CHAPITRE 3
FONCTIONS ANALYTIQUES
Ce chapitre reprend les idées que Weierstrass développa en son temps : il consiste
simplement à voir les fonctions de variable complexe à travers leur représentation locale
en sommes de séries entières.
Une série entière est une série de fonctions de la forme Xanzn. Le lemme d’Abel
montre très simplement que le domaine de convergence d’une telle série est un disque
D(0, R) dont le rayon est donné par la formule de Hadamard R=1
lim sup |an|1
n
. Suivant
Weierstrass, une « bonne » fonction de variable complexe est une fonction f, définie sur
un ouvert Ude C, telle que, pour tout point zode U, il existe une série entière Xanznde
rayon de convergence R > 0 dont la somme centrée en zoest égale à fdans un voisinage
ouvert de z0, soit
f(z) =
+
X
n=0
an(zz0)n.(.0.1)
On appelle de telles fonctions des fonctions analytique sur U. Les fonctions usuelles,
comme l’exponentielle complexe, les fonctions trigonométriques et les fonctions hyperbo-
liques sont analytiques sur C. Plus généralement, on montre que la somme d’une série
entière définit une fonction analytique à l’intérieur de son disque de convergence. Ce ré-
sultat n’est pas une évidence : si l’on fixe un point zodu disque de convergence, on doit en
effet montrer que la somme de la série initiale s’exprime localement comme somme d’une
autre série centrée en z0, dont les coefficients diffèrent a priori de ceux de la première et
qu’il faut donc déterminer.
Les fonctions analytiques possèdent de remarquables propriétés, qui les distinguent
radicalement des fonctions de classe Cà deux variables réelles. Par exemple et non
des moindres, lorsque leur ouvert de définition Uest connexe, elles sont complètement
déterminées par leurs valeurs sur une partie de Ude la forme {zm, m N}, où (zm)mN
est une suite d’éléments de Uqui possède une valeur d’adhérence. C’est le théorème des
zéros isolés ou principe du prolongement analytique.
La notion de série entière est à la base de l’étude. Ce chapitre commence donc par
rappeler rapidement leurs principales propriétés avant de définir les fonctions analytiques
proprement dite c’est-à-dire développables en séries entières au voisinage de tout point.
L3 - Analyse Complexe Fabien PUCCI
62 Fonctions analytiques
I. Séries Entières
Ce premier paragraphe est un prolongement de l’étude des séries de fonctions page
28. Il s’attache à redémontrer rapidement les quelques propriétés importantes des séries
entières et propres à celles-ci qui nous seront utiles par la suite.
I.1 Disque de convergence
On appelle série entière de la variable zest toute de fonctions de la forme Xanzn
où (an)nNest une suite d’éléments de C.
On désignera par Dl’ensemble des nombres complexes zpour lesquels la série
Xanznest convergente. On l’appellera le domaine de convergence de la série
entière.
z∈ D, f(z) =
+
X
n=0
anzn.
Définition III.I.1.1.
Remarque: Dest non vide puisqu’il contient toujours 0.
Exemples: Un polynôme est un cas très particulier et sans intérêt de série entière. Par
contre, une série géométrique est le premier cas de série entière rencontré dans le cadre
des séries numériques. Plus précisément :
|z|<1,
+
X
n=0
zn=1
1z,
Le domaine de convergence est ici le disque ouvert de centre l’origine et de rayon 1. 1.
Soit Xanznune série entière et z0Ctel que la suite (anzn
0)nnsoit bornée.
Alors
1. zC,|z|<|z0|, la série Xanznest absolument convergente.
2. Pour tout rtel que 0 < r < |z0|, la série de fonctions Xanznest normalement
convergente.
Lemme III.I.1.2 (Lemme d’Abel).
Preuve: Soit Mun majorant de |anzn
0|. Les propriétés 1et 2découle de la majoration ci-dessous :
|anzn|6
z
z0
n
|anzn
0|6M
z
z0
n
,(I.1.2)
1. La convergence est même uniforme sur tout sous-ensemble fermé du disque
Fabien PUCCI L3 - Analyse Complexe
I.Séries Entières 63
où le dernier membre de l’inégalité (I.1.2) est le terme général d’une série géométrique conver-
gente.
Ce lemme simple montre quelle est la forme du domaine de définition de la série : c’est
un disque. L’assertion 2est une conséquence importante qui mérite d’être reformulée :
Si une série entière converge en un point z0alors elle converge alors normalement
sur tout le disque ouvert de centre Oet de rayon |z0|.
Corollaire III.I.1.3.
O
z0
|z0|
la série numérique X
nN
anzn
0
converge.
La série de fonctions X
nN
anzn
converge normalement.
0< r 6|z0|
Figure I.1.1 Xanzn
0converge Xanznconverge normalement si |z|<|z0|.
Le lemme (III.I.1.2) justifie alors la définition suivante :
Le rayon de convergence de la série Xanznest l’élément de R+défini par :
R= sup rR+anrnnNest bornée.(I.1.3)
Le disque ouvert de centre Oet de rayon R, ou le plan complexe si R= +, est
appelé disque ouvert de convergence. ce disque est vide si R= 0.
