Les Indiens et la vie en Inde

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INDE
L’
AFGHANISTAN
Jammuet-Cachemire
Srinagar
Islamabad
C H I N E
Himachal
Pradesh
PAKISTAN
Punjab
Uttarakhand
New Delhi
Arunachal
Pradesh
NÉPAL
Kanpur
Sikkim
Katmandou
BHOUTAN
Assam
Varanasi
Bihar
Meghalaya
Madhya Pradesh
Bhopal
Ahmedabad
Gujarat
Rajkot
Surate
Jharkhand
Dacca Tripura
BengaleOccidental
Mizoram
M
BANGLADESH
Odisha
MYANMAR
Kolkata
Indore
d
an
al
g
Na
ur
Rajasthan
Uttar
Pradesh
Lucknow
ip
Agra
Jaipur
an
Haryana
Chhattisgarh
Nagpur
Maharashtra
Mumbai
Pune
Hyderabad
Andhra
Pradesh
Karnataka
Chennai
Îles
Laquedives
Kerala
Trivandrum
Madurai
Zones revendiquées soit par l’Inde,
soit par la Chine ou soit par le Pakistan
0
500
1000km
an
Colombo
O C
É A N
I N D I E N
am
SRI
LANKA
Îles Andamanet-Nicobar
d
Mer d’An
Territoire
de Pondichéry
Tamil Puducherry
Nadu
Mer
d’Arabie
Yangon
Golfe
du Bengale
Goa
Bengaluru
Visakhapatnam
INDONÉSIE
Les Indiens et
la vie en Inde
Vie au quotidien
5
Vie en société
Une réelle mosaïque sociale
La diversité ethnique et culturelle
Les langues : indo-européennes,
dravidiennes, tibéto-birmanes
Les religions : diversité, vie
en société et défis de demain
Le clivage rural-urbain
5
5
La famille, unité de base
de la structure sociale
23
6
Classes et castes : deux structures
fort différentes
25
8
12
La santé
13
Un système à deux vitesses : public et privé 13
L’eau13
14
Malaria, amibes et Giardia
Précautions de base
15
L’éducation16
La complexe diversité
du système scolaire indien
16
L’éducation supérieure
et les universités
18
La sexualité
18
Entre Indiens
18
Homosexualité19
Entre visiteurs et Indiens
20
Les viols collectifs
20
Les transports
21
Le train
21
Le bus
21
L’avion21
La voiture et le taxi
22
23
26
Les grands moments de la vie
Mariage26
Naissance29
Funérailles30
Fêtes et festivals
Jour de l’Indépendance
Jour de la République
Gandhi Jayanti
Ramadan
Eid al-Adha
Navaratri et Durga puja
Divali
Mahashivaratri
Holi
Ganesha caturthi
31
32
32
33
33
33
34
34
35
35
36
La nourriture
36
Le tourisme
38
Le tourisme « sac à dos »
38
Le tourisme de type maharaja38
Le tourisme historique et culturel
39
39
Le tourisme d’aventure
Le tourisme médical et de mieux-être
40
4
Le chakra d’Ashoka
Le symbole graphique que nous retrouvons
tout au long des pages de ce livre se nomme
le chakra d’Ashoka. Dans l’Inde ancienne,
un disque de métal symbolisait le pouvoir
(chakra en langue sanskrite); par la suite,
le disque a représenté Bouddha ainsi que
les souverains bouddhistes comme Ashoka,
qui régna sur l’Inde au IIIe siècle av. J.-C. et
qui contribua fortement à la diffusion du
bouddhisme. On trouve ce chakra d’Ashoka
au centre du drapeau indien. Le mot chakra
est aussi utilisé dans les domaines de la
médecine traditionnelle et du yoga; il désigne
généralement des points de contrôle, ce qui
rappelle le disque du pouvoir.
