nouvelle réflexion sur l`influence des interactions sociales sur le

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COMPTE-RENDU DU SYMPOSIUM
BÂTIR UNE VIE MEILLEURE :
NOUVELLE
RÉFLEXION SUR
L’INFLUENCE DES
INTERACTIONS
SOCIALES SUR LE
COMPORTEMENT
ET LE BIEN-ÊTRE
HUMAINS
LES FONDEMENTS
SOCIAUX DU
BONHEUR
POURQUOI AVONSNOUS TOUS BESOIN DE
SOUTIEN EN MATIÈRE
D’ÉDUCATION?
LA VIE EN GROUPE EST
LE FONDEMENT DE LA
SANTÉ MENTALE ET DE LA
RÉSILIENCE PSYCHOLOGIQUE.
L’Institut canadien de recherches avancées
L’ICRA réunit des chercheurs et des scientifiques exceptionnels du monde entier pour se pencher
sur des questions d’importance mondiale. Basé à Toronto, au Canada, l’ICRA est un organisme de
recherche mondial qui compte près de 400 boursiers, chercheurs et conseillers de plus de 100
institutions dans 16 pays. L’ICRA vise à créer des connaissances transformatrices aux frontières de
la compréhension actuelle, afin de catalyser l’innovation et la résolution des grands problèmes du
monde, ainsi que de faire avancer la carrière de jeunes chercheurs prometteurs. Fondé en 1982,
l’ICRA travaille en partenariat avec le gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux,
des donateurs individuels, des fondations, des entreprises et des établissements de recherche pour
accroître son impact à l’échelle mondiale.
AVEC L’AIDE FINANCIÈRE DE :
Pour plus d’information:
Amy Cook
Directrice, diffusion du savoir
416•971•4885
[email protected]
www.icraca
Dans le cadre d’un symposium, des chercheurs de l’ICRA ont rencontré des décideurs politiques, des dirigeants
du milieu communautaire et d’autres personnes pour parler de l’influence complexe des identités et des
interactions sociales sur la santé, le bonheur et le bien-être. Ce symposium, tenu à Brisbane (Australie), a accueilli
trois membres du programme Interactions sociales, identité et mieux-être de l’ICRA : John Helliwell (Université
de la Colombie-Britannique), Phil Oreopolous (Université de Toronto) et Alexander Haslam (Université du
Queensland). Ils ont présenté de nouveaux résultats issus de leurs recherches sur les façons dont les interactions
sociales et l’identité agissent sur notre psychologie et notre comportement social et économique. Ont participé
au symposium des dirigeants dans les domaines des politiques publiques, des systèmes de santé et des services
sociaux, ainsi que des universitaires et des membres du public intéressés par la question.
EN QUOI L’IDENTITÉ SOCIALE ET LES
INTERACTIONS SOCIALES SONT-ELLES
IMPORTANTES?
De plus en plus d’études démontrent à quel point l’identité sociale et les interactions sociales contribuent
au sentiment de bien-être des gens. Il a été démontré que des facteurs comme la participation civique,
la qualité des relations avec la famille et les amis et la bonne gouvernance jouent tous un rôle important
dans le niveau de satisfaction des gens à l’égard de leur vie, et qu’ils peuvent même peser davantage
dans la balance que l’effet du revenu prit isolément. Les chercheurs du programme Interactions sociales,
identité et mieux-être de l’ICRA ont contribué à recadrer l’étude du bien-être, surtout centrée jusqu’à
présent sur les mesures de la richesse, pour se pencher plutôt sur d’autres enjeux tels que la nature
du leadership, les obstacles à l’éducation, le bien-être et le bonheur des enfants, le rapport entre les
politiques et la dimension économique de la pauvreté, la criminalité et les peines, l’identité et le bien-être
des migrants.
John Helliwell — Les fondements sociaux du bonheur
On peut utiliser les mesures du bien-être pour
évaluer efficacement le progrès des nations.
