Traduction inédite d`un texte de Fichte, La philosophie pratique

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Traduction de la Philosophie pratique de Fichte.
Ce texte est la deuxième partie des Méditations personnelles sur la philosophie
élémentaire, que nous n’avions pas fait paraître avec notre traduction de la première
partie théorique (Méditations personnelles sur la philosophie élémentaire, Vrin 1999)
en raison du caractère trop elliptique et inachevé de cette partie pratique. Nous la
mettons néanmoins à la disposition des lecteurs intéressés en spécifiant bien qu’il ne
s’agit que d’un Working paper, d’une traduction provisoire au lexique flottant et
multiples approximations ou problèmes demeurés en suspens. Cette traduction a été
achevée en 1994 par Isabelle Thomas-Fogiel (Paris 1, philosophie) et relue et
corrigée en 1995, par Anne Gahier (Rennes II, allemand). Elle n’a pas été reprise
depuis cette date et n’a donc pas bénéficiée des avancées –notamment au niveau du
lexique- de la recherche de ces 15 dernières années (voir nos traductions d’autres
textes de Fichte parues depuis 1999, chez Vrin (Méditations personnelles sur la
philosophie élémentaire, 1999, et Présentation d’une nouvelle doctrine de la science,
2000), aux éditions du livre de poche (Doctrine de la science nova methodo, 2001),
aux éditions du Cerf (Doctrine du droit -2004- et Doctrine de la science de 1805, 2006) et aux PUF (Doctrine de la science de 1812, 2005). Cette traduction devrait
donc évidemment être révisée, au regard des traductions parues et du lexique
fichtéen beaucoup plus établi en français aujourd’hui qu’au moment où nous avions
fait cette traduction en 1994.
Cette traduction a été faite à partir de G.A. La partie pratique, qui suit la partie
théorique commence à la page 181. Rappelons qu’il s’agit de notes de Fichte, d’un
brouillon qui n’a été ni publié ni même élaboré stylistiquement par l’auteur.
Certaines phrases sont incomplètes, d’autres figurent dans la marge, etc. De
manière plus générale, sur la situation de ce texte dans l’œuvre de Fichte, nous nous
permettons de renvoyer le lecteur à notre présentation de la première partie
théorique (Méditations personnelles sur la philosophie élémentaire, Vrin 2000) mais
nous attirons néanmoins son attention sur deux points qui nous semble faire de ce
document, écrit en 1793, un témoignage de la plus haute importance sur la genèse
du système : 1) En dépit du titre, il n’est moins question ici de la loi morale de la
Critique de la raison pratique que de la Critique de la faculté de juger. Fichte s’y livre
à un long commentaire du texte kantien, à une explicitation approfondie du beau et
du sublime, et découvre progressivement des notions qui deviendront cardinales
dans sa philosophie (par exemple celle de Streben). C’est cet éveil du concept
fichtéen au sortir de sa gangue kantienne que nous offre ce manuscrit, annonciateur
de l’envol d’Iéna. De plus, on verra que Fichte ici, contrairement à ce qu’il fera par
la suite, utilise énormément d’exempla, cite à profusion (Molière, Diderot,
Mendelssohn, etc.) livrant ainsi, comme en passant, un début de réponse à ce qui est
longtemps resté un mystère pour ses commentateurs : ses sources, références et
lectures en dehors de Kant. Ces deux raisons font de ce texte un document décisif
pour qui travaille sur la genèse de la doctrine de la science et partant la naissance de
l’idéalisme allemand.
PHILOSOPHIE PRATIQUE
a) PASSAGE comme RESULTAT DE LA RECHERCHE THEORIQUE
Ap - Ai
Dans la représentation du Non-Moi, Ai est Un, par la loi qu'il se donne à lui-même pour
la spéculation. Mais cette loi ne vaut qu'à condition qu'il y ait spéculation. Quant à Aa, il
est, par sa manière d'agir, déterminant ; sa manière d'agir consiste précisément à se
déterminer lui-même.
Aa se détermine lui-même par lui-même. Ai détermine, par lui-même, -A. Mais par là
même, nous obtenons deux A. Or A doit être un et doit être seulement A. Cette
contradiction ne peut être levée qu'à partir d'un x, c'est à dire :
x = A qui détermine, par la détermination de soi, également -A. Mais cela entre en
contradiction avec la philosophie théorique et ne peut donc être admis sans condition.
Cette contradiction radicale devrait, vraisemblablement, nous frayer un nouveau et ultime
chemin.
A, par son auto- détermination, donne une loi à -A ; mais cela ne signifie pas ici, comme
dans la philosophie théorique, qu'il lui donne cette loi en vue de saisir la condition de sa
connaissabilité, mais il lui donne cette loi en vue de son être, en vue de l'existence en
général, c'est-à-dire en vue de sa nature.(beschaffenheit)
Comment A se détermine t-il lui-même ? Je crois que c'est selon l'existence. Mais que
veut dire Etre en général ? Je pense que cela signifie "être posé". Mais dans le premier
principe, -A est d'une toute autre manière que A. Comment déceler leur genre commun et
leur différence spécifique ? Les deux (A et -A) sont posés. On pourrait dire que A est
posé comme quelque chose de positif, et que -A est posé comme quelque chose de négatif
; mais qu'est ce que cela signifie ? A se pose lui-même, -A est posé par A. Mais ceci n'est
pas encore tout à fait clair. A est en soi, -A n'est que par sa relation à A ; Ce dernier point
est, certes, exact, mais n'est pas encore déterminé suffisamment clairement. Que signifie
"une nature" en général ? On pourrait dire, et ce serait à juste titre, que A n'a pas de
nature et que -A a une nature (ist Beschaffen, est naturé). En effet, A a, en soi,
l 'existence pure ; toutes les qualités ( beschaffenheiten) qu'il possède, il les reçoit- que ce
soit comme intelligence ou comme pouvoir pratique- dans sa relation à -A. A n'a pas de
nature. -A n'est pas, mais il a une nature ; mais qu'est-ce que cela signifie ? Avoir une
nature signifie pouvoir être relié, d'une manière ou d'une autre, à quelque chose d'autre.
Ainsi 1) Aucune chose en soi n'a de nature. Pense à la monade (1) représentante de
Leibniz !
Page 182
Ce n'est que par sa relation à elle-même (si toutefois une telle relation était possible,
quoiqu'elle ne le soit pas dans le Moi), qu'elle reçoit une nature. Mais que signifie le
verbe "être" lorsqu'il est placé près de l'expression "une nature" (Beschaffen) ? Rien, il
n'est que le remplissement de l'action de naturer. Dire que tout ce qui a une nature, doit
être, n'est pas tout à fait exact ; mais lorsqu'un A doit être naturé, alors un x doit être (que
cet x soit ou non = A n'est pas la question ici). -A n'est que par sa relation à A.
Il en résulte que la loi que A donne à -A, se rapporte à la nature de celui-ci et non à son
être. Cependant, il en est de même pour la loi théorique ; celle-ci, en effet, ne se rapporte
aussi qu'à la nature de Non-A. Dés lors comment différencier ces deux types de lois ? En
fait c'est simple : la loi théorique ne concerne que la relation de -A à lui-même ; la loi
pratique, en revanche, concerne la relation de non A à A en tant que tel. Non A doit,
comme pur -A,(considéré comme chose en soi), avoir une certaine relation. Donc 1) A
une chose en soi, (le A absolu), ne peut être reliée qu'une chose en soi. Ce n'est donc que
par cette relation que nous obtenons un -A absolu, comme chose en soi ; c'est une point
très important. a) Déjà la première antithèse l'indiquait. b) L'Idée de l'absolu l'indiquait. c)
Par la loi de la raison pratique, -A, est réalisé, comme chose en soi. Ce -A, comme chose
en soi, doit, dés lors, recevoir une certaine nature et ce, par une certaine relation au A
absolu. Il doit être = A absolu. Le contenu de ce qui est requis (de ce qui était exigé) est
donc maintenant, formulé dans sa plus haute abstraction : -A absolu = A absolu.
Donc NB : ce n'est pas l'intelligence qui, en ordonnant, c'est-à-dire en reliant à -A, est en
contradiction avec A absolu, mais l'intelligence est en contradiction avec A absolu,
lorsqu'elle reçoit le donné ; C'est donc, en tant que réceptivité, qui est entièrement
dépendante, qu'elle est en contradiction avec le A absolu.
Pour le dire plus précisément, c'est justement, en tant que Ai est dépendant, qu'il est en
contradiction avec Aa. Comme membre intermédiaire, nous avons Ap, qui requiert que la
réceptivité dépendante, (en tant que dépendante), reçoive toujours ce qui s'accorde à Aa.
Les déterminations données dans la réceptivité dépendent soit de nous (actions libres) et
alors Ap exige, légitimement, ces déterminations, et peut les exiger, (impératif
catégorique), soit ces déterminations ne dépendent pas de nous (théologie-morale).
Mais il convient de noter 1) le fait que certaines de ces déterminations dépendent de nous,
n'est pour l'instant qu'un postulat ; cela ne peut donc être présupposé. 2) Il serait bon de
trouver une limite (Grenze).
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Mais la différenciation entre les déterminations qui dépendent de nous et celles qui n'en
dépendent pas reste incertaine. L'effort requiert que les déterminations dépendent toutes
de nous, c'est à dire qu'elles soient rendues adéquates à la loi interne. Mais nous ne
savons pas quelles seront les déterminations qui dépendront de nous, nous ne savons
même pas s'il y en aura. Si nous trouvons une action qui corresponde, par la réceptivité, à
l'Idée pré-conçue de la causalité de notre spontanéité, et si nous ne connaissons à cette
action aucune autre cause, alors, dans ce cas, nous ne pouvons juger cette action de
manière théorique. Notre activité est bien cause de cette action, parce que nous ne
pouvons avoir aucune compréhension théorique de ce domaine, et parce que la série
causale n'est pas donnée par la sensation. On ne devrait pas dire : l'homme "est" libre,
mais on devrait dire : l'homme fait nécessairement effort (streben, faire effort, tendre ou
aspirer à), espère et admet qu'il est libre. La proposition : l'homme est libre n'est pas
vraie.
Le champ (das Feld) qu'embrasse la raison pratique n'est pas celui de la raison théorique ;
la raison théorique n'a pas accès à ce domaine. La raison pratique n'embrasse ce domaine
qu'en désirant, espérant, s’efforçant. Elle ne peut, ni ne doit avoir de connaissance.
Mais comment cela se rapporte t-il à la liberté de la volonté ? Quelle sorte de faculté est
la volonté ? Est-elle un pouvoir fondamental ? Ou bien naît-elle par la représentation
préalable d'un effort ? J'ai déjà introduit l'activité dans la philosophie, par l'action du Moi
qui se détermine lui-même. Un Agir, dont on ne peut dire qu'il est le produit de la
causalité, est un pur effort *. La volonté est-elle quelque chose d'autre ?
* Définition provisoire : Faire effort est une activité qui n'est pas à son objet ce que
la cause est à l'effet. La finalité de l'effort c'est précisément d'établir cette relation.
Par ce passage, je n'ai pas encore caractérisé une faculté de désirer supérieure, mais
j'ai seulement caractérisé la faculté de désirer en général.
Faire effort, n'est pas une pensée, et ne peut, par conséquent, être défini
positivement, cad, être déduit ; Faire effort ne peut être défini que négativement,
c'est-à-dire ne peut être défini que par une contradiction. Faire effort est il rapport
du sujet à l'objet ? Il peut être comparé au rapport de la cause et de l'effet, mais,
cependant, rien n'est reconnu ni comme cause, ni comme effet. En fait je ne puis
penser ce rapport. Très bien ! Tu n'es pas obligé de le penser. Tu dois seulement ne
pas penser quelque chose de faux : le juste, tu ne peux que le sentir. Sentir est opposé
au Penser.
En prenant cette manière particulière de définir, propre aux mathématiques, on
peut peut-être donner un exemple tiré de la mathématique pure. Il s'y rapporte
comme une quantité se rapproche de l'indivisible, de l'infiniment petit, de la
quadrature du cercle, etc..
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a) Cet effort est déjà représenté par une sensation interne. b) il est représenté, par
conséquent lorsqu'il s'applique à un empirique déterminé ; c'est un vouloir déterminé.
Chaque manifestation de la volonté est déterminée. Mais pourquoi alors les
manifestations de la volonté ne sont-elles pas toutes déterminées moralement et
légalement ? D'où vient le contre-effort qui est aussi un effort ? Doit-il venir du fait que
nous sommes contraints d'admettre un effort sensible originaire ? Si nous n'acceptions
pas un tel contre-effort, alors le fatalisme sensible de Schmidt serait exact. Au demeurant,
ce contre-effort, Schmid, lui-même, est contraint de l'accepter. En effet, ce n'est pas la
seule impuissance de la causalité qui entrave la volonté, mais c'est un contre-effort.
La faculté de désirer inférieure doit viser ce qui est agréable pour les sens. Ainsi,
l'homme aurait la faculté( Vermögen) d'être affecté agréablement ; il n'a encore jamais été
question de ce point dans la philosophie théorique. Est-ce un pouvoir fondamental
empirique ? Quand bien même vous ne voudriez pas expliquer plus avant la nature de ce
qui vous affecte agréablement, vous devriez quand même pouvoir expliquer d'où vient,
en ce qui concerne l'agréable, le plaisir ressenti dans le Moi interne, plaisir, sans doute,
spirituel. Admets, provisoirement, que le sentiment de l'agréable ne soit que l'accord entre
certains effets de la matière matérielle et ton corps et, admets que le désagréable soit le
contraire. Dans ce cas, se pose la question suivante : pourquoi cela ne m'est-il pas
indifférent ? Une relation harmonieuse des choses extérieures à mon corps produit du
plaisir (le beau). Est-ce que, d'une certaine manière, l'accord entre mon corps et les
choses qui lui sont extérieures, serait quelque chose de cette nature ?
A dire vrai, l'hypothèse selon laquelle un tel désir d'harmonie du Non-Moi matériel avec
le Moi matériel (le corps) caractérise la capacité de désirer inférieure et que, de la même
manière, le désir d'harmonie du Non-Moi intelligible avec le Moi intelligible caractérise
la faculté de désirer supérieure, est une hypothèse qui semble par trop systématique. Où
prenons-nous ce désir qui peut et doit être, pourtant, dans le Moi spirituel ? Pour l'instant
nous avons quelque chose de seulement logique et nous ne parvenons pas à quelque
chose d'empirique et d'esthétique.
suite de la page 183. La contradiction ne doit jamais être levée. Mais elle doit être
réduite à l'infini. Dans la philosophie théorique, nous avons une cause première qui
cependant, n'est pas une cause première ; dans la mathématique, nous trouvons des
exemples de ce type de contradiction. Cette contradiction est propre à toutes les
sciences, et renvoie à la contradiction de notre nature même, c'est-à-dire à la
contradiction entre le dépendant et l'indépendant.
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Kant glisse sur ces choses, telle l'eau sur les plumes d'un canard. Il ne parle que de ce qui
cause le plaisir et considère comme déjà connu le fait que quelque chose cause du plaisir.
Or, cette interrogation revient à se demander : comment le corps humain est-il lié à l'âme
? Qu'est-ce qui lie l'âme au corps ? Peut-être pourrait-on déduire cette liaison de l'effort
en général ? l'effort, agirait, en premier lieu, dans ce non-moi le plus proche de nous
qu'est le corps, et ce afin de s'y conformer. L'effort serait d'abord un effort pour rendre ce
Non-Moi adéquat à soi; et ceci sans que rien ne soit pensé précisément, ni calculé. Mais
la spontanéité favorisée est bien la caractéristique de tout plaisir, et la spontanéité
entravée, la caractéristique de tout déplaisir. Que l'effort vers certains plaisirs soit donc
l'effort vers l'activité, et que la répulsion devant certaines sensations soit la répulsion
devant l'impuissance de la spontanéité libre, cela paraît clair. Le fait que la faculté de
représentation ne puisse pas calculer ces plaisirs et ces aversions précisément ne change
rien à l'analyse ici. Ce qui est, empiriquement, agréable ou désagréable, nous ne le
connaissons que par expérience. Mais l'agréable et le désagréable en général doivent être
défini a priori (Ce dernier point est tout à fait certain). C'est ce qui nous rend agréable
l'agréable qui nous le fait aussi désirer. Ce désir naît du souvenir. Cependant les causes de
l'appétit sont souvent uniquement dans le corps. Certes, mais, néanmoins, le fait que je
désire satisfaire l'appétit ainsi éveillé, a son fondement dans l'âme. Tout Désirer est
spontanéité absolue, spontanéité indépendante. Cela nous donnerait, pour la réceptivité :
la matière serait le désir de l'agréable ; La forme serait le plaisir du Beau. De même cela
nous donnerait pour la spontanéité, d'une part la spontanéité théorique (c'est-à-dire le
plaisir du sublime), et d'autre part, la spontanéité absolue de la spontanéité,(c'est-à-dire le
plaisir du Bon). Cette théorie est tout à fait superbe dans la mesure où elle est cohérente
de haut en bas.
Maintenant la question est celle-ci : quel chemin devons-nous prendre ? On pourrait,
certes, en trouver un d'aisément accessible. Mais il nous apparaît, à présent, que les mises
en garde d' Abicht étaient fondés : on ne peut donner aucune explication déterminée de
l'impératif catégorique de la morale, du droit naturel, de la véritable doctrine de la foi
sans ces présupposés.
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Dés lors seuls certains aspects sont déterminés rigoureusement. L'activité du Moi décrite
dans la partie théorique de la philosophie était un Connaître. Le Moi, dans ce cas, était
dépendant du Non-Moi. L'activité que nous devons décrire à présent, est un effort. Le
Moi est ici. 1) Tout à fait indépendant. 2) Comment est le Non-Moi ? Dans l'agréable, il
est indépendant ; dans le beau, il est indépendant ; dans le sublime, il est indépendant ;
dans ce qui est juste, il est indépendant. Nous avons donc un effort sans fin. Moi et Nonmoi semblent, ici, suivre leur chemin propre. S'ils se rencontrent, cette rencontre, alors,
n'est pas due à la causalité du Moi. Cette causalité ne peut donc être considérée comme
causalité. Mais lorsqu'ils se rencontrent, d'où vient le plaisir ? Si la fin de cet effort est la
spontanéité, alors cette fin n'est pas atteinte et elle ne peut pas l'être. Mais est-elle
spontanéité absolue, qui, parviendrait, comme telle, à la conscience ? Ne peut-elle pas
être activité pure, même si elle est conditionnée ? Nous serions, ici, revenu à nouveau au
point précédent. Mais est-ce là tout ce que nous pouvons conclure de cet effort déduit
précédemment ? Cela devrait suffire si on se contente de prendre l'effort en général.
Mais 2) Contre mon intention initiale, je me suis égaré, dans toute cette théorie, et ce, en
raison d'un manque de rigueur. Pour être certain de ne pas travailler Ü¥h Wà
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te seule tendance
* à propos du caractère de cet effort avec l'objet qui en résulte.
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si nous ne la relions pas à quelque chose d'autre. * Mais à quoi faut-il la relier ? Je pense
qu'il faut la relier à la limite. En tant qu'être connaissant, nous rencontrons la limitation ;
mais cela ne signifie pas que notre connaissance est limitée, puisque c'est précisément
grâce à ces limites nécessaires, que la connaissance devient une connaissance ; c'est grâce
à ces limites qu'elle reçoit unité et détermination ; notre spontanéité en général, est
entravée par la tâche déterminée de connaître qui lui est assignée. Cependant le fait
d'espérer élargir toujours les limites n'a pas nécessairement pour but, pour fin, la
connaissance en tant que telle.** Quelle est donc, alors, sa fin ? La fin ne lui est pas
donnée, mais la spontanéité se donne à elle-même sa propre fin. C'est en conservant bien
à l'esprit ce point, qu'on obtiendra des résultats.
La spontanéité absolue n'a pas d'autre fin que la spontanéité. Toutefois, la spontanéité et
la fin de la spontanéité ne doivent pas être reliées l'une à l'autre par le biais de la
connaissance. La définition de cette fin serait : la spontanéité en relation à la
spontanéité, comme la cause l'est à l'effet, mais cet effet ne serait pas néanmoins reconnu
comme tel. Mais, en fait, on ne peut faire grand chose de cette définition. Mais si ! Seule
la tendance n'est pas connue, ni considérée comme cause. Mais on peut connaître aussi
autre chose que la cause. En effet, l'effet, l'activité favorisée, pourrait bien être
théoriquement, effectivement connue, sentie, intuitionnée, pensée. Cela donnerait la
classification suivante : la promotion de la spontanéité du sentir de la réceptivité, serait
ressentie, cela donne l'agréable ; la promotion de la spontanéité de création des formes,
serait intuitionné, cela donnerait le beau, etc.
Par conséquent, l'objet de l'effort serait réalisé selon sa matière, mais non selon sa forme.
L'effet qui devrait être produit, si l'effort est la cause, serait donné. Il serait effectif (par la
sensation), mais la cause de son effectivité ne pourrait être posée dans l'effort. Mais
2) du point de vue de la matière, ceci n'est pas encore tout à fait exact. Car si la
spontanéité était effectivement favorisée, alors dans l'acte suivant, l'effort devrait
effectivement devenir la cause et être connu comme telle, ce qui se contredit et contredit
toute la philosophie théorique. Chaque promotion donnée n'est donc pas du tout la
promotion de la production d'une causalité véritable du Moi au Non-Moi,
* Relation de cet effort à son objet.
** le mot fin apparaît, ici, avant même d'être défini. C'est une erreur de méthode.
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mais elle est seulement la promotion, l'augmentation, l'accroissement de son effort en
vue d'obtenir une telle causalité.
La condition, condition sublime, de l'homme est donc un effort permanent ; ses joies ne
proviennent que de l'accroissement de cet effort. L'homme demande toujours, et toute sa
satisfaction réside dans l'accroissement de son effort. L'homme véritable est celui pour
qui il en est bien ainsi.
La fin de cet effort est-elle un effort, et n'en existe t-il aucune autre ? Le but de cet effort,
c'est à dire la causalité finie sur le Non-Moi, est posé dans le futur. Le futur est rendu
présent, non pas de manière théorique, mais de manière esthétique. Le champ de la
sensation est le présent, le champ du Penser, de la raison théorique, est le passé. Le futur
est exclusivement un produit de la raison pratique. Prévoir n'appartient qu'à l'homme en
tant que tel, c'est-à-dire en tant qu'être pratique, et non pas en tant qu'être représentant.
Même les vues de la raison théorique dans le futur sont rendues possibles et sont
motivées par des exigences pratiques. Sans pouvoir pratique, il n'y a pas de futur, le
présent n'existe que par la sensation et le passé n'existe que par la mémoire. Ce n'est ni
par la sensation, ni par la mémoire, mais seulement par son effort, que l'homme comprend
le futur.
Seul l'effort tend vers le futur. L'effort n'est que dans le futur.*
Résultats concernant cet effort : C'est une spontanéité pour la spontanéité.** L'effort vise
l'accroissement de lui-même. (Mais il ne peut s'accroître lui-même).
* Ecrire avec froideur, lorsqu'il s'agit de philosophie pratique est une plaisanterie
pour l'auteur. Ce sont propos d'aveugle sur les couleurs. Le style froid n'est pas le
style qui convient ici. On n'écrit jamais comme il conviendrait quand on écrit avec
froideur. La plus infime partie de la philosophie pratique ne peut être comprise, elle
ne peut être que ressentie. De même que dans la philosophie théorique, il est du
devoir de l'auteur d'élever le lecteur à une compréhension claire, de même il est
dans la philosophie pratique du devoir de l'auteur, de l'élever à un sentiment
chaleureux.
** Ne pourrait-on pas tirer de ces prolégomènes, des conclusions plus précises ? En
fait, il me semble que les conclusions sont suffisamment précises. Quel est le fil
conducteur de l'analyse ? Pour l'instant, nous n'avons analysé que le caractère de l'
effort. Cet effort est réalisé par la synthèse du Aa et du Ai, c'est à dire selon la
proposition de la contradiction. Cet effort, ne peut-il être autre chose qu'un simple
effort ? Peut-il être une véritable causalité. Non, car si tel était le cas, la raison
théorique serait supprimée. Ainsi, l'analyse est entièrement exacte.
Page 190
Néanmoins l'effort pourrait, peut-être, se donner comme accru par la sensation. Il doit
bien en être ainsi, mais pour ce faire, il faut deux choses.
1) Il faut que cet effort puisse être donné dans la sensation, c'est-à-dire dans la sensation
la plus interne ; il faut donc qu'il puisse affecter la réceptivité.
2) Il faut qu'il puisse être ressenti, par degrés, dans une grandeur intensive.
1) Comment peut-on le démontrer ? On ne peut pas le démontrer en partant de notre
présupposition, car celle-ci doit d'abord être démontrée par elle-même. Pourrait-on le
démontrer à partir de notre expérience? Mais nous sommes dans le domaine de la
philosophie pure, et ici, il ne peut être question d'expérience, aucune expérience ne doit
servir de point de départ. Mais orientons-nous ! Je dois d'abord savoir le chemin que j'ai à
parcourir et il me faut donc user de réflexion logique.
Ma philosophie élémentaire est une science ; elle est donc, quelque chose de théorique.
Sa forme admet des règles logiques comme principes régulateurs. La question est celle-ci
: Comment devons-nous penser cette partie de notre être ? Si nous la pensons a priori,
l'expérience s'accordera t-elle avec elle ? Qu'est ce qui pourrait contredire nos
considérations ? La sensation, puisque cette partie de la philosophie est totalement
indépendante de la philosophie théorique. Mais elle ne peut la contredire ; ou alors notre
présupposition selon laquelle le Moi doit être Un et doit pouvoir être pensé comme Un,
(proposition qui est le point départ de cette partie de la philosophie), cette présupposition
donc, serait inexacte. Nos conclusions sont aussi certaines que l'est cette proposition. La
relation de présupposition à conclusion est la même que dans la philosophie théorique.
Notre Moi sentant est une partie des objets de cette philosophie et nous lui prescrivons ici
des règles a priori auxquelles il doit nécessairement se conformer. Et ce, sans préjudice
pour ce qui doit rester inexplicable et qui peut surgir en dehors de la sphère de ces règles.
Notre Moi sentant en tant qu'il est explicable, est l'objet. Il est toujours un, quoiqu'il
arrive, soit que nous prenions le phénomène comme fondement et comparions la règle
avec le phénomène ; soit que nous prenions comme fondement la règle et que celle-ci une
fois trouvée, nous recherchions les phénomènes et les ordonnions. C'est le procédé d'une
expérimentation, comme dit Kant. Ce qui signifie déduire toujours de manière pure, et ne
rien accepter d'empirique. C'est un passage à un autre genre.
