la postcharge contribuent à l’augmentation du volume d’éjec-
tion systolique. La tachycardie, due notamment à une augmen-
tation du tonus catécholergique, est l’autre mécanisme principal
à l’origine de l’augmentation du débit cardiaque, qui débute lors
du premier trimestre puis atteint 30 à 50 % du cinquième mois
jusqu’à la fin de la grossesse
[1, 2]
. L’accouchement par voie
basse représente un stress hémodynamique supplémentaire car
le débit cardiaque augmente jusqu’à 10 à 11 l/min lors des
contractions utérines, ce qui représente un doublement par
rapport au débit cardiaque en dehors de la grossesse
[2]
. Après
l’accouchement, les conditions hémodynamiques ne se norma-
lisent qu’après3à5jours. La levée de la compression de la
veine cave inférieure par l’utérus ainsi que le transfert du sang
du placenta et de l’utérus dans la circulation veineuse concou-
rent alors à une augmentation marquée de la précharge.
L’augmentation de la précharge, la diminution de la post-
charge et l’augmentation du débit cardiaque sont bien compen-
sées par un cœur normal
[3]
. La grossesse s’accompagne d’un
remodelage ventriculaire gauche transitoire caractérisé par une
augmentation de la masse ventriculaire gauche indexée d’envi-
ron 25 % avec une préservation de la fonction systolique
[3]
.En
présence d’une cardiopathie, la tolérance est souvent bonne
durant le premier trimestre et les signes de mauvaise tolérance
apparaissent ultérieurement. En cas d’obstacle sévère du cœur
gauche, l’augmentation du débit cardiaque associée à la vasodi-
latation artérielle peut être cause de défaillance cardiaque ou de
syncope. La vasodilatation artérielle explique aussi la majoration
de la désaturation artérielle dans les cardiopathies cyanogènes.
Enfin, dans la majorité des cardiopathies opérées comportant
des cicatrices sur les oreillettes et les ventricules, la surcharge
volumétrique induit un « stretch » supplémentaire des fibres et
une femme ayant une cardiopathie, même guérie, peut déve-
lopper des troubles du rythme pendant la grossesse et
l’accouchement.
La grossesse s’accompagne de modifications de l’hémostase,
avec une augmentation des facteurs de la coagulation et du
complexe thrombine-antithrombine III, une diminution de la
protéine S et une altération de la fibrinolyse
[4]
. Comme le
risque de thrombose veineuse, le risque thromboembolique
artériel est accru dans les cardiopathies congénitales cyanogènes
ou en présence d’une prothèse valvulaire mécanique.
■Cardiopathies congénitales
Problèmes communs aux cardiopathies
congénitales
L’incidence des cardiopathies congénitales est d’environ 5 à
8 pour 1 000 naissances vivantes. Avant l’avènement de la
chirurgie à cœur ouvert, 60 % des enfants atteints de cardiopa-
thie congénitale décédaient. De nos jours, 70 à 80 % atteignent
l’adolescence et l’âge adulte. Leur nombre est estimé à plus de
500 000 patients aux États-Unis et leur prise en charge, parfois
complexe, a fait l’objet de recommandations
[5]
. La majorité des
patients ayant une cardiopathie congénitale bénéficie actuelle-
ment d’une cure chirurgicale dans la première année de vie.
Avec la raréfaction des cardiopathies rhumatismales, les cardio-
pathies congénitales sont devenues les cardiopathies les plus
fréquentes pendant la grossesse.
Évaluation initiale
L’évaluation pré-partum est fondamentale mais difficile pour
plusieurs raisons. Les symptômes sont souvent minimisés par la
femme ayant un désir de grossesse. L’échocardiographie ne
fournit souvent que des renseignements qualitatifs. L’évaluation
à l’effort donne cependant un bon reflet de la capacité d’aug-
mentation du débit cardiaque. Lors de cette consultation,
idéalement, le traitement médical est à adapter. Les questions
auxquelles il faut répondre selon le type de cardiopathie
concernent le risque de troubles du rythme, de thrombose, de
dissection, d’insuffisance cardiaque, d’endocardite et de récur-
rence de la cardiopathie congénitale chez le fœtus
[5, 6]
.