Depuis des siècles, les chercheurs mesurent et
comparent le revenu, l’incidence des maladies
et le taux de criminalité. Toutefois, ces mesures
négligent depuis longtemps un aspect de la
vie, le bonheur. Or, chaque année maintenant,
des milliers de personnes dans plus de 100
pays sont invitées à répondre à la question
suivante : « Dans l’ensemble, à quel point
êtes-vous satisfait de votre vie? » Les résultats
sont présentés dans le Rapport mondial sur le
bonheur qui brosse un tableau de l’état actuel
du bonheur dans le monde et nous aide à
comprendre les sources de notre bonheur.
La mesure des émotions positives devrait
occuper une place plus importante que la
mesure des émotions négatives dans les
recherches et les politiques visant à promouvoir
le bien-être. Nous devons « mesurer ce qui
compte ». Les évaluations positives de la vie
doivent beaucoup plus à la présence d’émotions
positives qu’à l’absence d’émotions négatives,
et pourtant, il arrive trop souvent que les gens
cherchent exclusivement à éliminer les maux de
la vie.
Nous devons regarder au-delà du PIB et tenir
compte des facteurs sociaux pour comprendre
les variations du niveau de satisfaction à l’égard
de la vie. Six facteurs clés peuvent rendent
compte des trois quarts de la variation de la
satisfaction à l’égard de la vie entre les pays
et dans le temps : PIB par habitant, espérance
de vie, soutien d’un proche, générosité, liberté
de faire des choix de vie, et perceptions de
corruption et de confiance. Parmi ces facteurs,
le PIB par habitant n’est pas celui qui a le plus
grand impact, mais c’est celui qui est le plus
inégalement réparti sur l’ensemble des pays.
On accorde moins d’attention aux dimensions
sociales de l’existence qui ont une influence
fondamentale sur le bonheur et la satisfaction à
l’égard de la vie.
La prise en compte des identités sociales
concourt au bien-être en unissant les gens
et en éliminant les barrières. Les travaux de
Katharine Greenaway, ancienne Chercheuse
mondiale de l’ICRA, ont révélé que les gens,
munis des mêmes instructions, construisent un
meilleur modèle Lego si les instructions ont été
rédigées par quelqu’un avec qui ils partagent
une identité commune. Toutefois, quand on crée
une identité d’ordre supérieur qui englobe tous
les participants, les différences disparaissent.
Une dynamique semblable agit sur le bonheur
des immigrants au Canada. Malgré le fait qu’ils
viennent de pays où les niveaux de satisfaction
à l’égard de la vie sont très différents, après
avoir immigré, les nouveaux Canadiens ont à
peu près le même niveau de bonheur et de
satisfaction à l’égard de la vie.
« Les gens sont plus honnêtes et plus
généreux que vous ne le pensez. »
— John Helliwell
Notre perception de la fiabilité des personnes
autour de nous peut avoir une incidence sur
notre niveau de bonheur. La confiance contribue
de façon importante au bonheur, mais ce qui
rend les gens heureux, c’est leur perception
de la confiance qu’ils peuvent éprouver envers
les autres plutôt que la confiance dont ces
personnes sont réellement dignes. Ce sont
deux choses fort différentes. En effet, une
enquête a révélé que 20 pour cent des Torontois
s’attendaient à ce qu’un portefeuille trouvé
soit rendu avec l’argent qu’il contenait. Or, un
chercheur a égaré à dessein 20 portefeuilles,
et 80 pour cent d’entre eux ont été rendus. Le
monde est plus digne de confiance que ce que
l’on croit, et ce pessimisme diminue notre niveau
de bonheur.
Phil Oreopoulos — Pourquoi avons-nous tous besoin de soutien
en matière d’éducation?
Comme les décisions relatives à l’éducation
sont parmi les plus importantes, et aussi parmi
les plus difficiles, un soutien à cet égard est
indispensable. Le coût des études et le dur
travail à accomplir pendant les études sont des
phénomènes immédiats; l’éducation requiert
beaucoup de temps et d’efforts. Par contre, les
bienfaits que l’on retirera de tout le travail que
les études exigent sont lointains et incertains.
