Fiche de données sur le dépistage précoce
du cancer du poumon
Cancer du poumon
– chiffres et faits
Le cancer du poumon en Suisse
Le cancer du poumon est passé du
statut de rareté médicale (avec
142 cas publiés dans le monde en
1900) à celui d’un problème de
santé d’une ampleur considérable.
En Suisse, on paie un lourd tribut à
cette maladie: on présume qu’il y a
4000 nouveaux cas diagnostiqués
et 3000 décès (2000 hommes et
1000 femmes) par an. Le cancer
du poumon est ainsi devenu la
cause majeure de décès des suites
d’un cancer en Suisse. L’incidence
et la mortalité reètent – avec un
décalage d’environ 20 ans – la
consommation tabagique de la
population. En l’absence jusqu’ici
de programme de dépistage pré-
coce, la très grande majorité des
patients ne se voient diagnostiquer
la maladie que tardivement, à un
stade où un traitement chirurgical
curatif n’est plus possible – avec le
pronostic défavorable qui en dé-
coule.
Facteurs de risque
La majorité des cas de cancer du
poumon (85 %) sont provoqués
par le tabagisme. De ce fait, trois
facteurs de risque viennent large-
ment en tête:
tabagisme
ancien gros fumeur
tabagisme passif sur des années
Le risque de tomber malade est en
corrélation directe avec la consom-
mation de cigarettes: celui qui
fume 20 cigarettes par jour pen-
dant 20 ans présente un risque de
cancer du poumon 20 fois supé-
rieur à celui d’une personne qui ne
fume pas pendant toute sa vie.
L’âge moyen au moment du dia-
gnostic est de 60 ans.
Outre le tabagisme, l’exposition
au radon et à l’amiante jouent
également un rôle. Pour les pa-
tients qui ont subi une exposition
à l’amiante, avec ou sans anam-
nèse de tabagisme, la Suva pro-
pose un dépistage du cancer du
poumon par tomodensitométrie à
faible dose (LDCT), dans le cadre
de la prévention en médecine du
travail. Dans le cadre d’un pro-
gramme prévu de dépistage pré-
coce du cancer du poumon, seuls
des fumeurs et d’anciens fumeurs
qui satisfont aux critères d’inclu-
sion peuvent être pris en considé-
ration (voir page 3).
Une commission d’experts composée de pneumologues, radiologues, chirurgiens
thoraciques et épidémiologistes des cinq universités suisses s’engage pour l’intro-
duction contrôlée d’un dépistage du cancer du poumon. Ce projet est initié en
accord avec la Ligue pulmonaire suisse et soutenu par celle-ci. Ce dépistage doit
se faire exclusivement dans des centres qualiés et certiés. De bonnes raisons
justient cette initiative.
Intégration de la Ligue pulmonaire
Le groupe interdisciplinaire
d’experts pour l’introduction
contrôlée d’un dépistage du
cancer du poumon est composé
de représentant(e)s des cinq
universités et hôpitaux universi-
taires suisses. La Ligue pulmo-
naire suisse fait partie du
groupe de travail élargi. Cette
organisation à but non lucratif
s’engagera dans l’information
et l’explication. La Ligue pul-
monaire et les médecins de pre-
mier recours vont informer
davantage sur les causes du
cancer du poumon et sur les
avantages et les inconvénients
de son dépistage.
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Symptômes
Les symptômes étant générale-
ment peu spéciques au stade pré-
coce, il existe une longue liste de
diagnostics différentiels potentiels.
