Volume 3, numéro 3 — mai 2009 Bulletin d’information de la Fédération des enseignantes et enseignants de CEGEP (CSQ) 5
Bois-d e -Boulogne, drummondville, gérald-godin, lennoxville, matane (CméC), sainte-Fo y , viCtoriaville
À quelques jours d’un départ pour Paris
pour psenter son dernier ouvrage, et de
retour du Japon où il a présenté la traduc-
tion japonaise de Keynes et ses combats,
Gilles Dostaler est fortement sollicité. Nous
passons entre le journal Les affaires et Pro-
tégez-vous, sans compter lentrevue prévue à
Radio-Canada pour évoquer des souvenirs
de lopération « McGill français » de 1969,
dont il a été un des organisateurs.
Lintérêt pour les idées de Keynes et
la volonté de trouver des réponses aux
enjeux soulevés par la crise se concréti-
sent dans l’agenda de ce professeur déco-
nomie qui a étudié la pensée, mais éga-
lement le parcours et la personnalité de
John Maynard Keynes. Il écrit d’ailleurs
de ce penseur et homme daction : « Intel-
lectuel brillant, homme de culture, mais
aussi d’action, Keynes était habité de les-
prit de responsabilité : pour lui lécono-
mie navait dautre finalité que le service
de l’homme. De quoi irriter profondément
tous ceux qui ne jurent que par le mar-
ché et récusent l’intervention des citoyens
dans les affaires qui les concernent. »
L’analyse de Keynes : de la crise de
1929 à celle de 2009
« Il ny a pas de loi de l’histoire, cest
un des messages de Keynes » pond Gilles
Dostaler lorsqu’on lui demande comment
comparer la crise actuelle avec celle de
1929. « Le contexte est différent. Les insti-
tutions, les rapports de force et les techno-
logies ont changé. Même sil a été attaqué
au cours des dernières années, un système
de sécurité sociale important avait été mis
en place après la crise de 1929 » ajoute-t-
il. Une chose ne s’est cependant pas vrai-
ment modifiée précise le chercheur, cest la
nature humaine et son amour irrationnel
de largent. « Tout le monde semble décou-
vrir cela aujourd’hui comme facteur impor-
tant de la crise ! ». C’est pourtant un des
éléments importants de lanalyse de Keynes
quant à la situation économique de son
époque, qu’il présente entre autres en 1936
dans son ouvrage Théorie gérale de lem-
ploi, de lintérêt et de la monnaie. La spécula-
tion, comme moyen de profiter de la valeur
anticipée d’un bien et de senrichir rapi-
dement, y est fortement critiqe. Keynes
disait que le capitalisme ne pouvait trouver
une légitimi que si les gens aux revenus
plus modestes croyaient que les riches méri-
taient leur sort grâce à leurs contributions
constructives et non à la spéculation et au
vol, souligne Gilles Dostaler.
« Refonder le capitalisme », oui,
mais comment?
Comme en 1929, on sin-
terroge aujourd’hui sur les
différentes voies pour sortir
de la crise ou plutôt des cri-
ses (économique, financière,
sociale et environnemen-
tale). Il est aujourd’hui ques-
tion dun « New Deal vert », en
référence au « New Deal » des
années 1930 du président Roo-
sevelt. Ce dernier visait notam-
ment le soutien de léconomie
par l’amélioration du pouvoir
dachat et par linvestissement
public. Si ce type de politiques
renvoie au keynésianisme, pour
Gilles Dostaler il sagit dune
application très morée des
principes mis de lavant par
Keynes. Lillustre économiste
envisageait des réformes plus
profondes, quil illustrait par les
expressions d’« euthanasie du
rentier » et de « socialisation de
linvestissement ». Non seule-
ment on na pas poursuivi dans
cette voie, mais on a remis
en question le keynésianisme
modéré pour lui substituer,
à partir des années 1970, les
politiques dites « néolibéra-
les » de déréglementation, de
privatisation et de démantè-
lement de l’État-providence.
Les salaires ont commen
à stagner et lendettement a
pris leur place pour soutenir
la demande. La crise actuelle
découle en partie de ce phé-
nomène, ainsi que des effets
de la spéculation et de la déréglementation
de la finance internationale.
Selon Gilles Dostaler, les mesures
actuellement mises de lavant pourraient
permettre de relancer léconomie sans res-
tructurer fondamentalement le sysme.
Mais, si cela savère le cas, on risque de
revivre dans le futur une crise encore plus
grave, sétendant sur le plan écologique.
