Observer et manipuler à l’aide de faisceaux lumineux focalisés 1
Observer et manipuler à l’aide de faisceaux
lumineux focalisés
Nano-Optique du solide, Editeur Bernard Jacquier, Traité EGEM, série
Microsystèmes, p219 - Lavoisier (2012) ISBN 978-2-7462-1980-9
Hervé RIGNEAULT et Serge MONNERET,
équipe MOSAIC, Institut Fresnel UMR CNRS 6133, Marseille
7.1. Introduction
Observer à l’aide de la lumière : voilà une idée qui peut paraître bien banale
lorsqu’il s’agit d’une scène ou d’un objet macroscopique. Mais quand il s’agit de
comprendre les rouages de la vie à des échelles microscopiques, l’approche devient
particulièrement pertinente. En effet qui pourrait être moins invasif que la lumière
pour observer le fonctionnement intime d’une cellule sans la perturber ? Outre cette
innocuité, la lumière offre de plus les possibilités tout aussi essentielles de (1)
générer des mécanismes de contraste variés, dont certains peuvent même être
spécifiques aux molécules ciblées et (2) offrir une résolution micrométrique voire
nanométrique dans certaines conditions.
Manipuler à l’aide de la lumière : l’idée est cette fois ci nettement moins banale
bien que certains appareils historiques tel le radiomètre de Crookes1 fonctionnent à
partir de forces optiques. Il est en effet possible d’utiliser les photons pour générer
des forces capables de faire bouger, sous certaines conditions, des objets
macroscopiques. Au niveau microscopique, ces conditions sont beaucoup plus
1 Le radiomètre de Crookes est un exemple où la lumière est capable de faire tourner une roue
de pales réfléchissantes d’un côté et absorbantes de l’autre. Son fonctionnement s’opère sous
vide et met en jeu de façon non triviale la pression de radiation qui est dissymétrique sur les
bords des pales entre les faces réfléchissantes et absorbantes. (voir A.E. Woodruff, ‘The
radiometer and how it does not work’, The Physics Teacher 6(4) 358-63 (1968)).
2 Nano-optique
souples, et nous verrons qu’il est possible de manipuler des objets nano ou
micrométriques relativement facilement. En particulier, les techniques de
manipulation optique commencent à prendre place de façon courante dans les
laboratoires de biologie, pour contrôler directement la position de cellules vivantes
individuelles, ou encore des microbilles de silice ou de polystyrène éventuellement
recouvertes de molécules biologiques capable d’activer des réponses cellulaires.
Dans tous les cas, ‘observer’ et ‘manipuler’ à des échelles micrométriques
nécessite de confiner la lumière spatialement. L’objet le plus simple permettant cela
est la lentille optique, spécialement destinée à transformer un faisceau parallèle en
un faisceau focalisé. En pratique, parce que l’on travaille dans un large domaine
spectral et/ou à l’intérieur d’un champ de vue étendu, on préfèrera utiliser un
objectif de microscope pour focaliser les faisceaux laser. Ces objectifs, au prix d’une
complexité de fabrication certaine, offrent en effet la possibilité de focaliser ces
faisceaux à la limite théorique de diffraction (une notion précisée dans les
paragraphes suivants), car ils sont généralement exempts d’aberrations optiques.
Ce chapitre a pour vocation première de traiter en détails des propriétés
fondamentales des faisceaux laser focalisés. Si l’optique géométrique peut déjà
donner une description simpliste de ces propriétés en termes de rayons convergents,
nous montrerons que c’est bien l’optique ondulatoire qui révèle toute la richesse de
ces champs optiques confinés spatialement. Un tel confinement sera recherché soit
pour limiter le volume d’excitation dans un échantillon et ainsi atteindre des
résolutions intéressantes (cas typique de la microscopie confocale de fluorescence),
soit pour augmenter la densité locale de photons et ainsi favoriser certains
phénomènes comme les interactions non linéaires ou les forces optiques.