Tout le monde comprend qu’un enfant de 6 ans
ne va pas à l’école parce qu’il a en tête tous les
bienfaits que ses études pourraient lui procurer.
En réalité, la majeure partie des jeunes de 18 ans
qui se préparent à des études postsecondaires
ne soupèsent pas, eux non plus, l’ensemble des
coûts ni les bienfaits et connaissent une période
de transition difficile.
L’assistance personnelle peut vraiment aider
les gens à surmonter les problèmes d’accès à
l’éducation. Aux États-Unis, il est extrêmement
compliqué de remplir les formulaires de
« Dans bien des situations, nous agissons
en suivant une routine ou en prenant la
voie de la moindre résistance. Grâce à
l’assistance personnelle, l’obtention de
soutien peut être plus facile et devenir une
tâche plus habituelle. »
— Phil Oreopoulos
demande d’aide financière fédérale. Pour les
enfants qui fréquentent des écoles et vivent
dans des familles où la plupart des gens ne
vont pas à l’université, ce formulaire est un
obstacle qu’ils doivent surmonter seuls. Or,
il y a beaucoup de recoupement entre les
renseignements demandés sur les formulaires
d’aide financière et les formulaires d’impôt.
Conséquemment, Oreopoulos a travaillé avec
H&R Block pour aider, de façon aléatoire,
certains clients à remplir leurs demandes d’aide
financière au même moment où ils produisaient
leur déclaration de revenus. Les jeunes qui
ont reçu de l’aide étaient 40 pour cent plus
susceptibles de remplir le formulaire et 24 pour
cent plus susceptibles de s’inscrire à l’université.
Le programme de soutien social « Life After
High School » (La vie après l’école secondaire)
a contribué à augmenter le taux des demandes
d’admission et le taux d’inscription. Oreopoulos
a organisé le programme « Life After High
School » pour soutenir les jeunes dans les écoles
ontariennes où moins de la moitié des étudiants
allaient ensuite au collège ou à l’université. Les
écoles ont prévu du temps à l’horaire des élèves
de 12e année pour que les coordonnateurs du
programme viennent aider les élèves à choisir
les programmes qui les intéressaient et à
remplir les demandes d’admission, tous frais
de demande payés. Le taux des demandes
d’admission est passé de 60 pour cent à 75
pour cent et le taux d’inscription est passé de
53 pour cent à 58 pour cent.
Un soutien social qui se prolonge pendant
les études postsecondaires peut améliorer le
rendement scolaire. Même quand les étudiants
réussissent à entrer à l’université, beaucoup
s’en tirent à peine avec de mauvaises notes ou
ont tellement de difficulté qu’ils abandonnent.
Oreopoulos a mené une expérience lors de
laquelle des milliers d’étudiants universitaires
ont reçu du soutien par messages textes
afin de les conseiller, de les motiver et de les
encourager. Un petit groupe d’étudiants a pu
profiter d’un encadrement personnel de la
part d’un étudiant en fin de premier cycle qui
essayait de les rencontrer une fois par semaine
et de leur offrir toutes les formes de soutien
dont ils avaient besoin. Les messages textes ont
amélioré les notes de 2 points de pourcentage,
mais les accompagnateurs ont amélioré les
notes de 7 points de pourcentage. La touche
personnelle a donc permis d’augmenter les
notes d’une note alphabétique complète. Tous
les étudiants ont reçu des conseils, mais seuls
les étudiants accompagnés ont reçu un soutien
social.
Un soutien social solide peut être très
avantageux pour un vaste éventail de décisions
dans la vie. Il est généralement plus facile de
rester fidèle à une habitude ou de suivre une
routine que de s’en débarrasser, même quand
les bienfaits escomptés sont considérables. Il
faut voir quels sont les types de soutien social
qui s’offrent à nous et trouver notre propre
façon d’aider les autres et nous-mêmes à travers
ces difficiles décisions de la vie.
Alex Haslam — La vie en groupe est le fondement de la santé
mentale et de la résilience psychologique.
