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CHANTIER
31
G
ROUPE D
ETUDE
«
NALITE
»
Rapport final au Ministre d’Etat,
Ministre de l’Energie, de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Aménagement
du Territoire
présenté par
Jean
-
Martin FOLZ
Président du grou
pe d’étude
Chefs de projet
Doris Nicklaus
Chargée de mission
Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du
Développement Durable et
et de l’Aménagement du Territoire
Commissariat Général au Développement
Durable
Service de l’Economie, de l’Evaluation et
de
l’Intégration du Dveloppement durable
Christine Cros
Chef de département
Agence de l’environnement et de la Maîtrise
de l’Energie
Département éco
-
conception consommation
durable
Octobre 2008
2
Par lettre en date du 26 décembre 2006 (cf. Anne
xe 1), Monsieur Jean
-
Louis Borloo,
Ministre d’Etat, Ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de
l’aménagement du territoire, a confié au groupe d’étude « économie de fonctionnalité
» du
Grenelle de l’Environnement la mission de me
ttre en place «
un dispositif susceptible de
lancer une véritable dynamique en matière d’économie de fonctionnali
» définie dans le
relevé de conclusions du Grenelle comme le
remplacement de la vente de biens par la vente
de leur usage.
En effet,
l’éco
nomie de fonctionnalité peut logiquement apparaître comme voie de
développement durable
réconciliant croissance économique et environnement. Ainsi, un
producteur qui vend des biens a intérêt à en vendre le plus possible et donc à en raccourcir
la durée de
vie (obsolescence programmée) alors que le producteur qui en vend le seul
usage (service) a intérêt à en allonger la durée pour diminuer son coût de production. Dès
lors, la modification de l’origine du bénéfice pour le producteur (le bien dans un cas, la
fonction d’usage dans l’autre) apporte de profondes modifications aux modèles
économiques
: maintien de la propriété du support matériel et donc responsabilité élargie du
producteur, modification de l’organisation interne de l’entreprise et facturation en
fonction de
l’intensité d’usage. Le passage à l’économie de fonctionnalité peut ainsi ouvrir la voie à une
réduction
des consommations de ressources (réduction des flux de matières et d’énergie) et
des impacts environnementaux associés.
I.
Une étude
fondée sur l’analyse de quelques cas précis d’application de l’économie
de fonctionnalité
Le groupe d’étude (cf. Annexe 2) a rapidement constaté que la réalité du bénéfice
environnemental de l’économie de fonctionnalité méritait d’être davantage étayée p
ar
l’analyse de quelques exemples précis déjà mis en place dans les entreprises. Une étude a
ainsi été commandée au cabinet de conseil Ernst & Young (cf. Annexe 3) pour évaluer
quantitativement et qualitativement la nature et l’ampleur des bénéfices envir
onnementaux
liées à l’économie de fonctionnalité.
La méthode retenue a été de raisonner à partir de cas concrets reconnus comme
représentatifs de l’économie de fonctionnalité, et de comparer les flux de matière et
d’énergie consommés par l’activité de vent
e de l’usage du bien (vente de service) aux flux de
matière et d’énergie consommés par une activité dite «
de référence
» qui correspondrait à la
vente de ce même bien. L’ensemble de ces cas relève d’une activité d’entreprise à
entreprise («
business to bu
siness
» ou «
B to B»). La comparaison de ces deux scénarios a
eu pour objectif d’identifier les gains potentiels pour l’environnement et d’en comprendre
l’origine. L’étude a également eu pour vocation d’identifier les enjeux économiques,
financiers et c
omptables du passage du modèle d’économie classique à l’économie de
fonctionnalité.
Les évaluations ont été menées selon une logique d’analyse du cycle de vie simplifiée
par rapport aux exigences de la norme ISO 14040
: elles n’ont en effet pas cherché à
évaluer tous les flux, mais se sont focalisées sur les flux de matières, d’énergie et de gaz à
effet de serre. En particulier, les impacts relatifs à la toxicité n’ont pas été évalués.
3
II.
La méthode et les résultats de l’étude micro
-
économique (cf.
Annexe 3)
L’étude a été menée sur 5 entreprises identifiées
a priori
comme représentatives de la mise
en place d’un système d’économie de fonctionnalité. Il est finalement apparu que trois
d’entre elles entraient effectivement dans le schéma
:
Xerox
: entr
eprise qui, pour une partie minoritaire de son activité, vend un service de
gestion complète des impressions en environnement de bureau en assurant la
rationalisation, la mise à disposition et la maintenance des équipements, le support
aux utilisateurs, la
gestion des consommables et la récupération de fin de vie des
équipements d’impression multimarques chez le client
;
Michelin
: entreprise qui, pour une partie minoritaire de son activité, propose un
service d’usage de maintenance des pneus chez ses clien
ts dans le domaine du fret
routier. Elle assure le regonflage, le recreusage, et le rechapage des pneus ainsi que
leur récupération en fin de vie.