La toux est l’un des symptômes
les plus fréquents dans le cancer du
poumon et elle est souvent mini-
misée sous la désignation de toux
du fumeur. Si un ou plusieurs des
symptômes suivants persistent, on
consultera son médecin de famille:
toux sèche tenace
expectorations sanglantes
enrouement persistant
dyspnée lors de légers efforts ou
au repos
douleurs thoraciques persistantes
pneumonies prolongées à répé-
tition
perte d’appétit
perte de poids non intention-
nelle
Ces symptômes peuvent aussi
avoir pour cause des maladies pul-
monaires bénignes. Toutefois, si un
diagnostic de cancer du poumon
est posé chez des fumeurs sur la
base de symptômes, le risque de
stade avancé de la maladie est éle-
vé. Les chances de guérison pour
des patients atteints d’un cancer
du poumon sont généralement dé-
favorables car le diagnostic pré-
coce – avec l’option d’une guéri-
son – est à ce jour plutôt une
exception.
Mesures de prévention
La prévention de facto la plus ef-
cace du cancer du poumon est ob-
tenue par les personnes qui ne
commencent jamais à fumer. Chez
les fumeurs, l’arrêt du tabagisme –
le plus tôt est le mieux – a un effet
favorable: déjà 10 ans après l’arrêt
du tabagisme, le risque de cancer
du poumon a diminué de moitié
et, au bout de 15 ans, le risque est
diminué de 90 %, ce qui souligne
le bénéce de l’abstinence de
nicotine. Dans le cadre d’un dé-
pistage du cancer du poumon
contrôlé envisagé, la recomman-
dation de l’arrêt du tabagisme
gure parmi les mesures d’accom-
pagnement obligatoires.
Le dépistage pré-
coce du cancer du
poumon en Suisse
En Suisse, il n’existe pour l’heure
qu’un dépistage précoce spora-
dique du cancer du poumon, par
exemple chez des patients qui
bénécient d’une tomodensitomé-
trie (CT) en raison d’une suspicion
d’une autre pathologie. Si de telles
constatations fortuites sont faites
à un stade très précoce de la mala-
die, il y a des chances de guéri-
son. Une intervention chirurgicale
n’entre toutefois en ligne de
compte que chez des patients qui
ne souffrent pas d’une maladie
concomitante grave. En principe,
l’irradiation curative est aussi une
option de traitement. Si l’investi-
gation se fait en tant qu’examen
justié par des symptômes, il faut
s’attendre à un cancer du poumon
déjà avancé.
Faits sur le dépistage du cancer
du poumon en Suisse
Un dépistage opportuniste chez
des personnes qui ne présentent
pas de symptômes ne se fait
pas de nos jours en Suisse à une
échelle importante. La question
d’un dépistage systématique n’est
pas débattue.
A l’heure actuelle, de l’avis du
groupe d’experts, aucune per-
sonne ne devrait être adressée par
des médecins installés ou hospita-
liers pour un dépistage du cancer
du poumon et aucun dépistage
par LDCT ne devrait être proposé.
Des standards uniformes pour le
dépistage par LDCT n’ont pas en-
core été mis en place, la plupart
des centres en Suisse ne remplis-
sant pas les critères requis pour
l’introduction d’un dépistage par
LDCT et en l’absence actuelle de
registre suisse dans lequel pour-
raient être saisis, dans une phase
d’évaluation, tous les participants
et les conseils, tests et traitements
appliqués. An de développer et
mettre en œuvre ces standards qui
permettront d’introduire le dépis-
tage par LDCT du cancer du pou-
mon de façon contrôlée et sous
Bénéces et risques du pro-
gramme de dépistage précoce
Une introduction contrôlée et
initialement limitée dans le
temps du dépistage du cancer
du poumon permettra de xer
et garantir les standards de
qualité élevés requis (vérica-
tion des critères d’inclusion, in-
formation des personnes qui
participent, réalisation tech-
nique et interprétation correcte
du LDCT, suivi médical assuré).
Ce n’est qu’ainsi que le gain
de survie obtenu dans le NLST
peut être transposé dans la
pratique clinique. Cette ma-
nière de procéder correspond
aux recommandations interna-
tionales récemment dénies
pour le dépistage précoce du
cancer du poumon.
Pour les désavantages, on
mentionnera l’irradiation,
d’éventuelles angoisses et un
stress émotionnel jusqu’au
moment où les résultats déni-
tifs de l’examen sont dispo-
nibles. Les autres investiga-
tions requises en cas de
résultat suspect représentent
également un stress pour les
patients.
