Conduite du changement : concepts clés

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Conduite
du changement :
concepts clés
Du même auteur
Autissier D. et Moutot J.-M., 300 citations pour changer, Dunod, 2014.
Autissier D. et Moutot J.-M., La boîte à outils du changement, Dunod, 2013.
Autissier D. et Moutot J.-M., Méthode de conduite du changement, 3e édition, Dunod, 2013.
Autissier D., Bensebaa F. et Boudier F., Atlas du management 2010-2011, Eyrolles, 2010.
Autissier D., Leloup R. et Marty S., Une innovation en conduite du changement : le projet Litchi à
EDF, Eyrolles, 2008.
Autissier D., L’intelligence de situation, Eyrolles, 2009.
David AUTISSIER
Isabelle VANDANGEON-DERUMEZ
Alain VAS
Conduite
du changement :
concepts clés
50 ans de pratiques
issues des travaux
des auteurs fondateurs
2e édition
© Dunod, Paris, 2014
ISBN 978-2-10-070574-0
I67A:9:HB6I>ÏG:H
Avant-propos : Le changement au cœur de l’équation
managériale moderne
Introduction : L’importance du changement dans
le fonctionnement des organisations
Le changement : un concept qui traverse les travaux de recherche
en management
Vers une cartographie des travaux en conduite du changement
XI
1
5
8
PARTIE 1
LES CHANGEMENTS CONTINUS
1
Norbert Alter : L’innovation ordinaire ou le changement
permanent
Le modèle de l’innovation ordinaire
Gestion du désordre en entreprise et logiques d’acteurs
Les difficultés de l’innovation ordinaire
2
Chris Argyris : Comment changer en apprenant ?
Apprentissage simple boucle et apprentissage double boucle
Les routines défensives, un frein à l’apprentissage en double boucle
3
4
5
19
19
21
24
27
27
30
Hatch complète le modèle de Schein sur la culture organisationnelle
Les processus du changement culturel
35
35
37
James March : Ambiguïté, apprentissage et dynamiques
de changement
41
L’apprentissage comme la recherche d’un équilibre entre exploitation
de l’existant et exploration du nouveau
Le modèle du changement ordinaire
42
44
Mary Jo Hatch : Une gestion symbolique du changement
Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi : La connaissance
créatrice au service de la dynamique de changement et
de l’organisation apprenante
La spirale de la connaissance
Les conditions nécessaires à la création de connaissances
47
47
50
VI
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
6
Wanda J. Orlikowski : Le modèle de la métamorphose
pour l’adoption des systèmes d’information
L’adoption des nouveaux systèmes d’information
Les projets de changements de système d’information en tant
que construits sociaux
Le modèle de la métamorphose
7
Renaud Sainsaulieu : Le changement par l’identité
La culture comme axe central de compréhension et d’action
dans les organisations
L’importance des identités pour comprendre les comportements
face au changement
8
Peter Senge : Le changement par l’apprentissage
Les 7 freins à l’apprentissage
La cinquième discipline
Un manager « professeur »
9
Karl E. Weick : Créer du sens pour accompagner
le changement et renforcer la résilience de l’organisation
Le modèle Activation Sélection Rétention de Weick
La résilience comme mode de gestion du changement
55
55
56
57
61
61
63
65
65
67
69
71
71
74
PARTIE 2
LES CHANGEMENTS PROPOSÉS
10
Julia Balogun : Comment les managers intermédiaires
négocient-ils le changement ?
Les activités des managers intermédiaires face au changement
Comment les interactions sociales des managers intermédiaires
modifient le changement imposé
11 Robert A. Burgelman : Écologie d’initiatives
intra-organisationnelles et changement stratégique
Comportements stratégiques induit et autonome
Processus induit et autonome de formation de la stratégie
Conduire le changement stratégique autonome
81
82
84
89
90
92
93
Table des matières
12 Denis A. Gioia : Construire et diffuser du sens pour
changer
Construire du sens pour changer
La construction et la diffusion de sens : un processus interactif entre
top-managers et parties prenantes (internes et externes)
13 Royston Greenwood et C.R Hinings :
Archétypes organisationnels et changement
Comment les structures organisationnelles se forment-elles ?
Le changement à travers les archétypes organisationnels
14 Kurt Lewin : Comment le groupe mène-t-il au
changement des individus ?
