bain de sang pour tout le monde (...), les gens perdent de l’argent, tous les constructeurs
automobiles perdent de l’argent" (1).
Dans le même temps, Carlos Ghosn réaffirmait sa volonté de profiter de la crise pour
augmenter les parts de marché de l’Alliance qui, espère-t-il, pourraient passer de 35% à 40%.
De fait, sur les 11 premiers mois de l’année, l’Alliance a vendu en Russie 675 000 VP et VUL
(contre 729 000 en 2013) et n’a ainsi perdu que 7,4% alors que VW et Opel perdaient 20%,
Chevrolet 30% et Ford 40%. Aux premières places, Hyundai et Kia s’en tiraient beaucoup
mieux mais Carlos Ghosn a effectivement quelques raisons de voir dans la crise une
opportunité d’ancrer mieux encore sa stratégie de "premier partenaire automobile" du pouvoir
russe. Dès le début de l’année, la crise avait d’ailleurs été l’occasion pour Bo Andersson
nommé en novembre 2013 à la tête de Avtovaz d’engager de sévères restructurations pour
amener Lada à devenir profitable et capable de redonner à ses employés et à la Russie fierté et
capacité d’exporter (2).
Certes, la contrepartie de ces restructurations a été, en 2014, de bannir avec les sureffectifs la
surproduction. Il en est résulté une baisse des volumes vendus de 15%. Il n’en reste pas moins
que Lada a encore une part de marché de 16 points et que, le cours du rouble et les modèles
attendus pour 2015 pourraient donner au nouvel Avtovaz une capacité de rebond importante.
En effet, outre que l’écart de compétitivité va se creuser avec beaucoup de concurrents sur le
marché russe, on voit avec Lada se dessiner l’autre versant de la faiblesse du rouble : elle
confère aux produits une compétitivité prix à l’exportation dont certaines entreprises russes
pourraient profiter.
En effet, comme le souligne Jacques Sapir, si la Russie de 2014 vit effectivement une crise
qui peut rappeler celle qu’elle avait vécue durant l’été 1998, économiquement, il ne s’agit
plus de la même Russie. Et Sapir liste ainsi les principales différences :
"En 1998, les réserves de la Banque Centrale étaient très faibles, autour de 30 milliards.
Elles sont aujourd'hui à 420 milliards, soit 14 fois supérieures. La dette publique était un
problème majeur en 1998 ; aujourd'hui la Russie est l'un des pays les moins endettés du
monde avec au tour de 9% du PIB pour sa dette publique, soit 10 fois moins que la France.
La balance commerciale était en déficit au premier semestre 1998, alors qu'elle est
excédentaire aujourd'hui de près de 120 milliards par an, un chiffre comparable à celui de
l'Allemagne." (3)
Si, comme l’indique encore Sapir, lesdits excédents ne résultent pas seulement des
exportations de matière première mais aussi du renouveau de l’industrie russe qui gagne des
contrats à l’export dans certains émergents comme l’Inde, alors la crise actuelle va révéler que
l’économie russe a certes encore du chemin à parcourir mais qu’elle a déjà engrangé de
solides progrès. Pour l’automobile russe, ce peut être, paradoxalement une occasion
d’accélérer sa mue et de devenir, un peu plus tôt que prévu, un des éléments clés d’une
économie de moins en moins rentière et de plus en plus productive.
Bernard Jullien
(1) http://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/0204029732361-la-chute-du-
rouble-contraint-nissan-a-suspendre-des-commandes-en-russie-1076888.php
(2) http://www.autonews.com/article/20140729/COPY01/307299893/avtovaz-ceo-bo-
andersson-aims-to-restore-pride-to-lada
(3) http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2014/12/18/31007-20141218ARTFIG00132-
chute-du-rouble-l-operation-sauvetage-de-poutine-decryptee-par-jacques-sapir.php