principe d`incertitude

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principe d’incertitude
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Le viol d’un interdit de la mécanique classique, le franchissement d’une barrière de potentiel.
La barrière de potentiel est le bord d’un bol placé sur une table horizontale. On pose une bille
sur la paroi intérieure du bol, sans la lancer. Elle va et vient dans le bol, mais elle n’en sort pas et
elle s’immobilise pour finir au point bas du bol. La bille ne franchit pas la barrière de potentiel, c’est
une proposition majeure de la mécanique classique.
Cette bille est un objet macroscopique mais c’est aussi un objet quantique. En tant qu’objet
quantique, relevant de la mécanique quantique, la bille peut sortir du bol. Etant donné son caractère macroscopique, la probabilité pour qu’elle sorte du bol est petite mais non nulle. Si un
expérimentateur est assez obstiné pour faire cent mille essais, la probabilité qu’il observe une sortie
est encore petite, quasi nulle.
La mécanique quantique correspond aux observations, aussi bien pour des objets macroscopiques
que pour des particules microscopiques tandis que la mécanique classique se fourvoie quant au mouvement des particules microscopiques. Le paradigme émergent s’est imposé : la mécanique quantique
est un bien meilleur modèle de la nature que la mécanique classique, cette dernière n’est qu’une approximation de la mécanique quantique, approximation excellente pour les objets macroscopiques.
Faisons l’effort de rejeter un instant ce paradigme et examinons une autre présentation de cette bille
dans le bol.
Nous savons bien que l’espace, disons au voisinage du bol, n’est pas vide. Il contient de l’air.
Il contient aussi des photons ou des ondes, porteurs de signaux qui atteindraient n’importe quel
téléphone que nous placerions dans le bol.
Il contient aussi des neutrinos qui le traversent de part en part, en grand nombre à chaque
seconde. Supposons que, même lorsqu’on fait le vide autour du bol, il subsiste, traversant le bol en
tout sens, des particules plus ou moins comparables aux neutrinos à cet égard. Toutes ces particules
sont microscopiques et il est raisonnable de penser qu’elles ne se soucient nullement de la présence de
la bille. Certaines la heurtent, à droite ou à gauche, en haut ou en bas. Ces chocs ne sont nullement
aléatoires et un agent de police à l’échelle microscopique, tel un démon de Maxwell, pourrait les
observer, voire régler la circulation à l’aide de son bâton blanc. Néanmoins on peut admettre que
les effets des chocs sont proches de ceux qu’engendreraient des chocs aléatoires. Une longue suite de
chocs, tendant à propulser la bille hors du bol, est de probabilité petite, mais elle n’est pas nulle.
Imaginez qu’au Casino de Monte-Carlo, la roulette affiche le ”treize”, cent fois de suite, et même
un peu plus, par exemple tous les jours pendant un an ou un siècle. C’est la probabilité de ce genre
d’évènements qui serait requise pour faire sortir la bille du bol. Autre exemple : Borel avait imaginé
la probabilité qu’un singe dactylographe produise un roman.
Ainsi, la mécanique classique, complétée par l’existence d’un nuage universel de particules ténues,
expliquerait tout aussi bien que la mécanique quantique, le franchissement d’une barrière de potentiel. Pourquoi, cependant, une explication aussi simple a-t-elle été écartée par les fondateurs de la
mécanique quantique ? Voici la raison principale :
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La mécanique quantique associe à un système de particules, situé dans un domaine spatiotemporel, un jeu de nombres complexes, autrement dit des nombres imaginaires. Ces nombres sont
désignés ”amplitudes de probabilité” et ce ne sont nullement des probabilités, lesquelles sont définies
usuellement comme étant des nombres compris entre 0 et 1. Ces amplitudes de probabilité peuvent
être additionnées dans le domaine spatio-temporel considéré, lequel peut s’étendre éventuellement
sans limites, et le carré du module de leur somme conduit vers diverses probabilités, par exemple la
probabilité que le système soit, s’il est observé, dans tel état, par exemple, si le système est constitué
d’une particule isolée, la probabilité que la particule soit présente à tel endroit du domaine, (plus
précisément dans telle partie du domaine spatio-temporel).