Le changement comme l’évolution d’un champ de forces
Un modèle de changement en trois phases
La dynamique des groupes et style de leadership
15 Henry Mintzberg : Intention et émergence
du changement
La stratégie, entre intention et émergence
La nature des changements organisationnels et stratégiques
Les modèles du changement
16 Serge Moscovici : L’influence des minorités comme vecteur
de changement
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’importance de l’influence sociale dans le changement
L’existence des minorités actives
Les conditions favorables au changement
VII
97
97
100
105
105
107
113
113
116
117
121
121
123
125
127
127
129
130
PARTIE 3
LES CHANGEMENTS DIRIGÉS
17 Yvan Allaire et Michaela E. Firsirotu : Transformation
des stratégies d’entreprises et révolutions culturelles
Quel changement pour adapter l’organisation à l’environnement ?
Organiser le changement culturel et la planification stratégique
18 Richard Beckhard : Le développement
de l’organisation (OD)
Planifier le changement
Pour augmenter les performances de l’organisation
137
137
140
145
145
148
VIII
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
19 Céline Bareil et André Savoie : Les phases de préoccupations
du changement
Les sept phases de préoccupations des destinataires du changement
Les actions managériales à suivre pour accompagner les destinataires
du changement
20 Michael T. Hannan et John Freeman : L’écologie des
populations d’organisations, quand l’environnement
favorise les organisations stables
Le développement des organisations suit une loi naturelle issue de
l’environnement
Comment évolue la population d’organisations
Pourquoi les organisations d’une même population font-elles preuve
d’une faible capacité à changer ?
21 Rosabeth Moss Kanter : La gestion du changement
ou comment apprendre à un éléphant à danser
Les résistances au changement
La roue du changement
Rôle des managers et de la direction dans la motivation
et l’implication des acteurs
22 Manfred F.R. Kets de Vries : La psychologie du changement
chez l’individu
Les névroses de l’individu confronté au changement
Le processus de deuil
23 Daniel H. Kim : De l’apprentissage individuel à l’apprentissage
organisationnel, un passage nécessaire mais pas toujours
réussi
Mémoire et modèles mentaux pour comprendre le lien entre
apprentissage individuel et apprentissage organisationnel
Les déficiences du passage entre apprentissage individuel
et apprentissage organisationnel
24 John P. Kotter : Les managers comme relais opérationnels
du changement
Le modèle de Kotter
La gestion du changement par les managers
153
153
156
161
162
163
165
169
170
170
172
175
175
178
181
181
186
191
191
193
Table des matières
IX
PARTIE 4
LES CHANGEMENTS ORGANISÉS
25 Gregory Bateson, Paul Watzlawick, John H. Weakland
et Richard Fisch : Apprentissage I et Apprentissage II,
Changement 1 et Changement 2
Bateson : Apprentissage et changement
Watzlavick, Weakland et Fisch : changement 1 et changement 2
26 Gerry Johnson et Kevan Scholes : Mobiliser le tissu culturel
pour conduire un changement stratégique
Culture et changement stratégique
Le diagnostic du tissu culturel
Utiliser le tissu culturel pour conduire le changement
27 Danny Miller et Perter Friesen : Le changement
organisationnel, une évolution et/ou une révolution ?
Comment les organisations changent-elles ?
Choisir entre l’évolution ou la révolution
28 Andrew M. Pettigrew : Une approche contextualiste
du changement
Les fondements du courant contextualiste
Le modèle contextualiste du changement
L’approche contextuelle au cœur de la recherche sur le changement
29 Edgard Schein : Comprendre la culture organisationnelle
pour changer
La culture organisationnelle un outil de changement
La culture de l’apprentissage et du changement
30 Michael L. Tushman et Elaine Romanelli : Le changement,
un équilibre ponctué
L’équilibre ponctué : alternance de phases de convergence
et de phases de révolution
Expliquer le passage d’une phase à une autre
Conclusion : Andrew H. Van de Ven : La multiplicité des modèles
de changement
Comment et pourquoi les organisations changent-elles ?