La nécessité d'un tel effort est déduite, à partir de l'unité exigée du Moi, de manière
synthétique et a priori, conformément au principe réel de la contradiction. Le caractère de
cet effort est déduit de manière analytique, conformément à la proposition logique de la
contradiction,.
Page 191
Jusque là, la déduction est exacte et purement a priori. Nous faut-il maintenant postuler
une expérience ? Quo jure ? Est ce que cela nous ouvrirait la voie pour trouver les autres
postulats pratiques possibles ? Cet effort n'est-il pas lui-même le Postuler de l'expérience
(das Postulieren der Erfahrung) ? N'ai je pas posé plus haut les deux propositions, la
première que nous sentons, et la deuxième, qu'il y a des degrés dans la sensation, de
manière inexacte c'est-à-dire d'une manière seulement théorique. Cela peut-il signifier
que l'effort doit être senti et qu'il doit pouvoir être senti par degré, c'est-à-dire avec les
degrés des grandeurs intensives ? Ces propositions sont-elles démontrées
synthétiquement ou analytiquement ? Elles sont démontrées analytiquement. Tout se
trouve dans l'effort. L'effort vise le Non-Moi. Le Non-Moi doit devenir dépendant de
l'effort, ce qui signifie :
1) Qu'une sensation doit présenter, donner cet effort.
2) Qu'une sensation doit donner cet effort dans des degrés élevés (grandeurs extensives).
De quelle sorte de sensation pourrait-il s'agir ? Comme pour toute sensation, le genre
doit être donné par la réceptivité. Mais quelle est, alors,la différence spécifique ? La
différence spécifique naîtrait de ce que ces sensations ne représentent pas un objet,
qu'elles ne sont reliées à l'objet ni médiatement ni immédiatement, mais sont uniquement
reliées au sujet; ces sensations seraient exclusivement subjectives. (tout comme Kant le
présente dans la Critique de la faculté de juger ). Telle serait la sensation de l'inclination
(Neigung). Mais tout ceci demeure encore obscur et imprécis. Si le chemin est exact, il
traverse la nuit. Tachons de nous éclairer un peu. C'est déjà un grand bénéfice que d'avoir
déduit une sensation différente de celle qui ne vise que la connaissance, Mais laissons ce
point pour l'instant. N.1 est bien, d'abord inclination pure, c'est-à-dire besoin. Mais ou se
trouve la satisfaction, la jouissance ? Il semble, de fait, que la matière de l'effort doive
être autre chose que la seule augmentation de l'inclination. Que devient le sentiment de
plaisir ? N.1, c'est-à-dire la représentation de l'effort, est-elle déjà lié au plaisir ? La
représentation de l'effort est la représentation de la spontanéité, la réalisation effective de
l'activité dans le Non-Moi ; donc, la fin est atteinte et l'inclination par là, devrait être liée
au plaisir. L'expérience nous enseigne que même si l'appétit au début peut susciter du
plaisir, sa non satisfaction cause une douleur sensible et nullement un plaisir. On peut
aisément expliquer ce point. En effet la représentation de la causalité du Moi sur le NonMoi est par là suscitée. Si celle-ci ne peut continuer à s'exercer, alors apparaît un
nouveau sentiment extrêmement douloureux, un sentiment d'entrave du Moi et de
dépendance au Non-Moi; sentiment d'autant plus douloureux que le Moi spontané a été
asservi. Mais ici se pose une autre question: l'effort à la représentation de l'effort n' est il
pas, à nouveau un effort, et est-il satisfait par la sensation ?
Page 192
Il en est bien ainsi. Mais cet effort originaire n'accède pas à la conscience parce qu'il n'est
pas représenté. De la même manière qu'un Moi originaire doit (mussen) être accepté
comme sujet, de la même manière un effort originaire doit être accepté. Cet effort peut
être admis, dans un but explicatif, en tant que fiction comme le dit Maimon. Ainsi N.1
serait déjà la réalisation d'une matière de l'effort, et chaque inclination devrait être
accompagnée de plaisir.
2) L'effort doit grandir, dans la sensation, graduellement, de manière successive et
continue . Qu'il doive en être ainsi, que l'arrêt de l'effort provoque de la douleur, et que
toute régression provoque une douleur encore plus grande, tout cela ressort déjà de ce qui
a été dit auparavant. Donc :
a) Sans tendance, sans effort, il n'y aurait ni plaisir, ni douleur.
b)
Plaisir
et
douleur
ne
sont
que
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se faire autrement qu'en étant ressenti immédiatement.
1) La réceptivité a par conséquent une pouvoir d'effort.
2) Il y a de la matière qui présente la même chose dans la manifestation puisqu'elle ne
pourrait pas se manifester sans une sensation lui correspondant, c'est à dire qui lui
correspond.
3) Seule une telle matière qui multiplie et augmente l'effort, présente la même chose. On
ne peut pas faire grand chose à partir de la pouvoir de l'effort et de l'effort de la
réceptivité parce que ce faisant, on ne peut rien imaginer de précis. La réceptivité doit
être un pouvoir de l'esprit, son effort doit être un effort mental ; nous n'avons ici rien à
faire du corps, des sens externes, et cependant il semble inévitable d'avoir une idée de la
liaison existant entre le corps et l'âme pour parvenir à une explication précise de ce point.
Un peu plus de précisions sur le pouvoir d'effort, l'appétit, de la réceptivité. La faim, la
soif, nous en offrent des exemples. Cela provient du corps ; mais en quoi l'âme est-elle
concernée par le bien-être du corps ? Cela ne peut avoir une importance pour elle qu'en
présupposant un effort de ce type vers la causalité dans le Non-Moi (ce qui lui est le plus
proche, est le corps). Par conséquent aucun appétit ne provient du corps, mais plutôt d'un
effort de l'âme à la causalité envers le corps. Mais qu'est ce qui est à produire dans le
corps par cette causalité, induite par l'effort de l'âme ? Sans doute, pour le dire encore une
fois : qu'il puisse y avoir multiplication et augmentation de cet effort ; donc que soit
donnée beaucoup de matière (non en relation à la connaissance, car il n'est pas question
de cela ici, mais en relation à la sensation agréable). La question de savoir comment l'âme
sait ce qui fait du bien au corps n'a pas sa place ici. Elle ne sait, ne pense, ne connaît
absolument
rien
;
elle
s’efforce
(streben)
seulement.
Page 195
Il n'est pas question de moment futur. La matière de l'agréable est une matière qui
augmente la sensibilité ; celle du désagréable la limite. Mais justement la sensibilité
agréable n'est donc pas ici qu'un cercle. Oui, il doit (soll) y en avoir un : nous sommes
pris dans des cercles ; le but ultime est l'activité ; avec la sensation désagréable, ce but
peut être encore ressenti ; mais alors par là, l'effort de la réceptivité n'est cependant pas
suscité ni augmenté.
Cela mériterait d'être dit plus exactement. NB. Pour tout ce qui ne peut être expliqué, il
faut au moins qu'on explique pourquoi on ne peut pas l'expliquer.
La réceptivité tend vers (s’efforce à) une certaine matière.* L'effort n'accède pas en soi à
la conscience, mais n'est représenté que par une sensation adéquate à elle. Par
conséquent, on ne peut a priori absolument pas dire quelle sensation d'une matière
conviendra à cet effort, selon cette définition. Tout ce qui peut servir d'explication, sont
des explications de noms qui renvoie le problème à l'infini ; à savoir vers l'idéal de l'effort
qui est de se donner la matière-même, idéal qui ne peut être atteint.
Cet effort est tourné maintenant médiatement vers l'extérieur.** Corporellement est
expliqué.*** Intérêt pour le corps, pour sa conservation, **** etc. Le corps est
totalement indifférent à la raison théorique ; sans inclination pratique, il serait en peu de
temps perdu (détruit). Ce n'est que par là que nous obtenons un corps ;
* Important.
** Répartition en agréable interne et externe.
*** Le but est d'amener le corps dans un état où il ne dépendra d'aucun corps en
dehors de lui.
**** Ici naît d'abord la croyance en la matière située en dehors de nous. Contredire
l'idéaliste par des coups (comme chez Molière), n'est pas tout à fait injuste. Diogène
l’a bien fait avec Zenon .
Page 196
Il est à ce moment-là seulement, comptabilisé avec notre Moi et il éveille notre intérêt
pour un morceau de matière.
Episode : Comment est-ce chez les animaux à qui bien sûr tu ne concèdes pas de Moi
pratique ? Ils sont capables d'après ce qu'on en sait, de sensations agréables. Sont-ce
seulement des machines qui fonctionnent mieux lorsqu’elles ont été graissées ou ont-ils
un analogon de Selbstheit ? Mais quel devrait être cet analogon ? Je crois que ce sont des
machines. Rejet des nombreuses déclamations sur la plaisir physique sensible.
Cet effort peut se faire aussi immédiatement, conformément à la sensation interne. Toute
sensation externe est ressentie intérieurement ; mais elle n'est ensuite sensation interne
que médiatement. Ici, on doit parler de la sensation interne immédiate. Quelle sorte de
sensations internes existent théoriquement ? Celles qui ne sont que dans le temps, et qui
ne sont pas dans l'espace ; d'où modifications du Moi. Tout ce qui se passe dans le Moi,
et qui est remarquable, est un objet de cette sensation. Le plus important est uniquement
ce qui doit de cela, être retiré ici. 1) Tout ce qui vise la connaissance de soi interne,
l'observation de soi empirique : ici, le but est théorique et non uniquement esthétique,
donc 2) tout ce qui est aussi intuitionné et pensé et non uniquement et seulement ressenti.
Les règles restent les mêmes que dans la catégorie précédente.
Donc 1) on doit présupposer un effort non parvenue à la conscience, un effort non
ressenti d'une certaine sensation déterminée interne : si ceci est satisfait par une sensation
donnée, alors est représentée une inclination qui doit être élevée à une jouissance par
l'élévation de l'effort, comme si elle l'était par se propre causalité.
2) La nature spécifique d'une matière interne de ce genre, ne se laisse pas déterminer
théoriquement parce que ce premier effort ne parvient pas à la conscience. Ce qui
intérieurement, est agréable, est ressenti uniquement. Ces déterminations sont génériques.
3) La différence spécifique. Celle-là était une modification médiate agréable de notre état
d'âme par une modification équivalente de notre corps dans l'espace ;
* et compréhensible. Cela aussi est à nouveau graduel. Notre coeur, notre estomac,
nos intestins par exemple nous intéressent beaucoup plus que nos ongles ou nos
cheveux. Dans le coeur, on trouve le centre de la faculté de l’effort en tant qu'il vise
immédiatement la matière. Dans la tête, semble se concentrer la raison en tant
qu'elle agit par des organes. Par suite : au sujet du siège de l'âme, par suite un coeur,
une
tête
et
un
coeur
en
bon
état
(bon?).
Page 197
celle-ci est une modification immédiate agréable du Moi interne dans le temps. La
définition est exacte. Mais par exemple, qu'en serait-il d'une question comme : peux-tu
détecter un appétit interne ? Il semble que rien de la sorte ne s'y trouve. Penser, Observer,
etc. n'en sont pas exclus en tant qu'il est seulement ressenti. NB. Il n'est pas question ici
non plus du rapport du divers de la suite temporelle, et c'est tant mieux, mais du
remplissement d'un temps unique par une certaine matière comme modification du Moi
ressentant. Le Moi ressentant est lui-même la matière, ou bien encore il est une sensation
du Moi dans le temps. Cela dépend juste du genre de la matière. Halte ? Qu'est ce donc
que la crainte, l'espoir ? Ce sont bien des modifications de l'effort et du contre-effort en
général. Qu'est ce donc que le rire ? Le rêve s'éveillant : c'est bien une jouissance et une
jouissance interne comme l'émerveillement, l'étonnement, etc. Le désir de nouveau, de
merveilleux l'est également. Cela fait-il partie du Beau ou uniquement de l'Agréable ? La
curiosité semble viser la connaissance ; mais ce n'est pas vrai. qu'en est-il du désir ? Mais
qu'est-ce donc que l'effort du chercheur vers l'unité, l'exactitude, la cohérence de ses
connaissances ? Cela se situe bien sûr à un degré supérieur. Qu'en est-il de la tendance en
général à être intellectuellement préoccupé, que ce soit maintenant par la vérité ou la nonvérité mensonge, la continuité ou son contraire ? N'est-ce pas seulement une tendance
vers l'agréable. Dans ce qui est agréable au corps, nous recherchons également des
impressions fortes, des mets, des vins épicés, des mouvements intenses, bref, nous
recherchons quelque chose de toujours plus fort que ce qui était précédemment, et cela
par l’augmentation précisément, par une progression graduelle. L'effort en général qui
consiste à avoir une occupation intellectuelle est l'effort commun (général), c'est le
premier mobile des sensations intérieurement agréables. Non, arrête-toi ici uniquement
aux sensations telles que l'amour, la haine, l'émotion, la tristesse, la joie (qui sont à
différencier du plaisir et de la douleur). La tristesse et la joie ne sont-elles pas en effet le
genre des sensations internes comme le sont l'ennui et l'occupation. Ne pourrait-on pas
trouver un fil conducteur plus sûr ? Je crois que nous l'avons trouvé. Ce que nous
ressentons doit être également une sensation pure (avec effort), une tendance, de la même
manière qu'il y a un appétit pour ce qui est agréable au corps. Ainsi il y a un effort
originaire vers des sensations spécifiques, qui ne parvient pas à la conscience et qui est
présenté au moment où on a une sensation qui nous fait du bien immédiatement (alors que
le Moi se comporterait uniquement passivement). (Mais comment faire apparaître un fil
conducteur de ce type !) Il n'y en a pas parce qu'aucun concept précis, aucune pensée
précise n'en sont le fondement. L'amour, la sympathie, la pitié par exemple n'ont-ils rien
affaire ici ? Il semble qu'être bon sans qu'on puisse s'en expliquer la cause,
Page 198
de même qu'un amour irréfléchi ou du dégoût sans cause précise, etc. aient leur place ici.
Mais il est difficile d’exhiber ces choses de façon pure, dans l'expérience et
l'observation. Une telle inclination ne doit non plus être reliée à rien de corporel : elle
doit être fondée de façon pure, dans l'âme. Mais cette différence et l'indéterminabilité du
goût des sens, n'interviendraient-elles pas de nouveau ici ? Cette tendance existe ici aussi.
Pour l'un, elle signifiera la joie, pour l'autre, autre chose ; chez l'un, cela fera naître
l'amour, chez l'autre cela attisera la haine. Certains visages font du bien à l'un, mais pas à
l'autre. Est-ce agréable physiquement ? Je ne le crois pas. Mais ici, tout est très emmêlé.*
Le but de cet effort est de pouvoir se passer entièrement du corps et de produire en soi
des sensations par sa propre causalité, c'est à dire de se passer de lui comme d'un organe
procurant d'agréables sensations. On ne le remarque pas précisément parce que cet
effort-là n'est pas l'effort le plus inférieur. Il semble qu'en effet cet effort soit dirigé contre
lui-même. Voilà tout ce que nous pouvons dire sur ce premier point.**
Episode : Dans quelle mesure peut-on déterminer a priori ce qu'est le plaisir ? Le plaisir
est sans doute une détermination empirique, mais il doit néanmoins se fonder sur quelque
chose a priori. Lorsque apparaît ce qui était la fin de l'effort, apparaît alors le plaisir.
Jusque là, c'est exact. Si on raisonnait à ce sujet, on pourrait dire alors que chaque
manifestation de ce type est un gage que l'effort n'est pas complètement vain. Mais on ne
raisonne pas (comme Mendelssohn qui fut pourtant conscient de cela d'une manière
totalement obscure), mais on ressent uniquement. Une telle manifestation pose le Moi
dans une plus grande harmonie avec lui-même. La sensation et non la connaissance - car
ici on ne connaît pas - d'une telle harmonie est une sensation de plaisir. Par conséquent
1) la manifestation de l'effort et d'un effort accru est l'antécédent.
2) L'harmonie dans le Non-Moi et le Moi,
* NB. C'est une condition sine qua non, expresse de ces sensations qu'elles ne
puissent trouver leur explication à partir de rien d'autre que l'effort immédiat de la
faculté du sens interne. Et ceci nous donne un fil conducteur pour les différencier
dans l'expérience.
Page 199
ou si l'on préfère, dans le Moi connaissant et se présentant soi-même est la conséquence,
et la sensation de cette harmonie suscite plaisir, satisfaction, etc.*
Episode seul.** Cet effort en général en vue de l'unité, appliqué également à l'agréable
immédiat dans la sensation, ne pourrait-il pas en donner une compréhension plus évidente
que celle qui existe actuellement ? L'effort lui-même est la spontanéité de la réceptivité ;
la réceptivité veut avoir certaines sensations. C'est son inclination. Le genre de ces
sensations est inconnu. Mais le but est de détruire la réceptivité en général, de la
transformer en spontanéité. Ainsi des sensations agréables seraient (par exemple)
l'insensibilité, l'effectibilité de soi, l'activité propre de la faculté de sentir comme il a déjà
été dit précédemment. Mais c'est comme cela en général ; ne suis-je pas en train de
débusquer en théorie des formes de sensations différentes qui devraient être réunies ? A
priori, la sensation a est soumise à la loi des grandeurs intensives ; chaque sensation a un
certain degré jusqu'au degré 0. Rien ne se laisse donc ressentir qui ne se laisserait pas non
plus ressentir. Cet effort (particulier) a-t-il quelque chose à voir avec cette loi ? Cette
sensation peut elle réunir Ressentir et ne pas Ressentir ? Est-ce son but ultime ? Tout
agréable n'est-il pas un essai de se rapprocher de ce but ? C'est quelque chose comme
cela. En effet l'affection doit être sans la présence de l'objet. Cependant ce dernier point
n'est d'aucune utilité ici. Car la présence ou la Non-présence de l'objet est quelque chose
de théorique et n'est rien d'esthétique.
* La logique de cette partie de la philosophie est présentée d'une manière vraiment
très précise. 1) Dans cette partie, on représente habituellement, non pas le Moi qui
raisonne, qui tire des conclusions précises et qui connaît théoriquement, mais on
représente uniquement le Moi sensible. Donc on ne représente aucune conclusion ni
connaissances précises.
2) Mais la partie elle-même est une connaissance et elle doit par conséquent de cela,
déduire et expliquer ces sentiments d'une manière aussi déterminée que possible. 3)
Elle ne peut pas les expliquer d'une manière déterminée, mais elle peut le faire par
approximation, à l’infini. Il faut que tu te renseignes mieux sur cette logique de
l’approximation pour l’illustrer de part en part par des exemples. Comme
précédemment on utilise une catégorie et cependant, on ne l'utilise pas
complètement. D'une manière générale les catégories pourraient te faciliter ici
grandement la tâche.
** Episode appartenant au chapitre précédent.
Page 200
Alors, où donc est l'antinomie ?*
Une sensation doit au même moment, se laisser ressentir et ne pas se laisser ressentir :
plus une sensation quelconque s’approche de cet idéal, plus l'affection, qu'elle soit plus
forte ou plus faible, se trouvent satisfaite, selon la disposition momentanée de nos
organes des sens, plus la sensation est agréable. ** Qu'est-ce qu'une sensation qui
reproduit elle-même sa jouissance et devient plus forte au fur et à mesure qu’elle dure ? ?
Tout ceci est confirmé par l'expérience et nous donne une image très acceptable de la
jouissance des sens la plus élevée. Cette jouissance peut être plus ou moins durable : par
exemple, la faim corse les mets. Au fur et à mesure que la faim s'étiole, le plaisir
disparaît. Mais on ne doit pas voir cela d'une manière aussi grossière. Ne suis-je pas de
nouveau pris dans un cercle ? A savoir : quelles sont les sensations qui sont ainsi ? Cela,
comme pour le Beau, seule l'expérience peut l'enseigner. Si nous avions toutefois une
doctrine relatives aux degrés des grandeurs intensives comme nous en avons une pour les
formes de l'extension, nous pourrions peut-être en dire davantage. Il est vrai qu'en ce qui
concerne certains objets nous avons des doctrines sur ces grandeurs intensives, par
exemple l'optique ; la question de savoir pourquoi la lumière verte fait du bien à l'oeil,
peut s'expliquer par l'optique ainsi que celle de savoir pourquoi un blanc pur étincelant,
nous aveugle. Au début, cela nous fait du bien parce que la lumière est à sa plus haute
intensité ; mais cela diminue parce que l'oeil reproduit de plus en plus faiblement
l'impression de ne pouvoir la supporter et que sa sensation est ainsi limitée.
* Tous les sentiments esthétiques visent l'anéantissement et la suppression des lois
théoriques ; c'est de là que vient l'erreur de Leibniz qui affirmait que le sens ne
faisaient qu'obscurcir les connaissances. Le sens esthétique s’efforce à vrai dire à les
rendre confuses ; c'est ce sens-là que les Leibniziens considéraient comme le sens
théorique parce qu'ils faisaient du Moi une pure intelligence et qu'ils
méconnaissaient totalement l'autre branche de son essence. C'est ainsi qu'ils
voulaient ramener également tout esthétique à une connaissance théorique, à
l'esthétique de Baumgarten du Beau et du Sublime, à l'esthétique de l'agréable de
Moses Mendelssohn.
** Une définition importante, quoique encore problématique de ce qui agréable aux
sens.
(201) Ce sont donc des sensations internes immédiates qui se reproduisent elles-mêmes.
La loi est la même que précédemment. Mais auparavant, nous avions quelque chose de
donné d'abord pour une connaissance théorique. Qu'avons-nous ici ? En effet, c'est de ce
quelque chose que tout doit partir. Ou pouvons-nous utiliser justement pour cela les
sensations esthétiques externes ? Il ne pourra en être autrement. Aucune sensation interne
n'existe si ce n'est par l'intermédiaire d'une sensation externe ? Cela est tout à fait certain.
Les actions spontanées de notre esprit, nous ne les ressentons pas, mais nous les
intuitionnons, nous les pensons, etc.. Or c'est justement là que je suis dans le noir le plus
complet. Il me semble que c'est une des faiblesses de ma philosophie théorique. Et
pourtant c'est juste : je ne ressens intuitions et concepts ni par la théorie ni par la logique.
Une sensation théorique interne est une simple modification, dans le temps, de mon Moi
sensible au moyen d'objets extérieurs. Une sensation esthétique interne ne serait rien
d'autre qu'un sentiment de bien-être d'un Moi sensible, qu'une stimulation et une
reproduction de la force de vie (sensations que je serais incapable d'attribuer à un organe
externe déterminé) ; elles seraient donc ressenties simplement dans le temps et non dans
l'espace et ne seraient pas rattachées de manière déterminée au corps ; ce serait un bienêtre interne sans que l'on sache à quoi l'attribuer. Il est vrai aussi que cela se reproduit.
On ne peut en comprendre la nature qu'en s'interrogeant sur ce qui renforce et anime le
Moi sensible (ce qui l'anime est agréable). Pour ce faire, il nous faudrait une doctrine des
degrés des sensations internes du Moi sensible, doctrine que nous n'avons pas. Mais il est
évident que : a) le Moi sensible doit se ressentir lui-même comme sensible sur le plan
esthétique ; la seule possibilité, originairement, se ferait par le biais d'une sensation
esthétique externe. b) cette sensation de soi doit se reproduire et devient dès lors
immédiatement sensation interne, bien-être ou malaise. Mais il est de nombreuses
sensations internes où nous n'avons pas conscience du siège du mal. La boisson par
exemple reproduit et stimule l'activité de ressentir sans que l'on sache comment : la
circulation du sang rapide ou lente - dont on n'est pas conscient - procure une sensation
interne de bien-être ou de malaise. C'est tout à fait exact et cela conforte justement mon
hypothèse.
Cependant l'esprit aussi exerce une influence esthétique sur le corps et par là sur la
sensation. Si je me représente un mal comme imminent, cela suscitera en moi une crainte
qui est déjà en soi une sensation désagréable : ici donc l'imagination produit des
sensations, en l'occurrence des sensations internes. A ce sujet, on peut se demander ceci :
1) ne peut-on se représenter un mal sans éprouver cette sensation préalable immédiate ?
Sans elle, en effet, l'intérêt est nul. (202) 2) L'imagination (totalement indifférente à la
peur en soi alors qu'elle ne l'est pas au Beau) est-elle immédiatement le siège de l'effort ?
La sensation n'intervient que dans la faculté de sentir.
Nous aurions donc ceci :
1) des sensations externes agréables par stimulation de la réceptivité de certains organes
sensoriels externes.
2) des sensations internes agréables par stimulation de la vie en général, sans qu'elle soit
animée dans un organe particulier, c'est-à-dire par la stimulation du Moi esthétiquement
sensible dans le temps.
3) et la réunion des deux par l'imagination dont les représentations de sensations
possibles suscitent de nouvelles sensations, crainte et espoir s'agissant du futur, joie et
tristesse s'agissant du présent. Le but de cet effort par le biais de l'imagination est de se
priver totalement des impressions du Non-Moi.
Toutes ces sensations sont parfaitement égoïstes : mais où sont donc les sensations
empathiques ? Ne sont-elles pas également des mouvements de la réceptivité, de ceux qui
font dire : "il a bon coeur" ? Je vois un homme malheureux ; par exemple il a faim : cette
sensation est désagréable et je cherche à m'en débarrasser par un don. Ceci ne procède ni
d'une sensation interne immédiate, ni d'une sensation externe immédiate. Non, il s'agit
d'un effort en vue de donner une unité à nos sensations, l'objet des sensations pouvant
être à l'intérieur ou à l'extérieur du Moi. La vision de mon Moi affamé me causerait des
sensations désagréables ; de même, la vue d'une personne affamée quelle qu'elle soit m'en
causera également. Plus le sujet en état de souffrance me ressemblera, plus grande sera
ma sympathie face à des êtres humains, à des animaux. Plus on cultive la compassion,
plus elle se renforce. Il en va de même, pour la même raison, de la joie partagée . Celle-ci
est plus noble que la compassion, car la joie est une vraie activité alors que la compassion
ne consiste qu'en un limitation de l’activité. Elle est une sensation plus rare, car peu
d'hommes sont capables de se réjouir vraiment de leur bonheur. Qu'est-ce que l'amour,
l'attirance ? La définition générale pourrait être la suivante : j'aime celui pour lequel je
ressens les sensations empathiques les plus fortes, ce qui jusqu'à maintenant n'est qu'une
simple explication de mots*. Je ressens les sensations empathiques les plus intenses
envers celui qui me ressemble le plus, et NB, une ressemblance ou une proximité données
simplement par la sensation. On aime les enfants, cela veut-il dire que la compassion et
aussi la joie partagée qu'on ressent va d'abord vers eux et avec une intensité plus forte ;
* Une superbe définition de l'amour.