En couverture
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La page couverture illustre le dieu Krishna,
un des avatars (dieu fait homme) de
Vishnou. On le représente souvent adolescent, avec sa flûte, comme ici. On dit qu’il
enjôla par sa musique les « gopis », vachères
de son village. Divinité très vénérée en Inde,
on désigne parfois Krishna sous les noms de
Hari ou Govinda.
5
Vie au
quotidien
La diversité ethnique
et culturelle
Nous mentionnions dans le chapitre
précédent que l’Inde n’est une réalité
géopolitique que depuis 1947. Avant
cette date, le sous-continent était
composé de plus de 527 royaumes indépendants, tous différents les uns des
autres, mais aucun avec des frontières
réellement étanches. Ces royaumes,
au cours des siècles, ont vécu affrontements, conquêtes et ont, bien entendu,
subi l’influence de maintes migrations
– immigrations et émigrations. Les
différentes populations autochtones
qui habitent le territoire sud-asiatique
depuis déjà plusieurs millénaires, ainsi
que les mouvements de population
subséquents qui ont pris place sur le
même territoire, ont contribué à faire de
l’Inde contemporaine la mosaïque qu’elle
est devenue. Les populations des régions
frontalières ressemblent à celles des pays
limitrophes : les habitants de Nagaland –
l’un des États du Nord-Ouest – partagent
plusieurs caractéristiques avec ceux de
l’ouest du Myanmar, la population du
Ladakh, avec celle du Tibet occidental,
et celle du Pendjab indien, avec celle du
Pakistan oriental. Ce qui caractérise ici
les habitants à l’orée des frontières nationales actuelles est également applicable
aux frontières étatiques internes à l’Inde;
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Une réelle mosaïque sociale
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Vie au quotidien
6
Une réelle mosaïque sociale
en d’autres termes, la diversité ethnique
et culturelle n’est guère observable si l’on
se déplace à pied et graduellement. Le
tout appartient à un continuum culturel
et, au fur et à mesure que l’on s’éloigne
des régions périphériques et que l’on se
rapproche de « l’Inde centrale », les transformations culturelles se perçoivent
très subtilement, indépendamment des
frontières étatiques. Cependant, si l’on
compare le sud et le nord de l’Inde, l’ouest
et l’est du pays, la différence culturelle est
probante.
On retrouve au sein de plusieurs régions
reculées de l’Inde des peuples nommés
adivasi, littéralement les « premiers résidents ». Ils sont généralement décrits
comme des peuples autochtones qui
auraient été peu touchés par les grandes
migrations (aryenne, grecque, perse et
britannique) qui ont caractérisé l’histoire de l’Inde. Le terme adivasi est une
catégorie large qui regroupe plusieurs
communautés autochtones très variées.
Généralement, elles ont une langue qui
leur est propre – souvent indépendante
des grandes familles linguistiques que
nous abordons plus loin –, des pratiques
religieuses distinctes de l’hindouisme et
de l’islam et des moyens de subsistance
indépendants des centres urbains. Il
faut cependant mettre en garde contre
un certain romantisme : ces communautés adivasi n’ont pas évolué en complète
autarcie au cours des siècles; elles ont
subi et bénéficié de multiples influences.
L’identité ethnique et culturelle d’un
groupe donné se décline selon différents
paramètres, soit l’environnement au
sein duquel le groupe réside, sa langue
d’usage, l’histoire (réelle ou non) que le
groupe s’attribue, son parcours migratoire, ses coutumes alimentaires et
vestimentaires, son folklore, sa religion,
ses différentes expressions artistiques
– sculpture, peinture, musique, danse –
ainsi que son positionnement par rapport
à « l’Autre », aux autres groupes. En Inde,
cette identité nominale se décline principalement, mais non exclusivement, selon
les États puisque leurs frontières ont été
déterminées, en grande partie, par la
langue qui y est parlée. Ainsi, les locuteurs d’une langue sont naturellement
regroupés autour d’une même identité
étatique générique – punjabie, gujaratie,
marathie, bengalie, tamoule ou autre –
qui transcende la seule caractéristique
linguistique. La culture du groupe a également été marquée par les caractéristiques
géophysiques de son territoire d’appartenance ou de provenance. Une région
donnée de l’Inde – une vallée au sein des
hautes montagnes himalayennes, la côte
du Malabar, le désert du Thar, le plateau
du Deccan – détermine en grande partie
les habitudes quotidiennes des gens. Il
importe également de souligner que la
population de chaque État n’est cependant pas homogène et que plusieurs
autres éléments viennent contribuer à
leur diversité démographique; la religion et le fait de résider en ville ou à la
campagne, par exemple, comptent parmi
les facteurs déterminants.
