transferts électrocinétiques dans les matériaux cimentaires

Septième édition des Journées scientifiques
du Regroupement francophone pour la recherche et la formation sur le béton
(RF)
2
B
____________________________________________________________________________________________________
Toulouse, France
19-20 juin 2006
50
TRANSFERTS ÉLECTROCINÉTIQUES DANS LES MATÉRIAUX
CIMENTAIRES, APPROCHE CONSTRUCTALE
S. Lorente
Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions, INSA - Université Paul Sabatier, Toulouse,
France
RÉSUMÉ : Ce travail propose d’utiliser la théorie constructale pour l’optimisation dans le temps et
dans l’espace de procédés de transferts ioniques par méthodes électrocinétiques. La compétition des
forces motrices que sont la diffusion et les effets électriques laisse envisager une méthode
d’optimisation en temps par combinaison de chacun des mécanismes au moment il est le plus
efficace. Enfin, l’implantation des électrodes peut être définie de manière optimale en maximisant les
transferts transversaux et longitudinaux (d’électrode à électrode).
1. INTRODUCTION
Les transferts ioniques par voie électrocinétique sont devenus un domaine d’étude à part entière du
génie civil. C’est la cas notamment de la déchloruration (Alvarado, 2004, Fajardo, 2004). Plus
récemment la technique a été appliquée à la problématique du nucléaire. Le principe, dans un cas
comme dans l’autre, consiste à forcer le transfert ionique par application d’un courant électrique ou
d’une différence de potentiel. Les transferts sont ainsi non seulement accélérés mais la direction du
transfert peut être contrôlée par la polarité des électrodes.
L’objectif de ce travail est de proposer une optimisation des transferts électrocinétiques. Pour cela
nous nous appuyons sur la théorie constructale (Bejan, 2000). La théorie constructale est une théorie
d’évolution des systèmes d’écoulement dans le temps basée sur la minimisation des résistances aux
écoulements. L’universalité de cette théorie nous a permis d’envisager des applications à des échelles
multiples (refroidissement de composants électroniques, micro-échangeurs de chaleur, design urbain
…). Nous montrons ici comment la maximisation des transferts permet d’optimiser le transport
électrocinétique dans le temps mais aussi de découvrir la géométrie optimale du système.
2. OPTIMISATION EN TEMPS
Nous avons déjà montré (Bégué et Lorente, 2005, 2006) que lors des tous premiers instants d’un
transfert ionique en milieu poreux accéléré par une source électrique externe, les deux forces
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motrices que sont la diffusion et les effets électriques (appelés aussi dans ce travail convection) sont
en compétition. Par souci de clarté, l’analyse est brièvement reprise ici. L’analyse repose sur l’étude
des ordres de grandeurs associée à l’équation de conservation de la masse (Equation 1).
ϕ
+
=
+
x
c
xRT
F
z
x
c
D
t
C
t
c
p
i
i
2
i
2
i
i,B
i
(1)
i est l’espèce ionique considérée, p la porosité du matériau, c la concentration en solution porale,
C
B
la concentration fixée sur la matrice solide du matériau (physiquement et/ou chimiquement), t le
temps, D le coefficient de diffusion de l’espèce ionique considérée, x la distance à la paroi du matériau
au contact de la solution contaminante, z la valence, R la constante des gaz parfaits, T la température
absolue, F la constante de Faraday, ϕ le potentiel électrique due à la combinaison du potentiel de
membrane et de celui de la source électrique externe.
Une reformulation de l’Equation 1 peut être proposée en prenant en compte le fait que C
B
= C
B
(c),
Equation 2.
ϕ
+
=
x
c
xRT
F
z
x
c
K
D
t
c
i
i
2
i
2
ii
(2)
avec
ii,B
cCpK +=
Nous nous intéressons ici au cas de figure une face du matériau sain, de porosité p, est mise en
contact avec une solution contenant l’espèce ionique contaminante. Le transfert ionique de ladite
espèce est par ailleurs accéléré par application d’un champ électrique constant entre les faces du
matériau séparées d’une distance L. L’analyse d’ordre de grandeurs, réalisée aux tous premiers
instants la différence de potentiel est appliquée, impose de prendre en compte une échelle de
longueur pour la profondeur de pénétration par diffusion égale à x, épaisseur de matériau contaminé à
partir de la surface de l’échantillon au contact avec l’espèce contaminante :
ϕ
c
LRT
F
Kx
D
,
x
c
Kx
D
t
c
00
(3)
A partir de l’Equation 3, on obtient l’ordre de grandeur de la profondeur de pénétration par diffusion,
Equation 4
2/1
2/1
0
t
K
D
x
(4)
Ainsi que celui de la profondeur de pénétration par convection, Equation 5
t
K
D
RTL
F
x
0
ϕ
(5)
L’intersection entre les courbes correspondants aux Equations 4 et 5 donne l’instant où la transition,
t
critique
, entre l’un et l’autre des phénomènes diffusifs et convectifs a lieu (Equation 6).
0
2
critique D
K
F
RTL
t
ϕ
=
(6)
52
La Figure 1 montre l’évolution de la profondeur de pénétration dans le temps en diffusion et en
convection. Aux tous premiers instants de l’application du champ électrique, la profondeur de
pénétration est plus importante en diffusion qu’en convection. Le temps de transition t
critique
représente
le moment la profondeur de pénétration due à la convection prend le pas sur celle due à la
diffusion. Au-delà de t
critique
, les effets électriques deviennent le mécanisme de transport dominant.
t
critique
Migration
Diffusion
t
x
Figure 1. Évolution de la profondeur de pénétration en fonction du temps
Il apparaît donc qu’aux tous premiers instants, le transfert diffusif est le mécanisme prépondérant. La
raison en est que la diffusion est le mode de transport assurant un accès maximal aux espèces
ioniques. Au delà du temps critique, la convection prend le dessus. La croissance du corail (Miguel,
2006), celle des cristaux de neige (Bejan, 2000) sont régies par les mêmes raisons : compétition entre
diffusion et convection afin de maximiser la croissance.