(203) non, pour cela ils sont trop dissemblables de nous. On aime davantage ses enfants
que des enfants étrangers. C'est bien une question d'habitude.
D'une manière générale, il faudrait poser la question suivante : qu'est-ce donc qu'une plus
grande ressemblance ou qu'une plus petite ressemblance en général présentée par la
sensation ? Cela présupposerait un effort d'égalisation des sensations en général chez tous
les êtres sensibles. Mais un tel effort est impossible si ce n'est par l'intermédiaire de
l'imagination (laquelle réalise d'un point de vue théorique en général quelque chose à
l'extérieur de nous et, d'un point de vue esthétique, quelque chose de sensible. C'est un
effort de l'imagination elle-même en tant qu'elle réunit ce qui est matériel (cela n'entre
donc pas du tout dans sa fonction de former).
Il y a un effort propre à l'imagination qui consiste à réaliser, à l'extérieur de nous, des
sensations à chaque fois semblables aux nôtres. Nous exigeons des autres qu'ils
s'inquiètent ou se réjouissent avec nous, etc. Si nous l'exigeons sous prétexte que nous
souffrons ou même si nous ne souffrons pas, pour une raison autre, ils seront, en tant que
tels, semblables à nous et nous aimeront (d'où la force de l'habitude). L'amour est la
source des tendances empathiques. Plus on épouse les sensations d'autrui, plus on est
aimant et plus on est digne d'amour. L'amour provoque l'amour en retour. La compassion
se transforme en amour. Tous les phénomènes dans les sensations s'expliquent
parfaitement à partir de cette proposition.
L'amour de la mère est lié physiquement à l'enfant. L'amour du père repose sur son amour
pour la mère ; il est, en tant que tel, indirectement amour pour l'enfant ; en outre, il repose
sur l'habitude, et si le père, comme il se doit, est également le professeur de ses enfants,
sur le besoin.
D'où vient cette compassion plus grande envers la faiblesse ? La souffrance se reproduit
parce que tout, dans la représentation, nous conforte dans l'idée que l'individu souffrant
souffre beaucoup. Cette reproduction disparaît lorsqu'il s'agit de compatir au sort de gens
plus forts que soi.
Des sensations désagréables d'empathie ont quelque chose d'agréable parce qu'elles
satisfont malgré tout notre effort d'unité dans la sensation ; elles sont d'autant plus
agréables que la personne souffrante nous intéresse peu habituellement, parce que cela
élargit d'autant notre manière de sentir ;
Quel est son rapport à la joie partagée ? (L'envie également existe bien, c'est
manifestement un défaut de l'imagination). Lorsque d'autres personnes partagent notre
joie, cela ne procure que du plaisir (204) parce cela signifie expansion de l'harmonie,
causalité manifeste de nos sensations ; notre plaisir est moindre lorsque ces personnes
éprouvent de la joie au même moment mais pour des raisons différentes. Toutefois, la
joie que suscite en nous la joie d'une autre personne est au fond une dépendance vis-à-vis
du Non-Moi (il en était de même de la compassion). En revanche, ce n'est jamais une
extension de notre propre tendance à nous réjouir. Notre plus grand bonheur est de voir
des visages heureux tout en ne sachant pas ce qui les ravit et en étant nous-mêmes
d'humeur égale. Même si nous connaissons la raison de leur bonheur, elle n'a en soi
aucune importance. Cependant si c'est un bien auquel nous nous efforçons nous aussi,
naîtra alors l'envie. L'envie est un amoindrissement de l'effort personnel, dû à
l'imagination. Plus nous aimons quelqu'un, moins nous l'envions. Ce sont les gens comme
nous que nous envions le plus (ceux qui sont nos égaux –dans notre imagination et non
pour nos sensations) parce que leurs biens sont objet de notre effort.
La haine est le contraste présenté par l'imagination entre un être sensible et notre
sensation. Nous haïssons celui qui rit lorsque nous pleurons et qui pleure lorsque nous
rions. Nous l'abhorrons lorsque nos sensations sont opposées à ce qui cause les siennes.
Du choc des différentes directions de l'effort naissent des sensations mêlées : émotion,
mélancolie, etc. Pourquoi ces sensations sont-elles si agréables ? Parce qu'elles présentent
notre effort dans une extension très large.
Voici une classification des sensations agréables : A. 1) les sensations égoïstes par
sensation immédiate : a) les sensations externes d'après les 5 sens. b) les sensations
internes par le biais du sens interne ; elles ne supportent aucune classification. 2) Les
sensations empathiques par l'imagination : a) avec des sensations externes d'autres
personnes. b) avec des sensations internes d'autres personnes ; celles-ci sont bien
possibles. c) avec des sensations empathiques d'autres personnes. Celles-ci sont tout à fait
possibles B) Sensations pures ou sensations mêlées. Toutes les sensations simplement
externes sont pures ; les sensations internes peuvent être pures ou mêlées à des sensations
externes ; les sensations empathiques, elles, sont toutes mêlées. Qu'est-ce que rire et
pleurer ? Je crois que c'est le degré le plus haut dans le mélange de sensations différentes.
Par suite, il en résulte que rire ou pleurer légèrement ne prouve pas qu'on ait une grande
sensibilité, mais au contraire qu'on en manque. Il ne fait aucun doute que rire est plus
agréable que pleurer ; mais le fait de rire procède-t-il pour autant de sensations agréables
? Ou bien rire et pleurer ne sont-ils que des expressions plus générales du choc de
l'effort ? Kant aurait-il alors raison au sujet de l'étonnement17 ? (205)
17) : "Critique de la force de juger, p.222
L'étonnement appartient-il à la classe de ce qui est donné simplement par sensations ou
présuppose-t-il le travail théorique de l'entendement ? C'est ce qu'il semble ; en
conséquence de quoi pleurer demeurerait simple sensation immédiate, alors que rire
serait classé parmi les sensations esthétiques plus élevées. Rire serait par conséquent plus
noble et plus humain que pleurer.*
Rire ne serait jamais une sensation, mais pleurer en serait une. ** Les pleurs apparaissent
lorsqu'une sensation, quelle qu'elle soit, se reproduit pendant un certain temps et d'une
manière si intense qu'il en résulte un sentiment d'affaiblissement du Moi sensible. C'est
pour cela que l'on pleure de douleur, de joie, d'émotion. C'est également pour cela qu'il
est agréable de pleurer dans de telles circonstances, parce que le fait de pleurer reproduit
lui-même immédiatement le Moi sensible ; il est donc sa propre médecine. Cette
déduction est parfaitement juste.
On rit de dépit, de colère***, etc., mais c'est un rire affecté, produit par la spontanéité. Le
sourire, mouvement durable des nerfs du visage, exprime le plaisir ou l'acquiescement ;
ce n'est pas le rire.
Fin de l'épisode.
* Lorsque ceux qui ne pensent pas, qui ne s'intéresse qu'aux régions inférieures des
sensations, - femme ou jeune (<pauvre fou , ndt!>) - ont envie de pleurer, ils vont au
théâtre voir une tragédie. Celui qui, fatigué par ses affaires, veut rire, va voir une
comédie. Mais il lui est difficile d'en trouver une, car pour qu'il puisse voir une
bonne comédie, il lui faudrait l'écrire lui-même et il n'en a pas le temps. Une
tentative de nous faire rire qui échoue provoque chez nous de l'aversion ; cette
tentative est stupide. Un homme pondéré, alliant sensibilité et pensée, aime les
spectacles. Le goût pour les spectacles est tout à l'honneur d'une nation. C'est ce qui
convient le mieux à la culture. Prenons "Iffland"18 pour exemple, quoiqu'il
recherche trop l'émotion au moyen de sensations empathiques ; le "Père de famille"
de Diderot.
** Définition du verbe pleurer.
*** Qu'est-ce que le dépit ? Un amoindrissement de l'effort. Et la colère ? Une
sensation mêlée.
18. August Wilhelm Iffland, 1759-1814, acteur et poète de théâtre. 19. Denis Diderot,
1713-1784. Cf. "Le père de famille, comédie en cinq Actes et en prose, accompagnée
d'un discours sur la poésie dramatique". Amsterdam, 1758. (206)
Deuxième chapitre
De l'effort pour accéder à la forme de la matière.
Premier paragraphe. D'un point de vue général :
Dans le travail (Geschäft) théorique, l'activité spontanée ordonne la matière donnée en
temps et espace. En effet, elle seule produit les formes. Cependant la mise en ordre des
objets en temps et espace est obtenue de façon contraignante. Ainsi le Moi, par rapport à
ces mises en ordre, est-il dépendant.
1) Le Moi, en vertu de la preuve précédente, doit s'efforcer de devenir indépendant, y
compris en eux et de rendre la mise en ordre des choses dépendante de lui-même. C'est
le concept général de cet effort originaire.
2) Voyons maintenant sa différence spécifique. a) De l'effort en général : comme nous
l'avons déjà rappelé, il se rapporte aux formes. b) De l'effort de "réceptivité" de la
sensation en général. L'effort présent est un effort de spontanéité de l'intuition - la
spontanéité tend à quelque chose ; par conséquent, il est une spontanéité de la
spontanéité. Précédemment, il y avait la spontanéité de la réceptivité, c'est-à-dire l'effort
de l'Agir sur lui-même. Ici il y a la spontanéité de la spontanéité, c'est-à-dire un effort de
l'Agir, non sur lui-même, mais à l'extérieur de soi.* Il s'agit d'une simple activité et non
d'une affection. C'est ce que nous avions dans la philosophie théorique puisque, grâce à
l'intuition, c'est d'abord l'objet qui est réalisé comme objet indépendant dans l'espace.
C'est exactement ainsi que cela devait être ; en effet un Non-Moi, par l'intuition de
l'espace, devient en mesure d'exister. Jusqu'ici, il s’agissait d’une simple pensée (on ne
peut encore rien en faire parce qu'on ne sait pas encore que le Moi pense). Cet effort tend
à se présenter lui-même ou tout au moins à être présenté. (207) Mais arrêtons-nous un
moment !
* D'où l'expression de Kant : le plaisir pris au beau est désintéressé.
20. "Critique P. 16 : P. 113 : "..."
Précédemment avec la sensation, on ne pouvait vraiment rien exiger d'autre que la
présentation de son effort. Du fait qu'il est ici question de la spontanéité de la spontanéité,
on peut s'attendre à ce que le Moi présente son effort lui-même de façon active. Certes,
c'est juste. En effet, toute action même théorique, qui vise à ordonner la matière,
intervient de façon spontanée dans la mesure où c'est l'imagination qui produit la forme ;
toutefois, la mise en ordre dépend de l'objet. Le Moi ne peut se donner à lui-même la
matière de l'objet ni théoriquement ni esthétiquement. Par conséquent, l'effort a pour
objet le fait qu'une matière est donnée ; sa matière formée pour la connaissance (et en tant
que telle formée de manière contraignante) a la forme que son effort présente. La forme
de l'objet est donnée dans la mesure où elle est liée à présent à une vérité représentante ;
néanmoins, dans la mesure où elle est liée simplement à l'intuition esthétique, elle est
égale à une forme produite par l'activité spontanée absolue, conformément à une
certaine norme de la faculté de désirer.
En outre, on présupposait précédemment un effort originaire de la réceptivité (une
inclination) qui ne parvenait pas à la conscience empirique. Ici, un tel effort originaire de
la spontanéité doit être présupposé ; cet effort ne parvient pas non plus à la conscience.
Qu'est-ce que cela signifie ? Comment la spontanéité désire-t-elle ? NB. C'est un effort
déterminé (car il est limité). La spontanéité ne s’efforce pas de réaliser certaines formes ;
l'effort est lui-même une activité. Cependant l'activité n'est déterminée que par une seule
règle : c'est pourquoi cet effort devrait avoir une règle qui l’oriente, une règle qui n'est
pas pensée, qui ne parvient pas à la conscience, qui n'est pas logique. Mais comment cette
règle peut-elle bien être déterminée ? Elle est présentée à partir de l'application : si la
spontanéité, relativement à une matière donnée, réunit et ordonne en fonction de cette
règle, alors une satisfaction s'y rattachera. Il s’agit d’une règle de l'intuition. Ne peut-on
rien en déduire ? On ne peut en déduire rien de plus que ceci : si nous pouvions trouver
trace de cet effort originaire, ce ne serait pas une proposition que nous rencontrerions
comme règle mais une intuition originaire : ce serait le beau originaire, la beauté
originaire. Mais cela est impossible. Cependant le but ultime de cet effort, qui demeure
toutefois un effort pour l'éternité, est de réaliser le beau originaire .
* C'est la première indication d'une causalité du Moi
(208) 3) De la satisfaction face au beau. Qu’est ce qui naît du fait qu'un objet est donné,
(objet à la formation duquel le Moi participe selon la règle de son effort) ? 1) La question
porte-t-elle sur le lieu où quelque chose doit à proprement parler naître ? Est-ce dans la
sensation? Je ne crois pas. Et pourtant si ! Ce qui naît doit être représenté dans la
sensation, interne empiriquement, sinon cela ne parviendra pas à la conscience ; il nous
faut accepter cela afin de pouvoir en abstraire ce qui est agréable immédiatement dans la
sensation interne et de corriger les erreurs que nous n'avions pu corriger au chapitre
précédent ; mais néanmoins, il ne s’agit pas qui ne pourrait pas être déduit autrement qu’à
partir de la sensation ; il s’agit simplement d’une représentation par la sensation d'un
autre processus dans l'esprit. De quel processus parlons-nous ? D'un jugement logique ?
Bien sûr que non !
D'une manière générale, l'activité de l'imagination dans l'intuition sera-t-elle représentée
un jour ? Certes on prend conscience du jugement, mais peut-on prendre conscience de la
spontanéité ? Certainement pas en tant que telle *. Toutefois en tant qu'elle n'est plus
spontanéité, son activité est présenté comme nécessaire par le jugement logique.
Où ce qui est senti doit-il être donné ? L'imagination réunit et elle délimite ; elle ne
ressent ni satisfaction ni insatisfaction. Mais le fait de réunir quelque chose qui réalise un
objet de son effort, objet déjà présent en elle, satisfait une de ses tendances : la
présentation d'une orientation constante. Elle a également atteint un de ses buts. Ne
pourrait-on préciser davantage ce point ? Il y a là un idéal, mais un idéal sans conscience.
Un corps qui présente l'idéal est donné et, ce faisant, amène cet idéal à la conscience. 1)
Ainsi quelque chose d'obscur est-il amené à la conscience, ce qui satisfait l'effort. 2) Le
Moi est représenté comme la cause d'une forme du Non-Moi, en adéquation à cet effort.
3) Cela n'a lieu ni dans l'entendement par un jugement, ni dans la faculté de sentir par une
sensation, mais dans l'intuition. Le Moi s'intuitionne donc comme cause. (Mais comment
cela se relie t-il à la sensation, comment cela se laisse ressentir, voilà quelque chose que
je ne comprends toujours pas !). Il n'est pas tout-à-fait exact de dire que le Moi, en tant
que s'intuitionnant lui-même, c'est-à-dire, en tant qu'intuitionnant, par l'intermédiaire d'un
Non-Moi, un idéal a priori situé en lui, est donné. Cependant il n'y a là rien de sensible.
(209) Et
* Il faudrait expliquer ici pourquoi on ne pourrait en prendre conscience.
si tu veux revenir à la théorie, les intuitions ne sont pas ressenties ; au contraire la matière
de la sensation est intuitionnée. Ainsi tu ne trouveras pas ce que tu cherches ; et ce que tu
trouveras sera faux. Peut-être le beau n'est-il lié ni médiatement ni immédiatement à la
sensation, mais peut-être est-il lié maintenant à l'accroissement de l'effort. Le Moi
prétend avoir de la causalité. En a-t-il ici ? La réunion est représentée d'un simple point
de vue esthétique, sans tenir compte de la théorie. Certes ! C'est différent de ce qui se
passe avec la sensation parce qu'il s'agit ici d'activité simple). Le Moi réunit selon sa
propre norme interne ; son activité spontanée agit selon ses propres lois (et c'est cela le
véritable fondement de la satisfaction face au beau ; il satisfait en partie une tâche du Moi
autonome). Dès lors, puisqu'il a une causalité effective à produire ce à quoi il s’efforce, il
en a également sur l'effort lui-même. D'où la question : qu'en est-il exactement de cette
causalité ? Une belle présentation, quelle qu'elle soit, est-elle autre chose qu'une
approximation du beau originaire ? Il semble que oui, mais comment le prouver ? De la
manière suivante :
1) Si cette forme originaire était effectivement exprimée dans une intuition quelconque,
l'effort serait atteint et s'arrêterait ; or il ne peut jamais s'arrêter, à cause par exemple
d'inclinations d'autre nature comme l'inclination vers l'agréable, laquelle, comme cela a
été prouvé, ne peut jamais être entièrement satisfaite. Par conséquent, cet effort lui non
plus ne sera jamais satisfait et chaque belle forme sera une simple approximation du beau
originaire. L'imagination n'est donc absolument libre dans aucune des synthèses ; elle se
contente de ressembler à la liberté, continuant à sentir la contrainte qu'exerce l'objet
donné.
De plus 2) comme l'imagination s'est rapprochée de l’idéal, elle s’efforce nécessairement
de se rapprocher davantage encore. Son idéal présent (je parle ici non pas du beau
originaire, mais de ce qui est né de l'approximation effective de l'imagination), cet idéal,
donc, s'est agrandi. Son effort, considéré comme autonomie et liberté, s'est accru. Elle
désire plus de liberté dans la réunion.
NB. Je trouve que ce qui valait précédemment pour la sensation de l'agréable continue à
m'induire en erreur : l'accroissement du sentiment esthétique ne signifie pas
l'accroissement de l'inclination. L'effort pour atteindre de belles formes n'est en rien une
inclination ; il est son contraire, une libre indépendance. L'objet de la réunion doit donner
un champ d'action de plus en plus vaste à la liberté. Cette remarque est pertinente. (210)
Le goût croît. Appliquons cela à l'artiste dont l'idéal doit s'élargir continuellement. Voici
l'explication de l'histoire de Zeuxis1 peignant Hélène 2 ; par son intuition externe, il aida
l'intuition intellectuelle interne3 à s'épanouir.
Est laid ce qui diminue à nouveau cet effort, ce qui limite la liberté en deça de ses
précédentes limites. Un jugement sur le beau est-il universel ? Oui et non. Puisque le
sentiment du beau consiste simplement en la liberté de l'imagination, le beau originaire
est tout simplement égal à lui-même ; de même tout jugement sur la beauté sera universel
dans la mesure où tout un chacun pourra s'élever à ce niveau de vue. Ce qui ne veut pas
dire que chacun y parviendra aussitôt. Par conséquent, l'un peut, et c'est son droit, trouver
beau ce qu'un autre dont c'est aussi le droit, trouvera laid. La laideur et la beauté sont des
concepts relatifs. Rien n'est laid qui ne puisse être considéré comme beau à un certain
niveau de la culture esthétique. Pour qui n'a encore franchi aucun degré de cette culture,
rien n'est ni beau, ni laid.*
La dernière proposition est vraie. Mais la première l'est-elle aussi ? A savoir qu'il n'existe
rien qui soit simplement laid et qui ne soit beau pour personne. Ne pourrait-il y avoir
quelque chose qui ne se trouve en aucun rapport d'approximation avec le beau originaire
? Il ne serait alors pas du tout lié à lui, mais serait simplement lié à la connaissance.
L'expérience peut dire ce qu'elle veut à ce sujet, on n'en a cure. Vraisemblablement notre
sentiment esthétique s'exerce sur les formes simples de la nature si tôt et avec un manque
si total de conscience que le moment où une vieille femme pourrait nous paraître belle
correspond aux tout premiers jours de notre existence, alors que notre conscience
s'éveillait à peine.
Qu'est-ce qui est répugnant ? Est répugnant ce qui, pour la simple sensation, est
désagréable. Se mêle à cela l'aversion. Faut-il pour autant que le répugnant soit en
relation avec le laid ? Non. L'imagination ne provoque aucune répulsion. Le sens peut
faire naître de la répulsion. (211)
* La proposition du premier est celle-ci : notre corps doit ressentir du bien-être. La
proposition du deuxième est celle-là: la nature à l'extérieur de nous doit être belle.
1. Zeuxix vers la fin du Vème siècle avant JC.
2. Zeuxix peignit ce portrait pour le temple d’Hera de la ville de Croton.
3. D'après la tradition, les femmes les plus belles et les plus nobles de la ville furent
autorisées par l'ensemble de la cité à servir de modèle à Zeuxix, afin que leur beauté se
retrouve dans le portrait d'Hélène.
Deuxième paragraphe
Relation aux formes externes et internes *
La forme de l'intuition externe est l'espace ; en lui, l'imagination réunit les formes
empiriques des objets externes. Mais le fait que, par là, elle s'intuitionne elle-même
comme si elle les réunissait selon un idéal, elle s'intuitionne dans le temps. Ainsi la
beauté de la forme externe serait médiatement (indirectement) beauté de la forme interne
dans le temps. Mais cela ne dure qu'un instant et l'unique série temporelle de la réunion
ne parvient pas à la conscience. Là-dessus, nous ne pouvons rien faire.
La beauté externe est la simple beauté de la forme dans l'espace, la beauté des contours
tracés. Sur ce point, Kant a tout-à-fait raison. Appliquer les couleurs sur un tableau
participe de cela dans la mesure où cela veut dire d'une part tracer des contours et de
l'autre, les faire se rencontrer. C'est une forme sans forme. Et c'est juste ce qu'il convient
à l'imagination désirant la liberté. Ce n'est pas sans raison que l'on considère la ligne
ondulée comme ligne de la beauté. Elle symbolise cette rencontre. Dans quelle mesure les
couleurs, selon leur degré de pureté et selon leur mélange participent-elles de la beauté ?
(212) Kant dit que les couleurs sont
* Cependant toute cette division ne vaut rien. Voici comment les choses doivent être
réparties : pour le sens externe : à partir du beau, en espace et en temps dans la
mesure où le sens externe intuitionne le Non-Moi ; pour le sens interne : à partir du
beau en tant qu'il intuitionne le Moi comme faculté théorique, mais d'un simple
point de vue esthétique dans le temps. Ou bien peut-être avons-nous là une toute
nouvelle branche qui n'avait pas encore été découverte ; elle naît de l'effort d'unir la
connaissance et nous livre le passage du beau vers le sublime, traité trop brièvement
jusqu'à présent. Il faut que cela apparaisse. Jamais on ne comprendrait qu'une
branche aussi importante, aussi évidente, ait pu être négligée.
simplement agréables, qu'elles font immédiatement du bien à l'oeil (5) (on pourrait
ajouter qu'elles font de bien à l'oeil lorsqu'elles sont conformes à leur fin, une fin méditée,
lorsqu’elles ressemblent aux couleurs de la vie ; mais ceci concerne l'entendement et non
le sentiment esthétique). A vrai dire elles peuvent même être belles, à savoir pour le sens
interne qui intuitionne ses propres modifications dans le temps.
La peinture est-elle le seul art des belles formes ? La sculpture, les arts plastiques en
général, le paysagisme aussi, font largement intervenir le temps. Il est exact que l'art ne
doit pas montrer qu'il est de l'art.
Il est donc assez juste de dire que, parmi les formes externes, la proximité avec les formes
mathématiques plaît. Et en même temps ce n'est pas tout à fait exact : parmi tous les
tracés, l'ovale est sans doute le plus beau. Il n'en va pas de même du cercle, tant s'en faut.
Un rectangle est plus beau qu'un carré. Pourquoi les anciens pieds de table et de chaises,
le plus souvent ondulés, plaisent-ils moins que les pieds modernes anguleux à la mode
anglaise ? Est-ce un caprice ou bien est-ce une réflexion précise visant à davantage de
fonctionnalité ? Pourquoi une rose est-elle plus belle que mainte fleur jaune (presque
ronde) ? La rose a une forme ovale très prononcée au tracé légèrement arrondi. C'est
peut-être également pourquoi le plaît tant. Sa forme hésite entre le cercle et le rectangle.
D'où je tire l'hypothèse suivante :
1) Plus une figure donnée hésite entre plusieurs figures mathématiques, plus elle plaît. Le
rectangle hésite entre le carré et la ligne. S'il est trop long, il se rapproche trop de la ligne,
s'il est trop court, il se rapproche trop du carré. Si, à présent, quelque chose hésite entre
corps et surface et si, pour ces deux genres, il hésite entre plusieurs corps et surfaces
particuliers, c'est encore plus beau : par exemple le visage plein de vie d'un homme. Un
tableau* est plus beau qu'une sculpture qui est manifestement un corps ; il lui manque la
vie, le mouvement du visage vivant.(213)
* Ce sont bien les deux plus beaux objets.
(5) Ibidem p. 39/40 : "Une seule couleur, par exemple le vert d'une pelouse, est déclarée
belle en soi par la plupart des gens bien que etc. "
C'est l'imagination elle-même qui amène la vie à la surface.
2) Par conséquent, la fin ultime de l'effort d'imagination serait, relativement à la forme,
d'unir toutes les formes possibles d'intuition pure, de les intuitionner toutes en une forme.
Cependant aucune réflexion ne peut enseigner la manière d'y parvenir* ; seule
l'imagination enthousiaste, qui s’efforce (streben) le peut. Ainsi c'est simplement une
règle de l’explicitation (Beurteilung) philosophique, mais pas de la pratique artistique.
Cette hypothèse, brillante il est vrai, ne repose jusqu'à présent que sur une expérience. Ne
pourrait-on pas la démontrer a priori ? Comment devrait-on conduire la démonstration ?
** Cet effort est tout simplement inconnu ; on n'est sûr que d'une chose, c'est qu'il doit
être là ; cependant les formes générales pour la théorie - les formes théoriques - ne sont
pas du tout inconnues ; au contraire la géométrie les enseigne. Cet effort en général
consiste à créer l'unité entre les formes théoriques et le Moi pur ; ce n'est toutefois
possible que si le Moi théorique lui-même devient "un" et qu'il le devient ici tout
particulièrement. C'est ce qui reste à démontrer. La démonstration est tellement facile que
je me rendrais coupable d’une grande omission si je ne la faisais pas. Le beau reste à
définir ; en l'occurrence non pas le beau originaire (car c'est un concept infini) mais le
beau relatif.***
Toutes les définitions de la philosophie pratique sont relatives parce que ses objets aussi
sont relatifs.
* Cela ne peut arriver du fait de la manière dont on l'appréhende.
