Conduite du changement : concepts clés Du même auteur Autissier D. et Moutot J.-M., 300 citations pour changer, Dunod, 2014. Autissier D. et Moutot J.-M., La boîte à outils du changement, Dunod, 2013. Autissier D. et Moutot J.-M., Méthode de conduite du changement, 3e édition, Dunod, 2013. Autissier D., Bensebaa F. et Boudier F., Atlas du management 2010-2011, Eyrolles, 2010. Autissier D., Leloup R. et Marty S., Une innovation en conduite du changement : le projet Litchi à EDF, Eyrolles, 2008. Autissier D., L’intelligence de situation, Eyrolles, 2009. David AUTISSIER Isabelle VANDANGEON-DERUMEZ Alain VAS Conduite du changement : concepts clés 50 ans de pratiques issues des travaux des auteurs fondateurs 2e édition © Dunod, Paris, 2014 ISBN 978-2-10-070574-0 I67A:9:HB6I>ÏG:H Avant-propos : Le changement au cœur de l’équation managériale moderne Introduction : L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations Le changement : un concept qui traverse les travaux de recherche en management Vers une cartographie des travaux en conduite du changement XI 1 5 8 PARTIE 1 LES CHANGEMENTS CONTINUS 1 Norbert Alter : L’innovation ordinaire ou le changement permanent Le modèle de l’innovation ordinaire Gestion du désordre en entreprise et logiques d’acteurs Les difficultés de l’innovation ordinaire 2 Chris Argyris : Comment changer en apprenant ? Apprentissage simple boucle et apprentissage double boucle Les routines défensives, un frein à l’apprentissage en double boucle 3 4 5 19 19 21 24 27 27 30 Hatch complète le modèle de Schein sur la culture organisationnelle Les processus du changement culturel 35 35 37 James March : Ambiguïté, apprentissage et dynamiques de changement 41 L’apprentissage comme la recherche d’un équilibre entre exploitation de l’existant et exploration du nouveau Le modèle du changement ordinaire 42 44 Mary Jo Hatch : Une gestion symbolique du changement Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi : La connaissance créatrice au service de la dynamique de changement et de l’organisation apprenante La spirale de la connaissance Les conditions nécessaires à la création de connaissances 47 47 50 VI CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS 6 Wanda J. Orlikowski : Le modèle de la métamorphose pour l’adoption des systèmes d’information L’adoption des nouveaux systèmes d’information Les projets de changements de système d’information en tant que construits sociaux Le modèle de la métamorphose 7 Renaud Sainsaulieu : Le changement par l’identité La culture comme axe central de compréhension et d’action dans les organisations L’importance des identités pour comprendre les comportements face au changement 8 Peter Senge : Le changement par l’apprentissage Les 7 freins à l’apprentissage La cinquième discipline Un manager « professeur » 9 Karl E. Weick : Créer du sens pour accompagner le changement et renforcer la résilience de l’organisation Le modèle Activation Sélection Rétention de Weick La résilience comme mode de gestion du changement 55 55 56 57 61 61 63 65 65 67 69 71 71 74 PARTIE 2 LES CHANGEMENTS PROPOSÉS 10 Julia Balogun : Comment les managers intermédiaires négocient-ils le changement ? Les activités des managers intermédiaires face au changement Comment les interactions sociales des managers intermédiaires modifient le changement imposé 11 Robert A. Burgelman : Écologie d’initiatives intra-organisationnelles et changement stratégique Comportements stratégiques induit et autonome Processus induit et autonome de formation de la stratégie Conduire le changement stratégique autonome 81 82 84 89 90 92 93 Table des matières 12 Denis A. Gioia : Construire et diffuser du sens pour changer Construire du sens pour changer La construction et la diffusion de sens : un processus interactif entre top-managers et parties prenantes (internes et externes) 13 Royston Greenwood et C.R Hinings : Archétypes organisationnels et changement Comment les structures organisationnelles se forment-elles ? Le changement à travers les archétypes organisationnels 14 Kurt Lewin : Comment le groupe mène-t-il au changement des individus ? Le changement comme l’évolution d’un champ de forces Un modèle de changement en trois phases La dynamique des groupes et style de leadership 15 Henry Mintzberg : Intention et émergence du changement La stratégie, entre intention et émergence La nature des changements organisationnels et stratégiques Les modèles du changement 16 Serge