Les langues : indoeuropéennes, dravidiennes,
tibéto-birmanes
La Constitution indienne reconnaît
l’existence de 22 langues distinctes sur
l’ensemble du territoire national. Il
importe de souligner ici que nous parlons
de langues, et non pas de dialectes. Ces
langues peuvent être divisées en trois
grandes familles linguistiques – les
langues indo-européennes, dravidiennes
et tibéto-birmanes.
La famille indo-européenne regroupe les
langues qui seraient originaires d’une
langue commune, que les linguistes européens du XVIIIe siècle (Gaston Cœurdoux,
William Jones et, au XIXe siècle, Franz
Bopps) ont nommé le « proto-indoeuropéen ». Le grec ancien, le latin et
l’ensemble des langues européennes
Une réelle mosaïque sociale
7
Les langues principales en Inde
Indo-européennes
Hindi 41%
Dravidiennes
Telugu 7,2%
Bengali 8,1%
Tamoul 5,9%
Marathi 7%
Kannada 3,7%
Urdu 5%
Malayalam 3,2%
Gujurati 4,5%
Oriya 3,2%
Punjabi 2,8%
Maitili 1,2%
est la langue généralement parlée par la
population musulmane habitant le nord
du sous-continent – c’est également la
langue officielle du Pakistan –; en termes
de syntaxe et de vocabulaire, cette langue
est pratiquement la même que le hindi, à
l’exception de certains termes recherchés
qui sont plus d’influence arabe ou perse
pour l’urdu, ou d’influence sanskrite,
pour le hindi. Un locuteur urdu peut donc
tout à fait comprendre un locuteur hindi
s’exprimant dans un langage quotidien;
l’inverse est également vrai. Cependant,
même si l’urdu et le hindi parlés pourraient être perçus comme une seule et
même langue, ils sont rédigés dans des
alphabets distincts : le hindi, en devanagari, et l’urdu, en alphabet arabe.
La famille linguistique dite dravidienne
regroupe les langues appartenant aux
États du sud de l’Inde : le tamoul (Tamil
Nadu), le malayalam (Kerala), le kannada
(Karnataka), le telougou (Andhra
Pradesh) et l’orissi (Odisha). Chacune de
ces langues possède un alphabet qui lui
est propre et qui est fort distinct du devanagari. Il importe également de noter
la distance séparant les langues dravidiennes des langues indo-européennes.
À titre d’exemple, mentionnons que le
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– mis à part le hongrois, le finnois et le
basque – appartiennent à cette famille.
Sur le territoire sud-asiatique, plusieurs
langues émanent également de cette
souche : pensons notamment au sanskrit
(langue dans laquelle furent composés
les Veda), au hindi, à l’urdu, au gujarati,
au punjabi, au rajasthani, au marathi
et au bengali. Les langues indo-européennes partagent certaines structures
syntaxiques et, bien entendu, des racines
étymologiques communes : pensons, à
titre d’exemple, aux termes « dieu » en
français, deus en latin et deva en sanskrit,
à « ignition » en français et au nom de la
divinité hindoue du feu, Agni, ou bien à
pater en latin et à pitr en sanskrit. Nous
constatons ici la proximité étymologique
entre deux langues qui, d’emblée, nous
semblent aux antipodes. Sur le territoire sud-asiatique, plusieurs langues
d’origine indo-européenne partagent
un même alphabet, le devanagari : c’est
le cas du sanskrit – langue pour laquelle
cet alphabet fut originalement développé
– du hindi, du marathi et du rajasthani.