** Importante démonstration.
*** Vastes perspectives. Comment serait-ce possible si, sachant que le divers doit
être réuni dans le temps par l'effort, un troisième effort synthétique avait lieu, à
savoir : réunir à nouveau le temps et l'espace réunis en une unique forme
d'intuition ? Cet effort fonderait le sentiment du sublime. La définition du sublime
mathématique et du sublime dynamique de Kant irait dans cette direction 6. Il
existe également un beau mathématique (le développer) et un beau dynamique (dans
le temps). Je crois que Kant lui-même parle d'un point de vue commun aux deux.
6. "Critique de la force de juger"
(214).
Relation à la formation interne dans le temps.
1) Cette formation n'est pas liée à la formation première car, considérée en soi et
indépendamment des autres sensations, elle n'est dans aucun temps sensible ou
intuitionnable.
2) Dans le temps, seul le Moi est formé.
3) Le Moi acquiert une forme par la sensation, l'intuition, les pensées, etc. Mais peut-être
n'est-il question ici que de la formation du Moi intuitionnant et non de la formation du
Moi sensible ou pensant ? Cette recherche se révèle difficile. Le temps n'a pas de forme a
priori comme le remplissement ou le vide ; toutefois le remplissement du temps a des
degrés. Il semble qu'il soit à former : le Moi sensible donnerait le beau dans le temps ; le
Moi dynamiquement beau et intuitionnant donnerait le sublime dans le temps. Cette
répartition pourrait bien conduire à quelque chose.
4) Toute forme doit avoir une unité. Ainsi le Moi qui est à former dans le temps devrait,
de ce point de vue, être considéré comme Un ; le Moi à former n'est que dans un moment,
moment simple que l'imagination ne divisera pas davantage. Mais la simplicité de ce
moment justement est la forme que l'imagination donne au Moi.
5) Seul un divers peut être soumis à l’unité : par conséquent le Moi, à ce moment précis,
doit malgré tout être divers.
6) Dans le Moi sensible, il ne peut y avoir de la diversité qu'en tant qu'il y a en même
temps une sensation a et son contraire b ou bien en tant qu'à partir d'une sensation a = a, il
existe en même temps le degré x et y. Les deux cas seraient possibles, ce qui donnerait à
nouveau deux sortes de beau dynamique.
7) Dans le Moi sensible -du point de vue la théorie et sensible simplement en théorie-, a
et -a ne peuvent être effectifs au même moment ; de même le degré y et le degré -y ne
peuvent, à partir de a = a, être effectifs. Ce cas n'est possible qu'en relation au Moi
esthétiquement sensible. (215) Ainsi
* NB. N’aborderai-je ici que le Moi sensible esthétiquement ou bien aussi le Moi
sensible théoriquement ? Cela n'a guère d'importance. Considère-le seulement d'un
point de vue général !
présente-t-on l'effort et le non-effort. On présente aussi l'effort au degré x et -x ; ainsi
seules les sensations mêlées feraient l'objet de cette étude. (Je ne sais si la différence de
degré a ici quelque importance. Manifestement, plusieurs degrés intensifs de simple
sensation en un moment ne sont qu'un degré. Mais il se pourrait néanmoins que ce soit un
contraste entre le degré d'effort de sensation et la sensation elle-même.
Etude discursive. Un son, manifestement, est un, et cependant l'expérience elle-même
montre qu'il a un divers en lui. Il fera donc un merveilleux exemple pour illustrer cet
effort. Il doit à présent y avoir certains sons qui sont beaux en soi et d'autres qui ne sont
pas beaux en soi. Il n'est pas question ici de l'agréable immédiat dans la sensation. Un son
pourrait être désagréable à la sensation et néanmoins beau dans la formation par
l'imagination.
Une musique si on la prend en tant qu ensemble, n'est pas jugée d'une manière esthétique
mais d'une manière logique. Un son qui n'est pas beau en soi peut cependant être beau en
liaison à un autre son. Est belle la musique qui, au son a, relie toujours le son b auquel
l'effort de l'imagination tend. Dans ce genre de recherche, l'agréable et le beau vont
souvent de pair et il ne peut en être autrement parce que le Moi n'est susceptible de forme
que par la sensation. Cette analyse avance bien.
Le théâtre, la comédie, la tragédie etc., peuvent être beaux. Tous les produits des beauxarts ont leur place ici, la poésie, l'éloquence, etc., en tant qu'ils ont l'émotion comme fin.
Mais, ils peuvent atteindre cette fin en soi sans pour cela être beaux. Il peut y avoir des
émotions qui ne sont pas belles (nous n'avons pas encore considéré l'affaire du point de
vue moral). C'est un peu problématique. Cependant une oeuvre d'art - exécutée pour
modifier le Moi interne - qui ne provoque pas d'émotion, ne peut être belle. Mais l'étude
piétine car tu n'as encore établi aucune loi déterminée de l'effort vers le beau dynamique.
Ne pas être ému demanderait effectivement un effort, un contre-effort luttant contre cette
émotion ; cela donnerait une règle esthétique superbe : essaie de plaire par ton effort
manifeste à ne pas plaire. Plus un produit esthétique se rapprocherait de cette loi, plus il
serait beau. Celui qui veut susciter l'émotion, ne la suscite pas. Quelle bonne règle pour
nos écrivains ! (216)
ad.7) L'objet de l'inclination dynamique de la beauté est la sensation esthétique et non la
sensation théorique. Jusque-là, c'est exact. La question à présent est la suivante : quelle
est la règle de l'inclination qui, certes, n'est pas parvenue à la conscience, mais qui est à
déduire à partir de l'analogie. C'est l'unité dans la diversité des formes externes à partir de
la règle principale qui exige , dans le beau mathématique, la spontanéité indépendante de
la forme empirique. Ainsi 1) doit-il y avoir ici une spontanéité indépendante de la forme
interne : l'imagination s’efforce de réaliser une certaine forme du Moi, à la réaliser
spontanément. (Elle n'en est assurément pas capable ; au contraire, elle ne peut se la faire
donner que par sensation). La forme du Moi est toujours donnée empiriquement (à
chaque moment de son existence). Mais distinguons une forme de l'autre ! a) Dans la
mesure où l'esprit est considéré comme modifié, il a une certaine forme, un degré de
sensation. b) La formation par l'imagination en est une autre, car là il faut admettre un
divers, c'est-à-dire un divers du Moi dans le temps. alpha) Qu'est-ce donc que cette
fonction de l'imagination au sein du domaine théorique ? beta) Que peut-elle être dans le
domaine esthétique ?
a') La synthèse consciente de l'imagination dans l'espace est la coexistence à partir la loi
de l'action réciproque : aussi a-t-elle besoin, pour ce faire, d'une catégorie et cela, déjà,
est une pensée. Cette synthèse n'a donc pas sa place ici. La réunion immédiate, dont on
n'a pourtant pas conscience, se situe dans la figure mathématique ; ici il ne s'agit pas de
catégorie. Cette réunion intervient à un moment précis. NB. Cependant la figure, pour
être figure, doit être limitée de tous côtés ; c'est donc en réalité l'imagination qui trace les
limites. Nous tenon le premier concept précis dans cette affaire.* La même chose se
produit au niveau de l'appréhension du temps. Pour accepter un moment comme unique,
il faut que l'imagination le limite parfaitement ; chaque moment b est limité par la
sensation qui le précède -b, et par celle qui le suit -b. Ces deux -b peuvent n'être que des
degrés différents de b. Cela n'a aucune influence sur la question. Chaque degré b est dès
lors différent d'un -b de même nature, différent uniquement de par la quantité.
* Le fait que le cercle soit plus beau qu'un carré régulier est dû à une illusion
d'optique : le cercle régulier s'allonge jusqu'à devenir ovale. Notre oeil n'a encore
jamais vu de cercle régulier. Ce n'est qu'une vue de l'esprit. (217)
Sans différence de sensation, on ne pourrait différencier un moment d'un autre. Les
degrés perceptibles de la sensation sont néanmoins des moments différents. Ainsi toute
limitation est-elle forme : le temps n'a qu'une seule dimension et tous les moments n'ont
qu'une seule forme. Ce sont des points. * Aussi la formation est-elle limitation et n'est
possible que d'une seule manière.** (218)
* Si seulement on pouvait établir ici la proposition qui serait très profitable à mon
système ! Le temps ne peut être décrit par une ligne ; le temps est constitué de points
isolés, placés, de manière continue, l'un derrière l'autre, points entre lesquels
l'intervalle, infiniment petit, n'est pas discernable (parce qu'il n’est pas senti). Le
temps est un point sans cesse réitéré ; chaque temps est parfaitement égal. C'est
pourquoi on peut expliquer, dans un second moment, pourquoi on ne peut rien faire
avec le point en géométrie. Le point est, dans l’espace, quelque chose de radicalement
différent. Il est introduit dans cet espace de manière systématique par le Moi ; il
s’agit d’ une décision arbitraire de sa spontanéité ; sans cette décision arbitraire,
toutes les lignes sont infinies ; elles ne sont limitées nulle part et n'ont nullement
besoin de points. Troisièmement, c'est de là que viennent les difficultés de la
géométrie face à la question de la quadrature du cercle. Ici se rencontrent des points
qui ne se trouvent pas dans l'intuition pure, mais qui sont déterminés
catégoriquement et synthétiquement par le caractère fini du Moi.
Une série temporelle ne naît qu'à partir de l'effort et du souvenir (on étudiera plus
tard ce qu'est le souvenir). Par conséquent le temps passé 'n'est' pas sans le
souvenir. Il en est pourtant ainsi et ce par la loi de la causalité. Nous verrons cela.
Mais ce n'est certainement pas le cas pour l'avenir. L'espace est a priori dans le
Non-Moi et le point est a priori dans le Moi. C'est pourquoi ils sont hétérogènes.
Une ligne courbe et une ligne droite sont en soi complètement hétérogènes et seul le
procédé arbitraire de la limitation par points leur confère quelque chose en
commun. Il semble cependant que chaque ligne droite soit infinie et que chaque
ligne courbe soit finie.
De même que ce Moi transfère le point sur le Non-Moi, de la même manière le NonMoi transfère, par synthèse, la ligne sur le Moi. C'est une hypothèse grandiose. Le
Moi produit, de manière synthétique, non seulement le point mais toutes les formes
d'intuition. C'est ainsi que cela devait être et la philosophie doit également
démontrer ce point.** La proposition postulée précédemment pourrait être
démontrée ici apagogiquement. Chaque ligne est limitée par des points.
a") Ainsi l'effort vers le beau dynamique serait-il à la fois limitation et Non-limitation.
Cela signifie que le moment b = b et - = b. = a et - = a. L'idéal de cet effort ne serait donc
pas temporel ; plus la sensation se rapprocherait de cet idéal, plus elle serait belle. (Je
pourrais également exprimer de la même manière l'idéal de l'effort vers le beau
mathématique, c'est-à-dire l'absence absolue de forme dans l'espace, Non-forme et
cependant forme). Ici c'est la même chose : pas de temps et cependant temps ; tout nous
ramène à des contradictions.
Le point principal est correctement appréhendé. Que doit-on faire maintenant ?* Allonsnous d'abord examiner superficiellement les derniers points ou nous attaquer à une
explication provisoire du Moi interne (selon sa forme dans le temps) en tant qu'il est
intuitionnant ? a) En tant que le Moi s'intuitionne lui-même comme intuitionnant, il en
résultera forcément quelque chose. L'objet d'une telle intuition serait le Moi intuitionnant
et c'est généralement le concept ; cependant cet objet doit être le Moi s'intuitionnant luimême. Ainsi N.1 s'intuitionne, N.2 intuitionne le Moi en tant qu'il s'intuitionne lui-même.
N.1 est ce que nous avons mentionné et expliqué précédemment : il s'intuitionne
originairement comme sensible. N.2 n'est rien, ne donne rien car il est ce qui se reproduit
à l'infini ; il devra être expliqué avec ce que nous avons mentionné précédemment. Il
reste le Moi s'intuitionnant soi-même en tant qu'il intuitionne le Non-Moi, en tant qu'une
certaine forme est produite en lui par l'intuition dans l'espace : ce serait le sublime. Ce
faisant, on va analyser également si le beau agit ou non sur la sensation. Mais ne
remarques-tu pas que l'analyse se poursuit exactement comme dans la philosophie
théorique, par progression mathématique : on pourrait presque remplir 10 chapitres !
(219)
Par conséquent si un moment était aussi une ligne, il serait limité par des points. Un
moment n'est, dès lors, limité que par des moments. Si le moment b est une ligne, les
moments a et c sont des points. Dès lors tous les moments en tant que tels sont
parfaitement égaux à eux-mêmes ; par conséquent, b aussi est un point.
Il importe peu qu'il soit impossible de se le représenter précisément. L'intuition
externe nous illusionne. Pose ceci : quelqu'un s'évanouit en a et se réveille, peu de
temps après, en b. Ainsi a limite b et b limite a et l'intervalle est pour lui absolument
égal à 0.
* Episode pour le chapitre suivant.
TABLEAU
L'imagination intuitionne
ou bien
le Moi comme
ressentant, comme
comme ressenti.
n'intuitionnant pas le Moi.
ou bien
Le Non-Moi
Cela ne donne rien ; par conséquent le Non-Moi théorique, esthétique (ressentant) était
déjà là ; reste alors l'intuition pure du Non-Moi, laquelle est intuitionnée.
Nous avons donc la limitation et la non-limitation, le temps et le non-temps ; ce qui, dans
la sensation, est donné comme le plus ressemblant, est dynamiquement beau ou bien nous
donnerons un autre nom à cette chose pour qu'elle soit le terme intermédiaire entre le
beau et le sublime. Nous verrons. Si tu poses le fait qu'on devrait lui donner un autre
nom, comment l'appellerais-tu ? Manifestement, c'est aussi une forme ; mais c'est
également le sublime. Peut-être est-ce les deux. Une forme belle, sublime, mêlée. Peutêtre un nom s'imposera-til après que nous aurons caractérisé plus exactement ce par quoi
elles nous affectent ? Partons de ce point ! Comment cette analyse peut elle se poursuivre
? Si quelque chose est donné qui corresponde à cet effort, cela servira-t-il à la
reproduction de l'effort lui-même ? * Il n'en est rien. Mais le goût de l'effort s'en trouve
accru. On s’efforce alors d’aller vers l’endroit les limitations s'interpénétrent toujours
davantage.**
Quelles sensations doivent être de ce type ? Les sensations uniquement théoriques,
uniquement esthétiques ou les deux ?
* Non, ce n'est pas l'intérêt qui est en jeu ici comme dans la sensation. La sensation
seule se reproduit parce qu'elle est réceptivité et que l'effort vise la spontanéité de la
réceptivité. Ce n'est pas la sensation en tant que passivité qui se reproduit ici mais
l'effort lui-même (dans la demande, le désir) : il croît.
** Ne pourrait-on citer comme caractère, pour tout ce type d'esthétisme,
l’apaisement, c'est-à-dire, le divertissement, le loisir ? Tout ce qui apaise en fait
partie et doit être reconnu en tant que tel. Mais l'agréable n’apaise t-il pas
pareillement ?
(220) 1) Une sensation uniquement orientée vers la théorie peut-elle être de ce type ? Et
pourquoi ne le serait-elle pas, si l’on prend par exemple des couleurs qui se confondent
les unes avec les autres ? Kant affirme que seules sont belles les couleurs pures.
Le fait de passer d'une couleur à l'autre, de les mélanger, est manifestement quelque
chose de cet ordre ; mais malheureusement cela a lieu dans l'espace ; dans le temps, c'est
un panel de couleurs qui sert à l'exprimer, mais les nerfs optiques ordinaires ne sont pas
assez performants pour le percevoir. Manifestement, les couleurs en soi n'affectent les
yeux ni d'une manière agréable ni d'une manière désagréable. Mais qu'en est-il lorsque,
sur une surface, les couleurs se confondent ? Le tracé imprécis participe, en tant que
tracé, à la beauté des formes ; cependant le passage d'une couleur à une autre a bien sa
place ici*. En effet, tandis que je ressens une couleur je ne ressens pas l'autre ;
maintenant, si je ressens l'autre couleur sans pouvoir en discerner précisément le pointlimite ** où je m'étais arrêté, le moment est limité et non limité. Ainsi le mélange des
couleurs ne participe pas de l'agréable, mais du beau. En revanche, pour le goût externe,
on ne peut rien découvrir de beau.(Pour le sentiment, on peut se demander si, d'une
certaine manière, le modelage pratiqué par les Indiens a sa place ici).
La musique est là pour l'oreille. Chaque son a, en tout état de cause, quelque chose qui
participe de la musique ; c'est en l'occurrence un son, et ce son néanmoins a différentes
vibrations qui ne sont pas perçues mais qui sont malgré tout ressenties. Plusieurs sons un morceau de musique entier - ne sont pas , un son unique l'est, les autres les sont
également, mais ils satisfont l'effort reproduit. Le goût pour la musique peut-il se cultiver
? Je ne crois pas, parce qu'il repose sur une sensation agréable dans l'instant. En tant que
tel, il ne serait pas transmissible. L'intelligence de la musique peut se cultiver. Dans
quelle mesure est-elle liée à l'agréable ? On affirme que le nerf vibre comme une corde.
D'où sait-on cela ? Ce sont d'anciennes hypothèses ; (221)
* La danse, le mime, le pantomime, n'en font-ils pas partie ? Nous gardons l'art des
jardins pour des recherches ultérieures et une classification rigoureuse. Mais il
semble que les premiers cités en font manifestement partie. Peu importe que la
réunion soit belle en soi.
** Il doit servir à faire la différence.
Page 221
parce qu'on ne pouvait pas expliquer la musique à partir de l'intuition, alors on
l'expliquait à partir de la sensation. Kant s'est laissé abuser sur ce point. L'instrument est
de l'ordre de l'agréable, un instrument peut être en soi désagréable et cependant le son de
cet instrument peut apaiser. Une dissonance n'est jamais belle, elle le devient seulement
par la reproduction. Ainsi la musique est de l'ordre de ce qui apaise. Si elle ne le fait pas,
alors cela est dû à l'insensibilité de nos nerfs. Les nerfs peuvent être cultivés. C'est pour
cette raison qu'on voulait considérer la musique uniquement comme un art agréable.
2) Les mouvements de l'âme dus à des causes internes comme la joie, la douleur, la
tristesse, bref l'émotion, apaisent. Par conséquent ce qui apaise ne s'exprime que dans des
sensations mêlées, là où la limite du moment fait se mêler si étroitement les sentiments
l'un à l'autre que l'on ne peut les différencier avec exactitude. La sensation mêlée,
l'émotion, le mouvement de l'âme, sont-ils agréables en soi et sont ils aussi agréables
dans la sensation, ? C'est un élargissement et un rétrécissement à la fois ; il ne semble
donc pas que les sensations mêlées puissent être agréables. Car a - a = 0. Elles devraient
donc être indifférentes (voilà une remarque pertinente), cependant elles apaisent
(détendent). Font partie des sensations mêlées : a) tout ce qui est jeu, en tant que l'on vise
seulement l'espoir et la crainte, * et non pas l'exercice de l'intelligence (réflexion). Ainsi,
dans le jeu d'échecs, on trouve une sorte d'espoir ou de crainte parce que l'on ne connaît
pas les coups de l'adversaire. C'est pour cette raison qu'il n'est pas divertissant de jouer
seul aux échecs parce qu'alors la crainte et l'espoir disparaissent.
b) Font également partie des sensations mêlées : la poésie, l'éloquence en tant qu'elles
peuvent émouvoir l'âme. La définition de Batteux(9) a donné prétexte à un malentendu
sans fin (10). a') Ce qui compte ici, ce n'est pas tant la profondeur de la sensation, mais le
changement et le mélange. Un poème qui repose sur des sensations profondes,
* particulièrement les jeux de hasard purs, qui apaisent mêmes les riches, les riches
non avares, et les attirent violemment.
Page 222
par exemple ceux de Klopstok, n'en est pas pour cette raison plus mauvais, mais n'en est
pas pour autant meilleurs comme production artistique esthétique. Les sensations sont la
matière, et ce n'est pas la matière qui importe. Mais c'est une règle primordiale de ne pas
montrer au lecteur ce qu'on vise. C'est pour cette raison qu'un poème disposé d'une
manière logique n'est pas beau. Cependant un tel poème pourrait receler la plus grande
des beautés si justement, sur le chemin tracé à l'avance, on mystifiait le lecteur à chaque
pas.* ** A ce propos, on doit mettre en place une division précise et déterminée. Il existe
un art de détendre par des mouvements internes de l'âme . Comment répartissons nous
cet art ? soit par : ou bien l'art nécessite tous les mouvements possibles de l'âme, ou bien
il ne nécessite que seulement par quelques uns. Nous divisons cet art, en art illimité du
point de vue de la matière et art limité : le jeu fait partie de cet art limité ; il a
uniquement a faire à la crainte et l'espoir, etc. Mais n'y a t-il ni peine ni joie possibles
dans le jeu ? Je crois que pour risquer une telle division, on doit au préalable avoir
répertorier toutes les sensations. Halte ! Il existe des sensations égoïstes et sympathiques.
La poésie puise sa matière habituellement dans les mouvements de l'âme sympathiques.
* Je ne parle pas ici du simple artifice qui consiste à éveiller la curiosité, c'est là un
c'est un artifice grossier, maladroit mais je parle d'une sensation plus fine c'est-àdire lorsqu'on ne sait pas s'il faut rire ou pleurer, par exemple, face à ce qui est naïf,
le petit Astyanax d'Homère. Son Jupiter regardant les Ethiopiens et, en contraste, le
même Jupiter regardant le combat des grenouilles et des souris.
** Tel est le caractère de l'éloquence, que Kant, à tort, considére comme inférieur. Il
n'est pas question d'illusion logique, mais d'illusion esthétique. L'éloquence est à
placer presque au dessus de la poésie parce qu'elle ajoute un dimension visuelle à la
poésie. La limite qui sépare l'éloquence de la poésie, la danse du mime, a été
totalement occultée ici ; je crois que ces arts sont des arts jumeaux ( mêlés) et ils le
sont par le jeu dans l'espace et le temps. Il y aurait donc, peut être un troisième
élément ; et cependant non. De même que l'espace fait partie du temps, de même le
troisième élément appartiendrait aussi au temps ; cependant je crains que cette
analyse nous mène au sublime alors que toutes ces choses ne sont, en aucune
manière, sublimes.
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(C'est peut-être cela qui leur donne un caractère plus noble). Qu'en est-il de l'éloquence ?
Peut-elle avoir pour matière des mouvements égoïstes de l'âme ? Mais l'éloquence n'est
pas seulement qu’un des beaux arts mais elle a aussi une finalité autre qui est de
convaincre. Le « bel art » n'a aucune finalité, et ne peut en avoir d'autre que celle
d’apaiser. L'éloquence semble donc ne pas avoir sa place ici. En outre par l'éloquence,
pour qui a comme finalité de convaincre, on suscite également des sensations
sympathiques. Aussi ne convient-elle donc absolument pas ici. Bien sûr, l’apaisement
peut être un moyen d'atteindre sa finalité ; alors, dans l'utilisation de ce moyen, elle
devient un des beaux art. Laissons pour le moment l'éloquence ; nous lui trouverons peutêtre une place plus digne d'elle.
La matière du jeu n'est que sensation égoïste. Mais la matière de la poésie n'est-elle
effectivement que sensation sympathique ? Une exhortation sous forme de poème, etc. est
un discours en vers ; on peut, à juste titre, caractériser ainsi la poésie.
Un vrai poème ne doit pas avoir d'autre finalité que l'illusion de la sensation, c'est-à-dire
exprimer (oscille entre les deux sentiments, va et vient) quelque chose entre la joie et la
peine. L'intérêt n'est pas la finalité, mais le moyen. La poésie est le moyen du moyen. On
a manqué complètement la finalité de la poésie dans toutes les esthétiques précédentes.
Tentative de classification de la poésie. Elle ne peut être divisée que d'après la matière
qu'elle utilise ; cette matière est en général une sensation sympathique. Dès lors on ne
peut séparer aucune parties de la poésie d'un certain genre de sensation ; la division ne
peut donc se faire que d'une manière relative. En outre, il existe un autre moyen de
diviser à savoir à partir de la considération du héros, des êtres pour lesquels nous
éprouvons de l'intérêt, ce qui est le cas dans les poèmes héroïques, dans la poésie épique,
dramatique. La poésie lyrique est la poésie la plus immédiate ; son champ d'action est la
matière elle-même, c'est pourquoi elle est la forme la plus basse de la poésie mais peut
être également la forme la plus haute. Cependant nous ne sommes pas encore prêts pour
une telle division puisqu'il semble que dans le domaine de la poésie, il y ait encore
d'autres choses que des sensations pures.
3) Peut-on arriver à trouver une troisième terme commun aux sensations externes et
internes, troisième terme qui serait une forme, en laquelle la force de l'intuition, ne serait
pas en mesure de séparer les sensations externes des sensations internes.
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(Ce serait là une division très importante). Si la force de l'intuition ne peut pas séparer les
sensations externes des sensations externes, nous aurons N.1. Si elle ne peut pas séparer
les sensations internes des sensations internes, nous aurons N.2. Si elle ne peut séparer
les sensations internes des sensations externes, et les sensations externes des sensations
internes, nous aurons la forme N.3. Qu'est ce qui peut être tel ? Aucune sensation ne peut
être uniquement externe, elle est toujours en même temps une sensation interne. Il y a
des sensations internes qui sont de deux classes (les sensations internes se divisent donc
en deux classes), à savoir la première en laquelle je puis donner une raison à cette
sensation en arguant de l’extérieur, et une deuxième où je ne le puis. Toutefois, puisqu'il
n'est pas question ici d'observation théorique de soi, mais de ce qui est donné
immédiatement par la sensation, alors il faut que cela soit donné exclusivement par la
sensation. Qu'est ce qu'un jeu qui se situe simultanément dans le temps et l'espace,
comme la danse par exemple ? C'est le N.1. Par conséquent une telle rubrique n'existe
pas.*
Je nomme le beau externe contentement, et le beau interne amusement.
Troisième partie.
Existe-t-il, à travers ces sentiments de contentement et d'amusement, une relation à des
êtres qui ont des sentiments équivalents (il y a t’il une relation entre les êtres ressentant
la même chose) ?
Comment peut-on et doit-on mener cette recherche ? Nous avons situé cette relation dans
la sensation pure. Nous avons pris, pour nous aider, quelque chose de plus haut que la
sensation pure, à savoir l'imagination. En effet nous avons perçu, dans l'imagination qui
ordonnait les sensations, un effort à produire de l'unité dans la sensation interne et
externe afin que, à la vue d'un affamé, je ressente moi-même la faim.