Le cadrage intégrateur des modèles de changements institutionnels
Index
199
199
201
205
205
207
209
213
213
216
221
222
223
226
231
231
234
237
238
240
245
245
248
253
Avant-propos
A:8=6C<:B:CI6J8µJG
9:A¼wFJ6I>DCB6C6<wG>6A:BD9:GC:
e changement est devenu en vingt ans le maître mot des projets organisationnels. La capacité de changer, pour une organisation, n’est plus
une compétence ponctuelle pouvant être achetée à l’extérieur mais un actif
immatériel à construire, consolider et développer. De manière schématique, l’équation managériale pourrait être résumée par la formule suivante :
L
FAIRE SON TRAVAIL TECHNIQUE
+ PILOTER SON ACTIVITÉ
+ TRANSFORMER SON ACTIVITÉ
= ÊTRE UN MANAGER EFFICACE
Si le changement est devenu une composante structurelle du management et, plus généralement, du fonctionnement des entreprises, doit-on
alors le laisser se réaliser ou bien l’instrumentaliser pour le stimuler ? Peut-on
agir sur le changement ? Si oui, comment ? L’enjeu des réflexions sur les
notions de changement, de conduite du changement et de transformation
va dans ce sens : disposer d’une batterie de concepts, méthodes et outils
pour gérer le changement au quotidien dans les entreprises.
La gestion du changement est très souvent noyée dans le management en
général. Compte tenu de l’importance de cette notion dans le fonctionnement des organisations, nous avons fait le choix de la mettre en exergue en livrant dans cet ouvrage les principaux auteurs qui en ont fait un
objet d’étude spécifique ou bien qui l’ont abordée dans des démonstrations
managériales plus larges.
La thématique de l’ouvrage proposé, est celle de la conduite du changement au travers des grands concepts qui ont façonné la réflexion et les outils
de cette notion au cours du temps.
À la question « Comment faire changer une organisation ? », la littérature
propose trois courants de pensée :
XII
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
UÊ Une littérature très généraliste sur l’importance du changement, datant d’une
quinzaine d’années, avec des ouvrages comme La valse du changement
de Senge en 1999. En insistant sur l’importance du changement, cette
littérature apparaît aujourd’hui comme insuffisante car ce n’est pas tant
le « pourquoi changer ? » que le « comment changer ? » qui intéresse les
lecteurs.
UÊ Une littérature théorique présentant des explications sur les mécanismes de changement. Le coût d’entrée de cette littérature pour le lecteur lambda est toujours très élevé, voire dissuasif. Il s’agit d’ouvrages
issus de la sociologie, de la psychologie ou encore du management, qui
s’adressent surtout à un public de chercheurs, comme les écrits de Weick
sur la création de sens.
UÊ Une littérature très pragmatique qui décrit les outils de conduite du
changement à mettre en place, tels que le plan de communication par
exemple.
Notre objectif dans cet ouvrage n’est pas de faire une thèse théorique sur
le concept de changement mais de rechercher dans la littérature les concepts
clés de cette notion pour améliorer sa compréhension et son opérationnalisation. Notre ouvrage complète les livres pragmatiques en expliquant l’essence des différents outils. Nous voulons donner au lecteur de multiples
grilles de lecture qu’il pourra mobiliser de manière indépendante ou coupler à des démarches opérationnelles. Dans une logique « les grands auteurs
en conduite du changement », nous livrons des synthèses des travaux de
31 auteurs.
L’ouvrage est structuré en quatre parties. L’introduction générale donne
des éléments sur les enjeux et les pratiques de la conduite du changement
dans les entreprises ainsi que la typologie des auteurs en quatre groupes. Les
auteurs sont classés sur deux axes qui répondent à deux questions que se
pose toute personne qui doit gérer un changement :
UÊ Sommes-nous face à un changement permanent ou de rupture ?
UÊ Sommes-nous face à un changement imposé ou négocié ?
Une typologie des auteurs est ainsi proposée à la lumière de deux axes
discriminatoires : l’axe de changement « Imposé versus Négocié » et « Permanent versus en Rupture ». Le croisement de ces deux axes permet d’obtenir une typologie des écrits sur le changement en quatre catégories de
changement reprise dans les quatre parties suivantes.
Le changement au cœur de l’équation managériale moderne
XIII
UÊ Partie 1 : Les concepts clés des changements continus
UÊ Partie 2 : Les concepts clés des changements proposés
UÊ Partie 3 : Les concepts clés des changements dirigés
UÊ Partie 4 : Les concepts clés des changements organisés
La conclusion générale est construite autour des apports des travaux de
Van de Ven qui propose une synthèse et une typologie des théories du
changement en entreprise.
