1. Matériaux ferromagnétiques et structure en domaines
Tous les matériaux présentant un magnétisme important, donc utilisables industriellement, comme les ferro- et
les ferrimagnétiques, sont des matériaux hétérogènes d'un point de vue de la structure magnétique. Ils sont
saturés localement ; par contre, à l'échelle macroscopique, en l'absence de champ magnétique extérieur, ils
peuvent avoir :
• soit un comportement saturé, c'est le cas des matériaux durs appelés aussi aimants permanents, dans
lesquels tout est figé du point de vue des structures en domaines ;
• soit un comportement plus modéré que l'on rencontre dans les matériaux magnétiques dits doux. Ces
derniers, en l'absence de champ extérieur, présentent pratiquement une aimantation macroscopique
nulle.
Il importe donc de bien distinguer le vecteur aimantation macroscopique (échelle de l'utilisateur), du vecteur
aimantation microscopique (échelle atomique). Le premier de ces deux vecteurs est une moyenne spatiale du
second vecteur ; c'est une constante vectorielle au sein de chaque domaine (hors parois), en régime quasi-
statique. Il est clair qu'en tout point du matériau, le vecteur aimantation microscopique, dont la direction peut
changer, a partout le même module et que son module a pour valeur l'aimantation à saturation.
L'idée des domaines n'est pas récente, celui qui l'a mise en conjecture dans son travail de thèse en 1907 est
Pierre Weiss. Il a montré qu'un échantillon de taille macroscopique, afin de diminuer son énergie globale, se
subdivise en de nombreuses régions aimantées à saturation (domaines) séparées par des frontières (parois de
Bloch ou parois de Néel). Dans ce cas, l'aimantation globale de la substance n'est égale à l'aimantation spontanée
que lorsque celui-ci est saturé. C'est donc une idée qui a été avancée, il y a longtemps, néanmoins, la
visualisation de telles structures et les interprétations que l'on peut en faire sont loin d'être un sujet de recherche
épuisé.
Les processus d'aimantation sont dominés par les changements topologiques des structures en domaines
(déplacements de parois et rotations d'aimantation) sous l'action d'un champ magnétique extérieur. Les pertes
électromagnétiques dissipées correspondent à des pertes Joule (générées par des densités de courants de
Foucault, localisées autour des parois en mouvement, ou réparties dans l'ensemble d'un domaine en rotation)
et/ou à des pertes par relaxation de spins (là encore, localisées au sein des parois en mouvement, ou réparties
dans l'ensemble d'un domaine en rotation).
Pour visualiser ces structures en domaines magnétiques qui guident tous les processus d'aimantation et de
génération de pertes dans les matériaux magnétiques doux, diverses méthodes d'investigation existent. Les
premières ont été développées à partir de poudres très fines par Bitter en 1931. En 1935, Landau et Lifshitz ont
relié l'existence des domaines de Weiss aux figures de Bitter. Ils ont montré que ce n'était là qu'une conséquence
naturelle de la minimisation des diverses énergies mises en jeu dans les corps ferromagnétiques :
• l'énergie magnétostatique (liée aux champs démagnétisants internes qui tendent à minimiser le parcours
des lignes de champ dans l'air par la création de nouveaux domaines) ;
• l'énergie de paroi (stockée dans la paroi, elle tend à équilibrer la diminution de l'énergie
magnétostatique) ;
• l'énergie magnétocristalline (liée au fait qu'il existe des axes de facile aimantation dans le réseau
cristallin et que la rotation des moments magnétiques demande une mise en jeu importante d'énergie) ;
• l'énergie d'échange (qui résulte de l'interaction des moments et qui passe par un minimum lorsqu'ils sont
alignés)
• et l'énergie magnéto-élastique (qui résulte de l'orientation préférentielle de l'aimantation lorsque le
cristal est sous contrainte mécanique).
C'est sous l'action de ces diverses énergies que s'établit la structure en domaines magnétiques.
Vers les années 50, sont apparues des techniques de visualisation plus fines avec l'utilisation des ferro-fluides,
puis le renfort du polissage électrolytique. À partir des années 60, sont mises au point des méthodes optiques
plus lourdes et plus sophistiquées ; il s'agit de la microscopie électronique à balayage (MEB) et des méthodes
basées sur les effets magnéto-optiques (effet Faraday et effet Kerr), autorisant la visualisation dynamique (sous