* Ce qui manque encore ici ou ailleurs, comme par exemple ce qui m'est venu à
l'esprit au N.2. à savoir que je n'avais pas tenu compte de la sensation théorique
interne puisque je désirais m'occuper exclusivement d'elle au N.1., nous le
découvrirons en étudiant la tendance de l'entendement. Ensuite il pourrait y avoir
de nouveaux chapitres. Cependant le procédé utilisé avec les N.1 et N.2, semble
juste, car une sensation externe n'est agréable qu'intérieurement, et une sensation
théorique interne est uniquement une sensation externe. Des sensations internes
pures sont en tant que telles impossibles.
** Du point de vue des sensations elles-mêmes.
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Faudrait-il se référer à une faculté plus élevée, à savoir la faculté de juger, ou bien faut il
en rester à l'imagination ? Nous n'avons pas une assise assez solide. Avec les sensations,
nous avions une manifestation de détresse évidente, une expression de la douleur, sur
laquelle l'imagination pouvait s'appuyer parce qu'elle était naturelle ; avec le goût, nous
n'en avons qu'une expression artificielle, par le langage.* C'est ainsi, tout du moins, que
cela semble être. Il résulterait de cela qu'aucune communication, qu'aucune tendance à la
communication n'interviendraient ici. Tout au moins, pourrait-on l'atteindre plus haut.
Mais ne pourrions-nous pas analyser cela d'un point de vue uniquement hypothétique ?
C'est ce qui serait le mieux.
Comment doit-on réunir et qui doit réunir ? Les objets que nous avons ici, sont des objets
formés dans l'espace et dans le temps ; ils ne doivent pas être ordonnés en vue de la
connaissance, par conséquent ils le sont pour le sentiment. Cependant puisque nous
avons déjà, par l'intermédiaire de la sensation, des êtres ayant les mêmes sensations,
nous aurions alors un moyen de réunir, si nous pouvions relier le sentiment du beau à la
sensation.
Comment cela est il possible ?**
Un autre chemin est possible : le beau externe en lui-même est lié à quelque chose
d'externe (mais il s‘agit de quelque chose d'inanimé). Les inclinations égoïstes ou
sympathiques pourraient être la matière du beau interne. En ce qui concerne les premières
(par exemple, le jeu), nulle tendance à communiquer n'intervient. Mais si cela n'est pas,
on a quand même ceci : il faut que je joue avec quelqu'un ; mais ce quelqu'un n'est tout au
plus que le hasard personnifié.
* Mais d'où vient le langage ? Cette recherche a nécessairement sa place ici. En
effet, qu'est ce qui pousse l'homme à parler ? Ce n'est pas la sensation ; celle-ci a son
langage naturel, c'est à dire un langage fondé sur le côté animal de l'homme : la
réceptivité. Le langage humain exige la spontanéité. Cela aussi, nous allons le
développer.
** Une pensée totalement à part : avons-nous, par exemple dans le rêve, une
réminiscence de notre état animal antérieur ? Là où je peux prendre conscience de
mon Moi, et non pas de mon libre arbitre d'une manière encore précise, se trouvent
le rêve, l'hallucination. Il existe un critère pour les différencier de l'état de veille,
état où l'homme réfléchit, mais ce critère n'apparaîtra qu'après. Le rêve et tout ce
qui s'apparente aux rêves représente toujours le passé parce que, ce qui est
véritablement humain, ce qui vient immédiatement du Moi pur, c'est-à dire l'effort
ne se manifeste pas. On ne saurait juger si une sensation unique, détachée des
autres, appartient au rêve ou à la réalité. Pour ce faire, on aura recours aux autres
sensations, ce qui est encore un moyen de se rattacher à ces sensations.
Page 226
Dans le jeu, l'autre personne ressent-elle aussi de la crainte, de l'espoir ? Me cache-t-elle
quelque chose ? Le plaisir de l'échange avec elle, ou encore le déplaisir, peuvent s' ajouter
à ces sentiments ; j'espère, et elle par conséquent, craint. Je crains, et elle par conséquent,
espère. Ce dernier cas de figure est en soi des plus désagréable ; mais il va devenir
agréable par l'effort de revanche. Qu'il puisse exister quelque chose comme cela dans le
jeu, est certain. Est-ce toujours présent, c'est à dire est-ce dans l'essence même du jeu ?
Ou bien si tel n’est pas le cas, y a t-il un nouveau jeu, plus élevé, qui nous amènerait là où
nous voulons aller ? a) Ce n'est pas essentiel au jeu. On peut, par exemple, jouer tout
seul. b) mais on joue de préférence en présence d'autres personnes, par exemple pour
faire admirer son adresse. Mais c'est là de la vanité, simple question d'opinion, qui n'a
pas sa place ici. Dans les jeux de commerce, il existe quelque chose d'analogue, ou tout
au moins on peut le supposer. Ainsi il ne reste plus que les jeux de hasard. Il y a là
effectivement quelque chose de ce genre, non pas une sympathie mais bien plutôt une
antipathie qui devient néanmoins de la sympathie.
Le concept de ce que nous cherchons actuellement, serait effectivement l'antipathie unie à
la sympathie, compris sous la forme d'une unité : l'amour et la haine. L'antipathique nous
donnerait le Non-Moi et le sympathique le Moi. Ce genre de sensations existe, par
exemple la jalousie, etc. La question est celle-ci : comment présente t-on cela sur la scène
de l'imagination ?
Le cas peut se présenter lorsqu'une sensation propre à quelqu'un et une sensation qui lui
est étrangère ne peuvent plus être limitées avec suffisamment de rigueur dans la mesure
où elles se rejoignent en une seule. C'est alors la sympathie sous sa forme la plus haute ;
c'est l'amour dont nous avons déjà parlé auparavant ; et ni la sensation propre toute seule,
ni une sensation étrangère toute seule ne constituent, par elle même, une forme
spécifique. La forme pour l'imagination est soit positive soit négative. En tant que
l'unanimité avec d'autres êtres sensibles est l'objet, (et il l'est dans la tendance à la
sympathie), alors l'accord et le désaccord, qui sont illimitables par l'imagination,
donneraient la forme cherchée.
La matière seule serait donc la sensation, mais la forme dans le temps serait l'objet du
goût. Cela nous donne assurément quelque chose, mais je crains que ce ne soit pas ce que
nous recherchions ; en effet, cela nous donne quelque chose qui oscille entre amour et
haine, et qui, par conséquent, appartient manifestement au chapitre précédent, I.e au
chapitre sur la forme des sensations internes. Dans le jeu, cette oscillation peut intervenir,
mais elle n'est pas le jeu lui-même. C'est une sensation fugitive, c'est de la "jalousie", au
sens le plus large.
Mais le beau externe est lié à quelque chose d'externe. C'est tout à fait exact. Si seulement
nous savions ce que peut devenir le beau externe pour nous, et comment il se rapporte à
notre intérêt! La recherche ne dit absolument rien à ce sujet.
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Il se pourrait bien qu'à partir du beau, nous ne trouvions pas immédiatement de chemin
qui conduise à des êtres partageant la même manière de juger. Il faudrait donc chercher
plus haut la tendance à communiquer en général, et appliquer ici, cette tendance en
particulier. Par conséquent la troisième partie est ou bien impossible ou bien vide pour
l'instant.
Quatrième partie
Effort pour arriver à une forme d'intuition
du Moi intuitionnant.
Il sera, en effet, ici, question du Moi intuitionnant le Non-Moi comme il était question,
dans la partie précédente, du Moi ressentant le Non-Moi. Le fait qu'il n'existe pas
d'intuition pure du Moi s'intuitionnant lui-même a déjà été démontré. Seule demeure la
question de savoir s'il existe une quelconque intuition du moi. Toute intuition du Moi est
dans le temps. Le temps est la forme de l'intuition. En tant que le Moi intuitionne le NonMoi dans l'espace, le Moi doit être à nouveau intuitionné dans le temps. En ce qui
concerne le beau de la forme externe, il n'est pas ensuite intuitionné de manière interne ;
tout au plus le plaisir qu'on en a l'est (si toutefois, on peut déterminer de manière exacte
de quelle nature est le plaisir qu'on en tire). Tout ceci est susceptible de nous ouvrir le
passage (Übergang) ; le contraire du plaisir serait un déplaisir et nous aurions ainsi le
contraste. Mais comme manifestement le plaisir est une sensation et que le déplaisir l'est
aussi, cela relève encore de la deuxième partie et ne nous donne rien de nouveau.
Analyse maintenant tes propos ! Tu as ordonné (ordnen) jusqu'à présent le Moi sensible
dans le temps. Maintenant nous envisageons maintenant de le faire pour le Moi
intuitionnant .
Et pourtant le moi intuitionnant est, sans aucun doute quelque chose d'autre ; seulement
il faudrait d'abord faire abstraction de toute sensation matérielle. Cependant Kant, dans sa
déduction du sublime,(avec le sublime dynamique) a quelque chose de sensible, à savoir
la crainte ; dans les mathématiques, il s’agit de l'insuffisance de notre force de
conception. Les mathématiques appartiennent manifestement à l'intuition. En revanche le
sublime dynamique appartient manifestement à la sensation. Par conséquent, il n'y aurait
pas d'unité dans la déduction de Kant.
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Elle est donc inutilisable.
Dans la philosophie théorique, quelque chose était réalisé lorsqu'il était situé au sein de
l'espace. Que se passerait-il si l'imagination avait l' Idée d'une certaine matière qui devait
être réalisée ? cette Idée serait, sans doute, l'Idée de la totalité illimitée. Par conséquent il
ne serait plus question ici de la forme de l'objet uniquement, comme c'était le cas
précédemment, mais il serait question de la matière comme réalisée, sur laquelle la
réalité, c'est à dire l'être, serait transférée. Dans la philosophie théorique, cette réalité était
prise au Moi pour être transférée au Non-Moi : la forme du sublime serait de transférer
cette réalité et de la conserver. Par conséquent, l'idéal du sublime serait qu' existe une
matière infinie, illimitée (qui est nécessairement sans forme), que cette matière existe
avec toute la réalité possible, et qu'elle existe de telle sorte que le Moi conserve toute sa
réalité. Cette idée semble exacte. Pour l'instant, elle n'est qu'une idée vague, mais nous
allons voir ce que nous pouvons en faire.
L'objet de cet effort ne serait absolument pas le Moi intuitionnant en tant qu'il intuitionne
un Non-Moi = A ou B etc., mais l'objet de cet effort serait le moi en tant qu'il intuitionne
le Non-Moi en général, comme Non-Moi. Ce serait la capacité d'intuitionner, aussi bien
dans le temps que dans l'espace. Les modifications intuitionnées dans le temps seraient
déjà considérées ici comme un Non-Moi.
Cette capacité d'intuitionner (qui est celle qui,lorsqu'elle est réalisée dans la philosophie
théorique, devient quelque chose de posé et de posant, c'est-à-dire quelque chose qui
engendre quelque chose d'autre), cette capacité d'intuitionner, disais-je, doit-elle être
intuitionnée ? Est-elle dans la philosophie théorique, intuitionnée ou pensée ? Penser
signifie ordonner. Cependant pour ordonner quelque chose de variable, nous devons
auparavant avoir quelque chose de stable, qui soit au préalable produit par l'activité
spontanée. C'est ainsi que la capacité d'intuitionner est bien réalisée dans la catégorie du
possible. En fait, je n'en suis pas certain. Mais ici, il n'est pas encore question d'ordonner
une pluralité, d'ordonner plusieurs choses différentes, mais il est question uniquement de
réaliser un unique non-moi, c'est-à-dire de réaliser un non-Moi pensé comme unique. Il
me semble que penser, puisque cela signifie ordonner, n'est utile qu'à la condition qu'il y
ait un divers. Tout ceci est assurément nécessaire, comme on l'a démontré précédemment.
Mais qu'est ce qui nous empêche d'en faire abstraction ?
* Manifestement, c'est par là que le chapitre de l'esthétique acquiert force et unité.
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1) La capacité d'intuitionner peut-elle s'intuitionner elle-même ? Sans doute, puisqu'elle
est spontanéité et si tel n'était pas le cas, l'effort en général, ne viserait pas à ce que
chaque faculté devienne totalement indépendante, pure et unique. Nous pouvons alors
accepter un effort de la capacité d'intuitionner à se produire dans toute son extension.
Cela ne peut pas se produire ailleurs que dans une intuition. Quelle devrait être cette
intuition qui exprimerait tout la faculté d'intuitionner ?
2) Une telle intuition serait le temps et l'espace en général et cependant elle ne serait pas
le temps et l'espace, elle serait la spontanéité, et cependant ne serait pas spontanéité.
Ainsi elle serait ce qui est illimité dans le temps et l'espace, accompagnée de la
représentation que le Moi n'est pas lié au temps et à l'espace. Mais halte ! Le limité
indéterminé dans l'espace n'est-il pas la forme du beau externe, et le limité indéterminé
dans le temps n'est-il pas la forme du beau interne ? Où se trouve ce qui est
caractéristique de cette sorte d'intuition ? Peut-être cela réside t-il dans le fait que le
temps et l'espace doivent se rencontrer ici ? Le caractère est bien là en effet, il est
également dans l'illimitation qui n'est pas déterminée.
3) Premier caractère de la réunion du temps et de l'espace. Comment temps et espace
peuvent-ils malgré tout être réunis ? Il semble que cela ne soit pas possible autrement
qu'en les supprimant. Selon moi, ils n'ont rien de commun que le point. Que serait un
espace dans lequel il n'y aurait pas le point, que serait un temps qui aurait toutes les
dimensions possibles ?* Il s‘agit assurément de contradictions. Que serait un espace sans
points, sans points intuitionnés matériellement ? Ils ‘agirait d’ un mouvement continuel,
flux continu** en un espace illimité. Que serait un temps avec toutes les dimensions
possibles ? Ce n'est absolument pas pensable. Serait pensable tout au plus un temps sans
point, c'est à dire sans limite, un temps qui ne serait qu'un point ; il s’agirait alors de
l’étonnement. En effet, l’ étonnement est arrêt du temps dans l'intuition ; la sensation
n'avance pas. Ce serait donc le contraire de ce qui apaise. A cet endroit, plusieurs
sensations emplissent un moment ; ici, une seule sensation remplit plusieurs moments.
Cela serait donc bien un temps sans points, un temps illimité. L'espace sans points est
décrit correctement par un mouvement conduisant à une étendue insaisissable. Qu'il en
naisse ensuite un étonnement, c'est ce que l'expérience enseigne.
* Le chaos exprime l'à-peu-près cela.
** Les chutes du Rhin.
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L'homme, dans la sensation du sublime, est-il un dieu parce qu'il ne se sent limité ni par
le temps, ni par l'espace ? Est-ce donc cela la réunion du temps et de l'espace ? Quel est
donc le véritable caractère distinctif du temps et de l'espace ? (Je crois que le temps est le
même en tous ses points, et que l'espace n'est pas le même en tous ses points ; cela
pourrait être valable quant au contenu. J'inverse cela : le temps (en tant qu'il peut être
intuitionné) n'est pas le même dans tous ses points ; sans cette inégalité, il ne peut pas du
tout être intuitionné parce que, d'après moi, il n'existe aucune intuition originaire du
temps. L'espace est le même dans tous ses points, et n'est différencié que par ce qu'il
contient. Tout cela est de l'affabulation ! Les points dans l'espace et le temps sont
différenciés et ils le sont seulement d'une manière relative, par la relation de l'un avec
l'autre. Lorsque les points sont les mêmes dans l'espace, ils sont alors différenciés par
l'inégalité des points dans le temps, et lorsque les points sont égaux dans le temps, ils sont
alors différenciés par l'inégalité des points dans l'espace. C'est exact. Si je remarque une
surface plane, qui est toujours la même, elle ne me semble pas être telle parce que je
décompterais les sensations qui me traversent à ce moment-là. Si je suis vide, sans
émotion, je reconnaîtrai le cours du temps à un modification dans l'espace, comme par
exemple à l'avancée des aiguilles de ma montre. Si les points étaient les mêmes dans les
deux cas, je ne pourrais plus les différencier. L'absence de formes et l'étonnement seraient
alors unis. L'absence de formes se donne donc comme surface immensément grande hors
de laquelle il ne m'est pas possible de reconnaître quoi que ce soit, mais qui, d'elle-même,
ne nous livre aucune différenciation. Prenons comme exemple une grande mer tranquille,
une immense surface de glace, infinie et figée. Tout cela montre que l'affaire progresse à
grands pas. L'illimitation n'a plus besoin de définition, car si je pouvais limiter la chose
de l'extérieur, elle ne serait plus informe. Ainsi, une uniformité éternelle est également
sublime.
4) L'absence de forme illimitée doit-elle produire cet étonnement ? Il semble que oui.
Mais évidemment, cela s'intègrerait mal au système. Je peux voir une chose de ce genre
sans qu'elle m'entraîne parce que mon temps est rempli d'autres sensations que de celles
qui sont à l'extérieur de Moi. Un homme occupé, qui est en tain de réfléchir, ne sera pas
touché en voyant un objet immense par la taille. Cela ne lui fait rien, cet objet n'est pas
pour lui. Il semble pourtant que les deux conditions, celle du temps, et celle de l'espace,
qui, en soi, sont indépendantes, se réunissent toujours. Devons-nous, à partir de là,
accepter le nouvel effort qui les réunit, ou bien ceci est-il naturel ? C'est, pour la raison
citée précédemment, très naturel. Si nous ne différencions rien dans l'espace, nous ne
pouvons pas non plus différencier quoi que ce soit dans le temps.
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Les deux formes se rencontrent parce que la forme du temps est elle-même la forme de
l'espace.
5) Que devons-nous penser de la différence entre le sublime mathématique et le sublime
dynamique ? (Les exemples que je citais précédemment sont sublimes
mathématiquement. Une mer tranquille est sublime mathématiquement, une mer
déchaînée ou les chutes du Rhin sont sublimes dynamiquement ; telle est l’impression
que nous avons). Cela importe t’il ici ? Cela ne paraît être qu'une autre modification de la
non-différenciabilité de l'espace. Et à vrai dire, dans tous nos exemples, on ne
remarquerait même pas le mouvement, parce qu'il est vraiment rapide et parce qu'il doit
l'être, si un son ne lui était pas associé. Une haute montagne menaçant de s'effondrer doit
être sublime d'une manière dynamique. Ceci, assurément, nous conduirait à des sources
du sublime autres que celles de la simple absence de formes. Dans l'exemple cité, il y a
une causalité. La crainte également s'y mêle ; il s’agit d’une sensation. La montagne est
sublime en soi, et elle est sublime dans l'intuition ; là, le Moi va au delà de toute crainte.
Ces éléments matériels n'ajoutent donc rien au sublime ; tout au plus peuvent-ils en
rendre l'atmosphère plus intense. Y a-t-il, dans le sublime mathématique pur, par exemple
à l’abord d'une mer tranquille, également de la crainte ? Peut-être trouverait-on celle de
se perdre ou de ne pas s'orienter ? Mais peut-être n'y pense-t-on pas non plus ? Il ne
semble donc pas qu'il existe une différence essentielle entre les deux.
Il serait plus exact de dire qu'un objet qui éveille le sentiment du sublime, est composé de
deux éléments, l’un mathématique, l'illimité sans forme, et l’autre dynamique,
l'étonnement de la sensation dans le temps.
6) Mais voici une autre question de moindre importance. Ce qui vient d'être développé est
sans doute le juste idéal du sublime. Mais cet idéal justement, doit-il être la mesure de
toute chose ? Ici aussi, c'est une approximation. Dès lors, surgit la question suivante :
chaque objet sublime, en soi et dans l'intuition pure, doit-il avoir deux déterminations (la
sensation du sublime doit évidemment les avoir toutes les deux) ? Un des deux objets ne
peut-il pas produire l'autre ? Nous avons déjà dit que l'absence de forme produisait
l'étonnement. Mais ne serait-ce pas l'inverse ? L'étonnement ne produirait-il pas l'absence
de forme ? Si le Moi intuitionnant s'étonne, il ne trace pas de limite pendant l'étonnement
ce qui pourrait bien donner l'absence de forme dans l'objet. Mais d'où viendrait
l'étonnement ? L'étonnement pourrait naître de sensations internes que l'imagination
n'arriverait pas à unifier en une forme. Nous aurions, par conséquent, un autre sublime
dynamique interne. Toutes les catégories seraient mesurées à ces catégories, par exemple
la causalité, causalité illimitée, cause à l'effet duquel l'âme ne peut pas penser du tout.
(Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut).
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Cela ne convient pas à d'autres catégories. Par conséquent, on pourrait confondre
l'expression : sublime dynamique avec cette autre : le sublime de la causalité. Il y aurait
un sublime dans l'espace et un sublime dans la causalité. Mais ce dernier serait l'affaire
du penser. Non, ce serait plutôt l'affaire de l'intuitionner. Logiquement, l'entendement
peut penser le sublime de causalité, mais l'imagination qui cherche à se procurer une
intuition, demeure en retrait.
7) Pour avoir la vraie définition du sublime, il faudrait donc dire : aucun temps n'est
intuitionné ; ce qui est à saisir (Auffassung) ne peut être saisi dans le temps par
l'imagination. Cela arrive dans deux cas :
a) lorsque le sublime ne peut être saisi dans l'espace.
b) Lorsque le rapport de causalité entre deux choses, ne peut pas être saisi en tant que tel.
Mais même dans ce dernier cas, il y a une incommensurabilité de la forme. Pense à la
montagne s'effondrant ! Cela se ferait dans l'espace en un temps 0 (c'est à dire avec une
rapidité indicible). Pense à la parole : « que la lumière soit. ». L'univers, sans aucun doute
est rempli de cette lumière. Et cela, tout simplement parce qu'on ne peut pas penser la
lumière autrement que rayonnant de tous côtés, éclairant tout. Ainsi, même dans le
dernier cas, la forme de l'espace demeure. Donc il faudrait mieux le dire de cette manière
: dans le sublime ou bien l'espace est donné, et alors le temps est produit, (dans le sublime
mathématique), ou bien le temps est donné, et alors l'espace est produit (dans le sublime
dynamique). En fait, l'imagination n'a que faire des catégories, et ainsi, la pureté du
sublime comme pureté de la forme d'une l'intuition serait préservée. Le poète éveille le
sentiment du sublime par ces deux moyens. Toutefois le deuxième, qui consiste à donner
le temps, est plus de son ressort.
Cinquième partie.
Y a-t-il des tendances de l'entendement,
comme il y avait, précédemment, des tendances de la faculté
de sentir et de l'imagination ?
Cette recherche doit être menée de cette manière : la faculté de juger est la faculté
théorique qui ordonne, c'est à dire qui pense. Une telle faculté ordonnant l'effort serait, en
fait, une volonté.
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Hypothèse : la faculté de juger, lorsqu'on la pense comme force qui désire, est une
volonté. Elle est un effort qui vise à déterminer sans que rien ne soit donné à déterminer.
Elle est donc un effort à se déterminer soi-même. Ils ‘agirait d’une volonté.
Mais pour ordonner théoriquement, il doit y avoir quelque chose a partir duquel on peut
ordonner ; c'étaient auparavant les catégories. Pour déterminer la volonté, certaines de ses
volitions (Wollung) doivent être possibles. Il ne faut pas oublier que le caractère de
l'effort vise toujours à se rendre indépendant d'une dépendance. La dépendance de la
faculté de juger est dépendance, en ce que quelque chose doit lui être donné à ordonner.
La volonté, en revanche, le produit elle-même.
Que dire de la production des catégories ? Dans quelle mesure le Moi est-il, là aussi,
dépendant ? Je crois qu'il l'est par cette condition : que quelque chose soit donné. Toutes
les catégories sont valables à la condition que quelque chose soit donné. L'effort
cherchera à se défaire de cette condition et à introduire une validité entièrement
inconditionnée. Est-ce déjà l'impératif catégorique ? Il semblerait que cela soit l'impératif
catégorique. Mais, il y a, d'une part, un grand nombres de tendances que l'on peut
remarquer empiriquement dans l'âme humaine, par exemple la tendance à communiquer,
la tendance à rechercher la vérité, à rechercher l'unité, la relation ; d'autre part, il y a ici
des parties qui, doivent, d'abord être unies, mises en ordre, et synthétisées en une seule,
et ce, par l'impératif catégorique qui serait la tendance la plus élevée de toutes. La norme
de l'impératif catégorique est simplement l’aspect formel de la proposition : rien ne doit
contredire le Moi pur. Cet effort (que l'on appelle habituellement la faculté de désirer), est
uniquement formel. Doit-on accepter ici un effort matériel ? Comment le trouver ? Je
crois qu'on le trouve par la reconduction de l'effort théorique dans la philosophie. NB.
Nous nous trouvons ici dans un champ totalement vierge où rien n'est encore défriché.
Mais posons une autre question à ce sujet : les catégories ne pourraient-elles pas avoir un
rôle régulateur en ce qui concerne l'effort inférieur, en plus du rôle constitutif, dont tu
voudrais faire usage pour découvrir de nouvelles parties de l'effort, tel, par exemple,
l'effort qui viserait l'extension des sensations sympathiques. Je crois que ce n'est pas
possible. En effet, les sensation de sympathie ne doivent pas être générales, elles doivent
être justes. Cependant la justice, sans l'Idée d'universalité, n'est pas possible.
Bon ! Je crois que le principe régulateur est précisément le principe suprême, ou pour le
dire autrement, il est l'unique catégorie inconditionnée. Il est l'unique principe régulateur
et il n'est que régulateur. Par conséquent, nous obtiendrions ici, quantité de principes
constitutifs du désir, tel un champ qu'on ne peut embrasser d'un seul regard. (C'est ici que
se situe l'opinion (Meinung). Nous obtiendrions donc des inclinations sympathiques, mais
des inclinations sympathiques considérées du point de vue égoïste. La vanité en ferait
partie, ainsi que la recherche de notoriété. Il est possible aussi qu'en fasse partie tout ce
qui est relatif au domaine de l'opinion. Le pur amour de la vérité en ferait également
partie, ainsi
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que l'intérêt pour le genre humain, le respect du genre humain en général, et le respect de
l'humanité en sa propre personne. Nous n'avons pas encore abordé le rire, c'est à dire l'art
du comique, ainsi que l'émerveillement, l'admiration, etc. Toute inclination est la
prédominance d'un affect et elle va à l'encontre du principe suprême. Aucune inclination
ne doit dominer, elles doivent toutes servir. La culture pourrait également en faire partie,
du moins lorsqu'elle n'est pas considérée dans son un usage régulateur. En effet, la culture
est composée des deux aspects que nous avons étudiées dans Les contributions destinées
à rectifier le jugement du public sur la révolution française: ces deux aspects sont le
travail et subordination de la sensibilité. Y-a-t-il une tendance particulière à la culture ?
