Pourquoi l’Allemagne ne veut pas mutualiser la dette Européenne, et pourquoi
la France ne devrait pas le vouloir non plus.
par Hans-Werner Sinn*
Munich
26 Juillet 2012
La zone euro connaît actuellement une crise des plus sévères, et il n’est pas évident que tous
ses membres puissent s’y maintenir. Néanmoins, j’espère sincèrement voir l’euro perdurer,
car c’est un élément très important du projet de paix européen. Tout comme la France,
l’Allemagne est certes disposée à sacrifier une part significative de sa richesse pour préserver
la zone euro. Cependant, les sommes qu’on lui demande de mettre à disposition ne peuvent
être démesurées. Je crains parfois que hors de l’Allemagne, et entre autres en France, certains
ignorent les faits, le poids et les risques déjà assumés par la France et l’Allemagne. Cet article
tente de présenter aux lecteurs français les raisons pour lesquelles l’Allemagne est réticente à
l’élargissement des projets de mutualisation de la dette, à des niveaux tels que proposés par
François Hollande et d’autres représentants de l’UE. C’est aussi une mise en garde sur le fait
que le Président Hollande pourrait ne pas avoir pleinement informé les Français quant aux
risques encourus.
Pour convaincre l’Allemagne d’ouvrir les cordons de la bourse et de participer au sauvetage
des pays de l’Europe du sud, on a tenté d’argumenter un devoir moral, prétendant que
l’Allemagne était le principal bénéficiaire de l’euro. Cependant, cette assertion est un mythe
qui déforme la réalité. En effet, l’Allemagne a subi sa propre crise de l’euro car l’euro a
éliminé le risque de change pour ses partenaires de la zone et a dévié l’épargne allemande
vers d’autres pays européens, transitant souvent par la France, alimentant une longue
expansion inflationniste qui a eu pour conséquence l’élévation des niveaux de vie, des
salaires et des prix au-delà de l’équilibre fondamental.
Durant les années précédant la crise, deux-tiers de l’épargne allemande ont été exportés à
l’étranger et seul un tiers a été investi au pays alors que la reconstruction de l’Allemagne de
l’est nécessitait un gros effort d’investissement. Pendant de nombreuses années, l’Allemagne
a eu le taux d’investissement net le plus faible des pays de l’OCDE, et le taux de croissance
le plus bas d’Europe. De 1995, date où l’euro a été annoncé au sommet de Madrid, à 2007,
date où la crise américaine a commencé à s’étendre aux pays européens, le PIB par tête
allemand était tombé de la deuxième à la huitième place parmi les pays maintenant membres
de la zone Euro, alors même que l’immigration cessait et que le flux migratoire s’inversait. Il