précises qui se fixent oralement et se normalisent au temps des rabbins dans les
premiers siècles de notre ère.
La prière de conclusion de l’étude à la synagogue (2) et la prière en privé (3), ces
deux dernières étant moins fixées tout en répondant à des modèles et des préférences
repérables.
Le fait de s’adresser à D. avec la deuxième personne du singulier, d’appeler D.
directement, la formulation repérée dans la prière privée : « que ta volonté soit
faite », la simplicité des formules courtes non développées en comparaison des
prières synagogales, pousse Heinemann, spécialiste de la prière juive, à dire que
Jésus enseigne non pas une prière liturgique, publique, officielle, mais bien une prière
privée, personnelle… celle du Maître qui la transmet à ses disciples.4
De ce premier point…Nous pouvons retenir que la prière est aussi un enseignement
du Christ à recevoir : ainsi passer quelque temps à étudier le Notre Père et pas
seulement à le dire ou à le prier, nous met dans une situation proche d’une attitude
juive qui va chercher, scruter le texte pour en faire jaillir le sens, peut être même un
sens nouveau, toujours nouveau. Nous recevons cet enseignement comme disciples
d’un maître que nous fréquentons, avec qui nous vivons, que nous contemplons dans
sa manière de vivre.
Nous pouvons nous aussi nous rappeler cette définition de la prière qui allie tradition
et innovation. La prière n’est pas seulement ce qui me vient à l’esprit, ce qui surgit
dans mes pensées…mais bien ce qui peut venir après avoir étudié et travaillé les
Ecritures. Je peux créer ma prière à partir d’un matériau qui m’a été transmis… Le
magnificat est un autre exemple de cette prière nouvelle tout entière tissée
d’expressions des Ecritures.
2 – La structure du NP
Selon Anne-Catherine Avril5, cette structure du NP rappelle celle des bénédictions de
la Amida, ou prière des 18 bénédictions, récitée trois fois par jour dans la liturgie
juive quotidienne. Elle en est selon Schalom Ben Chorin, « le noyau central et
inaltérable de la prière quotidienne »6 ( elle suit immédiatement la récitation du
Shema Israel, la confession de foi d’Israël, autre axe essentiel de la liturgie
quotidienne ). Cette prière de la Amida, colonne vertébrale de la prière juive
synagogale est aussi appelée aussi LA prière par excellence : Ha tephila.
Cette prière qui ne compte pas toujours 18 bénédictions en fait, (suivant les jours,
sabbat, néoménie, ou jour ordinaire), est toujours la prière des 18 bénédictions à
cause du symbolisme du chiffre 18 – חי- qui, lu à l’envers, veut dire » il vit. » On
pense habituellement que cette prière a été mise en forme à la fin du premier siècle
4 - J. Heinemann, art.cit, p 83
5 Anne Catherine Avril, Eclairages rabbiniques, dans La Prière du Seigneur, Supplément aux Cahiers
Evangile 132, Cerf, juin 2005, p 20. Anne Catherine Avril est religieuse de ND de Sion et a enseigné la
littérature rabbinique à Jérusalem.
C’est aussi l’avis de Heinemann dans The background of Jesus’s prayer in Jacob J. Petuchowski and
Michael Brocke, The Lord’s prayer and Jewish liturgy, London, 1978, page 85.
6 Schalom Ben Chorin, Le Judaïsme en prière, coll Patrimoine, cerf, 1980, page 55