Je ne crois pas. La culture est ce qui est commun à toutes les tendances ; toutes les
tendances tendent (s’efforcent) à la culture. Le principe régulateur est ce qui produit la
subordination. Je n'obtiens par conséquent aucune forme véritable, particulière et
déterminée du Moi pur. C'est, au contraire, le Moi empirique, seul, qui obtient une forme
particulière. Ces deux mois ne doivent jamais se contredire.
Où trouver un fil conducteur ? Car ici, nous sommes dans un labyrinthe dans lequel
aucun être humain ne s'est encore aventuré. Les idées que j'ai développées sont pour
l'instant, encore trop limitées.
1) Considérons cette question : les efforts de la faculté de sentir et d'intuitionner doiventils être réutilisés ici, et peuvent-ils s'appliquer à ce que nous cherchons ?
a) Ordonner ces efforts, en soi, c'est-à-dire tels qu'ils sont, juger si on doit les suivre ou
non, est une occupation théorique, relève de l'intelligence. Mais il y a un effort au
fondement du désir d'être intelligent , à savoir, l'amour de soi, ou l' amour sympathique
en général.
Cela dit, le procédé qu'utilise l'intelligence, est totalement théorique et on ne peut rien y
découvrir de pratique, si ce n'est la faculté de maintenir sa décision. Cette décision est à
rechercher dans le concept de faculté de juger, c'est-à-dire dans le concept d'une faculté
qui fait effort, et qui, en tant que telle, est spontanée. La faculté de juger doutera jusqu'à
ce qu'une décision complète soit prise. Anceps est.
(1) "Article sur la contribution destinée à rectifier le jugements du public sur la
révolution française".
Dans ce combat, deux choses doivent se passer. La matérialité doit, dans un premier
temps, être réfrénée et soumise, elle ne doit plus commander, mais servir ; elle ne doit
plus nous prescrire nos fins ni les conditionner. Tel est le premier acte de libération de
notre Moi : la domination de la matérialité. Mais ceci fait, rien n'est encore gagné. La
matérialité doit non seulement ne plus commander, mais doit aussi servir avec adresse et
compétence ; elle doit pouvoir être utilisée. Pour cela, il faut mettre à jour toutes ses
potentialités, les cultiver de toutes les manières possibles, les accroître et les renforcer à
l'infini. C'est la deuxième action pour libérer notre Moi : la culture de la matérialité.
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(Nous utiliserons le verbe « douter » quand nous l'opposerons à la foi).
b) Convient il d’ajouter quelque chose ? Doit-on, par exemple, élever l'amour
pathologique de la sensation à une approbation pensée, réfléchie des perfections d'un
autre ? Mais pareille élévation n'est pas possible. Le caractère de l'amour pathologique est
de n'être donné que par la sensation, alors qu'ici quelque chose est pensé ; il s’agit donc
une tout autre tendance.*
1) Pourrait-on décrire les choses dont il est question ici, par un effort qui viserait un
certain contenu matériel en vue de former un jugement ? Le Moi s’efforce à juger, à
penser quelque chose de déterminé. En fait, notre recherche actuelle n'est qu'hypothétique
et on remarque bien que le fait d'être déterminé n'est pas le caractère principal, mais n'est
qu'une partie de ce qui doit être chercher. En effet, on remarque qu'en dehors de cet effort
vers la matière du penser, il y a également un effort vers la forme du penser, c'est-à-dire
vers l'unité, la vérité, etc.
Cela nous conduirait :
1) à être en accord avec la sensation où nous viserions d'abord la matière, et ensuite la
forme. 2) A faire surgir certaines combinaisons qui épuiserait le problème. (Peut-être
pourrait-on en déduire une théorie des souhaits humains) ?
Il est possibles que ces tendances (je veux parler des tendances matérielles et non des
tendances formelles) soient utilisables voire nécessaires déjà dans la philosophie
théorique ** ; ce serait, par exemple ce qui est inconditionnellement nécessaire dans la
philosophie théorique. La limite absolue qui a été admise dans la philosophie théorique
n'est-elle pas déjà quelque chose de pratique que Kant, et moi-même à sa suite, avons
admis par erreur dans la philosophie théorique ?
De quoi dépend la réponse approfondie à cette question ? Elle dépend d'une définition
correcte de l'intelligence ; si celle-ci est toujours dépendante de quelque chose de donné,
elle ne pourra pas juger autrement que d'une manière conditionnée (c'est à dire à la
condition d'avoir un donné). Mais si l'intelligence est indépendante, alors toute raison
serait uniquement pratique. Seul l'entendement resterait théorique. La doctrine logique
tirée de ces conclusions, doctrine qui présuppose manifestement la totalité de la série des
conditions,
* NB. Ici, on ne travaille pas en profondeur.
** Question importante.
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deviendrait elle- même une partie de la philosophie pratique. Il s’agirait cependant un
procédé quelque peu monstrueux.
Où passe la véritable frontière entre la philosophie théorique et la philosophie pratique ?
Ce n'est pas le Non-Moi qui la constitue, car celui-ci intervient à la fois dans la
philosophie pratique et dans la philosophie théorique. Le Moi seul ne donne aucune
philosophie. Ce serait donc la relation réciproque du Moi et Non-Moi qui donne la
philosophie. (Si j'étais certain d'avoir procédé correctement dans la philosophie théorique,
je pourrais me dispenser de cette recherche. Dans la philosophie théorique la limite est
tracée d'une manière suffisamment précise, par la réunion du Non-Moi dans l'intelligence,
et par la réunion du Moi, comme présentant, au Moi intelligent. Analyse maintenant la
matière en l'abordant par un autre biais.
C'est la différence de relation entre le Moi et le Non-Moi, qui fait la différence
spécifique. On pourrait dire que, dans la philosophie théorique, le Non-Moi est lié au
Moi, et que c'est l'inverse dans la philosophie pratique. Mais ceci est encore obscur. Dans
la philosophie pratique, le Moi modifie le Non-Moi (il ne le fait pas effectivement mais
vise à le faire). Le Non-Moi ne modifie-t-il pas le Moi dans la philosophie théorique ? Si,
le Non-Moi modifie le Moi en tant qu'il est pensé comme ressenti, comme intuitionné, et
conditionné. Il n'y a aucune doute à ce sujet. Mais le modifie-t-il en tant qu'il est pensé
comme inconditionné ? Comment est-ce possible ? A vrai dire, ce n'est pas le Non-Moi
en soi, mais l'intelligence qui est pensée comme inconditionnée et le Non-Moi est pensé
comme inconditionné uniquement par l'intermédiaire de l'intelligence. Ainsi, le Non-Moi
serait quand même modifié par le Moi, avec cependant cette différence de taille qu'ici, il
n'y a pas d'effort pur, mais une causalité effective. (Ou bien ne sommes-nous pas plutôt
en train de découvrir la source de l'antinomie kantienne et ne sommes-nous en train de la
dépasser pour toujours ?) Toutefois ce qui est le plus important, ici, c' est que le Moi,
comme intelligence, est, par rapport au Moi présentant, lui-même Non-Moi. Par
conséquent, en tant que le Moi intelligent est considéré comme Moi (dernier sujet), il
modifie le Non-Moi, il lui donne une loi inconditionnée * et la philosophie (parce que
nous avons le dernier sujet) est totalement terminée.
* NB. Mais cette loi n'est pas considérée comme une loi du Moi, mais comme la
nature du Non-Moi en soi. Elle est telle que nous la pensions. Ici la raison théorique
elle-même est le Non-Moi se présentant lui-même, et il ne peut pas ne pas y avoir de
Moi, ou bien il y aurait une substance unique. Le spinozisme est un tel système mené
de manière conséquente. Mais ce système contredit le sens commun et également la
proposition: je suis. Spinoza nie cette proposition et il peut sembler par là que ma
philosophie ne réfute pas celle de Spinoza.
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C'est un pur dogmatisme, l’affirmation d'un commencement objectif du monde, d'une
cause objective à l'existence du monde, etc. Or, ce système est faux.
En tant que le Moi intelligent est considéré comme Non-Moi (comme prédicat d'un sujet
plus élevé), il est modifié lui-même par le Moi et il est justement = Non-Moi, parce qu'il
est modifié. Ici, le système de modification du Non-Moi est mené à son terme. Dans ce
système, la raison est à vrai dire théorique, elle l'est même en tant qu'elle donne la loi de
l'absolu ; car la loi de l'absolu en tant que telle doit être valable pour le Non-Moi, pour le
monde des phénomènes. En tant que telle, la raison théorique n'est nullement en
contradiction avec elle-même. La loi de l'absolu n'est pas constitutive mais seulement
régulatrice*. Il n'est pas dit qu'il est donné un absolu effectivement mais uniquement
qu'un absolu doit être cherché.
A présent, il y a encore une loi constitutive de l'absolu, une loi pour le Moi, pour le Moi
de l'unité parfaite dont chaque loi régulatrice n'est qu'une conséquence ; ceci est valable
pour le Moi pur, et son application au Moi comme intelligence produit l'effort dont il est
question ici. Chaque ordre donné à l'intelligence pour qu'elle cherche l'absolu, ne produitil un effort de ce type ? Nous aurions ici trois moments :
a) L'absolu est donné : loi pour le Non-Moi ;
b) C'est une unité absolue : loi pour le Moi ;
c) L’ultime absolu dans le Non-Moi doit être réalisé.
Que faire à ce sujet ? Il faut espérer que, si Spinoza revenait et trouvait notre
système, il rejetterait le sien. Mais ne serait-il pas possible de démontrer quelque
chose au delà de cette limite ? Je ne le crois pas. La philosophie n'a pas de preuve
externe, mais sa vérité se vérifie exclusivement d'une manière interne.
* Voici la proposition précédant toute conclusion : la totalité absolue de la série des
conditions est donnée, elle n'a qu'une validité régulatrice. Elle signifie ceci : pour
pouvoir faire une expérience, il faut admettre que la totalité absolue est donnée.
Toutes les conclusions ne sont valables que si l'on présuppose qu'une expérience est
possible ; donc ces conclusions sont valables pour le monde des phénomènes et pour
la raison considérée comme Non-Moi.
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Il s‘agirait ici de la divinité et nous obtiendrions déjà ici la théologie. C'est dans cet
absolu justement, en tenant compte de cette triple division, que se rencontreraient toutes
les limites, comme si elles convergeaient en un point unique ; ces limites seraient à
délimiter rigoureusement.
Résultat : La raison théorique ne réalise pas l’inconditionné ; cette Idée lui sert seulement
d‘idéal régulateur. La raison pure (dans le Moi pur) réalise l'unité absolue, mais
seulement pour le Moi pur. La raison pratique produit un effort pour réaliser l'unité
également dans le Non-Moi. Et cela, c'est l'effort en général ; il s‘agit de la finalité de
tout effort. N'est-ce pas une partie particulière ? Il ne semble pas, car la béatitude la plus
grande, la beauté originaire, le sublime, etc. participent de la divinité. Mais voici une tout
autre question : d'où vient la foi en l'existence de la divinité ? En effet cet effort vise à
devenir lui-même Dieu, mais cela, c'est autre chose. Il se pourrait pourtant que la religion
commence déjà dans cette région, qu'elle naisse de cet effort à reconnaître l'unité postulée
comme donnée effectivement et alors nous aurions effectivement un vaste champ pour la
religion. Bref ! Dans le domaine présent, on devrait déjà trouver le droit naturel, la
morale, la doctrine de la religion, et au degré supérieur, la religion obtiendrait alors la
légalité, ce qui relie tout simplement. Il y aurait ici une tendance à découvrir Dieu, à en
ressentir la trace (spüren), à le recevoir comme donné effectivement. L'église ou encore le
royaume de Dieu participe également de cette Idée. Là-bas seulement la loi disait :
deviens Dieu. Ici Dieu est donné comme l’ordonnateur du monde, son juge, et le
détenteur de la justice. C'est dans ce domaine que se trouve la morale religieuse. Là-bas,
Dieu est la finalité de notre effort. Ici, on dit : crois en Dieu, là où là-bas on disait :
deviens Dieu. Encore une excellente découverte !
Mais il semble effectivement que ce soient là des champs tout à fait différents, et qu'il
faudrait élaborer des Idées d'abord discursives, conditionnées, telles que la pulsion
(Trieb) à rechercher la compagnie, l'effort qu'on fait afin que l'autre ait une bonne
opinion de nous, etc., pour ensuite seulement élaborer des Idées absolues, c'est à dire
religieuses.
Où trouver un fil conducteur ? Garde-toi bien d'essayer et avance d’emblée d'une manière
systématique. Si, par hasard, quelque chose avait été oublié dans les paragraphes
précédents, nous le retrouverions. Il ne semble pas par exemple que nous ayons encore
besoin d'une philosophie quasi théorique, d'une troisième législation.
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Dans la philosophie théorique, un divers devait être subordonné ; cela donna des
contradictions, et pour les éviter, les catégories furent produites. A chacune de ces
contradictions, on doit pouvoir faire correspondre une tendance. Essaie d'introduire d'une
manière encore systématique le théorique seul.
1) Dans la philosophie théorique, nous sommes partis de la proposition suivante : rien
n'est sensible qui ne soit pas non plus sensible.
2) Nous avons réalisé la sensibilité en général à partir du le concept de substantialité.
3) Nous avons rempli et fixé la série temporelle à partir du concept de causalité.
4) Nous avons également rempli et fixé la série temporelle à partir du concept de l'action
de réciprocité.
Le Moi se retrouve enchaîné par toutes ces opérations et un effort doit avoir lieu pour se
délivrer de ces chaînes. N.1., à vrai dire, un principe de sensation, est déjà supprimé par
le beau dynamique là où, au même moment, A et -A doivent être ressentis. Cependant ici,
il est question de ce qui est général, du principe comme principe fondamental. Il faudrait
donc qu'un effort ait lieu pour ressentir ce qui ne peut également ne pas se ressentir. Cela
se passe à peu près de cette manière : par ce principe fondamental, toutes les sensations
deviennent contingentes. Cela devrait être un effort vers une sensation nécessaire (citons
pour exemple, la communication, l'opinion, etc., mais c'est à peine si le terme 'nécessaire'
veut dire cela ici. La démonstration rigoureuse de ce principe se trouve dans le concept
d'affection). C'est une modification du Moi qui ne peut être que dans le temps puisque le
Moi, illimité en soi, est déterminé tout simplement par lui-même). La finalité de cet effort
serait par conséquent de ne pas du tout être modifié par un effort externe. Ce n'est donc
pas comme la réceptivité qui s’efforce de se modifier elle-même par la sensation, mais la
finalité serait plutôt de ne pas ressentir du tout. Mais que se passe-t-il pour le penser ? Il
s’agit également une modification, mais non pas d’une modification due à la matière de
la sensation. Ou bien ne devrait-il plus y avoir aucune modification ? Est-ce la tendance à
penser ou bien est-ce la tendance à se présenter soi-même comme non modifiable ? La
dernière solution nous conduirait évidemment trop loin.
Au moins maintenant s’ouvre la perspective que les présentes catégories pourraient
mener à une matière du penser et que les suivantes de la modalité pourraient mener à une
forme du penser.
Dans laquelle de nos facultés (théoriques en soi), l'effort doit-il donc se trouver ? Cela
doit être une faculté qui pâtisse au moins pour une part : l'imagination théorique.Que
s’ensuit-il dès lors ? Quelle est la faculté qui réalise matière, temps et espace ?
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Est-ce l'imagination ? Elle est la faculté du schème, c'est certain. Mais l'imagination estelle la faculté qui détermine, fixe, constate ? Sic volo, sic jubeo. Est-ce la raison ? Est-ce
la raison qui constate, qui donne à cette disposition, force de loi ? Mais la raison ne fait
que commander d'une manière hypothétique. Si un Non-Moi est donné, alors pp. La
raison est ainsi dépendante de la condition et son effort visera plus haut ; il visera à se
détacher de cette condition. Ne pourrait-on pas trouver ici de nouveau un effort de
l'imagination, du point de vue du schème. Il semble que ce ne soit pas possible, car
l'imagination s’est déjà efforcé, dans l'esthétique, de détruire la chaîne du schème. Mais à
ce moment-là, il n'était question que de l'intuition. Les formes dans l'espace, le temps,
tous les deux, c'est à dire le temps et l'espace sont mêlés. Mais où avons nous pu voir un
effort visant à détruire temps et l'espace en général ? Et si pareil effort devait exister,
pourrait-il alors travailler avec l'imagination ? N'est-elle, d’un certain côté,
nécessairement dépendante ? Seule, la raison est totalement libre. La réceptivité est
totalement dépendante, l'imagination, qui est l’élément intermédiaire est dépendante et
indépendante. La raison est tout à fait libre. Pour cette raison, on ne peut donc rien
imposer de plus à l'imagination.
Mais la faculté de juger pourrait faire un effort en vue de la liberté. Mais à ce propos, il
nous faut ne pas oublier cette considération: tout effort possible, qui nous devons encore
mettre au jour, doit-il être un effort de la faculté de juger ? Peut-on imputer un effort à la
raison ? N'est-elle pas totalement libre ? Mais pourtant ne donne t’elle pas des lois
conditionnée ? Les donne-t-elle conditionnées ou est-ce la faculté de juger elle-même qui
ajoute la condition ? Ou bien est-ce l'entendement qui le fait ? En effet dans notre théorie
n'aurions-nous pas d'entendement ? L'entendement comme pouvoir qui assiste
l'intelligence en tant que telle, est conditionné. Se conditionne-t-il lui-même ou est-il
conditionné ? J'entends par là : est-ce la fonction déterminée de l'entendement d'ajouter sa
condition à la loi inconditionnée de la raison ? a) La loi n'est conditionnée que pour
l'entendement ; pour la raison, elle est inconditionnée ; ainsi l'entendement ne se
différencie de la raison que par la condition. L'entendement est donc la faculté des lois
conditionnées et on peut par conséquent penser un effort de celui-ci à rendre ses lois
inconditionnées. Ainsi il nous reste encore un effort de l'entendement ; il ne vise aucune
théorie, mais il possède une matière théorique (peut-être a-t-il aussi une matière pratique
inférieure, car qui peut le savoir maintenant ?)
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En ce qui concerne la faculté de juger, elle est théoriquement limitée des deux côtés ;
elle place un donné sous une certaine loi établie. Par là, la matière est théorique ;
Juger est un penser. L'effort de la faculté de juger ne peut raisonnablement pas viser à
ne pas vouloir se placer sous une loi, mais au contraire, il vise à vouloir ordonner de
manière indépendante le donné. L'effort pourrait viser également à avoir la loi en soimême ; ce serait la faculté de juger réfléchissante de Kant, l’heautonomie. Ainsi, la
faculté de juger s’efforcerait de se libérer d'une contrainte des deux côtés. Ce dernier
point semble effectivement concerner l'entendement lequel veut donner une certaine
loi au Non-Moi. Et ainsi, je serais arrivé aux théories de Kant, mais assurément pas là
où je voulais.
Il règne encore une grande confusion et il va falloir trouver le fil conducteur capable
de mettre de l’ordre dans ce labyrinthe.
1) La faculté de juger doit s’efforcer d’ ordonner un non-donné (quelque chose qui n'a
pas été reçu par la sensation, et qui n'a pas été non plus intuitionné). Combien peut-il
y avoir de cas ? Passons en revue les lois sous lesquelles la faculté de juger doit
théoriquement ordonner. Elle veut être, dans son ordre, indépendante du donné. Cela
ne peut vouloir dire que ceci : elle attend pour tout a donné, un certain b qui doit le
suivre, non pas conformément à une des lois catégoriques, mais conformément à la loi
de son effort. La faculté de juger a donc sa propre loi interne d'ordre (comme c'est le
cas pour la réceptivité et l'imagination), laquelle parvient à la conscience uniquement
parce que quelque chose qui est en adéquation avec elle est trouvé. Cela signifie qu'il
existe un certain ordre, dépendant uniquement du Moi pur qui s’efforce de produire le
Moi dans le Non-Moi, (il ne peut pas, ne doit pas le produire, mais il s’efforce de le
faire) ; si quelque chose convenant à cet ordre est donné, alors la faculté de juger sera
satisfaite.
2) Quelle peut être cette loi originaire de la faculté de juger ? La finalité de cet effort
en général est de rendre le Non-Moi dépendant du Moi. Même la série (à savoir non
pas la série déterminée a priori, mais la série contingente) doit être dépendante du
Moi. Quelle est donc cette série que prescrirait le Moi ? Je crois que ce serait une série
qui n'en serait pas : il s’agirait, en posant la série, de s’éloigner de toute contrainte
externe. Il faut que l'accident puisse être pensé comme substance,
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et inversement que la cause puisse être pensée comme effet, et inversement que la
relation d’'action réciproque puisse être pensée comme non relation de réciprocité. Ce
qui vient du Non-Moi est précisément cette contrainte du jugement, et cette contrainte
doit disparaître. Le Moi est spontanéité absolue et la spontanéité veut poser chaque
membre à sa guise.(NB. Il n'est encore question que de l'effort à pouvoir juger d'une
certaine manière le Non-Moi. Quelque chose doit quand même être donné, mais sa
place ne doit pas être donnée ; elle doit dépendre de la spontanéité). Ah, si nous
pouvions ramener la loi de l'effort à une formule établie ! Ces lois catégoriques
doivent être, car elles sont l'égoïté de la faculté de juger ; mais il ne doit pas y avoir de
contrainte, au contraire la faculté de juger doit pouvoir les appliquer librement. Elle
doit pouvoir indiquer à chaque a, b, c la place qu'elle souhaite qu'ils occupent. Kant ne
fait s’appliquer cet effort qu'à la loi de la causalité. Je ne sais pas pourquoi.
L'entendement ne juge-t-il que par la loi de la causalité ?
3) Les catégories du nécessaire, possible, effectif, ne lui appartiennent-elles pas
également ? On ne dit rien de la chose dans un jugement qui s'y rapporte, mais on
parle uniquement du rapport de cette chose à la faculté de connaissance. L'effort
devrait donc viser à ce moment-là, à supprimer ce rapport en tant qu'il dépend du
Non-Moi. Mais cela n'a rien à faire ici. Existe t-il un rapport précisément déterminé
entre les choses ?
4) Trouve seulement une formule unique ! La finalité visée par l'effort de la faculté de
juger est de poser les choses au sein des catégories de substantialité, de causalité,
d'action réciproque, puis ensuite de les poser, au sein ces catégories, comme substance
ou comme accident, etc. Ce avec quoi, elle pourrait commencer tout ceci, correspond
effectivement à cet effort. Plus une chose est proche de l'effort, plus elle lui
correspond.
5) Nous pouvons alors différencier ce genre d'objets de l'ordre premier là où la
confusion entre corrélats des catégories, est elle-même possible, et les objets de
l'ordre second là où la confusion entre les catégories est elle-même possible, lorsque
les objets de la dernière classe doivent apparaître.
6) Dans le premier ordre, il y a deux ou trois objets. Nous ne savons en fait pas si
l'action de réciprocité aimerait donner des corrélats là où le tout peut être une partie et
inversement, là où la partie peut à nouveau être le tout, ce qui, dans le temps, semble
toutefois se contredire.
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7) La substance et l'accident doivent pouvoir être permutés. d(a) A = S et B = Acc.
doit pouvoir également être A = Ac. de B et B = S de A. Comment est-ce possible ?
Quel concept surgit-il ici de cette combinaison ? C’est le concept infini, auquel rien
ne correspond tout à fait ; cela se comprend. Mais comment peut-on s'en approcher ?
Je peux penser B comme modifiable de la même manière que je pense A, et je peux
penser A comme modifiable de la même manière que je pense B. C'est contradictoire
en soi si je n'utilise pas pour ce faire d'autres termes. Prends le temps et prends le
concept ! Est-ce que je peux admettre deux séries temporelles comme pour la relation
d’action réciproque ? Puis-je admettre que, dans une série temporelle, quelque chose
soit durable puis modifiable dans l’autre et inversement ? Ou alors, prends le temps et
l'espace, c'est encore plus compréhensible (peut-être !). Nous avons déduit
précédemment quelque chose d'analogue pour le sublime. Nous obtiendrions alors un
passage.
Proposition : On ne peut pas penser quelque chose durable dans l'espace sans le
penser modifiable dans le temps, et on ne peut pas penser quelque chose de non
modifiable dans le temps sans le penser durable dans l'espace. Quelle sorte de chose
est-ce ? N’est pas à penser à partir du mouvement. Le mouvement est, comme on le
sait, un concept infini. On ne peut pas le concevoir comme a priori possible.* Ainsi
nous avons découvert ici aussi des choses singulières.
Un corps en mouvement dure dans le temps ; c'est le même corps dans l'espace, mais
là, il est modifiable, ** et inversement, il est, lorsqu’il se meut, modifiable dans le
temps parce qu'il est durable dans l'espace et qu'il conserve la même limitation. Cette
découverte serait des plus importante. Mais il suffit de démontrer que le mouvement
est infini pour la théorie, et de montrer comment effectivement dans la théorie, nous
ne l'avons rencontré nulle part.
Mais où sont ici la substance et l'accident, ainsi que la relation réciproque possible ?
Le corps en mouvement est accident d'un certain espace. Cet espace est à son tour,
accident du corps en tant qu'il est mû, car il n’est que par le mouvement. L'affaire est
très claire. Le mouvement est effectivement la première chose par laquelle la nature a
prise sur nous. Par conséquent, ce concept de la philosophie pratique n'est pas si
étranger qu'il y paraît au premier abord.
* A partir du mouvement, de la finalité de la nature et du produit organisé de la
nature.
** Concept de mouvement.
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Ce concept est le premier à apporter la vie, analogon de la liberté, dans la nature.
a) Le mouvement est effectivement un concept empirique ; on ne peut pas savoir a
priori que le mouvement sera ce qu'il sera.
b) Porte-t-il déjà en soi des traces de son infinité ? Par exemple, le rond est également
un concept infini, rien ne lui est analogue, rien en lui est opposé. Je crois que le rond
n'est pensable qu'en fonction du mouvement. La ligne ronde naît par un mouvement
aux limites de l'espace infini. Le Moi, le point, se meut, cependant il ne se meut
jamais comme il le veut, mais toujours comme il ne le veut pas. c) On a la mécanique
qui est la science du mouvement. Certes, elle n'est pas pure a priori mais elle est
quand même, une science. d) Le concept du mouvement est un concept pratique ; on
ne peut pas le penser sans une certaine vim locomotivam, qui est le contraire de vis
inertiae de la matière ; le concept indique un primum motorem, etc.
