements ou parfois plus sévères touchent de 2 à
5% des séances. La technologie moderne des appareils de dialyse fournit des outils
spécifiques capables d’améliorer la tolérance des séances.
Le dialysat tamponné au bicarbonate, nouveau standard de la dialyse moderne, a
fait disparaître la majorité des signes cliniques de mal tolérance des séances de
dialyse. La généralisation des maitriseurs d’ultrafiltration sur les appareils de dialyse
a permis d’obtenir une perte linéaire et programmable répondant à des profils
personnalisés et susceptible d’améliorer la tolérance globale. Cela a apporté un
confort indiscutable aux patients dialysés. La suppression totale de l’acétate résiduel
est à l’heure actuelle un nouveau défi qui devrait permettre d’améliorer encore la
tolérance hémodynamique en particulier pour les méthodes à hauts débits.
La surveillance continue de la variation relative de volémie en cours de séance permet
d’aller plus loin dans l’amélioration de la tolérance hémodynamique des séances
et d’obtenir un contrôle optimal de la pression artérielle 15. Le contrôle continu de
la volémie circulante basée sur la mesure de l’hémoglobine (ou de l’hématocrite)
permet de définir le seuil critique individuel de contraction volémique au-delà duquel
la chute de tension artérielle est fortement probable. Le niveau critique du seuil de
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