Enfin, cet ouvrage, construit à partir de travaux de recherche, est de
nature théorique et propose différentes clés de lecture du phénomène de
changement. Pour ceux qui voudraient une approche opérationnelle en
complément, nous vous invitons à lire la deuxième édition de l’ouvrage
Méthode de conduite du changement (Autissier et Moutot, Dunod, 2013).
La deuxième édition de cet ouvrage propose de nouveaux auteurs, comme
Hatch, Kim, Kotter, Moscovici et Senge.
Introduction
A¼>BEDGI6C8:9J8=6C<:B:CI
96CHA:;DC8I>DCC:B:CI9:HDG<6C>H6I>DCH
« Il vaut mieux penser le changement
que changer le pansement. »
Francis BLANCHE
« En voulant décréter le changement,
l’immobilisme s’est mis en marche
et je ne sais plus comment l’arrêter. »
Edgar FAURE
l n’existe pas un discours de dirigeants, ou bien de managers, qui ne
fasse pas mention du changement. La campagne électorale de Barack
Obama était basée sur le changement avec le message « Yes, we can »
pour symboliser la possibilité de réaliser un changement de société
important. La thématique du changement, qui a toujours été présente
dans le fonctionnement des sociétés humaines semble aujourd’hui ne
plus être une de ses composantes mais un élément central. On parle
désormais de capacité de transformation aussi bien pour une organisation qu’un individu. Le changement apparaît comme la solution à la gestion de toutes les évolutions qu’une entreprise doit intégrer pour survivre
et se développer.
Dans une logique d’adaptation à un environnement mais également
pour construire les stratégies de différenciation sur des marchés concurrentiels, les entreprises ont toujours eu à gérer des changements. Pourtant, la façon dont elles ont appréhendé ces changements a évolué selon
des paramètres externes comme internes. D’abord préoccupées par la
question de la nécessité du changement (faut-il ou non changer ?), question qui ne se pose plus aujourd’hui, elles se sont penchées progressivement sur la conduite elle-même du changement. Ce passage de la gestion
à la conduite du changement s’est opéré dans les années 1980-1990 par
l’intervention de plusieurs phénomènes. Ainsi, « l’info-télécommunication » (le mariage de la technologie informatique et des télécommunications) a profondément modifié le fonctionnement des entreprises, en
accélérant le rythme de production et de diffusion des informations.
I
2
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
Une personne qui a son tableau de bord en temps réel se voit obligée de
modifier ses pratiques quotidiennement pour corriger le tir. Le changement n’est alors plus un événement rare mais une manifestation quotidienne qui contraint les individus à se réinventer en permanence. Le
rythme de l’activité professionnelle s’est également accru indépendamment de la charge de travail. Il faut aller vite, s’adapter, réagir, aller de
l’avant comme le témoignent les discours des dirigeants. L’exigence d’un
rythme accru s’est matérialisée dans les entreprises par la multiplication
du nombre de projets. Des projets informatiques (avec le déploiement
de progiciels de gestion intégrés et de nombreuses applications de pilotage et de portage web) mais également des projets commerciaux (nouveaux produits, nouveaux marchés), de gestion (culture de performance),
organisationnels (réingéniering des processus) et logistiques (changement d’implantations géographiques) se sont développés de manière un
peu désordonnée pouvant créer parfois des ruptures de compréhension
et d’adhésion.
Le terme « conduite du changement » a vu le jour essentiellement avec
les projets informatiques et plus particulièrement avec les projets d’implantation des progiciels de gestion intégrés (PGI ou ERP pour Entreprise Ressources Planning). Dans les années 1980-1990 l’informatique
de programmation a laissé la place à l’informatique d’éditeur. Des sociétés d’éditions de logiciels se sont développées pour offrir aux entreprises
des applications informatiques standards qu’elles n’avaient plus qu’à
paramétrer au lieu de les développer comme elles le faisaient auparavant.
Ce changement a eu pour conséquence d’adopter des méthodes de gestion de projets avec des phases d’analyse fonctionnelle auprès des utilisateurs pour recueillir leurs besoins et leur adhésion.
Parallèlement aux travaux de Kanter (1983) sur les résistances que nous
développerons dans l’ouvrage, des dispositifs d’accompagnement au
changement ont été proposés notamment par les cabinets de conseil.