Comment et par quel biais voit-on que, par le concept du mouvement, on a satisfait un
effort du Moi ? En effet ce concept n'est pas intelligible a priori dans l'âme, mais il
accède à l'intelligibilité au moment où on fait l'expérience de quelque chose. C'est un
concept isolé. Il n’exprime pas un rapport des Non-Mois entre eux, ni un rapport à la
faculté de connaissance, il n'est pas non plus une qualité empirique qui serait
uniquement une modification de la sensation, comme le sont l’humide, le sec, le mou,
le dur, etc., mais il est quelque chose de tout à fait différent. C'est donc un concept
particulier qui annonce sa propre source? Le mouvement est-il un concept abstrait ?
Non, il ne l'est manifestement pas...*
8) La cause et l'effet doivent pouvoir être déplacés. A = cause et b = effet, doivent
pouvoir être également pensés sous la forme inverse : b comme cause et A comme
effet. La cause et l'effet se situent dans une série temporelle fixe. C'est évident que
ceci n'est possible non pas dans une, mais dans deux séries temporelles qui, elles
aussi, doivent être fixées de telle sorte qu'ait lieu dans l'une le premier rapport, et dans
l'autre le deuxième.
* Le système de la pratique susceptible d’en résulter, serait le suivant : 1)
mouvoir la matière. 2) la modifier selon des finalités, la modifier dans le temps,
la rendre autre que ce qu'elle était auparavant. D'une certaine manière 3) nous
l'approprier si bien qu'elle deviendrait une partie de nous-mêmes.
Si cela était appliqué au corps qui, par la sensation, nous est donné comme nous
appartenant, il en résulterait alors un effort à nous mouvoir ; cela serait autre
chose que d'être affecté : il s’agirait d’un être spontané effectif.
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Que devraient être ces deux sortes de séries temporelles ? Peut-être une série du
ressentir et une série de l'effort (car nous n'en avons pas d'autres) afin que A soit la
cause de B dans la série du ressentir, et que B soit la cause de A dans la série de
l'effort. Detur A. Si tu donnes à l'effort une causalité, le phénomène A sera alors son
effet (parce qu'un tel effet était la finalité de l'effort), et si tu donnes de la causalité au
phénomène, l'effort sera alors effet de A. Par ce biais, l'effort a été présenté dans le
phénomène. Dans la série des sensations, le phénomène A est la cause, et l'effort est
l'effet ; dans la série surnaturelle, conformément à la postulat de l'effort, le phénomène
A est effet et la direction de l'effort est la cause. C'est le cas pour toutes les sensations
déduites de l'agréable et pour toutes les intuitions du beau.*
9) Quelle sorte de corrélat possède la catégorie de la relation d’action réciproque ?
Pour la forme, elle a l'espace qui réside en une limitation mutuelle dans l'espace.
Toutes les parties d'un tout sont continues et se limitent mutuellement ; le tout naît
d'elles. B est une partie de A et inversement, A est une partie de B. Est-ce possible
dans l'espace seul ? Non, ce n'est pas possible, par conséquent il faudrait y ajouter le
temps. Mais qu'est-ce qu'un tout dans le temps ? Le tout naît d’un achèvement
progressif. Au moment a, A n'est pas encore un tout ; il traverse les moments b, c, d,
et deviendra un tout peut-être seulement en e. (Comment puis-je le savoir ? Il manque
encore des parties qui devraient se trouver après toute disposition ** et qui sont
produites seulement à ces moments-là.
Il y aurait donc un certain tout (dans l’Idée) auquel s’efforcerait la faculté de juger. De
la même manière qu'une partie est donnée à la faculté de juger, de la même manière le
tout lui est donné (dans l'Idée) ; ainsi la partie au moment a, est le tout qui ne sera
produit qu'au moment e. (Dans cette série, la partie est ainsi égale au tout). Dans
l'espace, ce qui se manifeste au moment a n'est qu'une partie de ce qui se manifeste au
moment e.
* Cet effort est ici dans la chose elle-même (vid. la page suivante), sans doute il
faut accepter maintenant, un tel effort puisque nous avons déjà du mouvement
selon la première catégorie. C'est le concept kantien de finalité.
** D'où vient la disposition ? elle est justement dans l'effort de la faculté de
juger. A doit avoir cela et cela pour être un tout.
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Ici est le mouvement, c'est à dire la progression dans l'espace ; on peut confondre et la
cause et l'effet. Le tout est donc composé des deux parties précédentes comme il doit
l'être. Une petite plante est, selon la manière téléologique de juger, la même totalité
complète qu'une grande plante. (Selon la manière de juger mathématique, elle n'en
serait qu'une partie ; donc le tout est égal à la partie et la partie au tout). Par suite,
chaque partie, en tous ses points, est à nouveau un tout, par exemple chaque branche
est un tout. On peut dire que la branche est une partie de l'arbre. Peut-on dire en
revanche que l'arbre est une partie de la branche ? Oui, bien sur ! L'arbre est une
partie de la branche, c'est bien là de la sophistiquerie. On peut tout aussi bien dire : la
plage est une partie du sable. Non car le fait que la plage soit composé de sable, est
contingent, alors que le fait que l'arbre soit composé de branches, est nécessaire. Ce
genre de choses sont des produits organisés de la nature.
Note a': Ces déductions ne sont pas à négliger. Grâce à elles, on apporte à la nature
morte, vie, causalité et effort. Avant la philosophie théorique, la nature était moles
iners ; avec la philosophie pratique, elle reçoit l'activité.
Note a": Il semble que cela fonctionne ici comme précédemment dans la philosophie
théorique. Ce qui, au début de l'observation, était uniquement dans le Moi, à savoir
l'espace, le temps, la réalité, a été transféré plus tard au Non-Moi ; il en est de même
avec l'effort. Dans la réceptivité de la sensation et dans la spontanéité de
l'imagination, l'effort était encore uniquement en nous. La faculté de juger l'a transféré
à quelque chose à l'extérieur de nous. Cet effort pourrait alors se définir d'une
manière générale ainsi : c'est un effort à réaliser un effort à l'extérieur de soi.
Note b': Mais puisque, dans la théorie, c'est l'imagination qui réalise en premier la
matière, alors dans la partie pratique, cela devrait être également elle qui cherche à
réaliser d'abord l'effort à l'intérieur de soi. Le sublime nous donnerait, pour ce faire, la
plus belle transition ; car effectivement, il semble que dans cette partie, il y ait déjà un
effort de la nature. Les catégories actuelles de l'effort de la faculté de juger, ne
seraient que des modes de l'effort général à réaliser un effort, à l'extérieur de nous.
b": C'est ce que je cherche, à savoir les affections et les passions de l'entendement :
l'opinion, la vanité, l'amour de la vérité ; le désir d'étendre la vérité, etc. se trouvent
bien dans l'effort qui vise une causalité de l'effort, à l'extérieur de nous ;
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par exemple de cette manière : nous avons d’abord une nature inintelligente ; il s'y
ajoutera un effort, un effort pour agir sur cette nature inintelligente, au moyen de notre
effort (car avant cet effort, l'homme n’est bon que parce qu’il reste totalement passif) ;
il attend d’abord une satisfaction totale de son effort sur la nature, puis de son autre
effort pour découvrir d'autres essences douées du même effort, et enfin encore de cet
autre effort, son effort à se soumettre et à se rendre dépendant. Et c'est ainsi que nous
aurions les prémisses du droit naturel suivant :
Note a'": Il est déjà presque clair que cette partie de la philosophie n'est pas la
véritable partie morale, pratique, mais qu'elle est la partie pratique uniquement
matérielle et qu'il y aura encore une troisième partie morale qui ordonnera l'effort une
nouvelle fois et qui transformera tout ce qui n'est actuellement que tendance, en un
droit.
Note b'" : Quelque chose n'est-il pas réalisé également dans ces catégories, c’est-àdire réalisé par un effort pur, et non pas par une loi, comme furent fixés
précédemment, dans le théorique, la sensibilité, le temps et l'espace. Voyons ! Qu'est
ce qui pourrait devoir être fixé dans la première catégorie du mouvement ? A
proprement parler, le Moi qui s’efforce ne fixe pas, mais au contraire il perturbe.
Cependant de cette perturbation naît un produit qui est, alors, assurément fixé. Dans la
première catégorie, temps et matière sont perturbés. Ne peut-il rien résulter de toute
cette étude ? La question pourrait à tout le moins être celle-ci : quel est l'idéal de cet
effort ? Précédemment nous étions, de la même manière, contraints de découvrir un
idéal de tous côtés. Comment trouve-t-on un tel idéal ? En donnant une véritable
causalité à l'effort du Moi. Or, ici, dans la mesure où la dernière catégorie nous donne
le corps organisé, qui unit en soi deux catégories, celle du mouvement et celle de la
finalité, on pourra dire que l'effort vise à organiser par nous-mêmes la matière que
nous produisons nous-mêmes à l'état brut, dans les efforts inférieurs. C'est ce que
j'appelle 'former' dans le droit naturel. L'idéal serait donc celui-ci : une matière
communément organisée ; l'univers entier doit être un tout organisé, et chaque petite
partie de cet univers doit être également un tout organisé faisant nécessairement partie
de cet autre tout. Le mouvement est par conséquent subordonné ; il doit être dans la
mesure où il est possible pour aider l'organisation.
La démonstration serait jusqu'à présent tout à fait cohérente. Mais peut-on présenter
une expression de cet effort, comme effort ? Comment devrait-elle être pour que nous
rapportions tout à des finalités, pour que nous soyons enclins à juger toute chose
comme liée par des intentions, (par un effort).
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Et celle-ci se montre en effet dans notre effort à trouver un univers téléologique. 1)
Dans le temps, il s'agit de trouver un plan raisonnable dans l'histoire du genre
humain. 2) Dans l'espace, il s’agit de trouver ce plan dans la construction du monde.
Ne devrait-il pas y avoir également un troisième membre ? N.1. indique la deuxième
catégorie et N.2., indique la troisième catégorie. La première aussi n'a-t-elle pas,
également, un idéal de ce genre ? Quelque chose qui soit complet, qui soit substance
et accident, de telle sorte que l'univers soit la substance et en même temps l'accident
de soi-même.
Réexamine une dernière fois si la première catégorie a de nouveau été admise
correctement par le "mouvement". Un A doit être considéré comme la substance de
soi, et comme l'accident de soi ; cela n'est pas possible dans une manière de
considérer unique ; il doit donc y en avoir deux. J'ai essayé de le faire avec la matière
et l'espace. Comment disais-je ? Dans la matière, la substance est ce qui est durable,
et l'accident ce qui est modifiable. Dans une considération théorique pure, ces choses
sont nettement séparées. Même si tu admettais l'effort comme autre membre, que
pourrais-tu en faire ? Ce serait quelque chose comme ça en tant que l'effort doit être
durable, la matière est modifiable, (par conséquent, la modificabilité de la matière
serait un objet de l'effort) et en tant que la matière doit être durable, l'effort est
modifiable. (Que signifie : l'effort est modifiable ? Cela signifie qu'il prend et obtient
une nouvelle direction, ou bien qu'il devient dépendant.)
N.1. L'effort ne doit pas être dans le Moi mais dans la matière elle-même. Si c'était le
cas, alors la matière serait substance, et l'effort serait son accident. Mais si de nouveau
il y avait un effort nécessaire, essentiel, alors l'effort serait à nouveau substance; et si
l'effort se trouvait précisément dans ce qui est matériel, il serait un accident. Je
devrais lier l'effort nécessairement à la matière en soi et je devrais lier la matière en
soi nécessairement à l'effort.* Ah, si seulement le concept de la substance
m'apparaissait plus clairement ! Cependant je crois pouvoir l'obtenir par la relation
nécessaire. Mais de quelle sorte de relation parlons-nous ? Nous ne parlons pas de la
relation de la série dans le temps, ni de la relation de simultanéité, mais nous parlons
de la relation de la sensibilité à la matière qui affecte la réceptivité : donc il s’agirait
de quelque chose dans l'espace. C'est donc un effort qui doit être nécessairement dans
l'espace, et auquel appartient nécessairement un espace, à savoir, l'espace rempli,
* Par là précisément, le concept se fait cercle, infini, ce qu'il doit être de toutes
manières
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en tant que tel, l'effort serait par conséquent, accident de ce qui remplit l'espace
Q.E.P. Dès lors, ce qui remplit l'espace, doit être à nouveau accident de l'effort, c'est à
dire que je ne dois pas pouvoir l'expliquer, l'admettre, autrement qu'en tant qu'il
s’efforce. Il faut seulement que je relie nécessairement au mouvement, quelque chose
qui doit être, dans le même espace, a = a, mais qui ne doit cependant pas l'être aux
moments a, b, c. Ne puis-je pas penser le mouvement sans penser quelque chose qui
se meut ? Par exemple, je peux a priori, faire avancer un point dans l'espace.* Bien !
Cependant il doit y avoir quelque chose dans l'espace. Le mouvement n'est possible
que dans l'espace, et il est, en tant que tel, un accident de l'espace. Puis-je dire
inversement que l'espace est un accident du mouvement ? L'espace déterminé, limité
dans lequel évolue le mouvement, l'est certainement. En effet, le fait que le
mouvement intervienne dans cette ligne-ci ou cette autre-là, à l'intérieur de cette
limite-ci ou de cette limite-là, est un accident et le champ d'action est limité par cela.
Mais il y a encore deux termes : dans le premier cas, c'est l'espace en général, dans le
deuxième, le champ d'action. Mais je peux et je dois même admettre le champ
d'action, l'espace déterminé, lors d'un mouvement déterminé. Par conséquent, le
mouvement est aussi un accident du champ d'action. Cela ne modifie rien en lui. Il est
et reste le même : le champ d’action est durable à l'exception du mouvement en lui.
Prends l'espace, je ne parle pas du champ d'action, mais de l'espace rempli, de l'espace
que le corps en mouvement remplit. Il reste exactement le même, aucun mouvement
ou quoique ce soit d'autre n'a lieu en lui. Si on considère cet espace seul, il n'y a en
effet aucun mouvement. Pour découvrir du mouvement, il faut y intégrer l'espace
limitrophe. Mais l'espace limitrophe demeure t-il le même ? Non, en lui naît du
mouvement, car l'air, par exemple, en est chassé. Lorsque dans le champ d'action A, la
bille B se trouve dans l'espace occupé par la bille x, il n'y a pas d'air à cet endroit.
Aussitôt qu'elle se déplace vers y, l'air sort de y, entre en x jusqu'à ce que la bille soit
totalement en y et que tout l'air d'y se soit déplacé vers x, etc. Le champ d'action (en
faisant abstraction de tout le reste) reste par conséquent rempli des mêmes objets,
seulement ils ne sont pas dans la même série.
* Avec le déplacement du point décrivant la ligne, cela se présente ainsi. Je mène
le point qui est en moi jusqu’à tracer une ligne et vois si il y a là une continuité.
A vrai dire, toutes les lignes sont des lignes droites.
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La série dans l'espace se modifie et c'est au changement de la série que l'on reconnaît
en réalité le mouvement et que l’on sait de quoi il est composé. Là où tout reste dans
la même série, rien ne se meut. Dans le champ d'action, il doit y avoir :1) une série
durable à l’aune de laquelle on mesure, pour ainsi dire, le mouvement, c'est la mesure
du mouvement. 2) Il doit y avoir également une série qui se modifie, c'est le point du
mouvement. NB. La série durable n'est pas le champ d'action ; seule la série
modifiable l'est. Je dois considérer néanmoins cette série modifiable également
comme non-modifiable, (par la série non-modifiable la limitant), pour percevoir un
mouvement en train de se faire, c'est à dire, que précédemment, j'ai dû accepter
comme durable l'espace de la bille x et y, car autrement, je n'aurais pas pu démontrer
le mouvement. Par conséquent, le remplissement de l'air est accident de x, y.
L'essence du mouvement consiste justement dans la modificabilité, et dans sa
continuité ; par conséquent x, y, sont de nouveau des accidents de la bille ou de l'air.
Et c'est bien ce que nous voulions !
NB. Ce rapport particulier entre la substance et l'accident, et inversement, semble
caractériser plus souvent le mouvement. On peut exprimer cette tâche par la formule :
trouver un accident qui puisse se lier uniquement à un X qui est sa substance, et
réciproquement trouver une substance qui puisse se lier uniquement à cet accident.
Cela donne un flux, qui ne comprend rien de stable, qui n'a rien à quoi on pourrait le
rattacher et qui doit chercher en dehors de lui, ce quelque chose de stable. Et le
mouvement, considéré en soi-même, est sans conteste, quelque chose de ce genre ; ce
qui est sans grande difficulté.
Cependant notre déduction, même si elle n'est pas encore tout à fait claire, est
sûrement exacte si on ne se soucie pas des indications annexes.
Dans un corollaire, il faut montrer que le concept du mouvement est
incompréhensible pour la philosophie théorique et que les querelles des Anciens à son
sujet doivent être mentionnées. Diogène le Cynique, parce qu’il obéissait très
scrupuleusement aux tendances de l'esprit humain, qu'il les respectait, réfutait,
naturellement, toujours les arguments, lorsqu'on le contredisait, de la manière dont il
faut réfuter, c'est à dire en faisant état de l'expérience.
Ici se présente la vis centrifuge des corps, la vis loco motiva, la théorie de l'attraction
de Newton, théories qui toutes sont pleinement en adéquation avec notre système de
l'effort de l'esprit humain.
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NB. C'est bien de le remarquer. Ici, il n'est pas du tout question du mouvement
produit par des causes externes, mais de celui produit par la tendance interne des
corps. Le premier ne peut être pensé sans le second.
Il ne serait pas inutile d'expliquer un peu plus les deux points qui restent.
Donc concernant la deuxième catégorie :
La faculté de juger théorique doit considérer b suivant a dans le temps nécessairement
comme effet, et elle doit considérer a comme cause. * Il s'ensuit un effort pour
inverser cela, c’est-à-dire pour penser b comme cause et a comme effet. Comment estce possible ? Dans la série temporelle exclusivement sensible, ce n'est pas possible.**
Par conséquent, on devrait s'aider d'une autre série et aussi d'un effort. Avant toutes
choses, pose a et b dans le même temps ! Mais qu'est ce que cela signifie et dans
quelle mesure est-ce possible ? Par exemple : lorsque le soleil apparaît, tout s'éclaire
exactement au même instant. Mais pourquoi est-ce que je considère le soleil comme
cause de la clarté et non pas la clarté comme cause de l'apparition du soleil ? Il faut
répondre à cette question d'une manière évidente.
* Dans la première catégorie : La raison théorique doit nécessairement lier tout
ce qui est modifiable à quelque chose de durable qui se modifie. Un effort naît
alors pour inverser cela, pour lier quelque chose de durable à quelque chose de
modifiable et inversement, etc. , cela se faisant, de surcroît librement. Nous avons
oublié ce point dans la déduction précédente. Je peux considérer chaque chose
qui est en mouvement comme étant également immobile, et je dois le faire. Je
dois également pouvoir le penser comme étant en repos, autrement il n'y a pas de
mouvement. Je peux et je dois penser ce qui est au repos comme mobile et
tendant à se mouvoir. La vis centrifuga.
** Cela, éclaire, en même temps et à nouveau, la proposition de la causalité. Il
serait donc bon d'examiner la connaissance et les catégories de l'effort au même
moment et l’une à côté de l’autre. Le fait de le faire pourrait peut-être augmenter
grandement l'évidence et la précision de notre travail.
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Bon. Néanmoins s'il n'y avait rien d'autre qui éclaire que le soleil, on ne saurait pas si
c'est le soleil qui est la cause de la clarté ou si c'est la clarté qui est la cause du soleil.
C'est exact !
Le soleil n'est donc pas perçu effectivement comme clarté, mais est plutôt posé par la
faculté de juger, non pas dans le temps, mais selon la puissance. Mais que signifie ici
le mot 'plutôt' ? (Cette étude pourrait très facilement éclairer le principe de causalité.
C'est un rapport du conditionné à la condition, (cause = condition, effet =
conditionné), mais il y a davantage que ce rapport : c'est ce qui est commun aux
catégories de la relation. Par quoi se différencie à présent ce rapport du conditionné à
la condition par rapport à celui de l'accident à la substance ? Dans le premier cas, il y
a une matière durable qui est formée, c'est à dire on a quelque chose de sensible (tout
simplement quelque chose de sensible, une matière pure), qui se forme au moment de
l'intuition ; chaque accident est une intuition. La matière en soi n'est nullement
quelque chose de ressenti, mais uniquement quelque chose de sensible qui doit être
ressenti uniquement comme accident.
(C'est ici seulement qu'intervient la preuve de Reinhold, concernant 'l'être donné' de
la matière). Les deux sont ici un ressenti effectif, c'est à dire non pas une matière pure,
mais une matière déjà formée. Comment ces sensations isolées en soi peuvent être
rattachées l'une à l'autre ? L'une doit-elle être la condition de l'autre ? Comment
comprendre cela ? Cette sensation ne serait pas si l'autre n'était pas. a est la
modification de la matière, b aussi. La matière doit être modifiée en a si elle veut
l'être en b. Mais la condition temporelle est et elle continuera à être. Une série de
modifications de la substance est établie et est acceptée comme telle, a,b,c, etc. C'est
la réalisation nécessaire à cette catégorie ; les modifications suivent une règle, a doit
être, autrement b ne peut pas être à son tour, etc. La détermination temporelle est et
continuera à être. Avec une causalité telle que la causalité du soleil et de la clarté,
l'intervalle du temps n'est pas perçu à cause de la faiblesse de nos organes sensoriels,
mais il est néanmoins nécessairement posé.
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Jusque là, cela est exact. Mais une question demeure : comment, en pareil cas,
arriverons-nous à compléter l'intervalle que nous n'avons pas perçu ? (On ne doit pas
prendre l'exemple de la lumière artificielle, car nous arriverions alors directement à la
considération relative à la finalité). L'expérience nous enseigne la chose suivante :
nous rencontrons également b dans d'autres séries sans qu'il ne soit précédé de a. Par
exemple, il suit x ou y. Par conséquent, b en général, ne suit ni a, ni x ou y,
conformément à la règle, mais il suit un z quelconque = a x et y. ( L'affaire doit être
déduite ainsi afin de démontrer la validité de ce fondement, et c'est également ainsi
que le physicien mène ses recherches.) Ce z inconnu est toujours devant,
conformément à la règle, et ainsi la proposition de la causalité reste-t-elle la fixation
de la série temporelle.*
A présent, admets qu'un a et un b se succèdent toujours (dans d'autres séries bien sûr)
! La question de savoir si c'est a qui est la cause de b ou bien si c'est l'inverse, sera
indéterminée. Tu désires passer outre cette question : comment le Moi peut-il
différencier les deux sensations, comment peut-il empêcher qu'elles ne fusionnent en
une seule ? La vue du soleil et la clarté par exemple ne seraient-elles pas une
sensation unique s'il n'y avait que le soleil qui éclairait ? Je pourrais me trouver dans
une pièce et ne pas voir l'astre solaire et cependant je verrais la clarté. J'en conclurais
certainement que le soleil brille, mais ce n'est pas pour cette raison que je verrais le
soleil et que je le percevrais immédiatement. Mais si ! Je peux même le percevoir.
* Par notre effort de jugement, nous aurions maintenant réalisé un effort de la
nature non-sensible, nature en mouvement en dehors de nous, soit : une finalité
(dans le temps et l'espace) et une organisation (avec la réunion du temps et de
l'espace). La sensation ne se tend elle pas à se réaliser chez les animaux et enfin
l'entendement et la raison chez des êtres qui sont nos semblables ? Ceci pourrait
très se passer au sein des catégories : selon la possibilité (pour les êtres humains),
l'effectivité (pour les animaux), et la nécessité (pour la divinité). Nous verrons !
Mais qu'en sera-t-il de notre causalité vers cet effort, causalité que nous exigions
? Faudra-t-il la repousser jusqu'à la troisième partie ? C'est bien possible. Nous
sommes ici encore demeurés dogmatiques. Notre existence n'est certes plus dans
une nature inerte mais elle se trouve toujours isolée.
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Prends un autre exemple ! J'entends une cloche sonner. Je perçois la cloche en réalité
par l'ouïe, je pourrais la percevoir par la vue si j'étais en sa présence et si je voyais le
battant frapper les parois de la cloche. Mais dans le cas du soleil, les deux perceptions
viennent du même sens. Où est la différence ici ? Prends un autre exemple où le
même sens intervient ! Il n'y en a presque pas d'exemple. Le sentiment sourd d'une
douleur interne, peut-être ? Non. L'astre solaire a un contour déterminé. On n'a pas
besoin d'y réfléchir beaucoup plus. Ils ‘agit d’une autre sensation, c'est manifeste.
C'est la même chose avec la chaleur du poêle. La clarté serait et resterait l'effet ; c'est
précisément pourquoi une autre sensation, la vue du contour du soleil est possible.
Dans a et b, il ne devrait pas y avoir deux sortes de ressentir en soi ; mais elles le sont.
Cela nous ouvre d’intéressantes perspectives.
Le problème se présente ainsi : a = un effort. b = un effet. a doit assurément avoir une
cause, mais elle ne se voit pas. A présent, l'effet b apparaît seulement s'il n'est pas
utilisé dans une autre série. b fait partie d'une certaine série, conformément à une
certaine loi laquelle n'est cependant pas sa cause effective ; en revanche, a, provenant
d'une tout autre série, (à savoir de la série temporelle), est cause. Faisant abstraction
de la cause de a, on ne peut donner, à a, aucune autre cause que son effet b lui-même.
Donnons des exemples : 1) l'équilibre des corps fluides. Tu puises à la surface de l'eau
A, à l'endroit b, un seau d'eau, toute la surface de l'eau s'incline alors, et remplit à
nouveau b. L'inclinaison est, dans la série temporelle, la cause, et le remplissage est la
conséquence ; mais inversement, le remplissage est à nouveau, la finalité de
l'inclinaison. 2) Voir le fait de suppléer aux parties endommagées (auto-guérison)
chez des corps organisés. Tu enlèves l'écorce d'un arbre, son organisation interne la
lui restituera. (Le travail de l'arbre est cause, la nouvelle écorce est effet ;
inversement, l'écorce est également la finalité de ce travail et le travail est la
conséquence de cette finalité.
Il en est donc ainsi avec la catégorie de l'effort comme avec la catégorie théorique de
la causalité. Dans la première catégorie, il faut en général d'abord que quelque chose
de modifiable soit admis, et ensuite les modifications des modifications interviennent.
Dans la deuxième catégorie, nous avons pris d'abord le mouvement, la tendance au
mouvement comme quelque chose de durable dans nos corps ; de cette tendance au
mouvement résulte la tendance de cette tendance, c'est à dire une détermination plus
proche de la tendance, une loi qui impose sa direction à la tendance au mouvement
encore aveugle à ce moment-là, loi qui pose sa finalité.*
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Ainsi, la catégorie actuelle est à proprement parler la réalisation d'une loi pour la
tendance des corps à se mouvoir, de même que la catégorie théorique exposait
également une règle pour les modifications. C'est la recherche empirique qui, comme
c'était le cas avec la simple causalité, donne la loi ou les lois elles-mêmes.