Presque tout le monde sous-estime l’importance
du rôle que jouent les facteurs sociaux dans la
santé. Dans le cadre d’une enquête, on a demandé
à des gens de classer onze facteurs par ordre
d’importance en tant que facteurs prédicteurs de
la mortalité. Le « soutien social » et « l’intégration
sociale » sont systématiquement arrivés en
dernière place. En fait, le manque de soutien social
et le manque d’intégration sociale sont les deux
plus importants facteurs prédicteurs de la mortalité
de toute la liste, plus importants que le tabagisme
ou l’obésité. Les déterminants sociaux de la santé
sont souvent oubliés, en grande partie parce que
nous ne comprenons pas comment ils contribuent
à maintenir la santé.
Les identités de groupe sont une source
fondamentale de santé mentale et physique. Les
humains vivent en groupe et le concept de soi
d’une personne découle en grande partie des
groupes sociaux auxquels elle appartient. Les
groupes nous procurent une identité sociale et
les identités partagées constituent la base des
divers processus sociaux tels que la confiance,
la communication, l’organisation et le leadership.
Ces processus sociaux procurent à leur tour
un sentiment d’estime de soi, d’appartenance,
de finalité et de résilience. Une appartenance
et une finalité partagées alimentent un « cercle
vertueux » d’identification sociale en suscitant
une identité partagée.
Les identités sociales positives sont souvent
menacées, notamment lors des grandes
transitions de la vie, comme la retraite ou le
chômage. La perte de l’identité sociale peut
engendrer un cercle vicieux qui conduit à la
perte de contact et à la solitude, à l’aliénation,
à la dysfonction et à la vulnérabilité, et elle peut
détériorer d’autant plus le sentiment d’avoir
une identité sociale partagée. Cette « théorie
de l’identité sociale » explique le rôle central de
l’appartenance à des groupes dans la vie des
gens.
Notre identité sociale, tant au travail qu’ailleurs,
peut avoir de graves répercussions sur la
santé. Une méta-analyse a démontré que
l’identification sociale est un facteur prédicteur
de l’absence de dépression : les personnes ayant
des liens d’appartenance importants avec deux
groupes étaient deux fois moins susceptibles
de connaître une rechute de la dépression que
celles qui n’appartenaient à aucun groupe. Il
y a également une corrélation positive entre
l’identification sociale au travail et la santé
mentale. Les organisations où toute notion du
« nous » est absente rendent littéralement leurs
travailleurs malades. Une perte d’identification
sociale peut même mener à la mort précoce. Le
travail est une source d’appartenance positive à
des groupes et les personnes qui avaient perdu
leur appartenance à un groupe au moment de
la retraite avaient deux fois plus de risque de
mourir dans les six années suivantes.
La création d’appartenances à des
groupes pourrait être la pierre angulaire
d’une intervention clinique. La méthode
psychothérapeutique Groups 4 Health apprend
aux gens à créer et à maintenir des liens
avec des groupes de personnes et à se servir
de ces groupes sociaux comme ressource
psychologique. Lors d’essais préliminaires,
Groups 4 Health s’est révélé efficace pour
réduire la dépression, l’anxiété, le stress et la
solitude, tout en rehaussant la satisfaction à
l’égard de la vie et l’estime de soi.
« Il y a de bonnes raisons de penser
que l’isolement sociopsychologique tue
davantage d’Australiens et de Canadiens —
de tous les âges — que toute autre cause.
»
— Alex Haslam
Il est crucial d’investir dans la recherche sur les
déterminants sociaux de la santé. Les facteurs
sociaux sont d’importants déterminants de
la santé et se révèlent essentiels à toute
intervention efficace. Malgré cela, les
investissements actuels dans la recherche sur
les déterminants sociaux représentent moins de
trois pour cent de toutes les sommes investies
dans la recherche médicale sur la santé mentale.
Comme le manque de soutien social peut
entraîner la mort, il faut sensibiliser les gens afin
de pouvoir poser les gestes et de réaliser les
investissements qui s’imposent.
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