
Les mondes ruraux à l'épreuve des sciences sociales - Dijon, 17-19 mai 2006
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our conceptions of “economy” to the diverse array of constitutive practices which embody
variant class processes – some capitalist, others feudal and others possibly communal”
(Creed, 2000, p. 246).
Dans mon étude de cas, les paysans balancent entre deux espaces : la communauté et les
marchés. Ces deux univers ont leurs propres règles, leurs propres types des relations et
leurs propres caractéristiques. Stephen Gudeman attribue à chacun de ces univers un certain
type d’économie : au premier correspond une économie locale, spécifique et constituée à
travers les relations sociales, le deuxième entraîne une économie impersonnelle, globale et
même séparée du contexte social (Gudeman, 2001, p. 361).
Pour l’économie domestique, les valeurs qui comptent sont la famille et la communauté.
L’appartenance à une communauté ou à une groupe est très forte mais les paysans
combinent aussi ces valeurs avec celles spécifiques à l’économie de marché : le profit, la
concurrence, l’investissement. Je crois qu’il est important de voir la manière dont ces
valeurs se combinent et les comportements qui dérivent de ce métissage.
En adoptant une interprétation en termes de « réponses naturelles » des individus aux
stimuli extérieurs, ma recherche se construit sur l’idée d’un aspect axiologique spécifique
de l’action humaine, le rôle de culture étant déterminant pour l’explication des raisons qui
sont à la base du choix entre plusieurs variantes d’action. Les valeurs qui sont utilisées à
travers différents modèles culturels expliquent les désirs, les opinions, les attitudes et les
comportements des individus.
Il s’agit du concept de rationalité axiologique utilisé par Max Weber (1998, p. 143), distinct
de celui de la rationalité instrumentale. J’ai choisi d’utiliser le concept de rationalité
axiologique tel qu’il est défini par Raymond Boudon (Boudon, 2003, p. 54), afin
d’expliquer les différentes attitudes adoptées vis-à-vis de la marchandise.
Pour Raymond Boudon la rationalité axiologique représente un système de raisons non
instrumentales. « Le cas de la rationalité axiologique est donc traité ici comme parallèle à
celui de la rationalité cognitive : dans le premier cas, le système de raisons fondant la
conviction comporte au moins une proposition normative, condition nécessaire pour que la
conclusion puisse être elle-même de caractère normatif ; dans le second, le système de
raisons ne comporte aucune proposition normative… Il n’existe pas de critères généraux
permettant d’affirmer qu’un système quelconque de raisons est valide, qu’il garantit une
conclusion de type : “ X vrai, faux, légitime, illégitime, bon mauvais ”. La vérité, la justice
et les autres valeurs seraient affaire de conventions ; elles relèveraient de l’arbitraire
culturel » (Boudon, 2003, p. 61).
J’ai considéré le marché comme locus de rencontre des différentes communautés qui
échangent, non seulement des objets, mais aussi des valeurs culturelles. De ce point de vue,
le marché et les activités commerciales impliquent des évaluations culturelles en termes
moraux. Le marché représente un champ de lutte pour le pouvoir ou les évaluations morales
concernant les agents et les relations d’échange sont la conséquence des processus de
contestation (Dilley, 1992, p.73).
Les évaluations morales d’échange et de commerce sont les résultats des changements
politiques et économiques. Dans le cas de ma recherche, la chute du communisme et la
transition à l’économie de marché ont déterminé un changement d’attitude de la part des
producteurs et des vendeurs de pommes par rapport au marché et aux relations qui