ÉVÈNEMENT Dr. Ghalia Khellaf, néphrologue au CHU Beni-Messous, à Santé Mag: "L’insuffisance rénale a progressé, de manière alarmante, en quinze ans" Propos recueillis par Rania Hamdi Maitre-assistante au service néphrologie du CHU Beni-Messous, le Dr. Khellaf a une longue expérience dans sa spécialité. Elle s’occupe, particulièrement, des cas de maladies orphelines, qui ont un retentissement sur le rein.. Santé mag: Y a-t-il une corrélation entre l’HTA et l'atteinte rénale? Dr. Khellaf: Il existe une corrélation certaine entre l’HTA et l’insuffisance rénale. L’hypertension artérielle peut en être une cause et une conséquence. En effet, elle est une cause potentielle d’insuffisance rénale chronique, puisqu’elle est à l’origine de 30% des cas d’insuffisance rénale terminale. D’autre part, 80% des personnes, atteintes d’insuffisance rénale chronique, décèlent une HTA, au cours de leur maladie. 22 Santé-MAG N°25 - Décembre 2013 Quels sont les symptômes d'un tel tableau clinique ? Pour les personnes atteintes d’HTA chronique, plus la pression artérielle augmente, plus leur fonction se dégrade. Cela peut provoquer une sclérose progressive des vaisseaux du rein et donc, une insuffisance rénale chronique. Sachez qu’un hypertendu a entre 2 et 10 fois plus de risques de développer une insuffisance rénale qu’un sujet qui ne l’est pas. Un suivi régulier de la fonction rénale (au moins, une fois par an), ainsi qu’un albustix, à chaque consultation, peut déceler et prendre en charge, précocement, le patient, au stade de micro-albuminurie. A l’inverse, lors d’une affection rénale, le rein n’élimine plus correctement le sel. Ce qui entraîne un rétrécissement du diamètre des vaisseaux et donc, une élévation de la pression artérielle. Lorsque HTA et insuffisance rénale sont mêlées, la dégradation de la fonction rénale s’accélère et la capacité d’élimination de l’eau et du sel diminue: oligurie ou anurie, avec surcharge hydrosodée (HTA, OAP). On peut, également, détecter une hyperactivité du système nerveux sympathique et du système rénine-angiotensine. L'atteinte rénale est-elle, dans ces caslà, réversible ? Si l’atteinte rénale est résumée à une protéinurie isolée, une hygiène de vie, associée à un bloqueur du système rénine angiotensine(ARAII), ou un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), sont prescrits en première intention. Dans ce cas là, on peut espérer une diminution, voire une disparition de cette protéinurie, puisqu'ils ont un effet néphroprotecteur et anti-protéi- ÉVÈNEMENT nurique, en dehors de leur action antihypertensive. Mais, si on constate que l’insuffisance rénale et l’HTA cohabitent déjà, des traitements médicamenteux existent, pour essayer de ralentir, seulement, la progression de cette insuffisance rénale, qui est, dans ce cas-là, irréversible. Les bloqueurs du système rénine-angiotensine restent le premier choix, en combinaison avec les diurétiques de l’anse, ou les thiazidiques (selon le niveau de filtration glomérulaire). On doit, sans doute, compléter ce traitement avec des bêtabloquants et/ou des alphas bloquants et des vasodilatateurs périphériques, afin de contrôler, au mieux, la pression artérielle. Enfin, en complément de ce suivi médicamenteux, un régime pauvre en sel s’impose, ainsi qu’une perte pondérale, en cas d’obésité et l’arrêt de la consommation de tabac. Il semblerait que les kystes rénaux sont, de plus en plus, fréquents; ou, du moins, de plus en plus diagnostiqués, à la faveur d'un examen échographique. Quels sont les types connus ? La présence de kystes dans le parenchyme rénal n'est pas synonyme de polykystose rénale, ou de maladie génétique. Au contraire les kystes rénaux les plus fréquents sont acquis. Il s'agit dans l'immense majorité des cas de kystes, dit simples, du rein. "Les kystes simples" sont le type le plus commun des kystes, qui se développent dans plus de 50% des personnes, qui ont 50 ans, ou plus. Il existe de nombreuses causes de kystes rénaux acquis. Les kystes simples du rein: Ce sont des kystes de découverte fortuite, sur une échographie, ou un scanner. Ils sont, rarement, symptomatiques et seuls les kystes volumineux parlent. Avant de dire qu'un kyste simple du rein est responsable d'une HTA, ou d'une hématurie, il faut éliminer toutes les autres causes de ces manifestations cliniques. Ces kystes sont, le plus souvent, solitaires. Leur fréquence augmente avec l'âge et le sexe masculin (25% des hommes de plus de 70 ans ont, au moins, un kyste dans le parenchyme rénal, en échographie). La prévalence