Symptômes dépressifs et pathomimie : comorbidité ou trouble

L’Encéphale (2011) 37, 133—137
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHOPATHOLOGIE
Symptômes dépressifs et pathomimie :
comorbidité ou trouble psychiatrique factice ?
Depressive symptoms in pathomimia: Comorbidity or psychiatric
factitious disorder?
G. Bordesa, J.-P. Schustera, F. Limosina,,b
aService universitaire de psychiatrie, hôpital Corentin-Celton, 4, parvis Corentin-Celton, 92130 Issy-les-Moulineaux, France
bUnité Inserm U894-équipe 1, centre de psychiatrie et neurosciences, 2ter, rue d’Alesia, 75014 Paris, France
Rec¸u le 16 f´
evrier 2009 ; accepté le 3 mars 2010
Disponible sur Internet le 1 juillet 2010
MOTS CLÉS
Pathomimie ;
Syndrome de
Munchausen ;
Troubles factices ;
Dépression
Résumé Bien qu’appartenant au champ des pathologies mentales, le trouble factice ou patho-
mimie s’exprime préférentiellement par des symptômes organiques volontairement induits par
le patient afin de mobiliser et de manipuler le corps médical. Il n’est toutefois pas rare que
le psychiatre soit directement sollicité par un patient pathomime présentant au premier plan
des symptômes psychiatriques. Ces symptômes peuvent être de registres variés, le principal
enjeu diagnostique étant de déterminer s’il s’agit de symptômes authentiques ou de troubles
psychiatriques factices. À travers la description de trois patients souffrant de pathomimie, et
hospitalisés à leur demande dans un service de psychiatrie pour une symptomatologie dépres-
sive, nous évoquerons différents cas de figure. En effet, à la différence des états psychotiques
aigus et du deuil factice, l’authenticité des symptômes dépressifs qui peuvent exister chez le
patient souffrant de pathomimie est plus délicate à déterminer.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
KEYWORDS
Pathomimia;
Munchausen
syndrome;
Psychiatric factitious
disorder;
Depression
Summary
Background. — The factitious disorders, more commonly known as pathomimia, are mainly
expressed as organic symptoms voluntarily induced by the patient. Patients suffering from these
disorders do not seek to obtain immediate secondary benefits, contrary to simulation. They send
the physician a challenge, sometimes by means of self-mutilation, or exposure to a vital risk.
Their objective is to raise the interest and the mobilization of the medical community. The
patient will develop intense relationships with the medical staff, technically mobilized as well
as emotionally, as far as the factitious character of the disorder is uncovered. In some cases,
factious disorders are conditions in which a person acts as if he or she has a psychiatric disorder,
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (F. Limosin).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010.
doi:10.1016/j.encep.2010.04.010
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by deliberately exhibiting psychiatric symptoms. Most often described are factitious acute psy-
chotic disorders, mourning, affective disorders and post-traumatic stress disorders. Psychiatric
factitious disorders are difficult to diagnose, but they share common diagnosis criteria with
other pathomimias. These subjects may suffer from pathomimia because of the occurrence
of other psychiatric symptoms, such as pathological personalities, adaptation disorders, abuse
and/or dependence on alcohol or other substances, or depressive disorders. This paper des-
cribes three clinical cases of pathomimia, diagnosed after hospitalization in a psychiatric unit
for depressive symptoms, as a correlate to their factitious or authentic character.
Method. — Three case reports, describing patients with pathomimia hospitalized in a depart-
ment of psychiatry for depressive disorders.
Results. — The first case was a 57 year-old man considered as suffering from a bipolar disorder
hospitalized for a depressive syndrome. The symptoms described and reported are those of a
factitious disorder. The patient interrupted the medical care by asking to be discharged from
the hospital. The second case was a young woman hospitalized following a suicide attempt.
She has a history of multiple somatic and psychiatric factitious disorders. On admission she had
depressive symptoms, more likely linked with a pathological personality, rather than with a
major depressive episode. The third case presented a Munchausen syndrome. He was hospita-
lized for depressive symptoms. He had a comorbid major depressive episode. The prescription
of antidepressants led to a significant clinical improvement.