Dans leur ouvrage Pratiques de la conduite du changement, Autissier et
Moutot (2003) ont montré que la conduite du changement était davantage réalisée par des cabinets externes. Ils ont proposé un modèle des
offres en conduite du changement structuré en trois approches
(Figure I).
L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations
3
CDC
instrumentée
CDC
« Gestion de projet »
CDC
Psycho-sociologique
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Figure I – Modèles de conduite du changement
La conduite du changement « instrumentée » : la plus connue, permet
de traiter des changements à large échelle à travers des kits de déploiement,
kits de formation et de communication. C’est l’offre proposée par les grands
cabinets de conseil qui propose un processus de changement avec des productions comme des plans de communication, des études d’impacts et des
plans de formation. Cette offre a été créée pour les grands projets informatiques de type ERP.
La conduite du changement « psychosociologique » : la plus complexe, permet de comprendre la culture des acteurs, de caractériser les organisations (agence, région, entreprise), d’analyser les résistances et leurs
causes profondes, les facteurs de motivation, les modes de management, les
relations sociales entre les groupes. Proposée par des cabinets de conseil de
plus petites tailles, spécialisés en ressources humaines et/ou management,
cette approche vise en général un petit nombre de bénéficiaires du changement et traite plus des facteurs de résistances que de l’accompagnement au
changement dans son ensemble.
La conduite du changement de « gestion de projet » : la plus « complète », permet de cadencer les étapes intermédiaires du changement, et
de suivre la réalisation du changement. Elle prend la forme d’un lot dans
un projet avec ses actions, son planning et son budget. Les méthodologies de gestion de projet font mention de l’importance d’un lot « conduite
du changement » sans toujours bien formaliser les actions spécifiques de
4
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
ce lot. La gestion du changement traite plus particulièrement de la communication sur le projet et du pilotage de certains points.
Les premières offres en conduite du changement étaient surtout centrées sur ce que l’on appelle les leviers de la conduite du changement à
savoir l’accompagnement des individus, la communication et la formation. Avec l’objectif de réconcilier les trois approches présentées précédemment mais aussi d’avoir une boucle de gestion classique (diagnostic,
action, pilotage ou selon la roue de Deming : Plan Do Check Act), des
modèles de conduite du changement ont été proposés, incluant une partie
diagnostic du changement, une partie sur le déploiement des leviers classiques et une partie sur le pilotage spécifique des actions de conduite du
changement et de leurs résultats. Autissier et Moutot (2013) dans leur
ouvrage Méthode de conduite du changement, aux éditions Dunod, avancent un modèle de conduite du changement organisé en deux cycles à partir d’un diagnostic. Le cycle d’accompagnement avec les leviers classiques
(études d’impacts/accompagnement, communication et formation) et le
cycle de pilotage avec un suivi de l’adhésion et de la réalisation du changement sur l’activité de l’entreprise comme le montre la figure II.
Le déploiement de plus en plus fréquent, voire parfois systématique, d’actions de conduite du changement a amené certaines grandes entreprises à se
doter de structures pérennes plus ou moins conséquentes pour accompagner
les différents projets. C’est par exemple le cas de l’entreprise EDF qui a créé
le dispositif Litchi1 (Les Instruments et Techniques du CHangement Internes) qui propose un référentiel en conduite du changement en 27 outils clés
à mobiliser en fonction des besoins du terrain. Les outils ont été formalisés et
mis à disposition des salariés de l’entreprise qui en ont besoin au moyen d’un
site Web, de sessions de formation et de mise à disposition de coachs Litchi
dans un contexte de professionnalisation. Cela a permis à l’entreprise de se
constituer un réseau interne de professionnels de la conduite du changement
pouvant intervenir sur différents projets. Cela a également permis de créer
un réseau sur le thème du changement et de disposer d’une force de réflexion
et d’action sur le sujet de la conduite du changement. L’internalisation des
compétences et la conception d’offre globale en conduite du changement
sont deux évolutions structurantes pour ce concept. Pour autant une autre
évolution de la conduite du changement se développe progressivement :
celle de la gestion de la transformation globale. Cette évolution permet de
1. Leloup R., Marty S., Autissier D., Une innovation en conduite du changement, Le projet Litchi
à EDF, Eyrolles, 2008.