Elis
: entreprise qui, pour la majorité de son activité, propose un service de location
/
entretien d’article
s textiles, l’activité étudiée étant spécifiquement celle de location
/
entretien de vêtements de travail.
Pour l’ensemble de ces trois entreprises, l’étude a montré que
le système «
économie de
fonctionnalité
» se traduisait par la réduction des flux de
matière et/ou d’énergie
. La
prestation de service de Xerox permet de réduire d’environ 1/3 les émissions annuelles de
gaz à effet de serre lors de l’usage par rapport à la solution d’achat de copieur. La prestation
de service de Michelin permet de réduire
de manière significative la consommation du
nombre de pneus et les consommations de carburant des camions. La location de vêtements
d’Elis permet de réduire environ de moitié les consommations d’énergie ou émissions de
CO
2
par rapport à une solution d’ach
at de vêtements avec un entretien professionnel interne
et de diviser par dix environ les consommations d’eau. Elle permet aussi de réduire le
nombre de vêtements utilisés.
III.
Les enseignements de l’étude
L’économie de fonctionnalité recouvre des réa
lités très différentes selon les entreprises. Les
expériences menées par les entreprises étudiées se rejoignent néanmoins toutes sur un
point
: l’organisation d’un nouveau modèle économique qui est parti d’une réflexion autour de
la fonction du produit et
de sa place dans le processus de l’entreprise cliente. Ces réflexions
ont ensuite débouché sur des modèles économiques différents. C’est ainsi qu’il serait plus
pertinent de parler d’économie
S
de fonctionnalité.
Ces économies de fonctionnalité se caractér
isent par des principes communs qui permettent
des gains environnementaux résultant de moindres consommations de ressources et d’une
réduction des impacts environnementaux associés
:
professionnalisation de la maintenance
;
modification des caractéristiqu
es techniques du bien
;
rationalisation de l’utilisation.
Les économies de fonctionnalité résultent d’équilibres différents entre ces principes et des
niveaux de performances choisis pour chacun.
Les risques inhérents à la complexification de la logistique
et de la «
supply chain
» doivent
par ailleurs être envisagés.
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III.1.
-
Les impacts environnementaux
On peut identifier plusieurs types d’intérêts environnementaux.
:
Une réduction des flux liés à l’usage du produit grâce à une
professionnalisation de
la maintenance
. Cette optimisation de la maintenance
pourrait être effectuée par le consommateur du service lorsqu’il détient le produit,
mais l’enjeu économique relatif est dans certains cas trop faible pour qu’il y accorde
un véritable intérêt. Le passag
e à une gestion externalisée entraîne un changement
d’échelle qui rend possible une optimisation économique en diminuant les coûts. Il
revient au contrat de service de répartir le surplus généré de façon appropriée entre
les deux parties.
Pour l’environn
ement, cette dimension est particulièrement intéressante
lorsqu’il s’agit d’un produit dont les impacts les plus importants sont liés à la
phase d’utilisation
. Il y a un risque d’augmentation de la consommation d’énergie
liée à l’accroissement des déplace
ments pour raisons de maintenance mais il n’a
pas été confirmé. En effet, l’augmentation des transports a été compensée dans ces
cas par une meilleure rationalisation de la logistique.
Une recherche d’allongement de la durée de vie des produits pour réduir
e les
coûts
1
de remplacement.
Cette recherche est particulièrement intéressante pour
l’environnement lorsque la phase de fabrication est principalement génératrice
d’impacts sur l’environnement. Cependant, l’allongement de la durée de vie génère
une écono
mie de matière sur le cycle de vie, même si cet allongement n’entraîne pas
nécessairement des impacts environnementaux toujours positifs.
Une optimisation du comportement économique de l’utilisateur grâce à une
meilleure perception du coût global d’un pro
duit (encore dénommé coût de
possession)
. Le coût global recouvre les coûts d’investissement, d’installation, de
fonctionnement, de maintenance et de gestion de fin de vie des produits. Or dans
une entreprise, ces coûts sont souvent gérés par des entités d
ifférentes et qui n’ont
pas les mêmes horizons de temps, ce qui ne permet pas une bonne connaissance
des coûts globaux. Un prestataire de service va mieux révéler ces coûts globaux car
il les intègre nécessairement dans la facturation de son service.