Moscovici : L’influence des minorités comme vecteur de changement © Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. L’importance de l’influence sociale dans le changement L’existence des minorités actives Les conditions favorables au changement VII 97 97 100 105 105 107 113 113 116 117 121 121 123 125 127 127 129 130 PARTIE 3 LES CHANGEMENTS DIRIGÉS 17 Yvan Allaire et Michaela E. Firsirotu : Transformation des stratégies d’entreprises et révolutions culturelles Quel changement pour adapter l’organisation à l’environnement ? Organiser le changement culturel et la planification stratégique 18 Richard Beckhard : Le développement de l’organisation (OD) Planifier le changement Pour augmenter les performances de l’organisation 137 137 140 145 145 148 VIII CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS 19 Céline Bareil et André Savoie : Les phases de préoccupations du changement Les sept phases de préoccupations des destinataires du changement Les actions managériales à suivre pour accompagner les destinataires du changement 20 Michael T. Hannan et John Freeman : L’écologie des populations d’organisations, quand l’environnement favorise les organisations stables Le développement des organisations suit une loi naturelle issue de l’environnement Comment évolue la population d’organisations Pourquoi les organisations d’une même population font-elles preuve d’une faible capacité à changer ? 21 Rosabeth Moss Kanter : La gestion du changement ou comment apprendre à un éléphant à danser Les résistances au changement La roue du changement Rôle des managers et de la direction dans la motivation et l’implication des acteurs 22 Manfred F.R. Kets de Vries : La psychologie du changement chez l’individu Les névroses de l’individu confronté au changement Le processus de deuil 23 Daniel H. Kim : De l’apprentissage individuel à l’apprentissage organisationnel, un passage nécessaire mais pas toujours réussi Mémoire et modèles mentaux pour comprendre le lien entre apprentissage individuel et apprentissage organisationnel Les déficiences du passage entre apprentissage individuel et apprentissage organisationnel 24 John P. Kotter : Les managers comme relais opérationnels du changement Le modèle de Kotter La gestion du changement par les managers 153 153 156 161 162 163 165 169 170 170 172 175 175 178 181 181 186 191 191 193 Table des matières IX PARTIE 4 LES CHANGEMENTS ORGANISÉS 25 Gregory Bateson, Paul Watzlawick, John H. Weakland et Richard Fisch : Apprentissage I et Apprentissage II, Changement 1 et Changement 2 Bateson : Apprentissage et changement Watzlavick, Weakland et Fisch : changement 1 et changement 2 26 Gerry Johnson et Kevan Scholes : Mobiliser le tissu culturel pour conduire un changement stratégique Culture et changement stratégique Le diagnostic du tissu culturel Utiliser le tissu culturel pour conduire le changement 27 Danny Miller et Perter Friesen : Le changement organisationnel, une évolution et/ou une révolution ? Comment les organisations changent-elles ? Choisir entre l’évolution ou la révolution 28 Andrew M. Pettigrew : Une approche contextualiste du changement Les fondements du courant contextualiste Le modèle contextualiste du changement L’approche contextuelle au cœur de la recherche sur le changement 29 Edgard Schein : Comprendre la culture organisationnelle pour changer La culture organisationnelle un outil de changement La culture de l’apprentissage et du changement 30 Michael L. Tushman et Elaine Romanelli : Le changement, un équilibre ponctué L’équilibre ponctué : alternance de phases de convergence et de phases de révolution Expliquer le passage d’une phase à une autre Conclusion : Andrew H. Van de Ven : La multiplicité des modèles de changement Comment et pourquoi les organisations changent-elles ? Le cadrage intégrateur des modèles de changements institutionnels Index 199 199 201 205 205 207 209 213 213 216 221 222 223 226 231 231 234 237 238 240 245 245 248 253 Avant-propos A:8=6C<:B:CI6J8µJG 9:A¼wFJ6I>DCB6C6<wG>6A:BD9:GC: e changement est devenu en vingt ans le maître mot des projets organisationnels. La capacité de changer, pour une organisation, n’est plus une compétence ponctuelle pouvant être achetée à l’extérieur mais un actif immatériel à construire, consolider et développer. De manière schématique, l’équation managériale pourrait être résumée par la formule suivante : L FAIRE SON TRAVAIL TECHNIQUE + PILOTER SON ACTIVITÉ + TRANSFORMER SON ACTIVITÉ = ÊTRE UN MANAGER EFFICACE Si le changement est devenu une composante structurelle du management et, plus généralement, du fonctionnement des entreprises, doit-on alors le laisser se réaliser ou bien l’instrumentaliser pour le stimuler ? Peut-on agir sur le changement ? Si oui, comment ? L’enjeu des réflexions sur les notions de changement, de conduite du changement et de transformation va dans ce sens : disposer d’une batterie de concepts, méthodes et outils pour gérer le changement au quotidien dans les entreprises. La gestion du changement est très souvent noyée dans le management en général. Compte tenu de l’importance de cette notion dans le fonctionnement des organisations, nous avons fait le choix de la mettre en exergue en livrant dans cet ouvrage les principaux auteurs qui en ont fait un objet d’étude spécifique ou bien qui l’ont abordée dans des démonstrations managériales plus larges. La thématique de l’ouvrage proposé, est celle de la conduite du changement au travers des grands concepts qui ont façonné la réflexion et les outils de cette notion au cours du temps. À la question « Comment faire changer une organisation ? », la littérature propose trois courants de pensée : XII CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS UÊ Une littérature très généraliste sur l’importance du changement, datant d’une quinzaine d’années, avec des ouvrages comme La valse du changement de Senge en 1999. En insistant sur l’importance du changement, cette littérature apparaît aujourd’hui comme insuffisante car ce n’est pas tant le « pourquoi changer ? » que le « comment changer ? » qui intéresse les lecteurs. UÊ Une littérature théorique présentant des explications sur les mécanismes de changement. Le coût d’entrée de cette littérature pour le lecteur lambda est toujours très élevé, voire dissuasif. Il s’agit d’ouvrages issus de la sociologie, de la psychologie ou encore du management, qui s’adressent surtout à un public de chercheurs, comme les écrits de Weick sur la création de sens. UÊ Une littérature très pragmatique qui décrit les outils de conduite du changement à mettre en place, tels que le plan de communication par exemple. Notre objectif dans cet ouvrage n’est pas de faire une thèse théorique sur le concept de changement mais de rechercher dans la littérature les concepts clés de cette notion pour améliorer sa compréhension et son opérationnalisation. Notre ouvrage complète les livres pragmatiques en expliquant l’essence des différents outils. Nous voulons donner au lecteur de multiples grilles de lecture qu’il pourra mobiliser de manière indépendante ou coupler à des démarches opérationnelles. Dans une logique « les grands auteurs en conduite du changement », nous livrons des synthèses des travaux de 31 auteurs. L’ouvrage est structuré en quatre parties. L’introduction générale donne des éléments sur les enjeux et les pratiques de la conduite du changement dans les entreprises ainsi que la typologie des auteurs en quatre groupes. Les auteurs sont classés sur deux axes qui répondent à deux questions que se pose toute personne qui doit gérer un changement : UÊ Sommes-nous face à un changement permanent ou de rupture ? UÊ Sommes-nous face à un changement imposé ou négocié ? Une typologie des auteurs est ainsi proposée à la lumière de deux axes discriminatoires : l’axe de changement « Imposé versus Négocié » et « Permanent versus en Rupture ». Le croisement de ces deux axes permet d’obtenir une typologie des écrits sur le changement en quatre catégories de changement reprise dans les quatre parties suivantes. Le changement au cœur de l’équation managériale moderne XIII UÊ Partie 1 : Les concepts clés des changements continus UÊ Partie 2 : Les concepts clés des changements proposés UÊ Partie 3 : Les concepts clés des changements dirigés UÊ Partie 4 : Les concepts clés des changements organisés La conclusion générale est construite autour des apports des travaux de Van de Ven qui propose une synthèse et une typologie des théories du changement en entreprise. Enfin, cet ouvrage, construit à partir de travaux de recherche, est de nature théorique et propose différentes clés de lecture du phénomène de changement. Pour ceux qui voudraient une approche opérationnelle en complément, nous vous invitons à lire la deuxième édition de l’ouvrage Méthode de conduite du changement (Autissier et Moutot, Dunod, 2013). La deuxième édition de cet ouvrage propose de nouveaux auteurs, comme