Nous utilisons cette propriété afin de proposer une optimisation en temps des transferts. La Figure 2
montre l’évolution dans le temps du transfert d’une même espèce ionique soumise à deux champs
électriques différents ∇ϕ
1
et ∇ϕ
2
, tels que ∇ϕ
1
< ∇ϕ
2
. Le temps d’application du champ électrique
étant le même, l’allure des courbes diffère par l’effet plus ou moins prononcé du champ électrique. A
terme, la quantité d’espèces ioniques transportée sera plus importante pour le champ électrique le
plus élevé. Aux premiers instants d’application du champ électrique, le contraire se produit. En effet, le
mécanisme de transfert dominant étant la diffusion, la quantité d’espèce transférée sera, aux premiers
instants, d’autant plus grande que le champ électrique est faible (Figure 2).
Figure 2. Transfert ionique en fonction du champ électrique appliqué
ϕ
1
et
ϕ
2
ϕ
2
ϕ
1
53
L’optimisation en temps consiste à utiliser chacun des mécanismes au moment il est le plus
efficace. Ainsi, initialement le champ électrique est choisi de manière délibérée plus faible (∇ϕ
1
). Ce
n’est qu’à partir du moment où le transfert diffusif perd en intensité que le champ électrique est
augmenté. Le résultat en termes de quantités d’espèces transférées est montré sur la Figure 2, pour
la combinaison de ∇ϕ
1
et ∇ϕ
2
(Bégué et Lorente, 2006).
3. OPTIMISATION DANS L’ESPACE
L’optimisation du procédé de décontamination électrocinétique peut être également envisagée d’une
autre manière. En décontamination nucléaire, il est parfois nécessaire de réaliser des
décontaminations dites de « points chauds » pour lesquels une forte activité est concentrée en un lieu
précis de la structure (Frizon, 2003). De telles configurations font appel par exemple à une ométrie
de décontamination cylindrique. La Figure 3 montre une vue de dessus d’un tel dispositif.
Une électrode (l’anode, pour une décontamination au césium) est positionnée au centre, tandis que
les électrodes polarisées en cathode sont situées sur la périphérie d’un cercle dont le rayon est égal à
la distance séparant l’anode d’une cathode. La liaison entre chaque cathode est externe au matériau.
Supposons la zone à forte radioactivité parfaitement identifiée. Par conséquent, le volume de matériau
à décontaminer est connu. Par souci de simplicité, nous considèrerons que la profondeur de
contamination est constante. Ainsi le problème devient bidimensionnel (Figure 3).
Figure 3. Vue de dessus de l’emplacement des électrodes (Frizon, 2003)
La surface à décontaminer étant connue, nous cherchons à déterminer le nombre optimal d’électrodes
à utiliser pour un niveau de contamination donné, et pour un courant donné. La symétrie du problème
nous amène à déterminer l’angle α optimal du secteur de rayon L représenté sur la Figure 4.
Supposons le secteur d’angle α uniformément contaminé. Lorsqu’un courant est imposé entre les
deux électrodes l’ensemble des espèces ioniques est déplacé. Le transport s’effectue de manière
globale de l’anode vers la cathode (dans le cas de la décontamination du sium). Une direction
principale de transport s’établit suivant la distance L séparant les deux électrodes. L’analyse de
l’équation de Nernst-Planck
ϕ+= iiiii c
RT
F
zcDJ
indique que le flux convectif dû aux effets
électriques est dominant. Transversalement à cette direction principale de transport ionique, le flux
d’espèces est essentiellement diffusif (Figure 4). Cependant, le flux convectif est tel qu’à l’approche
de la direction principale du flux d’espèces ioniques, le flux diffusif présente une composante
longitudinale. Une telle configuration possède des analogues dans la nature. Citons ici l’exemple de
l’écoulement de l’eau dans les sols au voisinage du fleuve ou de la rivière (infero flux).
54
Figure 4. Secteur d’angle α
Selon la théorie constructale (Bejan, 2000), le secteur représenté sur la Figure 4 aura une géométrie
optimale si, par unité de temps, la quantité de contaminant transportée transversalement est identique
à celle transportée longitudinalement.
Dans l’analyse d’ordre de grandeur, nous prenons en compte la composante diffusive de l’équation de
Nernst-Planck pour le transport transversal. Par unité de temps, l’ordre de grandeur de la quantité
d’espèces transportée transversalement au rayon L est
α/cD0
. Longitudinalement, le terme diffusif
est négligé au profit de la composante convective. Dans ce cas, l’ordre de grandeur de la quantité
d’espèces transportée longitudinalement par unité de temps est donné par
F/RTcD
0
ϕα
. Nous
avons montré (Lorente et Ollivier, 2006) que dans le cas de transferts électrocinétiques à courant
imposé,
α
ϕcDF
RTI
0
2
(7)
Ce dernier résultat est pris en compte pour proposer un ordre de grandeur du transfert longitudinal par
unité de temps égal à I/F.
Finalement, l’ordre de grandeur de l’angle α optimal est obtenu par
F
I
cD
opt
0
α
(8)
soit
I
cFD
0
opt
α
(9)
Ainsi, il apparaît, de manière contre-intuitive , que si le courant augmente le nombre d’électrodes à
implanter augmente également. En effet, le flux longitudinal augmente avec le courant. Le flux
transversal ne peut croître de la même manière qu’en augmentant le gradient de concentration, donc
en diminuant α.
L
α
L
α
L
α
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