Cette
manière d’identifier et de gérer le coût global de manière lissée présente deux
types d’intérêts liés à deux origines :
-
la transparence des coûts globaux conduit souvent à la réévaluation
des coûts liés à l’usage du produit et donc à l’organisation d’une
réduction de ces coûts
;
-
une entreprise ne peut pas toujours raisonner en coût global, même si
c’est plus intéressant économiquement. En effet, elle doit faire face à
des contraintes de financement et ne peut pas toujours engager de
nouveaux investisseme
nts même rentables. Pour le client, le passage
à l’achat de la prestation de service lui permet d’assumer les coûts
globaux de manière lissée dans le temps et donc de choisir en
minimisant davantage le coût global.
1
Elle peut se traduire par une plus grande solidité des produits mais aussi par une conception
optimisant la réutilisation et le recyclage des produits une fois qu’ils sont arrivés en fin de vie.
5
Une réduction du nombre de produits con
sommés grâce à un meilleur taux
d’usage des produits mis à disposition
. Dans un cadre professionnel, cette
réduction résulte soit d’une croissance du nombre d’utilisateurs, soit d’une offre
multiservice (exemple
: copieur jouant également un rôle d’impri
mante). Ces objets
multi
-
fonctionnels conduisent à l’intensification d’usage des biens et participent de la
réduction du nombre de produits. La multiplication des services est à double
tranchant
: l’addition de plusieurs services pour un même produit perme
t de réduire le
nombre de supports physiques car un seul produit permet de remplir les fonctions
auparavant réalisées par deux produits, mais si les modules des services associés au
produit ne sont pas facilement séparables une obsolescence du produit peut
s’enclencher précocement en raison du manque de performance d’une seule de ces
fonctions.
Tous ces bénéfices environnementaux ne sont pas nécessairement rassemblés dans le
cadre d’une seule expérience d’économie de fonctionnalité.
En revanche,
la réductio
n des
flux de matières et d’énergie liés à l’usage du produit
a été systématiquement mise en
évidence pour les trois expériences d’économie de fonctionnalité étudiées
.
De façon plus générale, il semble que l’enjeu essentiel de la mise en place de l’écono
mie de
fonctionnalité doive être apprécié en terme de
productivité des ressources
(produire plus
de valeur ajoutée en utilisant moins de matière et d’énergie)
III.2.
-
Le modèle économique
Le passage de la vente d’un produit à la vente de l’usage de ce p
roduit sous la forme d’un
service s’accompagne d’une
modification de la nature de l’activité
: le producteur passe
d’une obligation de vente d’un bien en bon état à une
obligation de résultats dans la
durée sur les performances concernant l’utilisation du
produit
. La proximité des
équipes assurant la maintenance et la conception, au sein de la même entreprise, et leur
partage d’un intérêt économique commun, renforce la réflexion de toute l’entreprise sur le
produit lui
-
même et son amélioration.
Dans tous
les cas étudiés,
le retour d’expérience issu de l’activité de service est
considéré comme un élément important pour l’activité de recherche et développement
de l’entreprise, quel que soit son modèle économique (économie de fonctionnalité ou non).
Cela n’e
ntraîne toutefois pas toujours un intérêt environnemental (cf. infra).
Le
passage à une prestation de service
résulte avant tout d’une recherche d’avantages
concurrentiels et non pas d’une réduction des impacts environnementaux. Ce
passage
est
d’ailleurs
généralement très
progressif
: on vend le bien, ensuite on le vend en lui associant
un service et on finit par ne plus vendre que le service. L’économie de fonctionnalité peut
être ainsi considérée comme
l’aboutissement ultime d’une stratégie de différenci
ation
poussant progressivement l’entreprise à s’engager vers une garantie de performance.
Le client contribue à la performance du service à travers l’utilisation qu’il fait du bien dont il a
l’usage. Le producteur ayant une obligation de résultat (performa
nce), le contrat de service
doit nécessairement comporter des
clauses
définissant les conditions d’utilisation
«
normales
», et précisant les dispositions applicables en cas
d’une utilisation anormale
.
De même, les conditions de révision des prix doivent
être anticipées. Ces conditions sont
indispensables pour assurer la
pérennité de la relation contractuelle
. La stabilité de la
relation commerciale est habituellement recherchée mais elle joue un rôle déterminant pour
le passage à l’économie de fonctionnal
ité car un producteur ne s’engagera pas dans une
telle démarche s’il ne dispose pas d’un minimum d’assurances sur la pérennité de la relation.
Pour assurer la réussite de l’économie de fonctionnalité dans l’entreprise, le
producteur doit également accepte
r des évolutions liées au métier
. En effet, les
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