Définition III.I.1.4.
Preuve: Posons I=nrR+anrnnNest bornéeoqui est non vide car il contient au moins
0.
Si I={0}, on a R= 0 existe. sinon, soit rIdifférent de 0. D’après le lemme d’Abel
(III.I.1.2), pour tout élément s[0, r[, la série X
nN
ansnest convergente ce qui entraîne que la
L3 - Analyse Complexe Fabien PUCCI
64 Fonctions analytiques
suite ansnnNconverge vers 0 et en particulier est bornée. D’où sI, [0, r[Iqui est un
intervalle de R+qui contient 0 donc de la forme [0, R] où Rest le sup défini en (I.1.3).
Remarque: Si la suite (an)nNest bornée, on a nécessairement R>1 et dans le cas
contraire 1 6∈ Iet R61.
Avec ces dernières définitions et le lemme d’Abel, nous pouvons un peu préciser les
propriétés :
Soit Xanznune série entière, Rson rayon de convergence.
1. Pour tout zCtel que |z|< R,Xanznconverge absolument.
2. Pour tout zCtel que |z|> R,Xanzndiverge (grossièrement).
3. Pour tout rtel que 0 6r < R, la série Xanznconverge normalement
sur D(0, r). En particulier la somme d’une série entière est continue sur son
disque de convergence.
Théorème III.I.1.5.
Attention, on n’affirme rien quant à la nature de la série Xanznpour tout zCtel
que |z|=R.
Preuve: Grâce à la majoration (I.1.2), seule reste à démontrer l’assertion 2: Si zCest tel
que |z|> R alors, par définition de R,|an||z|nne peut être bornée et a fortiori anznnNne
peut converger vers 0 donc Xanzndiverge.
La continuité de la somme d’une série entière est une conséquence de la convergence normale
sur tout compact contenu dans son disque de convergence.
Ce théorème permet de classer les nombres complexes en deux catégories : l’une où
la somme est convergente voire normalement convergente et toutes les propriétés topo-
logiques et analytiques qui en découlent et une autre où il n’y a pas convergence. A la
frontière reste une zone limite où les comportements fluctuent suivant les directions et les
propriétés de la suite (an)nN2.
Remarque: Les séries
+
X
n=0
zn=1
1z,
+
X
n=0
(1)nzn=1
1 + z,
+
X
n=0
zn
n2et
+
X
n=0
zn
n, ayant toutes
1 comme rayon de convergence montrent que la convergence sur tout le disque fermé de
convergence est loin d’être acquise.
Grâce à la transformation d’Abel, on montre même que la série
+
X
n=0
zn
nconverge pour tout
élément du cercle de convergence différent de 1.
I.2 Détermination pratique du rayon de convergence
On trouve en général le rayon de convergence grâce à la
2. Le lecteur ou l’étudiant intéressé par ces questions pourra regarder les théorèmes de Tauber et de
convergence radiale d’Abel par exemple
Fabien PUCCI L3 - Analyse Complexe
I.Séries Entières 65
1. Si
an+1
anadmet une limite alors R=1
. (Critère de d’Alembert).
2. Si n
q|an|admet une limite alors R=1
. (Critère de Cauchy).
Proposition III.I.2.6.
Preuve:
1. Pour tout zC, lim
an+1zn+
anzn
=|z|. D’après le critère de D’Alembert I.V.2.39 page 31
pour les séries numériques, si |z|>1 alors la série Xanzndiverge c’est-à-dire R61
.
Si |z|<1 alors la série Xanznconverge et R>1
.
Conclusion, R=1
.
2. Le raisonnement est identique en utilisant le critère de Cauchy I.V.2.39 page 31 pour les
séries numériques.
Ces deux derniers critères sont en pratique les plus utilisés pour calculer des rayons
de convergence 3. Cependant, il peut arriver que les limites considérées n’existent pas. On
peut alors avoir recours à une formule explicite du rayon de convergence dite formule de
Hadamard :
R=1
lim sup n
q|an|.a(I.2.4)
a. La limite supérieure d’une suite (an)nNd’éléments de ¯
R=R∪ {±∞} est le sup dans
¯
Rdes valeurs d’adhérence de la suite (an)nN, noté lim
nN(an) ou lim sup
nN
(an) et que l’on peut
définir de manière équivalente comme le nombre lim
n+sup
k>n
ak(qui existe toujours dans ¯
Rcar
sup
k>n
aknN
décroît).
Tout majorant d’une suite est alors supérieur à la limite supérieure de cette suite :
x>uk,kx>sup
k>n
uk,nNx>lim
n+sup
k>n
ak=lim(an)nN.
Proposition III.I.2.7 (Formule d’Hadamard).
Preuve: Tout d’abord, si la suite n
q|an|nN
n’est pas majorée c’est-à-dire lim sup n
q|an|= +,
il en est de même de la suite n
q|anzn|nN
pour tout nombre complexe zCet la série
3. On prendra bien garde à ce que les réciproques de ces deux critères sont fausses !
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