Les autres langues indo-européennes
du nord de l’Inde sont rédigées dans un
alphabet légèrement différent du devanagari, mais la similarité entre ces alphabets est facilement perceptible. L’urdu
Vie au quotidien
Autres langues (appartenant aux familles indo-européenne, dravienne et tibétobirmane) : 5,9%
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Vie au quotidien
8
Une réelle mosaïque sociale
hindi partage plus de similitudes avec le
français qu’avec le tamoul. On comprend
ainsi les raisons de faire de l’hindi et
de l’anglais les langues officielles de la
nation indienne au lendemain de l’indépendance du pays en 1947. Bien que
vestige colonial, l’anglais était la langue
des infrastructures gouvernementales
et la seule pouvant réellement assurer
une cohésion au sein d’un pays si diversifié linguistiquement. L’anglais devenait
ainsi la lingua franca du gouvernement
sans qu’aucun groupe linguistique ne
se sente désavantagé. L’inclusion du
hindi dans la Constitution indienne
comme langue officielle eut, quant à
elle, des conséquences fort différentes.
Les locuteurs de langues dravidiennes
n’ayant aucune reconnaissance linguistique formelle au sein de la Constitution
se sentirent exclus, et cela participa à
alimenter certaines velléités nationales
et séparatistes, notamment au Tamil
Nadu.
En Inde, la famille tibéto-birmane
regroupe des langues qui ne sont parlées
que par de petites minorités linguistiques, toutes situées dans la région
himalayenne, comme certaines vallées de
l’Himachal Pradesh, du Ladakh, de l’Uttarakhand, du Sikkim et de l’Anuranchal
Pradesh. Bien que ces langues soient plus
parlées qu’écrites, lorsqu’elles sont rédigées, elles le sont dans un alphabet généralement inspiré du devanagari. Le tibétain reflète justement cette inspiration
alphabétique du devanagari alors que la
langue parlée est radicalement différente
de toute autre langue indo-européenne.
Pour quelqu’un qui voyage en Inde,
l’importance de connaître une des
langues indiennes varie selon ce que
l’on désire y vivre plus ou moins longtemps. Une personne qui se limite
aux grands centres urbains et qui a un
contact avec une population éduquée
saura très bien se débrouiller exclusivement avec l’anglais. Cependant, si vous
désirez avoir un contact plus intime
avec l’Inde et sa population en région
plus rurale, ou avec une population
moins éduquée dans les grandes villes,
alors la connaissance du hindi ou de
l’une des langues dravidiennes devient
nécessaire. Le hindi est passe-partout,
surtout au nord, puisque la culture cinématographique de Bollywood s’est diffusée de façon très large et qu’une grande
majorité des Indiens, tout au moins du
nord, le comprend. On peut affirmer la
même chose pour le sud de l’Inde, avec
la nécessité de souligner cependant que
certaines personnes, bien que comprenant le hindi, se refuseront de le parler
par fierté linguistique. Cela dit, si vous
désirez séjourner pendant une période
prolongée dans une région spécifique, la
connaissance de la langue régionale est
toujours un élément qui contribue au
succès de l’insertion. Un Indien constatant qu’un visiteur s’est donné la peine
d’apprendre l’une des langues de son
pays sera flatté et naturellement enclin à
l’ouverture.