Bien que fortement concentré sur ces aspects fondamentaux, ce chapitre a aussi
pour but de s’attarder sur certains systèmes et méthodes optiques particulièrement
utilisés en sciences du vivant et basés sur le confinement local de faisceaux laser. En
particulier, nous présenterons la microscopie de fluorescence, puis quelques
techniques d’ultra-résolution, ainsi que les principales techniques actuelles de
micromanipulation appliquées à la biologie. Nous conseillons au lecteur intéressé
par l’ensemble des applications des faisceaux focalisés à la biologie de se reporter à
des ouvrages plus spécialisés (Pawley 1995; Alberts, Johnson et al. 2002).
Ce chapitre est décomposé en deux parties. La première traite des champs
optiques focalisés par des systèmes optiques utilisés en microscopie. On s’attache
également à présenter comment se construisent les images en microscopie de
fluorescence et comment des techniques récentes permettent de dépasser le critère
de Rayleigh et d’accéder à une ultra-résolution optique. La deuxième partie traite
des forces optiques générées par des faisceaux focalisés, utilisées pour manipuler
des microparticules.
Observer et manipuler à l’aide de faisceaux lumineux focalisés 3
7.2. Description d’un champ optique focalisé
7.2.1. Montage optique de base - notion de PSF Point Spread Function »)
Le montage optique auquel nous nous réfèrerons tout au long de ce chapitre est
présenté sur la figure 7.1 ; il s’agit du montage de base d’un microscope
fonctionnant en régime de faisceau focalisé. Le faisceau incident, généré par un
laser, provient d’un point S (source) 1. Il est ensuite rendu parallèle par la lentille LF
puis envoyé sur la pupille d’entrée d’un objectif de microscope à l’aide d’un miroir
dichroïque MD. Le faisceau est alors focalisé sur l’échantillon au point E par
l’objectif. Le signal lumineux émis par l’échantillon (par exemple par diffusion, ou
par émission de fluorescence) est collecté par l’objectif puis focalisé à l’aide d’une
lentille de tube LT sur un détecteur2 au point D (détection).
L’objectif de microscope est constitué d’un assemblage complexe de lentilles et
se caractérise essentiellement par son grandissement3 G et son ouverture numérique
ON. Cette dernière est donnée par
max
sinON n
θ
=
θ
max est l’angle maximal que
peut prendre un rayon allant vers E (lors de l’excitation) ou provenant de E (lors de
la collection) tout en passant par l’objectif (voir figure 7.1) ; n est l’indice du milieu
dans lequel est plongé l’objectif.
Les points S et D sont alors conjugués du point E respectivement par les
systèmes optiques (LF, Obj) et (LT,Obj). L’axe des z est défini suivant l’axe optique
du système.
Les distances qui séparent les points géométriques considérés (S, D et E) des
éléments d’optiques (LF, LT et Obj) sont grandes devant la longueur d’onde. En
conséquence, seules des ouvertures angulaires limitées provenant des points E et S
pourront être collectées. Nous allons voir que cette limitation est à l’origine de la
structure spatiale non ponctuelle du faisceau focalisé en E ainsi que du pouvoir de
résolution fini accessible en D.
Plus précisément, la source ponctuelle placée en S sera imagée en une tache en E
dont la distribution spatiale d’intensité est appelée PSF d’excitation, notée PSFexcit.
De la même façon un point émetteur placé en D sera imagé autour de E avec une
1 Expérimentalement ce point peut être l’extrémité d’une fibre monomode, ou un point de
focalisation du faisceau obtenu par une lentille placée en amont.
2 On utilise généralement des détecteurs non imageurs de grande sensibilité comme des
photomultiplicateurs ou des photodiodes à avalanche.
3 Les objectifs modernes, corrigés des aberrations à l’infini, indiquent un grandissement
lorsqu’ils sont couplés avec une lentille de tube dont la focale dépend du constructeur (Leica :
200 mm ; Nikon : 200 mm ; Olympus : 180 mm ; Zeiss : 160 mm).
4 Nano-optique
distribution d’intensité appelée PSF de collection, notée PSFcoll(xE,yE). Nous allons
décrire dans les paragraphes suivant les structures de ces deux PSF1.