Hatch, Kim, Kotter, Moscovici et Senge. Introduction A¼>BEDGI6C8:9J8=6C<:B:CI 96CHA:;DC8I>DCC:B:CI9:HDG<6C>H6I>DCH « Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » Francis BLANCHE « En voulant décréter le changement, l’immobilisme s’est mis en marche et je ne sais plus comment l’arrêter. » Edgar FAURE l n’existe pas un discours de dirigeants, ou bien de managers, qui ne fasse pas mention du changement. La campagne électorale de Barack Obama était basée sur le changement avec le message « Yes, we can » pour symboliser la possibilité de réaliser un changement de société important. La thématique du changement, qui a toujours été présente dans le fonctionnement des sociétés humaines semble aujourd’hui ne plus être une de ses composantes mais un élément central. On parle désormais de capacité de transformation aussi bien pour une organisation qu’un individu. Le changement apparaît comme la solution à la gestion de toutes les évolutions qu’une entreprise doit intégrer pour survivre et se développer. Dans une logique d’adaptation à un environnement mais également pour construire les stratégies de différenciation sur des marchés concurrentiels, les entreprises ont toujours eu à gérer des changements. Pourtant, la façon dont elles ont appréhendé ces changements a évolué selon des paramètres externes comme internes. D’abord préoccupées par la question de la nécessité du changement (faut-il ou non changer ?), question qui ne se pose plus aujourd’hui, elles se sont penchées progressivement sur la conduite elle-même du changement. Ce passage de la gestion à la conduite du changement s’est opéré dans les années 1980-1990 par l’intervention de plusieurs phénomènes. Ainsi, « l’info-télécommunication » (le mariage de la technologie informatique et des télécommunications) a profondément modifié le fonctionnement des entreprises, en accélérant le rythme de production et de diffusion des informations. I 2 CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS Une personne qui a son tableau de bord en temps réel se voit obligée de modifier ses pratiques quotidiennement pour corriger le tir. Le changement n’est alors plus un événement rare mais une manifestation quotidienne qui contraint les individus à se réinventer en permanence. Le rythme de l’activité professionnelle s’est également accru indépendamment de la charge de travail. Il faut aller vite, s’adapter, réagir, aller de l’avant comme le témoignent les discours des dirigeants. L’exigence d’un rythme accru s’est matérialisée dans les entreprises par la multiplication du nombre de projets. Des projets informatiques (avec le déploiement de progiciels de gestion intégrés et de nombreuses applications de pilotage et de portage web) mais également des projets commerciaux (nouveaux produits, nouveaux marchés), de gestion (culture de performance), organisationnels (réingéniering des processus) et logistiques (changement d’implantations géographiques) se sont développés de manière un peu désordonnée pouvant créer parfois des ruptures de compréhension et d’adhésion. Le terme « conduite du changement » a vu le jour essentiellement avec les projets informatiques et plus particulièrement avec les projets d’implantation des progiciels de gestion intégrés (PGI ou ERP pour Entreprise Ressources Planning). Dans les années 1980-1990 l’informatique de programmation a laissé la place à l’informatique d’éditeur. Des sociétés d’éditions de logiciels se sont développées pour offrir aux entreprises des applications informatiques standards qu’elles n’avaient plus qu’à paramétrer au lieu de les développer comme elles le faisaient auparavant. Ce changement a eu pour conséquence d’adopter des méthodes de gestion de projets avec des phases d’analyse fonctionnelle auprès des utilisateurs pour recueillir leurs besoins et leur adhésion. Parallèlement aux travaux de Kanter (1983) sur les résistances que nous développerons dans l’ouvrage, des dispositifs d’accompagnement au changement ont été proposés notamment par les cabinets de conseil. Dans leur ouvrage Pratiques de la conduite du changement, Autissier et Moutot (2003) ont montré que la conduite du changement était davantage réalisée par des cabinets externes. Ils ont proposé un modèle des offres en conduite du changement structuré en trois approches (Figure I). L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations 3 CDC instrumentée CDC « Gestion de projet » CDC Psycho-sociologique © Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. Figure I – Modèles de conduite du changement La conduite du changement « instrumentée » : la plus connue, permet de traiter des changements à large échelle à travers des kits de déploiement, kits de formation et de communication. C’est l’offre proposée par les grands cabinets de conseil qui propose un processus de changement avec des productions comme des plans de communication, des études d’impacts et des plans de formation. Cette offre a été créée pour les grands projets informatiques de type ERP. La conduite du changement « psychosociologique » : la plus complexe, permet de comprendre la culture des acteurs, de caractériser les organisations (agence, région, entreprise), d’analyser les résistances et leurs causes profondes, les facteurs de motivation, les modes de management, les relations sociales entre les groupes. Proposée par des cabinets de conseil de plus petites tailles, spécialisés en ressources humaines et/ou management, cette approche vise en général un petit nombre de bénéficiaires du changement et traite plus des facteurs de résistances que de l’accompagnement au changement dans son ensemble. La conduite du changement de « gestion de projet » : la plus « complète », permet de cadencer les étapes intermédiaires du changement, et de suivre la réalisation du changement. Elle prend la forme d’un lot dans un projet avec ses actions, son planning et son budget. Les méthodologies de gestion de projet font mention de l’importance d’un lot « conduite du changement » sans toujours bien formaliser les actions spécifiques de 4 CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS ce lot. La gestion du changement traite plus particulièrement de la communication sur le projet et du pilotage de certains points. Les premières offres en conduite du changement étaient surtout centrées sur ce que l’on appelle les leviers de la conduite du changement à savoir l’accompagnement des individus, la communication et la formation. Avec l’objectif de réconcilier les trois approches présentées précédemment mais aussi d’avoir une boucle de gestion classique (diagnostic, action, pilotage ou selon la roue de Deming : Plan Do Check Act), des modèles de conduite du changement ont été proposés, incluant une partie diagnostic du changement, une partie sur le déploiement des leviers classiques et une partie sur le pilotage spécifique des actions de conduite du changement et de leurs résultats. Autissier et Moutot (2013) dans leur ouvrage Méthode de conduite du changement, aux éditions Dunod, avancent un modèle de conduite du changement organisé en deux cycles à partir d’un diagnostic. Le cycle d’accompagnement avec les leviers classiques (études d’impacts/accompagnement, communication et formation) et le cycle de pilotage avec un suivi de l’adhésion et de la réalisation du changement sur l’activité de l’entreprise comme le montre la figure II. Le déploiement de plus en plus fréquent, voire parfois systématique, d’actions de conduite du changement a amené certaines grandes entreprises à se doter de structures pérennes plus ou moins conséquentes pour accompagner les différents projets. C’est par exemple le cas de l’entreprise EDF qui a créé le dispositif Litchi1 (Les Instruments et Techniques du CHangement Internes) qui propose un référentiel en conduite du changement en 27 outils clés à mobiliser en fonction des besoins du terrain. Les outils ont été formalisés et mis à disposition des salariés de l’entreprise qui en ont besoin au moyen d’un site Web, de sessions de formation et de mise à disposition de coachs Litchi dans un contexte de professionnalisation. Cela a permis à l’entreprise de se constituer un réseau interne de professionnels de la conduite du changement pouvant intervenir sur différents projets. Cela a également permis de créer un réseau sur le thème du changement et de disposer d’une force de réflexion et d’action sur le sujet de la conduite du changement. L’internalisation des compétences et la conception d’offre globale en conduite du changement sont deux évolutions structurantes pour ce concept. Pour autant une autre évolution de la conduite du changement se développe progressivement : celle de la gestion de la transformation globale. Cette évolution permet de 1. Leloup R., Marty S., Autissier D., Une innovation en conduite du changement, Le projet Litchi à EDF, Eyrolles, 2008. L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations 5 dépasser