Les religions : diversité, vie
en société et défis de demain
L’Inde est un pays officiellement laïque,
mais fondamentalement religieux. La
Constitution indienne de 1948 stipule
clairement que la République indienne est
laïque et, bien que la nation ne promeuve
aucune religion, la liberté de culte est
cependant garantie. La Constitution
reconnaît également la présence de
plusieurs religions sur son territoire
national : hindouisme, islam, sikhisme,
christianisme, jaïnisme, bouddhisme et
zoroastrisme (parsi). Les hindous constituent la foi majoritaire, avec près de 78%
de l’ensemble de la population. Viennent
par la suite les musulmans, avec près
de 18% de la population. Ce chiffre est
peu élevé par rapport au pourcentage
d’hindous, mais ce maigre pourcentage
appliqué à une population nationale
Une réelle mosaïque sociale
9
Réapprendre à compter
diens s’identifie comme bouddhiste. Les
jaïns, quant à eux, sont présents sur le
territoire indien depuis les débuts de leur
tradition, au Ve siècle avant l’ère chrétienne. Bien que le jaïnisme ait pris son
essor dans la même région que le boud­
dhisme, dans la région du Bihar actuel, la
grande majorité des jaïns contemporains
sont d’origine gujaratie; ils constituent
moins de 1% de la population totale du
pays. Les parsis – zoroastriens établis
en Inde – représentent probablement la
plus petite minorité religieuse de l’Inde
et résident essentiellement à Mumbai.
L’auteur indo-canadien Rohinton Mistry
et le défunt chanteur Freddie Mercury du
groupe rock Queen sont tous deux nés de
parents parsis.
Ces différentes allégeances religieuses
contribuent également à distinguer les
identités ethnoculturelles au sein d’un
même État. Un Punjabi ou Marathi, par
exemple, pourrait être sikh, hindou,
musulman ou autre. L’identité d’un individu ou d’une collectivité est alimentée
bien entendu par sa langue maternelle,
mais également par son appartenance
religieuse qui le distingue des autres.
Il importe de souligner ici que chaque
État de l’Inde abrite plusieurs traditions
religieuses et que ces différentes identités se côtoient de façon relativement
paisible depuis plusieurs siècles. Oui,
des tensions ont existé, et sont toujours
présentes, mais elles ne sont pas représentatives des relations interreligieuses
actuelles et passées caractérisant le pays.
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d’un milliard deux cent millions d’habitants représente tout de même un grand
nombre, faisant ainsi de l’Inde le pays
où habitent le plus de musulmans après
l’Indonésie. Hindous et musulmans sont
présents sur l’ensemble du territoire
indien, des zones himalayennes à l’extrémité méridionale. Viennent par la suite
sikhs et chrétiens, représentant chacun
près de 2% de la population indienne.
Bien que les sikhs soient plus présents
dans l’État du Pendjab – là où le fondateur de la tradition, Guru Nanak, est
né au XVIe siècle –, ils sont également
présents partout en Inde. La même
chose peut être affirmée des chrétiens
que l’on retrouve partout sur le territoire, mais majoritairement à Goa – un
État fortement influencé par la présence
coloniale portugaise et, par le fait même,
par la religion catholique – et au Kerala.
Le bouddhisme, quant à lui, était très
présent et influent entre le Ve siècle avant
l’ère chrétienne et le XIIe siècle, moment
où il a disparu totalement de l’Inde. Ce
n’est que dans les années 1930 que le
Dr. Ambedkar, né « intouchable », mais
ayant cependant étudié la médecine en
Angleterre et participé à la rédaction de
la Constitution indienne, créa un mouvement de conversion de masse vers le
bouddhisme. Selon Ambedkar, le bouddhisme rejette toute hiérarchie de classes
et de castes; l’homme politique était donc
convaincu que la conversion de gens de
castes inférieures leur permettrait de
s’affranchir de cette structure oppressive.
Depuis, une toute petite minorité d’In-
Vie au quotidien
En Inde, tout comme au Pakistan, au Bengladesh, au Népal et au Sri Lanka, on
utilise l’expression « 1 lakh » pour signifier la somme de 100 000 et l’expression « 1
crore » pour la somme de 10 millions. Le lakh et le crore sont notés, respectivement,
comme suit : 1,00,000 et 1,00,00,000. Bien que cette numération soit issue de l’ancien système védique, elle est utilisée systématiquement dans la vie quotidienne de
l’ensemble des Indiens. Il importe également de noter que chaque alphabet indien
possède son propre système de numérotation.