serait plus importante chez les hypertendus. Le diagnostic repose sur l'échographie rénale. En pratique un kyste simple du rein c'est banal, c'est bénin et c'est asymptomatique. Le kyste hydatique rénal est une localisation, rare, de l'hydatidose. Le diagnostic est facile, quand on y pense. L'hypokaliémie chronique: Toute cause d'hypokaliémie (baisse du taux de potassium dans le sang), prolongée et profonde, peut être responsable de l'apparition de multiples kystes dans le rein. Ils sont petits et asymptomatiques. La prise de lithium: la prise, prolongée, de lithium peut être responsable d'une néphropathie tubulo-interstitielle, qui se compliquera de la présence de multiples kystes, dans le parenchyme rénal. Ils sont très bien mis en évidence par l'IRM rénale. Ils sont asymptomatiques et leur histoire naturelle est inconnue. La multikystose acquise, associée à l'insuffisance rénale, ou multikystose acquise du dialysé (MKAD). Les kystes rénaux congénitaux ont une spécificité autre, puisqu’ils surviennent, d’abord, dans un contexte familial (chez des familles consanguines, à un âge jeune ou adulte, selon le gène responsable) et c’est un domaine très pointu, à soumettre au néphrologue, ou à des pédiatres, quand il s’agit d’enfants Comment déterminer une forme sévère des kystes rénaux et quel est le schéma thérapeutique à suivre ? Il existe des cancers kystiques, mais l'échographie révèle des atypies, parois épaisses, irrégulières, contenus hétérogènes, surtout s’il y a des symptômes associés tel que: l’hématurie, douleurs, fièvre, nausées. Il faut, alors consulter, un urologue, pour pousser les investigations radiologiques: uroTDM ou uroIRM, pour confirmer le diagnostic de cancer kystique. Un geste chirurgical s’impose, alors. Globalement, de par votre expérience, pensez vous que les atteintes rénales sont plus fréquentes que par le passé et pour quelles raisons ? Ma réponse est oui, mais pas seulement, dans notre pays, puisque l'insuffisance rénale est en forte croissance, dans le monde. C’une épidémie silencieuse, qui progresse de façon alarmante et concerne des millions d'êtres humains, autour du globe. Le nombre d’insuffisances rénales chroniques terminales (IRCT), en Algérie, était à 124 par million d'habitants (pmh), en 1997, quand j’ai commencé ma spécialité. Il a presque quadruplé en 15 ans, puisque en 2012, on compte, environ, 486 IRCT (pmh) ce chiffre reste très inférieur à ceux: des USA (1 446 pmh), du Japon (1 726 pmh), de la France (866pmh) et va continuer à croître, dans notre pays, de 6 à 8% par an, inférieure à celui des USA (+ 10%/ an) et supérieure à celui de la France et de la Tunisie (4%). Cette évolution se caractérise par la diminution des néphropathies primitives et l’augmentation, considérable, de la fréquence des néphropathies vasculaires (HTA) et diabétiques, qui représentent plus de 49% des causes d’IRCT. Cette augmentation alarmante suit l'épidémie du diabète de type 2 (gras de la maturité). Il y a 154 millions de diabétiques, de par le monde; un chiffre qui doublera dans les vingt ans à venir et surtout dans les pays pauvres, où l'on s'attend à atteindre 286 millions de diabétiques, en 2025. La néphropathie diabétique est la cause numéro un d'insuffisance rénale. Il est donc urgent, selon mon avis de lancer des programmes, simples, de dépistage en Algérie, un programme-pilote, visant à détecter la présence d'albumine dans les urines (un des signes cardinaux de la maladie rénale). Il faut, également, mettre en œuvre des programmes de prévention, contre l'hypertension, le diabète et l'obésité, qui sont autant de facteurs de risque, aboutissant à la maladie rénale chronique Kyste rénal Un kyste rénal est une sorte de poche sur le rein contenant du liquide. Sa formation est assez fréquente en vieillissant. Les kystes sont souvent bénins (kyste simple) et ne nécessitent aucun traitement ou suivi particulier. Dans certaines maladies rénales génétiques telles que la polykystose rénale type récessif (PKR) ou la polykystose rénale type dominant (PKD), du fait de l'abondance et de la grosseur des kystes, les reins polykystiques peuvent prendre un volume considérable. Le diagnostic repose principalement sur l'échographie qui révèle les kystes. Une échographie négative après l'âge de 30 ans permet d'éliminer le diagnostic de PKD. Avoir des kystes dans le rein ne signifie donc pas que l’on a une maladie héréditaire. On peut même dire qu’il est banal pour un adulte d’avoir un ou deux kystes dans un rein N°25 - Décembre 2013 Santé-MAG 23