l’orientation « projet unique » de la conduite du changement pour l’inscrire dans un fonctionnement en mode pérenne au sein de l’organisation ainsi que sur les analyses interprojets. d c le Cy mpagnement du chan ’acco ge m en t Axe Communication Axe Études d’impacts et accompagnement Axe Formation DIAGNOSTIC DU CHANGEMENT Axe Gestion des transformations © Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. Cyc le de Axe Gestion des hommes et des résistances t men pilotage du change Source : Autissier et Moutot (2007, p. 139). Figure II – Méthode de conduite du changement A:8=6C<:B:CI/JC8DC8:EIFJ>IG6K:GH: A:HIG6K6JM9:G:8=:G8=::CB6C6<:B:CI Il existe depuis longtemps de la part des directions générales, et des managers de haut niveau, une volonté de maîtriser un phénomène aussi complexe que le changement. Pour autant, il n’en reste pas moins diffi- 6 CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS cile à déployer et bien souvent, le changement attendu ne se produit pas comme prévu. Pourquoi les organisations doivent-elles changer ? Comment expliquer que ces projets de changement, pourtant finalisés avec le plus grand soin, ne permettent pas d’atteindre les objectifs escomptés ? Comment expliquer que, plus qu’avant, le changement soulève des réticences pour ne pas dire résistances de la part des individus composant l’organisation ? Depuis de nombreuses années les chercheurs en management stratégique et sur le changement organisationnel ont tenté d’apporter des réponses à ces questions à travers leurs recherches. En management stratégique, la réponse apportée à la problématique de la maîtrise de changement s’interprète en termes de planification. Ainsi, dès les années soixante, la littérature met en avant un dirigeant cherchant à répondre de façon intentionnelle aux exigences de croissance du marché. La théorie de la contingence (Burns et Stalker, 1961, Chandler, 1989, Woodward, 1965) explique alors pourquoi le dirigeant, cherchant à assurer les performances de son entreprise, doit mettre en cohérence les caractéristiques stratégiques, structurelles et organisationnelles de celle-ci, avec les caractéristiques de l’environnement. Ainsi, par l’adaptation des paramètres organisationnels à l’environnement, le dirigeant peut maintenant maîtriser l’évolution de son organisation. Cette théorie, satisfaisante dans un environnement peu turbulent et en croissance, montre ses limites dans un contexte plus instable, comme celui qui apparaît au début des années soixante-dix. Avec la libéralisation des marchés et l’intensification de la concurrence, la réduction des coûts et l’accroissement de la compétitivité ne peuvent être obtenus qu’au prix d’un changement radical de la stratégie, souvent accompagné d’une transformation de la culture organisationnelle. L’organisation n’étant plus portée par la croissance du marché, il faut anticiper les évolutions à venir, analyser le contexte organisationnel pour le confronter aux caractéristiques à venir de l’environnement. Le but est alors de fixer des objectifs de développement à moyen et long terme pour ensuite réaliser des choix en matière de stratégie et les décliner en plans d’actions annuels (Steiner, 1979). Les organisations ont ainsi des buts à atteindre et des moyens permettant de les réaliser. Il suffit alors de suivre les plans d’actions. Un tel changement, considéré comme risqué et peu fréquent, ne peut être pensé et conduit que par le dirigeant, et justifié par une situation de crise. Ce leader visionnaire est en mesure de maîtriser le processus de changement et de mobiliser l’ensemble des acteurs de l’organisation sur son projet. © Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations 7 Au début des années quatre-vingt, ces différents courants du management stratégique (à l’image de la planification stratégique1) sont remis en cause, montrant leur inefficacité face à un environnement devenu de moins en moins prévisible. Les échecs des entreprises amènent des auteurs tels Mintzberg et Waters (1985) à se poser des questions quant à la capacité des organisations à conduire des changements intentionnels. Ces derniers montrent que la stratégie réalisée d’une organisation devrait être abordée comme le résultat d’intentions initiales, mais également de stratégies émergentes susceptibles de modifier les objectifs de départ. D’autres auteurs, tels Quinn (1980) et Smith (1986) critiquent l’idée d’un changement radical conduit par la direction, en