23
Vie en société
La famille est l’unité de base à partir de
laquelle se déploie l’identité d’un individu en Inde. Sans famille, la personne
n’existe pas. Au-delà de la classe, de la
caste, l’identité familiale est celle qui
prime. La famille indienne n’est pas
une famille nucléaire comme nous en
avons l’habitude en Occident; le modèle
est plutôt celui de famille élargie, où
les enfants vivent avec les parents, les
grands-parents, les oncles et les tantes.
La famille élargie compte généralement
plusieurs personnes de diverses générations vivant sous un même toit, partageant une même cuisine, un même foyer.
Ainsi, il n’est pas rare de voir des familles
de plus de 15 individus résidant au même
endroit. La vie familiale est communautaire, les enfants des uns grandissant
avec les enfants des autres et apprenant
au sein de cette microsociété une multitude de règles fondamentales à la culture
indienne.
Les liens familiaux sont régis par une
hiérarchie importante. L’épouse du frère
aîné, par exemple, n’a pas le même statut
que celle du frère cadet; l’homme le plus
âgé de la maison – qu’il soit le grand-père
ou l’oncle aîné – détient, théoriquement,
une autorité totale sur l’ensemble de la
maisonnée. De plus, le mode relationnel entre chaque membre de la famille
dépend de la relation définie par le statut
de chacun. La nomenclature familiale
se doit donc d’être plus complexe en
contexte indien afin justement de refléter ces importantes nuances : selon la
langue (hindi, tamoul ou autres), un
terme distinct est utilisé pour parler de
l’oncle maternel et de l’oncle paternel, du
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La famille, unité de base de la structure
sociale
24
La famille, unité de base de la structure sociale
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Vie en société
frère aîné et du frère cadet, de l’épouse
du frère aîné et de celle du frère cadet,
et ainsi de suite. À chaque rôle, à chaque
statut, son nom précis, ce qui permet
de tisser ce tissu social venant unir les
membres d’une communauté transgénérationnelle se reproduisant depuis
plusieurs siècles.
Il importe ici de présenter la notion
d’ashrama, les quatre stades traditionnels
divisant la vie d’un individu masculin
hindou. Bien que cette structure ne soit
vraiment plus suivie à la lettre – peutêtre encore dans certains milieux orthodoxes et traditionnels –, elle permet tout
de même de comprendre comment se
déploient les rôles masculins au sein de
la famille. La première étape est celle de
brahmacarya et débute alors que le jeune
entame son éducation formelle; il passe
alors du statut indéfini de l’enfance – où
tout est pratiquement permis – à celui
d’étudiant. Traditionnellement, le jeune
allait apprendre un art, une profession
sous l’égide d’un maître (guru) et devait
quitter le domicile familial pour rejoindre
une école traditionnelle (gurukula). De
nos jours, l’école et le collège remplissent
cette fonction. Lorsque le jeune termine
ses études, il passe alors à la deuxième
étape, celle de maître de maison (grhastha); le début de cette période est marqué
par le mariage, et l’individu doit alors
exercer pleinement la profession qui
lui incombe et assurer une progéniture
masculine à sa lignée. Lorsque ses propres
enfants deviennent eux-mêmes grhastha,
l’homme se doit de se retirer de la vie
professionnelle et de laisser ses propres
enfants prendre en charge la profession
familiale; il entre alors dans le troisième
ashrama, soit celui de vanaprastha ou de
reclus forestier. Traditionnellement, il
devait s’installer avec ou sans son épouse
à l’orée de la forêt. De nos jours, cependant, l’homme s’installe plutôt dans un
endroit plus en retrait dans la demeure
familiale, demeurant ainsi accessible à ses
enfants pour toute question professionnelle ou autre. La dernière étape, celle
de samnyasa, propose une renonciation
totale et radicale de l’univers mondain;
celle-ci est rarement mise en pratique.
