Prévenir et gérer les risques pour l'activité FICHE 3M Lutter contre les changements climatiques et la hausse du coût des matières premières Entrer dans l'économie de la fonctionnalité La logique de l'économie de la fonctionnalité se fonde sur la vente de l'usage des fonctionnalités associées à un bien plutôt que la vente du bien lui-même. L'entreprise est ainsi amenée à maximiser la durée d'utilisation de ce bien et de ses fonctionnalités, puisque c'est la durabilité de ces usages qui va générer le revenu et la création de valeur. Il s'agit de passer de la vente d'un produit dont on suppose les qualités d'usage, ou d'un service dont on suppose l'effet, à la vente d'une prestation mobilisant de manière intégrée des produits et des services afin de répondre le plus efficacement possible à une attente en termes d'effets systémiques que produit la solution. Pour donner un exemple simple, il s'agit de passer de ventes de chaudières au gaz, de services d'installation, ou de services de maintenance… pris séparément les uns des autres, à la vente d'une prestation permettant d'obtenir une chaleur dans un temps et un espace donnés, tout en réduisant la consommation d'énergie, cet espace pouvant être un appartement, un local professionnel ou un équipement productif particulier. Cette économie émerge dans un contexte qui se caractérise par quatre dimensions principales : • La recherche de nouveaux gisements de développement par des entreprises confrontées à un contexte de croissance faible et par une intensité concurrentielle de plus en plus élevée. • L’institutionnalisation progressive du Développement Durable qui, malgré les controverses dont il fait l’objet, contribue à l’instauration de nouvelles conventions productives comme celle de l’éco-efficience par exemple. • L’émergence de nouveaux modèles de consommation, générateurs de comportements renouvelés en la matière (consommation responsable, consom’action… voir FUCHS et al, 2005). • Le développement de l’innovation de services en direction de l’usager, qui consiste à offrir une architecture nouvelle de moyens, d’informations et de relations pour offrir des « solutions » qui produisent des effets utiles pour le client (BARCET et al, 2002). Cette orientation pour le développement constitue ainsi un vecteur puissant pour une intégration accrue du Développement Durable dans la stratégie des entreprises. Le bien est en effet considéré comme un actif de l’entreprise, dont l’usage va générer de la valeur, plutôt que comme une sorte de « consommable » qui doit être cédé pour générer un chiffre d’affaires. Dans cette perspective, il s’agit d’optimiser l’utilisation de ces biens et des fonctionnalités qui leur sont associées, en créant une valeur d’usage la plus durable possible, tout en minimisant l’utilisation des ressources et des matières engagées dans cette production (LAURIOL, 2007). L’entreprise est alors amenée à prendre soin du bien en question et des ressources qu’il engage tant au niveau de la conception de l’offre, afin de minimiser ses coûts de production et d’utilisation, que de sa maintenance de manière à garantir une durée d’utilisation au meilleur coût. Il en est de même pour le recyclage et la réutilisation des ressources engagées, puisque ce modèle de l’économie de la fonctionnalité intègre également une « deuxième boucle » dans le cycle de production de la valeur qui consiste en la récupération, le recyclage et la réutilisation des matières consommées pour les valoriser à nouveau (MONT, 2002). Source : Développement durable et économie de la fonctionnalité : une stratégie renouvelée pour de nouveaux enjeux, Jacques Lauriol, in L'économie de la fonctionnalité, une voie pour articuler développement économique et développement durable, 2009 CIRIDD – 60 rue des A c iéries – 42000 Saint-Étienne – Tel 04 77 92 23 40 1 Ce mode de fonctionnement permet donc une réduction des flux de matières premières et d'énergie tout en assurant le dynamisme économique. Selon Erkman, cette approche est caractérisée par quatre principes : • la prévention, qui consiste à concevoir les produits dès le départ pour durer longtemps, exact contre-pied de l’obsolescence incorporée dans le produit par le biais de la mode. Cette préoccupation s’accompagne d’une conception modulaire et standardisée ; • l’entretien, qui permet de prolonger la durée d’utilisation ; • l’utilisation «en cascade» où l’on réutilise les biens usagés pour des fonctions moins exigeantes ; • des services de revente permettant aux entreprises qui veulent se débarrasser d’un équipement d’en assurer la réutilisation par utilisation en cascade ou démontage. Safechem, filiale allemande de 28 salariés de Dow Chemicals, proposait des solvants chlorés pour le dégraissage des pièces métalliques. Le chlore n'est pas véritablement apprécié par la faune et la flore et au milieu des années 90, la pression des écologistes auprès du législateur et des entreprises commençait à se faire sentir. Les ventes s'érodaient inexorablement. Karl Stützle, en charge de cette problématique, constate que les clients n'achètent pas le produit pour son poids (sa quantité) mais pour le service rendu (le dégraissage). Son objectif se transforme : il propose de changer d'objectif pour son entreprise : ne plus vendre un maximum de solvant mais un maximum de service de dégraissage des pièces métalliques. Le solvant devient alors un élément de la prestation et celui-ci est vendu dans un circuit fermé : on livre au client final deux containers, l'un rempli de solvant et l'autre vide. On les branche tous deux hermétiquement à un bac de lavage. Une fois l'opération terminée, Safechem récupère les deux containers. 92 % du contenu du liquide usagé est recyclé. Une même molécule de solvant qui, auparavant, n'était utilisée qu'une seule fois avant de se retrouver en pleine nature, va servir une centaine de fois. Les quantités de solvant chloré utilisées sont passées de 25 tonnes par an et par client en 1988 à 2 tonnes en 2002. Les coûts d'emballage ont également été drastiquement réduits puisque les containers en acier sont réutilisés à l'infini. Alors que la société ,e représentait que 6 % du marché allemand en 1994, elle pèse plus de 50 % en 1999. Source : 80 hommes pour changer le monde, Darnil et Le Roux, 2005 CIRIDD – 60 rue des A c iéries – 42000 Saint-Étienne – Tel 04 77 92 23 40 2