Cette recette appliquée à l’observation des atomes, l’hydrogène par exemple, qui est le plus simple
d’entre eux, est en accord merveilleux avec les observations.
Or les probabilités issues de cette recette sont distinctes des probabilités issues d’un processus
statistique entre un grand nombre de particules, un processus analogue à celui qui fonde la théorie
atomistique des gaz et la thermodynamique.
Nota : Rappelons que la théorie atomistique des gaz n’est guère plus contestée aujourd’hui mais
elle l’était encore du temps de Boltzmann, disons jusqu’à la fin du 19ème siècle.
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le principe d’incertitude
Selon le principe d’incertitude de Heisenberg, principe considéré dès le début de la mécanique
quantique comme un pilier de cette théorie, il est impossible de déterminer exactement à la fois
l’énergie d’un système et l’instant, la date exacte, à laquelle il possède cette énergie. Lorsqu’on
cherche à préciser la date, on perd la précision sur l’énergie, et lorsqu’on cherche à préciser l’énergie,
on perd la précision sur la date.
Il existe un principe d’incertitude analogue dans toute mécanique statistique. Par exemple, en
théorie atomistique des gaz : On détermine la pression de l’air à l’aide d’un simple baromètre de
Torricelli, en un lieu qui est la surface libre du réservoir de mercure. Préciser le lieu serait réduire
cette surface libre, et sur une surface libre de plus en plus petite, le nombre de chocs d’atomes d’air
par unité de temps et par unité de surface, sur la durée d’une observation, nombre qui commande
la pression, varie de plus en plus, sauf à allonger de plus en plus la durée d’observation.
La mécanique quantique s’est constitué principalement entre 1920 et 1930. Jusqu’en 2005, on a
ignoré le pont qui existait entre les amplitudes de probabilité et un processus statistique. Ce pont
est un théorème mathématique découvert en 2005 et publié aux Comptes Rendus de l’Académie des
Sciences en décembre 2007.
Il ne fait aucun doute que si ce résultat mathématique avait été découvert un siècle avant, le
développement de la mécanique quantique eut été tout autre. Les efforts ont été orientés par l’idée que
la mécanique classique était un cas particulier de la mécanique quantique. Ils auraient été orientés
par l’idée que la mécanique quantique pouvait être un cas particulier de la mécanique classique,
une mécanique dans laquelle l’espace est rempli par un nuage universel de particules si ténues qu’à
l’échelle macroscopique elles échappent aux observations.
Voici ce résultat mathématique : La probabilité de présence d’une particule à tel endroit, à telle
date, déterminée via un processus statistique, donc causal, déterministe, tend vers une certaine limite,
lorsque l’intervalle de temps dans lequel la particule cherche sa place, s’agrandit. (Par exemple quant
cet intervalle passe d’un milliardième de seconde à un millionième de seconde.). Cette probabilité
limite est la même que la probabilité déterminée via la mécanique quantique à partir du carré du
module d’une somme d’amplitudes de probabilité.
En conséquence, un écart entre la probabilité issue du processus causal et la probabilité issue
de la recette quantique ne peut apparaı̂tre que sur des observations portant sur des intervalles de
temps petits, très petits.
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Le principe d’incertitude de Heisenberg est le reflet des effets d’un nuage universel de particules
ténues. La mécanique des corps macroscopiques, c’est à dire la mécanique classique de Lagrange,
Hamilton, Jacobi, peut ignorer ces effets parce que l’effet moyen est petit, inférieur à la précision des
mesures. La mécanique des particules, c’est-à-dire la mécanique quantique de Heisenberg, Scrödinger,
Feynman, intègre au contraire ces effets de manière globale et simplifiée via le principe d’incertitude,
car ces effets deviennent sensibles à l’échelle des particules.
La conclusion est simple : Si l’existence de ce nuage universel de particules ténues est admise, pour
l’heure à titre d’hypothèse, alors le concept de trajectoire d’une particule, exclu en mécanique quantique est rétabli. Le déterminisme est également rétabli car le hasard gouvernant toute mécanique
statistique n’est pas la marque d’un indéterminisme, mais seulement le moyen commode de remédier
à notre ignorance des détails les plus fins.
Paris, le 1 juin 2010, R. L. Charreton, revu le 14 avril 2013
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