Par contre, l’absence de reprise économi-
que normale pourrait forcer les décideurs à
procéder à des changements majeurs. Les
solutions mises de l’avant par Keynes s’ins-
crivent plutôt dans cette deuxième pers-
pective. « Opposé à la violence bolchevi-
que et nazie, Keynes esquisse une nouvelle
voie qu’il qualifie de « socialisme li-
ral », de préciser Gilles Dostaler. La voie
esquissée par Keynes visait
à concilier justice sociale,
liberté politique et efficacité
économique (nous pour-
rions ajouter protection de
lenvironnement).
Entre « euthanasie des
rentiers », « socialisation de
linvestissement » et « natio-
nalisation des banques », le
secteur financier serait ainsi
au service des entreprises et
de la société. Gilles Dosta-
ler soutient quil faut reve-
nir au projet fendu par Keynes durant la
pparation des accords de Bretton Woods,
soit la mise en place dun système monétaire
international contraignant, un contrôle des
mouvements de capitaux, afin que les États
ne soient pas piégés par la spéculation.
Enfin, même si John Maynard Key-
nes prévoyait, dans un texte intitulé
« Perspectives économiques pour nos
petits enfants », un XXIe siècle libéré des
probmes économiques et orienté vers
les plaisirs de la vie, l’auteur de Keynes et
ses combats nous rappelle également, dans
la conclusion de son livre, que : « Nul ne
peut prétendre savoir ce que lavenir nous
réserve. Mais il nous appartient de le
construire. C’est peut-être là le principal
message de John Maynard Keynes. »
Action politique
La crise vue par Keynes
Rencontre avec Gilles Dostaler
L’illustre écono-
miste envisageait
des réformes
plus profondes,
qu’il illustrait par
les expressions
d’« euthanasie
du rentier » et de
« socialisation de
l’investissement ».
John Maynard Keynes, décédé en 1946, est reconnu comme un
des plus grands économistes du XXe siècle. À l’heure de la crise
économique, mais surtout de la crise de confiance envers les
mécanismes financiers en place, du sauvetage des banques et des
pertes d’emploi, la pensée économique critique connaît un regain
d’intérêt. Même le président français, Nicolas Sarkozy semble vou-
loir « refonder le capitalisme ». Comment Keynes aurait pu analyser
la situation? C’est la question à laquelle nous avons invité Gilles
Dostaler à répondre.
Pierre Avignon
Conseiller syndical,
communications et vie
professionnelle, FEC
Prix Nicole-Fortin
Lauréats du Prix Nicole Fortin 2009
Un soutien à l’implication
sociale des étudiantes et
des étudiants
Pour la quatrième ane consécutive, les lauréats
du Prix Nicole Fortin visant à soutenir l’engagement
social des étudiantes et des étudiants ont été dévoilés au
cours de l’hiver 2009. Le soutien de notre fédération en
faveur de limplication citoyenne sinscrit à double titre
dans notre mission, elle favorise la réussite étudiante tout
en sensibilisant le milieu collégial aux enjeux sociaux
actuels. Les lauréats : protection de l’environnement à
Amqui et Lennoxville et sensibilisation au jeu respon-
sable à Matane. De la Gaspésie à l’Estrie, deux projets
à saveur environnementale ont été retenus. Le premier
consiste en une mission d’exploration et de sensibilisa-
tion aux enjeux de l’eau potable dans le cadre dun par-
tenariat entre le Centre matapédien détudes collégiales
(CC) et les provinces de Guantanamo et de Santiago
de Cuba. Le second, qui se déroule au cégep Champlain-
Lennoxville, est un projet plus local visant la sensibili-
sation et l’éducation aux enjeux environnementaux et
économiques auprès de la communauté collégiale. Enfin,
à Matane, cest un projet de sensibilisation au jeu respon-
sable qui a permis à des étudiantes et à des étudiants de
remporter le prix.
Prix remis par Mario Beauchemin aux étudiantes et étudiants
du CMÉC à Amqui pour le projet de sensibilisation aux enjeux
de l’eau potable.
Prix remis à Stanislas Pettigrew par Éric Beauchesne et Diane
Dufour pour le projet « Green Champlain » au cégep de
Lennoxville.
Professeur à l’université du Québec
à Montréal et spécialiste de l’his-
toire de la pensée économique.
Ses publications les plus récentes
sont en 2009,
Capitalisme et pulsion
de mort
, avec Bernard Maris, chez
Albin Michel et une nouvelle édition
de
Keynes et ses combats
, chez le
même éditeur.
Photo : Pierre Avignon
Prix remis à l’équipe du cégep de Matane par Mario Beauchemin
pour le projet de sensibilisation au jeu responsable.
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