Situations à risque
Les études portant spécifiquement sur les cardiopathies
congénitales maternelles sont peu nombreuses car ces cardiopa-
thies sont relativement rares et surtout très diverses. Ainsi dans
les études regroupant des cardiopathies congénitales, des
pathologies de gravité très variable sont rapportées, ce qui
donne plus de poids aux facteurs non cardiologiques. L’étude
multicentrique de Toronto
[7, 8]
a fait l’objet de plusieurs
publications : 276 grossesses chez 220 femmes ayant une
cardiopathie congénitale, valvulaire ou rythmique ont été
étudiées dans la première expérience. Les facteurs de risque
individualisés étaient la cyanose, une classe fonctionnelle II ou
plus de la New York Heart Association (NYHA) avant la gros-
sesse, une dysfonction myocardique, la présence d’une obstruc-
tion du cœur gauche, et des antécédents d’arythmie et
d’événements cardiaques maternels. Le pourcentage d’événe-
ments maternels était de 3 % en l’absence de facteur de risque,
de 30 % en présence d’un facteur et de 60 % en présence de
deux facteurs ou plus. Les événements maternels étaient la
décompensation cardiaque, les troubles du rythme, ou un
accident ischémique transitoire. Les complications fœtales
étaient nombreuses. La classe fonctionnelle maternelle ou la
cyanose prédisaient la survenue de complications néonatales.
Dans une étude monocentrique comportant 90 grossesses
chez des femmes ayant des cardiopathies congénitales diverses,
le risque d’événement maternel était de 19,4 %
[9]
. Les facteurs
de risque identifiés étaient les mêmes que pour l’étude de Siu
auxquels s’ajoutaient la défaillance du ventricule sous-
pulmonaire et la présence d’une fuite pulmonaire résiduelle
volumineuse. La récurrence des cardiopathies chez le fœtus était
de 7 %, ce qui est rapporté habituellement dans les données de
la littérature (autour de 4 % pour les tétralogies de Fallot et
autour de 10 % dans les obstructions du cœur gauche)
[10]
.
Le suivi de la grossesse doit être multidisciplinaire et il est
souhaitable que les patientes à haut risque accouchent en
maternité de niveau 3, mais également en présence d’un
environnement cardiologique. Récemment il a été montré que
le déclenchement de ces patientes n’a pas d’effet adverse (pas
plus de césarienne ni de souffrance fœtale) ce qui permet de
planifier au mieux la prise en charge des femmes ayant des
cardiopathies complexes.
Cardiopathies à haut risque
Syndrome d’Eisenmenger
Il s’agit d’une situation où un shunt gauche-droite large a été
laissé en place entraînant une artériolite pulmonaire avec
augmentation des résistances artériolaires pulmonaires qui sont
supérieures aux résistances systémiques. À terme, le shunt
devient droite-gauche entraînant une cyanose, une polyglobulie
réactionnelle et une incapacité fonctionnelle d’effort. Le risque
vital maternel est majeur à toutes les étapes. L’inadaptation est
due au caractère fixé des résistances artérielles pulmonaires. La
cyanose se majore durant la grossesse et il existe un risque de
syncope lors du travail et de la délivrance. En post-partum, le
risque de décès par mécanisme thromboembolique persiste
jusqu’au huitième jour. Jusqu’à 50 % de décès sont rapportés
dans la littérature
[11]
. Parallèlement, le risque d’interruption
thérapeutique de grossesse est de 7 %, comme dans toute
chirurgie non cardiologique dans cette pathologie. Si la gros-
sesse se poursuit, l’héparine est conseillée dès la 20
e
semaine et
une surveillance accrue de la croissance fœtale est nécessaire.
L’analgésie péridurale est contre-indiquée en raison de la
vasodilatation induite. Enfin, la césarienne augmente le risque
vital (75 % de décès)
[12]
. Le syndrome d’Eisenmenger constitue
donc une des rares contre-indications formelles à la grossesse.
5-044-A-10
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Cardiopathies et grossesse
2Gynécologie/Obstétrique
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