Conclusion. — These three cases indicate that a real depressive syndrome may be observed with
a patient suffering from pathomimia. Therefore, a neutral and complete psychiatric evaluation
is necessary so as to not deprive these patients from the opportunity for an adapted treatment.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Introduction
Deux principaux critères différencient la pathomimie ou
trouble factice, de la simulation. D’une part, alors que la
simple simulation a pour but l’obtention immédiate d’un
bénéfice secondaire, l’objectif de la pathomimie est de
lancer un défi au médecin en le conduisant à un double
échec, diagnostique et thérapeutique [10]. D’autre part,
la pathomimie ne consiste pas seulement en l’imitation de
symptômes, mais implique l’induction de troubles, parfois
au moyen d’automutilations [4,9]. La prévalence précise de
la pathomimie est inconnue, mais il est établi que ce trouble
touche préférentiellement les femmes, à l’exception du
syndrome de Munchausen [1,6,7,11,12], ainsi que les pro-
fessions médicales et paramédicales [2,8].
Les mécanismes psychopathologiques impliqués dans ce
trouble sont complexes et font principalement interve-
nir des traits de personnalité pathologiques, ainsi que des
expériences précoces et marquantes avec le corps médical
[5,13]. Il est ainsi fréquent de retrouver une expérience pré-
coce avec le milieu médical, qu’il s’agisse d’un soin, d’une
hospitalisation ou du souvenir d’une personne proche qui
exerc¸ait dans le domaine de la santé. Cette expérience, le
plus souvent survenue dans l’enfance, a été associée à un
vécu positif, émotionnellement gratifiant. Les liens entre
pathomimie et personnalité hystérique, ainsi que ceux entre
le syndrome de Munchausen et la personnalité antisociale,
ont été largement décrits [6,8].
Les troubles créés par le patient souffrant de pathomimie
ont pour but de mobiliser l’équipe médicale et de stimuler
son intérêt. Ce comportement est sous-tendu par la satisfac-
tion de détenir la solution d’une «énigme »qui s’exprime à
travers le corps. Le patient entretient ainsi d’intenses rela-
tions avec les médecins qui, successivement, manifesteront
de l’intérêt, de la perplexité, de l’incompréhension, puis de
la lassitude, voire de l’hostilité. Quand le caractère factice
des troubles commence à être suspecté, une réaction de
rejet peut apparaître, d’autant plus marquée que l’équipe
soignante a été conduite à un investissement tant affectif
que technique. À ce stade, dans la plupart des cas, la réac-
tion du patient consiste à interrompre les soins. C’est pour-
tant une période cruciale pour le patient qui, démasqué et
privé brutalement de son statut de malade, est alors particu-
lièrement vulnérable. Une consultation avec un psychiatre
ou un psychologue doit être proposée avec précaution, en
évitant qu’elle soit perc¸ue comme une sanction ou comme
une négation de l’expression somatique du trouble.
Les troubles psychiatriques factices
Bien qu’il s’agisse d’une pathologie psychiatrique, la patho-
mimie est surtout rencontrée par nos collègues somaticiens,
en raison des troubles somatiques manifestés. Le psychiatre
peut toutefois être directement sollicité par le patient
pathomime. Il peut alors s’agir de troubles de l’adaptation
en rapport avec les troubles de la personnalité sous-jacents,
d’abus et/ou de dépendance à l’alcool ou à d’autres sub-
stances ou encore de symptômes dépressifs [6]. Le caractère
factice des troubles psychiatriques présentés est plus dif-
ficile à établir, le diagnostic reposant sur des critères
d’évaluation plus subjectifs, sans recours possible à des
explorations complémentaires.
Il existe néanmoins des éléments d’orientation communs
avec les autres pathomimies : réponse inattendue au traite-
ment, symptômes contradictoires et biographie imprécise.
On retrouve également souvent des antécédents de patho-
mimie somatique [3,14]. Les troubles psychiatriques factices
Symptômes dépressifs et pathomimie 135
les plus fréquents sont les troubles psychotiques aigus fac-
tices et le deuil factice. Dans ce dernier cas, le patient
décrit une symptomatologie dépressive en lien avec le décès
d’une ou de plusieurs personnes proches, le plus souvent
dans des circonstances dramatiques et violentes. Les princi-
paux éléments permettant d’évoquer le diagnostic sont une
demande d’hospitalisation inhabituelle chez un endeuillé
récent et l’absence de symptomatologie dépressive consta-
tée une fois le sujet hospitalisé. On relève également une
particulière fréquence des antécédents de comportements
sociopathiques, de tentatives de suicide, d’hospitalisations
psychiatriques à répétition, de pathomimies somatiques, de
problèmes liés à la consommation d’alcool et/ou de drogue,
ainsi que de syndrome de Munchausen.