Bien que la majorité des hindous contemporains ne parlent plus d’ashrama en tant
que tels, on remarque cependant que la
structure de ceux-ci – tout au moins dans
son essence – est toujours bel et bien
présente. La vie typique d’un Indien, peu
importe son appartenance religieuse, est
marquée par ces mêmes étapes importantes. Un parcours de vie doit nécessairement inclure – à quelques exceptions
près – une période de formation professionnelle, le mariage, la procréation, la
prise en charge de ses parents (d’une
façon ou d’une autre), le soutien à ses
enfants pour qu’ils acquièrent l’éducation nécessaire pour s’engager dans une
carrière et, plus tard, un retrait de la vie
professionnelle en gardant un œil bienveillant sur le parcours professionnel de
ses propres enfants. Certaines grandes
familles indiennes – telles les Tata et les
Bajaj, toutes deux de confession parsie –
ont pu faire leur fortune grâce à cette
structure traditionnelle et aux liens
étroits que permettent les systèmes de
classes et de castes.
Classes et castes : deux structures fort différentes
25
qui concerne l’endogamie, les membres
d’un jati particulier doivent traditionnellement trouver pour leurs enfants un
conjoint issu du même milieu. Celui-ci
doit donc provenir d’une famille de
même jati. Il n’est pas rare, cependant,
de constater un certain élargissement du
bassin d’épouses et d’époux potentiels
à d’autres « castes » au sein d’une même
classe. Traditionnellement, l’exclusivité
de la profession implique sa transmission
héréditaire, au sein des familles appartenant à chaque jati. Quant à la règle
de la commensalité, elle implique, pour
l’ensemble des trois premières classes,
que la nourriture soit préparée par les
membres de sa classe ou ceux d’une
classe supérieure. Plusieurs restaurants
des grandes mégalopoles indiennes
s’affichent comme pure veg, soulignant
ainsi que tous leurs cuisiniers sont brahmanes. Alors que cette pratique tend à
disparaître dans l’Inde moderne, l’Inde
traditionnelle – qui demeure toujours
majoritaire dans le sous-continent – lui
accorde toujours beaucoup d’importance.
Il importe de souligner que ces trois
règles sont appliquées de la façon la plus
restrictive pour les brahmanes, tout en
haut de la hiérarchie socio-religieuse.
Techniquement, les classes (varna)
sont des catégories fondamentalement
hindoues. Les castes (jati), quant à elles,
n’ont aucune racine religieuse et sont
partagées par l’ensemble de la société
indienne, hindoue comme musulmane,
sikhe et chrétienne. Les différentes traditions religieuses présentes sur le territoire indien ont intégré cette structure
sociale – même si aucune ne l’admettrait
réellement. Cependant, l’Inde moderne,
telle qu’on la retrouve dans certains
secteurs des grandes villes, tend à s’affranchir de ces structures traditionnelles.
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Outre la famille, d’autres catégories identitaires traditionnelles influent sur les
pratiques sociales. Nous pensons particulièrement aux classes et aux castes.
Les varna (classes) et les jati (castes) sont
deux systèmes de catégorisation sociale
dont les fondements sont fort différents.
Tel que nous l’avons vu dans le chapitre
« Histoire et civilisation », les varna sont
les quatre classes décrites par l’un des
mythes cosmogoniques des Veda; cette
division sociale est fondée sur la notion
de pur/impur. À chacune de ces classes,
est attribuée une fonction particulière :
les brahmanes ont comme fonction
première l’accomplissement des rituels et
l’enseignement; les ksatriya, la direction
et la protection de la société; les vaisya, la
responsabilité de nourrir celle-ci par l’entremise du commerce et de l’agriculture;
les shudra, l’obligation d’être au service
des trois premières classes. Cette division
sociale est fondée sur la pureté rituelle :
plus le statut d’un individu est élevé, plus
les restrictions et obligations rituelles
sont contraignantes afin de maintenir
le niveau de pureté acquis à la naissance.
La classe et la caste déterminent donc,
traditionnellement, le type d’activités
professionnelles permises à un individu
donné. L’appartenance à la caste, jati, est
par ailleurs définie selon la profession; le
jati est en fait une sorte de corporation
professionnelle réunissant les membres
d’un même métier d’une région donnée.