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surveillance stricte de la qualité, le
groupe d’experts se prononce en
faveur d’une demande de prise en
charge des coûts des conseils et du
LDCT par l’assurance obligatoire
des soins (AOS). Cette façon de
procéder correspond aussi à la fa-
çon de procéder des Centers for
Medicare & Medicaid Services aux
Etats-Unis, qui ne remboursent
désormais le dépistage par LDCT
qu’avec des standards clairement
dénis et une surveillance de la
qualité au moyen d’un registre. La
Ligue contre le cancer et la Ligue
pulmonaire soutiennent cette de-
mande du groupe d’experts.
Contexte et déroulement prévu
du dépistage contrôlé du cancer
du poumon
L’initiative du groupe d’experts
suisses se base sur les résultats du
National Lung Screening Trial
(NLST) américain. Dans le cadre de
cette étude, 53 454 personnes à
risque ne présentant pas de symp-
tômes ont été randomisées pour
subir, pendant trois années consé-
cutives, soit un dépistage par
LDCT, soit une radiographie du
thorax conventionnelle. Le dépis-
tage par LDCT a permis de faire
baisser la mortalité par cancer du
poumon de 20 % (réduction rela-
tive du risque) et la mortalité glo-
bale de 6,7 % (réduction relative
du risque). Il était ainsi établi que
la radiographie du thorax était in-
férieure dans la détection précoce
du cancer du poumon; un examen
CT à dose non diminuée (HDCT)
était d’emblée éliminé en raison
d’une trop forte irradiation. Dans
la mise en œuvre prévue d’un dé-
pistage du cancer du poumon en
Suisse, il est essentiel que les cri-
tères d’inclusion et les directives du
NLST soient pris en compte et ap-
pliqués:
Le groupe cible englobe des
fumeurs et d’anciens fumeurs
âgés de 55 à 74 ans, avec
une anamnèse de tabagisme de
30 paquets-année (pack-years:
nombre paquets de cigarettes
fumées par jour × nombre d’an-
nées de tabagisme).
Dans le cadre de l’introduction
contrôlée prévue, le dépistage
du cancer du poumon n’est ef-
fectué que dans des centres qua-
liés et certiés qui disposent
d’une infrastructure adéquate en
personnel et en matériel tech-
nique ainsi que d’une compé-
tence de conseil élevée.
Le groupe d’experts souligne
dans son document de prise de
position combien cet aspect spé-
cique est important*: toute
personne qui remplit les condi-
tions pour un dépistage est invi-
tée à un entretien de conseil ap-
profondi avec un pneumologue.
Celui-ci informe la personne,
avant le LDCT, sur les bénéces
potentiels de la détection pré-
coce ainsi que sur les possibles
inconvénients et complications.
Après l’examen a lieu la commu-
nication du résultat (voir algo-
rithme*).
L’heure de vérité – pas dans tous
les cas
Si le résultat est sans particularité,
la personne est invitée à se présen-
ter à nouveau pour un LDCT un
an plus tard. Si une lésion suspecte
est décelée au LDCT (dans le
NLST, cela a concerné 24,2 % des
sujets examinés), une recomman-
dation personnalisée, établie par
une équipe interdisciplinaire com-
posée de radiologues, de pneumo-
logues, d’oncologues et de chirur-
giens thoraciques, est faite au
patient. En fonction de la taille et
de l’étendue de la tumeur, on pro-
cède à un CT de contrôle ou on
recommande une investigation
plus approfondie par tomographie
par émission de positrons (PET),
bronchoscopie ou biopsie pulmo-
naire chirurgicale.
Si une anomalie suspecte est déce-
lée lors du LDCT, celà ne s’avère
être un cancer du poumon que
dans un faible pourcentage des
cas. Dans le NLST, près de 95 %
des anomalies suspectes décelées
étaient de faux positifs, c’est-à-
* Frauenfelder, T et al. Respiration 2014;
Jan 16, doi: 10.1159/000357049
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Un entretien de conseil approfondi avec le pneumologue permet aux personnes à risque de
se prononcer pour ou contre un dépistage.