D’autres troubles psychiatriques peuvent s’avérer fac-
tices, qu’il s’agisse de troubles thymiques, dépressif,
maniaque ou encore bipolaire, mais aussi d’états de stress
post-traumatique [14]. Mais parmi les différents diagnostics
psychiatriques rencontrés chez les pathomimes, du fait de
leur plus grande fréquence et de la difficulté à établir leur
caractère authentique ou factice, les symptômes dépres-
sifs nous ont paru particulièrement intéressants à étudier.
L’objectif de ce travail est donc, à travers la description de
trois patients présentant une pathomimie ayant été hospi-
talisés dans un service de psychiatrie pour des symptômes
dépressifs, une réflexion sur les différents cas de figure pos-
sibles.
Premier cas clinique, Monsieur S.
M. S., alors âgé de 57 ans, a été adressé dans le ser-
vice de psychiatrie pour des troubles du sommeil décrits
comme majeurs et résistant aux différents traitements pres-
crits. À l’interrogatoire, le patient rapporte effectivement
des troubles globaux du sommeil (depuis deux mois il ne
dormirait plus que deux heures par nuit), associés à des
affects dépressifs, avec ruminations d’idées noires, senti-
ments de dévalorisation et d’incurabilité, idées suicidaires
récurrentes. Les différents symptômes sont décrits avec
un certain détachement et avec utilisation d’un vocabu-
laire sémiologique précis. D’emblée on est frappé par le
manque de souffrance et d’authenticité du patient, dont le
comportement constaté dans le service contraste radicale-
ment avec les plaintes alléguées.
Concernant ses antécédents psychiatriques, le patient
prétend souffrir d’un trouble bipolaire de l’humeur depuis
l’âge de 19 ans, avoir été hospitalisé plusieurs fois en psy-
chiatrie, et avoir bénéficié d’une cure de Sakel (coma
hypoglycémique induit). Il rapporte enfin être traité par
lithium depuis une vingtaine d’années, et nous montre
une ordonnance récente comprenant également deux ben-
zodiazépines, deux hypnotiques, deux neuroleptiques et
un correcteur antiparkinsonien. Il ne sera pas possible de
retrouver les différents comptes-rendus d’hospitalisation,
hormis un, qui fait état d’un «syndrome dépressif
d’intensité modérée ». De surcroît, la prise des médica-
ments paraît improbable, le dosage sanguin de lithium à
l’admission s’étant révélé négatif.
Le recueil des éléments biographiques et des antécé-
dents médicaux permit d’évoquer rapidement le diagnostic
de syndrome de Munchausen.
À côté d’une instabilité affective, professionnelle et
géographique confirmée par son entourage familial, les élé-
ments biographiques rapportés par le patient sont riches
en anecdotes rocambolesques, de nature volontiers dra-
matique, voire héroïque, mais aussi contradictoires avec
coexistence de faits réels et de faits manifestement inven-
tés, sans que l’on ne retrouve d’activité professionnelle en
lien avec le monde médical.
Les antécédents médicaux se caractérisent par la
richesse des éléments rapportés. La pathologie somatique
principale serait une maladie de Behcet diagnostiquée
en 1987, ayant débuté dix ans plus tôt et se manifes-
tant sous la forme de poussées d’aphtose bipolaire ainsi
que de multiples phlébites surales compliquées à deux
reprises d’embolie pulmonaire. Le patient rapporte égale-
ment plusieurs hémorragies digestives hautes, un cancer
sur un ulcère de la grande courbure traité par chimio-
thérapie et radiothérapie, des troubles visuels récurrents,
une hématémèse survenue en prison. Il aurait subi plus
de quinze fibroscopies oesogastroduodénales, deux colosco-
pies, une urographie intraveineuse, deux scanners et quatre
ou cinq IRM. Là encore, il a été impossible de confirmer
l’authenticité des différents troubles rapportés.
Dans ce premier cas, la symptomatologie dépressive
décrite par le patient s’est avérée factice, s’intégrant dans
le cadre d’un trouble bipolaire factice. Rapidement, a pu
être constatée l’absence de symptômes patents qui, en
complément des éléments biographiques, des antécédents
médicaux allégués et des contradictions entre les diffé-
rents entretiens réalisés, ont permis de poser le diagnostic
de syndrome de Munchausen. Le patient a très rapidement
demandé sa sortie du service.
Deuxième cas clinique, Mademoiselle D.