L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations
5
dépasser l’orientation « projet unique » de la conduite du changement pour
l’inscrire dans un fonctionnement en mode pérenne au sein de l’organisation ainsi que sur les analyses interprojets.
d
c le
Cy
mpagnement du chan
’acco
ge m
en
t
Axe
Communication
Axe
Études d’impacts
et accompagnement
Axe
Formation
DIAGNOSTIC
DU CHANGEMENT
Axe
Gestion
des transformations
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Cyc
le de
Axe
Gestion des hommes
et des résistances
t
men
pilotage du change
Source : Autissier et Moutot (2007, p. 139).
Figure II – Méthode de conduite du changement
A:8=6C<:B:CI/JC8DC8:EIFJ>IG6K:GH:
A:HIG6K6JM9:G:8=:G8=::CB6C6<:B:CI
Il existe depuis longtemps de la part des directions générales, et des
managers de haut niveau, une volonté de maîtriser un phénomène aussi
complexe que le changement. Pour autant, il n’en reste pas moins diffi-
6
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
cile à déployer et bien souvent, le changement attendu ne se produit pas
comme prévu. Pourquoi les organisations doivent-elles changer ? Comment expliquer que ces projets de changement, pourtant finalisés avec le
plus grand soin, ne permettent pas d’atteindre les objectifs escomptés ?
Comment expliquer que, plus qu’avant, le changement soulève des réticences pour ne pas dire résistances de la part des individus composant
l’organisation ? Depuis de nombreuses années les chercheurs en management stratégique et sur le changement organisationnel ont tenté d’apporter des réponses à ces questions à travers leurs recherches.
En management stratégique, la réponse apportée à la problématique de
la maîtrise de changement s’interprète en termes de planification. Ainsi, dès
les années soixante, la littérature met en avant un dirigeant cherchant à
répondre de façon intentionnelle aux exigences de croissance du marché.
La théorie de la contingence (Burns et Stalker, 1961, Chandler, 1989,
Woodward, 1965) explique alors pourquoi le dirigeant, cherchant à assurer
les performances de son entreprise, doit mettre en cohérence les caractéristiques stratégiques, structurelles et organisationnelles de celle-ci, avec
les caractéristiques de l’environnement. Ainsi, par l’adaptation des paramètres organisationnels à l’environnement, le dirigeant peut maintenant
maîtriser l’évolution de son organisation. Cette théorie, satisfaisante dans
un environnement peu turbulent et en croissance, montre ses limites dans
un contexte plus instable, comme celui qui apparaît au début des années
soixante-dix.
Avec la libéralisation des marchés et l’intensification de la concurrence,
la réduction des coûts et l’accroissement de la compétitivité ne peuvent
être obtenus qu’au prix d’un changement radical de la stratégie, souvent
accompagné d’une transformation de la culture organisationnelle. L’organisation n’étant plus portée par la croissance du marché, il faut anticiper
les évolutions à venir, analyser le contexte organisationnel pour le
confronter aux caractéristiques à venir de l’environnement. Le but est
alors de fixer des objectifs de développement à moyen et long terme pour
ensuite réaliser des choix en matière de stratégie et les décliner en plans
d’actions annuels (Steiner, 1979). Les organisations ont ainsi des buts à
atteindre et des moyens permettant de les réaliser. Il suffit alors de suivre
les plans d’actions. Un tel changement, considéré comme risqué et peu
fréquent, ne peut être pensé et conduit que par le dirigeant, et justifié par
une situation de crise. Ce leader visionnaire est en mesure de maîtriser le
processus de changement et de mobiliser l’ensemble des acteurs de l’organisation sur son projet.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’importance du changement dans le fonctionnement des organisations
7
Au début des années quatre-vingt, ces différents courants du management stratégique (à l’image de la planification stratégique1) sont remis
en cause, montrant leur inefficacité face à un environnement devenu de
moins en moins prévisible. Les échecs des entreprises amènent des auteurs
tels Mintzberg et Waters (1985) à se poser des questions quant à la capacité des organisations à conduire des changements intentionnels. Ces derniers montrent que la stratégie réalisée d’une organisation devrait être
abordée comme le résultat d’intentions initiales, mais également de stratégies émergentes susceptibles de modifier les objectifs de départ. D’autres
auteurs, tels Quinn (1980) et Smith (1986) critiquent l’idée d’un changement radical conduit par la direction, en montrant que des ajustements
réalisés par les opérationnels, sur la base d’expérimentations, peuvent eux
aussi conduire progressivement à la transformation globale de l’organisation.