A cet endroit, il est évident qu'il nous faut insister sur le fait que les différentes
considérations téléologiques ne sont pas simplement empiriques, mais qu'il doit y
avoir a priori en elles, quelque chose comme la manière de considérer en général, le
locus logique. La recherche d'un effort en général, à savoir la recherche d'un effort
légitime, existe a priori. Trouver ou ne pas trouver, -et également la loi particulière,
par exemple, le fait que la surface de l'eau soit horizontale, qu'un arbre doive avoir
une écorce, etc.- est empirique. C'est la même chose que dans le théorique. Le fait que
b doive suivre quelque chose selon une règle est a priori, mais le fait que ce quelque
chose soit justement le a déterminé, ne peut être rendu évident que par des
observations.
Au sujet de la troisième catégorie.
Dans la partie théorique, le remplissement de l'espace par des monades offrait une
série infinie de causes et d'effets et nous obligeait à admettre le concept d'une
efficacité universelle, pour penser ces diverses séries sous une catégorie unique. Ici
c'est précisément le cas. Lorsque tout l'espace est rempli de corps qui possèdent une
tendance à la mobilité (Regungstrieb) ainsi que la loi matérielle déterminée pour cette
tendance, et lorsque, en plus, cette tendance à la mobilité vise le mouvement, alors,
tout ce que nous avons déduit jusqu'à présent, est dépassé. Un effort et une loi
dépasseraient et anéantiraient l'effet de l'autre si on ne voulait admettre que tous
s'harmonisent, en vue d’un unique effet, et ce dans une finalité unique,
* C'est la loi matérielle de la tendance, c'est à dire la loi qui lui impose sa finalité.
Au lieu du concept de Kant, nous avons donc, un effort qui est, dans une finalité
naturelle, posé comme fondement.
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bref, qu'il y a pour les tendances et les lois de chaque tendance, une loi universelle
unique, une finalité universelle unique. En voici des exemples : 1) chaque corps
organisé où chaque partie agit pour former un tout.* 2) L'univers en général, qui est
considéré et qui peut être considéré d'une manière téléologique . (On ne doit
nullement admettre une détermination de la finalité par la liberté (d'une intelligence),
autrement la manière de juger ne sera pas pure. Au sujet de ce qu'écrit Voltaire : le
nez est fait pour porter des lunettes, le pied pour enfiler des bottes, pp. Sa remarque
est exacte, mais non celle de la destination des montagnes, des mers, etc. A ce sujet, il
faut relire Kant qui développe magistralement ce point-là.**
* En particulier, la semence, n'oubliera pas le grain ; de plus, le plaisir intime
que ces considérations garantissent, n'est pas oublié. Est-ce le beau, le sublime,
ou est-ce une sensation d'un tout autre genre ? Dans l'écriture, un exemple en est
donné lorsqu'une description est pathétique, émouvante. Sans doute, cela nous
conduira t-il à réviser les sources éternelles du plaisir.
** Kant cite le système de Blumenbach lequel présuppose la tendance à la culture
et l'acceptation de ce qui convient à chaque corps. Voir ci-après.
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NB. Même la matière inorganisée devient organe dans ce système, c'est à dire qu'elle
devient une partie d'un univers organisé. Il n'est pas encore question de l'origine de
cette finalité ni de chercher à savoir s'il y a eu un premier "moteur" (Beweger), un
entendement infini qui aurait calculé le mouvement. Nous devons chercher une telle
finalité conformément à l'effort de notre faculté de juger. Si nous la trouvons, nous
avons alors rempli notre tâche et nous n'avons plus rien à demander. Admettre la
raison dans la finalité de la nature signifie que nous renonçons à notre droit sur elle.
Car vestigia rationis nous rappelle qu'il faut toujours laisser les choses en l'état,
comme si elles étaient quelque chose dont nous ne pourrions pas disposer librement. Il
faudra que nous donnions plus tard un critère précis pour distinguer la finalité qui est
seulement finalité de la finalité effective.
Un univers organisé est l'idéal de cet effort. Nulle autre réunion des 3 catégories n'est
nécessaire. Elles sont réunies par elles-mêmes comme cela doit être.*
Conclusion de la déduction des catégories de la faculté de juger téléologique.
Voici une considération sur le chemin qui reste à parcourir. Nous aurions volontiers
donné une loi à la faculté de juger. Mais certaines choses nous échappent encore.
Nous avons jusqu'à présent appliqué la jugement téléologique à la nature hors de
nous. Notre propre corps, en tant qu'il est un tout organisé, appartient à cette nature
qui est hors de nous. Ne pourrions-nous pas appliquer la téléologie aussi à nousmêmes en tant que nous sommes des êtres désirants ? Par exemple, nous pourrions
l'appliquer à la tendance à rechercher l'agréable. Non. La tendance doit être dans le
Moi. Cependant, cette tendance n'a pas été expliquée et n'a pas pu l'être, et cela non
pas en tant qu'elle est formelle, car ici, la tendance sort pure du Moi, mais au contraire
en tant qu'elle est matérielle, en tant que quelque chose de déterminé et de matériel la
satisfait. Les médecins et les physiologues font ce genre de considérations
téléologiques. Si celles-ci étaient possibles, elles pourraient bien alors mener à
quelque chose. Par exemple, on admet que, lorsque le corps a besoin pour sa
conservation, d'alcali, un appétit pour des choses alcalines apparaît alors.** Mais n'ya-t-il pas ici une antinomie ? En effet, l'effort comme effort doit tout simplement venir
du Moi, de la nature qui s’efforce du Moi.
* pour l’heure, le tout a un fondement. Kant est également arrivé jusqu'à là.
** Déviation de l'instinct.
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Mais ici, ce qui est matériel dans l'appétit viendrait de l'organisation et on devrait par
conséquent accorder une nouvelle causalité au Non-Moi envers le Moi s’efforçant. On
pourrait facilement expliquer comment l'appétit selon sa matérialité, l'instinct même,
naît, comme on pourrait également expliquer comment l'arbre attire à soi une matière
et ce faisant comment se produit un arbre puis finalement une pomme, et pourquoi
l'épis de blé attire à lui la matière et la transforme en lui, et celle-ci produira le grain
de blé. Mais il y a là manifestement une différence, à savoir la différence entre la
simple matière organisée et la matière de la nature animale. En quoi consiste cette
différence ? Sans doute ne peut-on pas la déterminer a posteriori, mais il y a, au
contraire, un effort a priori, (un concept infini a priori) qui établit cette différence
caractéristique. Mais dans quelle faculté de l'âme, cet effort peut se rencontrer ?
Qu'est ce qui peut nous y conduire ? Dans la spontanéité de la réceptivité, nous avons
différencié un effort externe et un effort interne. Pourrions-nous admettre de la même
manière une organisation externe et une organisation interne dont la première
procèderait des corps organisés de la nature, et la deuxième, des corps d'animaux ?**
Nous avons déjà observé précédemment l'effort pour rencontrer, à l'extérieur de nous,
des êtres ressentant de la même manière que nous. Mais le seul but est qu'ils
ressentent de la même manière ; c'est toujours égoïste (bien que nous rencontrions des
inclinations sympathiques), ou c'est pour le moins, intéressé. L'amour, la
bienveillance nous font du bien à nous-mêmes. Bref, il est question ici de la sensation
pure. S'il reste la sensation, la matière, un effort peut alors apparaître, effort pour
découvrir une certaine forme dans ces sensations (indépendamment de l'accord avec
nous) ; un ordre peut apparaître, un ressentir qui suivent des règles, en nous et à
l'extérieur de nous. La première chose consisterait à découvrir cet ordre en nous, et
ensuite à le découvrir également dans l'être sensible à l'extérieur de nous, pour
l'harmoniser avec nous. Cela pourrait conduire à quelque chose.
* Cela pourrait bien nous conduire à la nature animale et nous apprendre ce
qu'il est raisonnable de penser des animaux.
** Mais ces études sont provisoires.***
*** C'est grave que je ne puisse jamais avancer dans cette voie d'une manière
systématique, mais que je décide toujours par avance ce que je veux trouver.
Cela est source d'erreur. Mais cette voie est trop à part, trop sauvage.
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L'effort qui est à étudier ici aurait par conséquent son siège dans la faculté de juger et
la différence entre l'étude qui va suivre et celle qui précède, réside dans le fait
qu'auparavant, la matière de l'effort de jugement était ce qui avait été admis en soi
pour la théorie. (La philosophie théorique ne connaît que la matière ; tout ce qui est en
dehors d'elle, est matière et rien de plus. Cela a été montré dans les "introductions à
ma doctrine de l’être. Il a été montré que la philosophie jusqu'à présent critique n'est
que le commencement, prolégomènes d'une philosophie future, qu'il y a une doctrine
des lignes droites et qu'il n'y en a aucune des lignes courbes (Théorie de la courbe).
Mais ici, la matière est déjà quelque chose de produit par l'effort lui-même, elle ne se
trouve donc dans aucune théorie.
Dès lors ceci ouvre un ordre, mais c'est de nouveau un vaste champ, sans limite
visible ; sans doute le beau et le sublime s'y montreront-ils une fois de plus.
Chaque effort tend à trouver une loi théorique, une condition et aussi des choses qui
font dépendre le Moi du Non-Moi. Par conséquent, il faudrait que la faculté de juger
ait une loi selon laquelle elle serait obligée de juger les sensations et elle devrait
s’efforce (tende à) à cette loi, et elle devrait s’efforcer à introduire une autre manière
de juger, peut-être téléologique.
Quelle est donc cette loi ? Est-ce la loi des catégories théoriques ou est-ce une autre
loi ? La réponse n'est pas facile à donner. Prenons comme exemple la substance et
l'accident. Cela se passerait ainsi : il y aurait là de la matière qui affecterait
durablement, agréablement ou désagréablement. Non, ce n'est pas ainsi : l'effort *
d'après l'agréable, est posé comme durable,
* Quelques mots sur la genèse de la considération précédente. La semence a une
tendance à la mobilité selon des lois de la finalité de l'organisation. Cette
tendance se trouve retenue. En effet, la semence est mure, elle a atteint sa
perfection, elle est entièrement organisée. Elle est là pour mourir (pour la mort).
Pour agir à nouveau, elle doit être blessée, détruite. C'est ce qui éveille sa
tendance et la travaille jusqu'à la réalisation pleine et entière de sa finalité ;
L'organisation a une fin à atteindre. La tige du blé n'est pas comprise dans la
graine, en revanche la tendance (le spirituel en elle) transforme la matière
inorganisée selon la loi de sa formation, pour produire la tige du blé qui sera le
moyen de produire les grains de blé. Avec le mûrissement de la semence, sa
finalité est accomplie et la tige recommence le cycle précédent. Dans des climats
plus doux, cette tendance est toujours en action. Imagine un oranger qui porte au
même moment, des fleurs et des fruits verts, des fruits mûrissant et des fruits
mûrs. Il fait tomber les fruits mûrs, les éparpille autour de lui,
260
il a sa loi. Mais les modifications particulières de l'effort sont accidentelles,*
ingénieuses, mais non systématiques. A partir de maintenant, il faut avancer d'une
manière systématique.
Qu'est-ce pousse la faculté de juger à ordonner les sensations ? Est-ce déjà la fonction
théorique comme il est dit dans "l'essai sur la critique de toute révélation", ou est-ce
déjà un effort ? Il serait plus avantageux que ce soit le premier cas, et que l'effort
n'apparaisse que maintenant. Mais alors nous aurions ici une partie de la philosophie
théorique. Non, précédemment, nous avons abstrait à partir de tout le contenu du
jugement.
un oranger donc en lequel est la vie et le mouvement, la perpétuation éternelle de
la vie et du mouvement. Imagine toute une superficie recouverte de ce printemps
éternel, habitée de cette vie-là, de cet effort-là (Goethe en a parlé quelque part, je
crois que c'est dans "Werther"), l'accomplissement, la mort pour renaître. Dans
le fruit, c'est également le fruit qui est le moyen, la graine enfermée en lui mûrit,
cette petite graine, finalité de tous ces préparatifs. Quand il est achevé, il tombe,
son enveloppe se putréfie, lui-même se putréfie pour refleurir de plus belle.
Appliqué au globe terrestre, -et qui nous empêchera de le considérer lui aussi
comme un grand produit organisé qui travaille, travaille à son achèvement et qui
tombera lorsqu'il sera mûr- ? Cette hypothèse n'explique-t-elle pas d'une
manière extraordinaire l'origine des plantes et des animaux sur cette terre ; elle
engendra et sa matrice se referma parce qu'elle avait engendré ; il ne répète pas
ce qui s'est déjà passé. Qui sait à travers quels perfectionnements chaque chose
doit passer et cela nécessairement ? Dans cette chaîne, l'homme est un maillon
soumis à la loi d'airain. Il est un moyen et rien de plus. Dans quelle mesure est-il
également une finalité, c'est ce que nous allons montrer. Qu'en est-il de la
reproduction des animaux ? Nous y viendrons aussi. L'homme également est
fané dès qu'il a atteint sa maturité, comme la graine de semence morte. Ce qui ne
croît plus, est mort.
* Nous arriverions ici aussi à la non-universalité du goût des sens, déduite par
Kant et aussi au postulat de l'universalité du goût pris au beau et au sublime.
Manifestement, un jugement précis est le fondement de ces postulats, même s'ils
ne viennent pas de concepts déduits, mais de concepts infinis.
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Si les règles du jugement sont les mêmes, alors ce n'est pas une nouvelle partie.
La matière de ce jugement, en tant qu'il est théorique, est exclusivement empirique.
En effet, bien que qu’on puisse trouver une loi a priori à l'effort de la réceptivité, cette
loi n’accède pas à la conscience comme loi donnée par quelque chose lui
correspondant dans l'expérience.
En tant que telles, les sensations (agréables ou désagréables) sont le système d'une
expérience, et une partie constitutive d'une expérience universelle plus accomplie.
Cela en fait-il simplement partie ? Cependant ce dernier point semble à peine possible
; il semble à peine possible de les mettre en harmonie avec le système expérimental
universel. Baumgarten, Mendelssohn ont essayé et d'autres élèves de Leibniz
également. Deux questions en résultent :
1) Dans quelle mesure un système basé sur des expériences peut-il être formé à partir
de sensations ? (A peu près comme on le suggère dans la critique des phénomènes).
2) Dans quelle mesure ce système (ou bien alors des sensations isolées) peut-il
s'harmoniser avec le système universel, basé sur l'expérience ? Si cette dernière
question devait avoir une réponse, alors on pourrait poser la question suivante :
comment un système téléologique peut-il s'harmoniser avec le mécanisme pur,
question à laquelle Kant a également cherché une réponse. Cette question n'a pas sa
place dans une troisième partie. Cette question en outre n'apparaît pas du tout dans
mon système puisque tout le jugement téléologique se fonde sur un effort de la faculté
de juger, lequel doit récuser le jugement théorique et doit le faire obligatoirement
parce qu’il s’efforce de le faire disparaître complètement. * Dans l’idéal, dans
l’univers organisé,
* Soit dit en passant : que puis-je dire pour un oiseau ou tout autre animal si je le
considère uniquement comme produit de la nature organisé ? Il y a
manifestement beaucoup de choses qui ne servent pas à la perpétuation pure (à
la semence). Mais il faut expliquer d'abord la finalité animale. Et alors tout
s'éclairera. La finalité de la plante n'est que pure perpétuation (végétation), la
finalité de l'animal est la vie animale, c'est à dire la satisfaction de l'instinct. La
perpétuation devient pour cette raison, elle-même, instinct. L'homme est tout.
Nous reconnaissons dans cette manière de considérer une hiérarchie des valeurs.
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il n'y a pas de manière de juger mécanique, mais bien une manière de juger
téléologique. Mais n'en résultera-t-il pas précisément de la même manière, la nullité
de la question posée au N.2.? C'est ce nous verrons.
ad.1. Former un système basé sur l'expérience signifie synthétiser le divers sous
l'unité de la conscience. Il s'agit ici de l'unité de la conscience théorique, je crois. J'ai
eu auparavant la sensation a, j'ai maintenant la sensation b, je me souviens d'elle et je
compare (pour cela on a besoin de la mémoire dont il n'a pas encore été question).
C’est ce que doivent être les lois du jugement de comparaison, en quelque sorte selon
la quantité. Ce jugement est le premier et le plus simple. Un jugement peut-il avoir
lieu selon la relation lorsque on a des sensations ?
1) Il est clair dans le concept que le phénomène doit présenter l'effort. Mais l'effort est
déjà lui-même une relation ; il est exigence d'une causalité. Il est dés lors dans une
relation. Peut-on en faire quelque chose ? Il n'y a pas de causalité de la matière sur le
Moi ; cela contredit le concept exposé. Le concept de causalité pourrait par
conséquent être appliqué uniquement dans l'effort, dans le Moi qui s’efforce. L'effort
aurait une causalité sur l'effort et par là en aurait sur le Non-Moi. (En effet si par
exemple les corps organisés des animaux étaient poussés par leur instinct, des
animaux aquatiques se changeraient en animaux terrestres, etc., suivant l'évolution de
leur instinct et les transformations de leur race. On ne devrait pas dire que l'oiseau
vole parce qu'il est bâti pour cela, mais que l'oiseau a l'instinct de voler, qu’il est bâti
pour voler.
Cela rejoint ce qu'on a dit précédemment. Nous transférons à partir du Moi la réalité
au Non-Moi (par notre jugement théorique) ; dans cette partie de la philosophie,
nous transférons au Non-Moi le plus proche ; nous transférons l'effort en général (le
mouvement la fin, l'organisation) sur la matière morte, sur la matière sensible (par
exemple des animaux) ; nous transférerons une fois de plus quelque chose de nous.
* L'organisation : la finalité est la maturité en vue de la perpétuation de l'espèce.
L'instinct : la finalité est vie animale et la vie continuera toujours jusqu'à ce
qu'on atteigne la moralité. La conservation de soi est assurément la première loi
de l'être humain lorsqu'on commence à le considérer à partir de sa partie la plus
basse, à savoir en tant qu'il est végétatif, qu'il vit sa vie végétative. La mousse
partage avec lui cette tendance et une pareille morale ne dépasse pas le stade de
la mousse. Nous avons ici également une classification des sciences
philosophiques. L’ attraction et la doctrine du mouvement, la doctrine des
plantes
et
des
animaux,
etc.
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Mais qu'allons nous transférer ? Que connaissons-nous des animaux et que
transférons-nous ? * Nous devons déjà juger les animaux en tant qu'ils sont matière,
en tant qu’ils sont organisés. Mais pourquoi ne nous contentons-nous pas de ce
jugement et pourquoi ne considérons-nous pas par exemple, les abeilles construisant
des alvéoles, de la même manière que nous considérerions leurs alvéoles si elles
procédaient de la terre ? Si tel était le cas, nous attribuerions à ces alvéoles une
tendance à se former elles-mêmes ; nous attribuons bien à l'abeille une tendance
artistique. Avant tout l'hypothèse que la matière inorganisée puisse être formée par
quelque chose qui est située à l'extérieur d'elle, par quelque chose qui serait lui-même
organique, a sa place ici. Mais la difficulté réside dans le fait que la plante elle-même
organise la matière inorganisée. La différence est celle-ci : la plante organise la
matière en soi. Tu pourrais même dire qu'elle l'organise dans son Moi, car aussitôt
qu'un effort est admis, il n'est plus question ici de lieu pur. Déjà au premier moment
de l'effort, du mouvement, le lieu perd sa signification parce qu'il est modifié. (Voici
une nouvelle preuve que le mouvement est un concept d'effort parce que le lieu doit
être déterminé dans l'espace (pour tout ce qui doit être considéré exclusivement de
manière théorique). On pourrait également appeler l'effort transféré à la matière, le
Moi transféré. En effet le Moi consiste à se présenter lui-même. Il est ce qu'il est et
parce qu'il est ; il est aussi un produit organisé de la nature. A l'étape supérieure, le
Non-Moi transférerait pour le Moi, une causalité sur le Non-Moi et une loi de cette
causalité (la tendance artistique ou l'instinct). C'est ce que montre abondamment le
système.
Mais les principes ne sont-ils pas ici mélangés voire multipliés par deux ? Mais nous
avons trouvé un tout autre principe de jugement de l'organisation, à savoir l'effort à ne
pas être soumis aux différentes catégories de la relation. Cela pourrait bien se
rejoindre si on arrivait à montrer que dans le Moi, originairement, a bien également
lieu un tel échange des catégories. Mais l'affaire repose sur quelque chose d'autre, à
savoir celle-ci : quelle est donc la véritable finalité de cet effort déterminé ? C'est le
besoin vrai que l'effort veut satisfaire. La finalité de l'effort en général est de faire
dépendre le Non-Moi du Moi, c'est à dire, de n’admettre aucune modification du NonMoi et de transformer ce Non-Moi lui-même en Moi
* procéder uniquement discursivement.
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(Il ne s'agit pas ici de le transformer en Moi individuel comme c'est le cas dans les
sensations inférieures -et également dans les sensations supérieures où il est question
d'amour de la vérité, de tendance à communiquer) ; il s'agit de le transformer en Moi
en général. Soit dit en passant : dans tout système de transfert, le raisonnement selon
lequel il faut commencer par le transfert du Moi seul (sans le Non-Moi), comme on a
commencé dans la philosophie en général par le "je suis", et par lequel les étapes
intermédiaires sont obligatoirement franchis, comme cela se passe dans la philosophie
théorique, jusqu'à ce que nous soyons parvenus à nouveau au "je suis je" et que nous
ayons ainsi une Idée plus précise de ce que cela signifie, est tout à fait exact. En effet
le Moi ne peut pas faire autre chose que d'être représenté dans le Non-Moi. (Il en
résulte une nouvelle philosophie quasiment théorique parce qu'il y règne la faculté de
juger. Mais qu'est ce qu'on avait auparavant ? Nous avions des relations pures, un
sujet sans objet, c'est à dire quelque chose de purement subjectif. Ici c'est par l'effort
qu'un objet est réalisé. C'est tout à fait comme dans la philosophie théorique dans
laquelle aucun objet n'était réalisé à l'extérieur de nous, dans la sensation pure et
l'intuition. Maimon le met magnifiquement en évidence. Même la sensation théorique
et l'intuition sont quelque chose d'exclusivement subjectif où le Moi a un rapport
uniquement passif , alors qu'il a un rapport actif avec (bei) des sensations esthétiques.
Le raisonnement est ici toujours exact. Mais comment vais-je arriver, dans cette
partie, à transférer à partir du Moi, la présentation, l'effort, et comment suis-je arrivé à
transférer la réalité dans la partie précédente ? (La copula "est", la copula de chaque
jugement, a été transférée à partir du Moi ; ici, le "je" est transféré comme absolu.)*
* Fondement principal pour tous les sceptiques : Le Moi ne peut être représenté
que dans le Non-Moi. Comment pouvons-nous savoir ce qui est dans le Moi sans
transférer ses éléments à un Non-Moi ?
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Pour obtenir l’ unité de la conscience, je devais transférer avant tout l'unité du verbe
« être », qui vient du Moi. C'était la première chose certaine. Sans la copula 'est',
aucun jugement n'est possible en tant que jugement. C'est ainsi que j'y suis parvenu,
j’y suis parvenu par la contrainte, pour arriver à la finalité que je m'étais prescrite,
pour parvenir à l'unité de la conscience d'une intelligence. La finalité ici est à nouveau
l'unité, non pas l'unité de l'intelligence, mais l'unité de ce qui présente et de
l'intelligence. Ne pourrait-on pas énoncer cela plus intelligiblement en un mot ? Nous
avons admis comme membre intermédiaire un effort. Est-ce l'unité du Moi qui
s’efforce ? Mais que signifie ici l'unité ? Est-ce une unité théorique comme
précédemment, ou une unité qui fait effort ? L'unité qui fait effort serait l'unité de la
direction (ce qui, en réfléchissant, doit être également l'unité du concept ou bien
l'unité théorique). La direction consiste à faire Moi le Non-Moi ; ainsi la réalisation
abordée ici serait immédiatement le concept de l'effort lui-même et elle ne souffrirait
pour cette raison aucune objection possible. (Je peux dire au fond que la philosophie
théorique vise à garantir l'être au Non-Moi selon le premier postulat et la première
contradiction. C'est pourquoi même la réalisation théorique ne peut être abordée..
L'effort vise à avoir une causalité sur le Non-Moi. Mais il me vient la pensée suivante
: pourquoi applique-t-on justement la catégorie de la causalité et pas une autre ? Dans
la logique, il y a également le principe de raison, principe logique de causalité, et
aucun autre. C'est bien naturel. En effet la substantialité et l'action réciproque visent
toutes les deux à garantir le principe de causalité ; la première vise à le rendre possible
en soi, la deuxième à le rendre possible sous la condition de l'espace. Ce principe est
donc le véritable principe de toute relation avec un divers ; la substantialité n'est que
son support (elle offre un sujet). Avec la sensation et le beau, nous avons la causalité
uniquement en soi-même. Doit-elle maintenant sortir d'elle-même parce qu'un effort
est effectivement lié à un objet ?
Remarque importante : il semble que deux séries de l'enchaînement d'une philosophie
de l'effort ressortent effectivement ici : l'une qui est liée à la chaîne théorique comme
à son fil conducteur, l'autre qui, à partir de l’effort même, développe un même fil
conducteur,
sans
tenir
compte
de
la
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conséquence théorique, sans s'en soucier, qui donc suit ce fil. L'harmonie ne serait pas
seulement recherchée mais produirait une nouvelle évidence et conférerait de la
solidité au système. Cette dernière méthode est sans nul doute, la méthode qui
approfondit le mieux les choses, si toutefois cette méthode est possible. Il ne reste rien
alors de l'imagination, de la faculté de juger, etc. De la même manière que, dans la
philosophie théorique, le système a été construit à partir de la contradiction (du
Penser), de la même manière le système ici devrait se construire à partir du contreeffort du Non-Moi face à l'effort du Moi, qui devrait être développé en dernier.
Mais d'où vient ce contre-effort ? Peut-on le mettre en évidence autrement qu'à partir
de la théorie ? Peut-être n'a-t-il pas besoin d'être mis en évidence, il peut en effet être
admis seulement d'une manière hypothétique et être déduit à partir de l'hypothèse.
Fin de la Philosophie pratique vraisemblablement en février 1794. Fichte commence ses
cours à Iéna et l’enseignement de la Grundlage en Mai 1794
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