Melle D. est âgée de 22 ans lorsqu’elle est admise dans le
service de psychiatrie au décours d’une tentative de suicide
par phlébotomie. Il ne s’agit pas d’une première tentative,
Melle D. ayant fait une tentative de suicide médicamen-
teuse impulsive à l’âge de 17 ans, sans prise en charge
psychiatrique au décours. À son entrée, Melle D. exprime
une symptomatologie dépressive avec sentiment d’inutilité,
d’échec, associé à des troubles globaux du sommeil, ainsi
qu’une perte de poids. Ces symptômes semblent authen-
tiques à l’arrivée de la patiente, mais se montrent très
labiles et s’estomperont spontanément en 48 heures, appa-
raissant comme des variations émotionnelles associées à un
diagnostic de personnalité de type hystérique avec théâtra-
lisme et grande suggestibilité.
Ses antécédents psychiatriques comprennent : à l’âge
de 20 ans, hospitalisation sur demande d’un tiers pour
une symptomatologie hallucinatoire isolée qui, selon la
patiente, évoluait depuis trois années. Cette fois encore,
la qualité du contact, l’absence d’éléments dissociatifs,
d’anxiété, d’idées délirantes exprimées et de symptômes
thymiques amèneront à évoquer un trouble factice. Seront
par ailleurs notés des troubles du comportement alimentaire
avec restriction alimentaire et vomissements provoqués,
apparus alors que Melle D. avait justement une amie
anorexique. À l’âge de 22 ans, lors de deux autres hos-
pitalisations pour des épisodes d’agitation clastique avec
136 G. Bordes et al.
hétéro-agressivité, seront notés des traits de personna-
lité pathologique complexe associant immaturité affective,
impulsivité, histrionisme et suggestibilité.
Parallèlement, l’anamnèse permettra d’identifier des
troubles factices somatiques antérieurement diagnostiqués,
à type de pathomimies multiples et de début précoce, dont
un syndrome de Lasthénie de Ferjol (anémie microcytaire
hypochrome arégénérative à 8,6 g), une thermopathomimie,
une dermopathomimie à l’âge de 13 ans et une épilepsie
factice avec premières crises dans l’enfance. Ce premier
contact précoce, dans l’enfance, avec le milieu médical est
classiquement décrit comme facteur de risque de pathomi-
mie ultérieure. On comptabilisera un total impressionnant
de 37 interventions chirurgicales sur lésions abcédées entre-
tenues (pendant plus de deux années, dix hospitalisations
avec interventions chirurgicales pour mise à plat du même
abcès de la cicatrice d’appendicectomie, ainsi que d’un
abcès localisé au niveau de la hanche gauche), mais le dia-
gnostic de Munchausen n’a pas été retenu compte tenu de
l’absence de dimension mythomaniaque dans la biographie,
d’errance d’un lieu géographique à un autre, ni de dimen-
sion psychopathique, les éléments de personnalité retrouvés
étant plutôt de type hystérique.
Dans ce second cas, la tentative de suicide avérée
s’inscrit davantage comme un passage à l’acte auto-agressif
et impulsif dans le cadre d’une personnalité patholo-
gique associée au trouble factice, de type hystérique. Les
éléments dépressifs initialement constatés, n’étaient pas
factices, mais de nature réactionnelle, transitoire et direc-
tement liés au trouble de la personnalité présenté.
Troisième cas clinique, Monsieur R.
Au moment de son hospitalisation, M. R. est âgé de 68 ans et
vit seul. Divorcé, il a trois filles, mais les relations familiales
semblent conflictuelles.
À son arrivée, M. R. se plaint essentiellement de
troubles globaux du sommeil, associés à une symptomato-
logie dépressive associant anhédonie, aboulie, hyporexie et
ruminations d’idées suicidaires.
Sur le plan des antécédents psychiatriques, on retrouve
trois hospitalisations au cours des deux dernières années,
le diagnostic retenu à chaque fois étant celui d’épisode
dépressif majeur d’intensité modérée, un suivi psychia-
trique ambulatoire n’ayant jamais pu être maintenu. À
noter également une surconsommation de psychotropes
(flunitrazépam, alimémazine) et d’antalgiques (paracéta-
mol, codéine).
Le diagnostic de syndrome de Munchausen est assez
rapidement évoqué devant l’accumulation d’éléments bio-
graphiques de caractère valorisant et héroïque, et devant
l’évidence de pathomimies somatiques, principalement une
lésion cutanée de la jambe d’évolution chronique.
Sur le plan biographique, M. R. aurait effectué des études
de médecine, qu’il aurait dû interrompre brutalement à
l’âge de 24 ans pour s’engager dans l’armée franc¸aise et
participer à la guerre d’Algérie, au cours de laquelle il
aurait tenu un rôle central et héroïque. À la fin du conflit,
il serait entré en clandestinité et aurait vécu sous un nom
d’emprunt. Il aurait alors travaillé comme «agent secret »,
partant à l’étranger pour des périodes plus ou moins longues.