Echantillon
(cellule,…)
Faisceau
excitateur Signal généré
(Fluorescence,.)
tecteur
Trou éventuel
(cas de la microscopie confocale)
MD
Obj
xG
LT
2θ
max
S
D
E(x
E
,y
E
,z
E
=0)
(x
D
,y
D
,z
D
)
(x
S
,y
S
,z
S
)
LF
z
0
Echantillon
(cellule,…)
Faisceau
excitateur Signal généré
(Fluorescence,.)
tecteur
Trou éventuel
(cas de la microscopie confocale)
MD
Obj
xG
LT
2θ
max
S
D
E(x
E
,y
E
,z
E
=0)
(x
D
,y
D
,z
D
)
(x
S
,y
S
,z
S
)
LF
z
0
z
0
Figure 7.1. Schéma optique du montage considéré dans ce chapitre
La PSF totale du système prenant en compte à la fois l’excitation et la collection
est notée PSFtot (xE,yE) ; elle est égale, dans le cas d’un processus incohérent2, au
produit des PSF d’excitation et de collection :
PSFtot (xE,yE)= PSFexcit (xE,yE). PSFcoll(xE,yE). [7.1]
7.2.2. La PSF d’excitation
Nous allons décrire ici la structure de la PSF d’excitation au point E, qui
concerne essentiellement les caractéristiques du faisceau laser incident sur le
système. Par souci de simplicité nous nous limitons ici à l’approximation paraxiale
qui considère que les rayons constituant le faisceau s’écartent peu de l’axe optique.
Dans ce cas le vecteur d’onde k=(kx,ky,kz) de chacune des ondes planes associées à
ces rayons est presque parallèle à l’axe z et les vecteurs d’onde transverses (kx,ky)
sont petits devant
k=k
de telle sorte que3 :
1 On comprend maintenant la terminologie ‘Point Spread Function’ qui signifie ‘Fonction
d’Etalement du Point’.
2 C’est le cas du contraste de fluorescence par exemple. Pour les processus cohérents cette
simple multiplication n’est plus valable.
3 L’équation [7.2] constitue l’approximation paraxiale
Observer et manipuler à l’aide de faisceaux lumineux focalisés 5
222 22
1 ( )/ ( )/2
z xy xy
kk kkkkkk k=−+ ≈−+
. [7.2]
Expression du champ gaussien
Considérons en S un faisceau gaussien focalisé polarisé linéairement dont la
distribution spatiale de champ électrique est donnée par :
22
2
0
(,,)
SS
S
xy
SSS
xyz e
ω
+
=EE
, [7.3]
E0 est un champ vectoriel constant et
ω
S est le waist du faisceau focalisé en S.
Ce faisceau est imagé1 par le système optique (LF, Obj) pour donner en E un
faisceau focalisé de waist
ω
0=
ω
S /G.
La distribution en ondes planes du champ est donnée par sa transformée de
Fourier spatiale. Ainsi, au point E choisi comme origine des z :
( )
22 2
22
0
2
0
2()
04
00
2
1
ˆ( , ,0) 44
EE xy
xE yE
xy kk
ikx ky
xy EE
k k e e dx dy e
ω
ω
ω
ππ
+
+∞ −+
−+
−∞
= =
∫∫
EE E
[7.4]
Pour avoir le champ au voisinage de E pour
0z
, il suffit de faire se propager
chacune des ondes planes suivant z
ˆˆ
(,,) (,,0)
z
ik z
xy xy
kkz kk e=EE
, [7.5]
de telle sorte que2
. [7.6]
En injectant [7.4] dans [7.6] et en remplaçant kz par son approximation paraxiale
[7.2] nous obtenons
1 Dans notre approximation paraxiale toutes les fréquences spatiales (kx,ky) présentes en z=zE
sont collectées par le système optique (LF,Obj) pour former l’image de E en S.
2 Cette expression [7.6] n’est autre que la familière décomposition angulaire d’un champ sur
les fréquences spatiales (kx,ky)
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