Le défi qui se présente alors aux organisations est d’être en mesure de
construire des pratiques systématiques permettant de gérer l’auto-transformation, nécessaire à l’amélioration continue des activités, au développement de nouvelles activités mais surtout à l’innovation continue.
Les auteurs défendant la « stratégie comme pratique » exposent, ainsi dans
un numéro spécial de la revue Journal of Management Studies, coordonné
par Johnson, Melin et Whittington (janvier 2003), leurs réflexions sur
cette nouvelle approche de la stratégie. Ils soulignent l’importance des
interrelations entre les acteurs, les structures et les systèmes pour mieux
comprendre la formation de la stratégie. Dans la lignée de ces travaux, et
parce qu’ils remettent au centre de l’organisation et de l’analyse de ses
performances les pratiques humaines, les théories sur le changement ont
elles aussi été revisitées.
Dans la littérature plus spécialisée sur le changement organisationnel
la réponse apportée à la maîtrise du changement se lit en termes de résistances au changement. Elles s’expliquent par le sentiment de crainte que
suscite le changement, aussi bien chez les acteurs opérationnels que chez
les managers intermédiaires. En effet, pour les opérationnels le changement
soulève beaucoup de questions : que vais-je devenir, quelle sera ma place
dans la nouvelle organisation ? La position intermédiaire des managers les
oblige, quant à eux, à « vendre », auprès de leurs collaborateurs, un projet auquel ils n’adhèrent pas forcément. Ces situations entraînent des
réactions parfois imprévues qui peuvent remettre en cause le bon dérou1. Mintzberg, Ahlstrand et Lampel (1999).
8
CONDUITE DU CHANGEMENT : CONCEPTS CLÉS
lement du processus de changement : attitude de retrait, passivité, résistances, etc. Pour tenter de canaliser ces comportements et aider les
individus à mieux appréhender le chan gement, le courant de l’Organization Development propose, dès les années soixante, des méthodes de
conduite du changement. Il suggère de planifier les périodes de changement en programmant les interventions de la direction, afin d’améliorer
le fonctionnement et les performances de l’organisation.
Cette position est remise en cause, par des auteurs comme Argyris (1995)
ou Nonaka (1994). Ces derniers montrent que le changement ne peut être
abordé comme une période particulière de la vie des organisations, un évènement rare et bouleversant. Au contraire le changement fait partie intégrante
de la vie de l’organisation et s’assimile à un processus continu d’apprentissage
favorisant l’innovation. Mais surtout pour ces auteurs, le changement ne peut
être maîtrisé par les dirigeants même si sa mise en œuvre est planifiée et pensée afin de limiter les phénomènes de résistances. Les dirigeants doivent donc
donner plus de liberté aux acteurs de l’organisation, afin qu’ils puissent être
en mesure de porter le changement et de créer des nouveaux savoirs. Parmi les
auteurs défendant ces idées, certains vont même plus loin en considérant le
changement comme un phénomène ordinaire, engagé par les personnes ordinaires qui ne font que répondre, du mieux qu’elles le peuvent aux problèmes
auxquelles elles sont confrontées dans le fonctionnement quotidien de l’organisation (March, 1981). Pour les pionniers de cette nouvelle approche du
changement organisationnel, les organisations changent continuellement, de
façon routinière et responsable. Ce changement ne peut être contrôlé, car les
organisations et les acteurs font rarement ce qui leur est imposé.
K:GHJC:86GID<G6E=>:9:HIG6K6JM
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Si l’on devait dater la notion de changement dans les écrits sur le fonctionnement des organisations, nous pourrions prendre comme point 0
l’année 1947. C’est en 1947 que Lewin a publié son ouvrage retraçant ses
expérimentations sur les changements de comportements alimentaires des
Américains lors de la deuxième guerre mondiale. Ces écrits sont toujours
d’actualité et très souvent mobilisés dans différentes démonstrations concernant les modalités pour mener et réaliser différents changements. En complément de ces travaux que l’on juge fondateurs sur le thème du changement,
de nombreux auteurs ont abordé le thème du changement en en faisant leur
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