La famille ne confirmera qu’une instabilité géographique et
professionnelle. À noter également des problèmes avec la
justice, avec notion de faux en écriture, M. R. ayant sub-
tilisé des ordonnances et s’étant prescrit des antalgiques
opiacés.
Parmi les multiples antécédents médicochirurgicaux rap-
portés, les pathomimies somatiques sont : ostéite chronique
du tibia gauche avec plaie ouverte évoluant depuis l’âge
de 33 ans suite à une blessure de guerre, avec plus de
30 interventions chirurgicales, dont une greffe osseuse et
notion d’infection par un staphylocoque multi-résistant.
Perte de connaissance avec chute et traumatisme crânien
fin 1999, au décours de laquelle sera mise en évidence
une hypokaliémie à 2,2 mmol/L sans étiologie retrouvée
(recherche d’hyperaldostéronisme négative). M. R. rappor-
tera également divers antécédents dont il n’a pas été
possible de retrouver confirmation médicale (pneumothorax
à répétition, cancer de la prostate).
Au total, il s’agit d’un syndrome de Munchausen avec
mythomanie (contradictions d’un entretien à l’autre, événe-
ments peu crédibles et toujours de caractère valorisant et
dramatique, impossibilité à retrouver des comptes-rendus
médicaux), troubles somatiques factices avec multiples
interventions chirurgicales, actes délictueux et notion de
toxicophilie médicamenteuse. En revanche, les symptômes
dépressifs constatés à l’entrée du patient dans le service
se sont avérés authentiques, probablement réactionnels
à l’isolement familial et social dans lequel le patient
s’est peu à peu installé. Un traitement antidépresseur
par venlafaxine a été instauré et a permis une amé-
lioration notable du tableau initial. Dans ce troisième
cas, nous avons pu constater l’existence d’un authentique
épisode dépressif majeur, ayant nécessité l’instauration
d’un traitement antidépresseur dont l’efficacité a pu être
vérifiée.
Discussion
Ces trois descriptions illustrent trois situations cliniques dis-
tinctes impliquant à chaque fois un patient présentant un
trouble somatique factice avéré, ayant volontairement été
hospitalisé en service de psychiatrie pour une symptomato-
logie de type dépressif.
Dans le premier cas, il s’agissait d’un syndrome de Mun-
chausen pour lequel le diagnostic de dépression s’intégrait
à celui de trouble bipolaire factice. Dès la suspicion du dia-
gnostic, le patient a échappé aux soins en demandant sa
sortie.
Dans le second cas, nous étions en face d’une jeune
patiente dont les troubles factices somatiques et psy-
chiatriques multiples étaient associés à un diagnostic de
personnalité pathologique de type hystérique. Dans le
contexte de l’hospitalisation rapportée ici, la patiente
présentait d’authentiques affects dépressifs mais dont le
caractère labile correspondait plus aux variabilités émotion-
nelles et comportementales liées à sa personnalité, qu’à un
diagnostic d’épisode dépressif majeur.
Enfin, le troisième cas présenté était celui d’un syndrome
de Munchausen chez un patient plus âgé, avec un certain iso-
lement social et affectif, et chez lequel la moindre virulence
des comportements pathomimiques, par épuisement et/ou
Symptômes dépressifs et pathomimie 137
manque de «public », a progressivement laissé la place à
un véritable épisode dépressif majeur qui a bénéficié de
l’introduction d’un traitement antidépresseur.
Conclusion
Les patients souffrant de pathomimie confrontent le psy-
chiatre et les équipes soignantes à de multiples écueils, qui,
schématiquement, vont des brutales ruptures de suivi lors
de la mise en évidence du trouble, à la difficulté d’initier
et de maintenir sur le long terme une prise en charge
psychothérapique. De surcroît, l’évolution du trouble peut
être émaillée d’authentiques comorbidités psychiatriques,
au premier rang desquelles la dépression.
Ainsi, les illustrations cliniques que nous avons pré-
sentées témoignent du fait que, même chez un patient
pathomime avéré, les symptômes dépressifs méritent une
évaluation neutre et ne correspondent pas systématique-
ment à des symptômes factices. L’étude de la comorbidité
psychiatrique, principalement des éléments de personnalité
associés, ainsi que du contexte de vie du sujet permettent,
en complément d’une observation du comportement du
patient, d’orienter le diagnostic et de ne pas priver un
patient authentiquement déprimé d’un traitement adapté.
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