Les membres d’un jati sont naturellement tous de même varna.
L’importance de maintenir une pureté
rituelle se manifeste par l’observance
de trois contraintes généralement liées
à la varna, mais également étendues au
jati dans le cas de certains groupes plus
orthodoxes : l’endogamie, l’exclusivité de
la profession et la commensalité. En ce
Vie en société
Classes et castes : deux structures fort
différentes
41
Index
A
Funérailles 30
Mendicité 14
Amibes 14
Avion 21
G
N
Gandhi Jayanti 33
Ganesha caturthi 36
Giardia 14
Grands moments de
la vie 26
Naissance 29
Navaratri 34
Nourriture 36
Castes 25
Classes 25
Clivage
rural-urbain 12
Cricket 35
H
Précautions
de base 15
I
Ramadan 33
D
Indian Standard Time
(IST) 32
S
Bus 21
C
Densité 12
Divali 34
Diversité ethnique et
culturelle 5
Durga puja 34
E
Eau 13
Éducation 16
Éducation supérieure
18
Eid al-Adha 33
F
Famille 23
Fêtes et festivals 31
Filles ou garçons 30
Holi 35
Homosexualité 19
J
Jour de la République
32
Jour de
l’Indépendance 32
L
Langues 6
M
P
R
Santé 13
Sexualité 18
Système scolaire
indien 16
T
Taxi 22
Tourisme 38
Tourisme médical et
de mieux-être 40
Train 21
Transports 21
Mahashivaratri 35
V
Malaria 14
Mariage 26
Viols collectifs 20
Marquage corporel 11 Voiture 22
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B
Les Indiens et la vie en Inde, 978-2-76581-071-1 (version numérique PDF), est un chapitre tiré du guide Ulysse Comprendre l’Inde, ISBN 978-2-89464-752-3 (version imprimée), dont la publication et le dépôt légal ont eu lieu le premier trimestre 2015.
Crédits Auteur : Mathieu Boisvert
Éditeur : Daniel Desjardins
Adjointe à l’édition : Annie Gilbert
Correcteur : Pierre Daveluy
Infographistes : Judy Tan, Philippe Thomas
Cartographe : Philippe Thomas
Directeur des éditions : Claude Morneau
Photographie : Première de couverture, Illustration du dieu Krishna, un des avatars de Vishnou : © Shutterstock.com/
Shyamalamuralinath
Cet ouvrage a été réalisé sous la direction de Claude Morneau.
Remerciements
Ce livre n’aurait pu être possible sans mes deux frères, Francis et Jagara, sans qui mon intérêt pour l’Inde ne se serait jamais
développé. Je tiens également à remercier Béatrice Halsouet pour son œil aguerri et la lecture attentive qu’elle a effectuée du
manuscrit. Je ne pourrais passer sous silence Mayté Perez, qui m’a mis sur la route d’Ulysse.
Guides de voyage Ulysse reconnaît l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC)
pour ses activités d’édition.
Guides de voyage Ulysse tient également à remercier le gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de
livres – Gestion SODEC.
Guides de voyage Ulysse est membre de l’Association nationale des éditeurs de livres.
Note aux lecteurs
Pour faciliter la lecture, les signes diacritiques sur les mots de langues indiennes ont été omis.
Tous les moyens possibles ont été pris pour que les renseignements contenus dans ce guide soient exacts au moment de mettre sous
presse. Toutefois, des erreurs peuvent toujours se glisser, des omissions sont toujours possibles, des adresses peuvent disparaître,
etc.; la responsabilité de l’éditeur ou des auteurs ne pourrait s’engager en cas de perte ou de dommage qui serait causé par une erreur
ou une omission.
Toute photocopie, même partielle, ainsi que toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, sont formellement interdites sous peine
de poursuite judiciaire.
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ISBN 978-2-76581-071-1 (version numérique PDF)
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