montrant que des ajustements réalisés par les opérationnels, sur la base d’expérimentations, peuvent eux aussi conduire progressivement à la transformation globale de l’organisation. Le défi qui se présente alors aux organisations est d’être en mesure de construire des pratiques systématiques permettant de gérer l’auto-transformation, nécessaire à l’amélioration continue des activités, au développement de nouvelles activités mais surtout à l’innovation continue. Les auteurs défendant la « stratégie comme pratique » exposent, ainsi dans un numéro spécial de la revue Journal of Management Studies, coordonné par Johnson, Melin et Whittington (janvier 2003), leurs réflexions sur cette nouvelle approche de la stratégie. Ils soulignent l’importance des interrelations entre les acteurs, les structures et les systèmes pour mieux comprendre la formation de la stratégie. Dans la lignée de ces travaux, et parce qu’ils remettent au centre de l’organisation et de l’analyse de ses performances les pratiques humaines, les théories sur le changement ont elles aussi été revisitées. Dans la littérature plus spécialisée sur le changement organisationnel la réponse apportée à la maîtrise du changement se lit en termes de résistances au changement. Elles s’expliquent par le sentiment de crainte que suscite le changement, aussi bien chez les acteurs opérationnels que chez les managers intermédiaires. En effet, pour les opérationnels le changement soulève beaucoup de questions : que vais-je devenir, quelle sera ma place dans la nouvelle organisation ? La position intermédiaire des managers les oblige, quant à eux, à « vendre », auprès de leurs collaborateurs, un projet auquel ils n’adhèrent pas forcément. Ces situations entraînent des réactions parfois imprévues qui peuvent remettre en cause le bon dérou1. Mintzberg, Ahlstrand et Lampel (1999). 8 CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS lement du processus de changement : attitude de retrait, passivité, résistances, etc. Pour tenter de canaliser ces comportements et aider les individus à mieux appréhender le chan gement, le courant de l’Organization Development propose, dès les années soixante, des méthodes de conduite du changement. Il suggère de planifier les périodes de changement en programmant les interventions de la direction, afin d’améliorer le fonctionnement et les performances de l’organisation. Cette position est remise en cause, par des auteurs comme Argyris (1995) ou Nonaka (1994). Ces derniers montrent que le changement ne peut être abordé comme une période particulière de la vie des organisations, un évènement rare et bouleversant. Au contraire le changement fait partie intégrante de la vie de l’organisation et s’assimile à un processus continu d’apprentissage favorisant l’innovation. Mais surtout pour ces auteurs, le changement ne peut être maîtrisé par les dirigeants même si sa mise en œuvre est planifiée et pensée afin de limiter les phénomènes de résistances. Les dirigeants doivent donc donner plus de liberté aux acteurs de l’organisation, afin qu’ils puissent être en mesure de porter le changement et de créer des nouveaux savoirs. Parmi les auteurs défendant ces idées, certains vont même plus loin en considérant le changement comme un phénomène ordinaire, engagé par les personnes ordinaires qui ne font que répondre, du mieux qu’elles le peuvent aux problèmes auxquelles elles sont confrontées dans le fonctionnement quotidien de l’organisation (March, 1981). Pour les pionniers de cette nouvelle approche du changement organisationnel, les organisations changent continuellement, de façon routinière et responsable. Ce changement ne peut être contrôlé, car les organisations et les acteurs font rarement ce qui leur est imposé. K:GHJC:86GID<G6E=>:9:HIG6K6JM :C8DC9J>I:9J8=6C<:B:CI Si l’on devait dater la notion de changement dans les écrits sur le fonctionnement des organisations, nous pourrions prendre comme point 0 l’année 1947. C’est en 1947 que Lewin a publié son ouvrage retraçant ses expérimentations sur les changements de comportements alimentaires des Américains lors de la deuxième guerre mondiale. Ces écrits sont toujours d’actualité et très souvent mobilisés dans différentes démonstrations concernant les modalités pour mener et réaliser différents changements. En complément de ces travaux que l’on juge fondateurs sur le thème du changement, de nombreux auteurs ont abordé le thème du changement en en faisant leur