Impressum
Texte: Dr Renate Weber
Groupe d’experts:
Prof. Dr méd. Jens Bremerich,
Diagnostic cardiaque et thoracique,
Hôpital universitaire de Bâle
Dr méd. Andreas Christe, PD, et
Prof. Dr J. T. Heverhagen, Clinique
de radiologie diagnostique, pédia-
trique et interventionnelle, Hôpital
universitaire de Berne
Dr Thomas Frauenfelder, PD, Insti-
tut de radiologie diagnostique et
interventionnelle, Hôpital universi-
taire de Zurich
Dr méd. T. Niemann, PD, Institut
de radiologie, Hôpital cantonal de
Baden
Dr méd. Oliver Gautschi, PD,
Département de médecine,
Hôpitaux cantonaux de Lucerne,
Lucerne
Dr Nigel Howarth, Institut de radio-
logie, Clinique des Grangettes,
Genève
Prof. Dr Malcolm Kohler, Clinique
de pneumologie, Hôpital universi-
taire de Zurich
Dr méd. Romain Lazor, Clinique de
pneumologie, Hôpital universitaire
de Lausanne
Dr Catherine Beigelman-Aubry,
Département de radiologie,
Hôpital universitaire de Lausanne
Prof. Xavier Montet, Département
de radiologie, Hôpital universitaire
de Genève
Prof. Dr Milo Puhan, Institut
d’épidémiologie, biostatistique et
prévention, Université de Zurich
Prof. Dr méd. Hans-Beat Ris,
Clinique de chirurgie thoracique,
Hôpital universitaire de Lausanne
Dr Matthias Schwenkglenks, PD,
Institut d’épidémiologie, biostatis-
tique et prévention, Université de
Zurich
Dr méd. Christophe von Garnier,
PD, Clinique universitaire de pneu-
mologie, Inselspital, Berne
Prof. Dr Walter Weder, Clinique
de chirurgie thoracique, Hôpital
universitaire de Zurich
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dire qu’en dépit du résultat sus-
pect, aucun cancer du poumon n’a
nalement été trouvé.
L’assurance de qualité, un élément
essentiel
Dans le cadre de l’introduction
contrôlée du dépistage du can-
cer du poumon, un LDCT ne
doit être proposé que par des
centres certiés.
Ceux-ci doivent disposer de tous
les services spécialisés (pneumo-
logie, radiologie, oncologie,
chirurgie thoracique, radio-onco-
logie) nécessaires pour les inves-
tigations et le traitement d’un
patient présentant une suspicion
de cancer du poumon ou un
cancer du poumon conrmé.
En outre, les centres ont l’obliga-
tion d’être prêts à participer à
une évaluation scientique du
programme et de s’impliquer
dans la tenue du registre prévu.
Compte tenu de ces critères,
outre les 5 hôpitaux universi-
taires suisses, les grands hôpi-
taux cantonaux et les grandes
cliniques privées peuvent être
envisagés comme des fournis-
seurs de cette prestation.
Registre suisse: dépistage précoce
du cancer du poumon
Le groupe d’experts suisses s’en-
gage en faveur de la mise sur pied
d’un registre – en parallèle à l’in-
troduction contrôlée du dépistage
précoce du cancer du poumon par
LDCT. Ce registre doit avant tout
fournir des informations sur la
mise en œuvre, la qualité et l’éco-
nomicité du dépistage. Les objec-
tifs suivants sont visés:
Caractérisation de la population
qui se soumet au dépistage du
cancer du poumon
Surveillance du respect des stan-
dards de qualité dénis
Saisie des bénéces et des incon-
vénients à long terme du dépis-
tage
Documentation des interven-
tions d’arrêt du tabagisme avant
et après le dépistage
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